Intervention de François Marc

Réunion du 21 juin 2011 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

Photo de François MarcFrançois Marc :

Les décisions fiscales avaient en outre pour but de libérer des gisements d’emplois afin de parvenir au plein emploi. Rien de tel en vue ! Certaines zones d’emploi sont même en pleine souffrance économique avec des taux de chômage de 15% ou %16 %. Les Français ont des raisons de déchanter...

S’agissant du pouvoir d’achat, le « choc de confiance » ne s’est manifestement pas produit dans le sens voulu. Ainsi, 56 % des Français pensent que leur pouvoir d’achat va baisser au cours des trois prochains mois. Avec des salaires qui stagnent – alors que ceux des patrons du CAC 40 ont augmenté de 24 % en 2010 –, il n’y a en effet pas de quoi être confiant !

Le Gouvernement nous avait promis une « économie de ruissellement ». Or les chiffres de l’INSEE sont sans appel : en France, les inégalités se creusent par le haut et la société évolue « en sablier ». Depuis 2003, l’écart de niveau de vie s’est accentué entre les plus pauvres et les plus aisés, ces derniers jouissant de l’accroissement constant des loyers et de l’envolée des dividendes.

Avec ce projet de loi de finances rectificative, on continue à privilégier 0, 01 % des ménages et on fait délibérément le choix de la rente, et non pas celui de l’intérêt des salariés.

Quant à l’argument, souvent évoqué, de la compétitivité fiscale pour réduire les risques d’expatriation ou l’exil des contribuables, il ne tient pas non plus.

Dois-je rappeler que les recettes totales de l’ISF dépassent tout juste 3 milliards d’euros, soit à peine plus de 0, 3 % des 900 milliards d’euros de patrimoine imposable ? Cessez donc de faire croire que l’ISF tue l’esprit d’entreprise et menace l’équilibre économique du pays, d’autant que vous savez tout aussi bien que nous que la fiscalité du patrimoine individuel n’a strictement rien à voir avec le choix de localisation des entreprises.

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2011 indique clairement que les considérations fiscales ne sont pas à l’origