Intervention de Luc Rémont

Commission des affaires économiques — Réunion du 26 octobre 2022 à 9h00
Audition de M. Luc Rémont candidat proposé par le président de la république aux fonctions de président-directeur général pdg d'électricité de france edf

Luc Rémont :

Merci pour ces questions très nombreuses et précises, je vais essayer d'y répondre sans en oublier, et j'espère avoir l'occasion de compléter ce que je vous dis aujourd'hui, en revenant devant vous.

Mon passé détermine-t-il mon avenir, Monsieur Tissot ? J'ai fait beaucoup de choses, pas toujours bonnes comme tout le monde - mais j'ai toujours eu pour objectif de trouver les voies et moyens de développer l'activité des entreprises pour lesquelles j'ai travaillé. J'ai été formé pour cela avec des mentors comme le ministre Francis Mer, qui m'ont appris à développer l'activité, à me placer dans cette perspective. Dans certaines circonstances, cela passe par l'ouverture du capital à des actionnaires diversifiées ; dans d'autres, il vaut mieux se recentrer sur un seul actionnaire : c'est le cas ici, l'État est un actionnaire de long terme, c'est favorable pour réaliser des investissements de long terme.

L'articulation entre les EPR2 et les SMR mériterait un long développement, Monsieur Moga. Nous tirons les leçons de deux décennies passées - à Flamanville, Olkiluoto et Hinkley Point C - à fabriquer les premiers EPR - avec des difficultés industrielles et organisationnelles - pour réussir l'industrialisation. Je crois qu'il est souhaitable, dans cette filière comme dans d'autres, de disposer d'un portefeuille de solutions qui permettent de s'adapter aux besoins des clients et des pays. Même si les SMR ne sont pas au même niveau de développement que les EPR2, pour la France comme pour l'étranger, il est souhaitable de proposer des SMR, où la France bénéficie de son expérience tirée en particulier de la propulsion nucléaire navale, pour servir le pays mais aussi les exportations : nous allons pouvoir présenter différents types de réacteur, et différents types de puissance, c'est un atout.

Monsieur Gay, l'Arenh est à bout de souffle, il a préservé les clients français d'une hausse excessive de prix, mais il n'a pas créé de concurrence réelle puisqu'il n'y a pas d'investissements en dehors de ceux d'EDF. Il faut donc réformer le système. Comment faire ? N'étant pas dans l'entreprise, je n'ai pas tous les éléments, mais c'est un travail à réaliser avec les équipes d'EDF. C'est bien l'orientation que je prendrai dans mes discussions avec les pouvoirs publics.

Madame Berthet, vous me demandez quel est l'avantage de passer de 84 % à 100 % du capital détenu par l'État : c'est plus favorable pour qu'EDF dépasse les difficultés opérationnelles du moment, reprenne un niveau de production élevé et se projette à long terme. Avoir un seul actionnaire simplifie la capacité de regarder à long terme. Sur l'hydroélectricité, je n'ai pas tous les éléments, la pérennisation est nécessaire, je travaillerai sur les modalités techniques pour qu'EDF trouve un accord, poursuive ses projets et se projette à long terme, en lien avec les collectivités territoriales, qui sont un partenaire essentiel de cette activité.

Comment passer de l'introduction d'EDF en bourse à sa renationalisation ? Monsieur Buis, en toute chose il faut être souple, dans l'intérêt de l'entreprise, et l'on mûrit avec l'âge... Nous sommes effectivement face à une pénurie de main d'oeuvre, il faut des ingénieurs mais aussi des soudeurs nucléaires - or un soudeur nucléaire, il faut trois ans pour le former. Nous parlons de métiers industriels, j'en connais les difficultés de recrutement - et à Schneider Electric, nous formons une dizaine de milliers d'électriciens pour que les métiers de l'électricité perdurent. L'industrie navale a fait cela à tous les niveaux - ouvriers qualifiés, techniciens et ingénieurs -, il en va de même pour le nucléaire - au travers du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) notamment. Je soutiendrai activement la formation, le monde professionnel a besoin de voir le président d'EDF très actif sur cet enjeu, c'est décisif pour l'activité qui, sans renouvellement des professionnels, perd toujours plus de temps dans son développement.

Madame Artigalas, les concessions hydroélectriques sont un élément clé du programme stratégique d'EDF, je vous en préciserai l'actualité lorsque j'aurai travaillé sur le sujet avec les équipes d'EDF.

Madame Gacquerre, le tarif de l'électricité pour les ménages est un sujet très délicat car, depuis vingt à trente ans, les 58 réacteurs nucléaires ont fourni une énergie très compétitive. Nous entrons dans un nouveau cycle et, pour préparer l'avenir, chacun doit mettre du sien : l'entreprise, en restant performante, c'est mon travail ; la Nation, en renouvelant ses capacités de production ; les clients ou les usagers, selon le vocable que vous préférez, à travers le tarif. Notre parc de 58 réacteurs a été construit pratiquement sans financement public, il a été financé par les clients, et on l'a fait en évitant les fluctuations exagérées des prix. Les clients financent le cycle complet, y compris l'aval du traitement des déchets nucléaires, c'est une nécessité pour la filière. Sur les déchets nucléaires, je ne connais pas encore tous les éléments des projets, mais c'est une mission très importante et je compte bien travailler sur l'ensemble du cycle du nucléaire, avec les entreprises ou organismes extérieurs pour nous assurer de la cohérence de la filière nucléaire sur ce sujet.

Madame Férat, la concertation que vous citez embrasse des questions qui concernent les pouvoirs publics au-delà de l'entreprise - et les résultats de cette concertation seront à prendre en compte par le Gouvernement, ils feront partie de la négociation qu'EDF aura avec le Gouvernement. Ils ne peuvent pas être uniquement pris en compte par l'entreprise.

Monsieur Duplomb, merci d'avoir l'intention de me donner votre voix. L'exemple que vous citez est saisissant, je n'ai pas de solution dans l'immédiat à proposer à ce repreneur d'une scierie, vous le comprendrez bien - ce qui ne m'empêche pas de considérer que la situation n'est pas satisfaisante... Je n'ai pas de baguette magique, mais j'entends trouver des solutions à ce type de problème même si EDF doit travailler dans les règles de marché fixées ; j'en ai une certaine habitude, les PME étant nombreuses parmi les clients de Schneider Electric.

Monsieur Menonville, le déploiement des EPR relève de la concertation, avec le Gouvernement et les collectivités territoriales, elle prend du temps. Il faut prendre en compte les problématiques d'autorisations. Nous avons su construire 58 réacteurs nucléaires en 20 ans, je ne crois pas que nous soyons capables en tant que Nation de recommencer, ceci pour des raisons industrielles qui regardent EDF et la filière nucléaire mais aussi parce que nous n'avons plus cette capacité nationale à construire - nous en aurons pourtant besoin. Nous aurons besoin de tout le monde pour répondre à l'exigence de nouvelles capacités nécessaires pour accompagner électrification et le renouvellement du parc. Les travaux d'accélération en cours sur les énergies nucléaires doivent aussi concerner l'énergie nucléaire. Je ne connais pas le détail de Cigéo, je ne manquerai pas de revenir vers vous lorsque j'aurai travaillé sur ce sujet avec les équipes.

Madame Blatrix-Contat, le projet d'EPR à Hinkley Point C, au Royaume-Uni, est important pour EDF, qui est un acteur important du marché britannique, et il est important aussi pour le développement de notre filière, qui connaît actuellement un creux - car quand vous n'avez pas d'activité, vous détruisez la filière ; je me rendrai donc sur place et suivrai ce dossier de très près. S'il existe des aléas et des difficultés, comme tous les projets, alors nous y ferons face et nous les relèverons. La relation avec l'Allemagne, ensuite, est très importante, nous devons construire un nouveau consensus énergétique, il y a des divergences claires à exprimer et à aplanir, pour construire le consensus européen, sur l'électricité mais aussi sur l'énergie plus généralement.

Vous qualifiez mon profil d'« ultralibéral », Monsieur Mérillou ? L'un de mes collègues me disait que j'étais surtout un « ultra humaniste »... En réalité, je crois à la réussite de l'entreprise, elle se développe par ses projets et par sa capacité à les accomplir. Voilà ce à quoi je crois. Je n'arrive pas avec un plan prédéfini. Mon mandat, c'est de faire réussir EDF.

Monsieur Montaugé, je n'ai pas l'habitude de raisonner sur l'organisation avant d'avoir défini les objectifs, car cela me semblerait raisonner à l'envers. J'ai résumé mon projet d'un opérateur qui réussit dans ses trois métiers fondamentaux : trouver des solutions pour les clients, maintenir une production diversifiée et développer des réseaux - et c'est par leur fonctionnement en synergie que je pense fonder la réussite d'EDF.

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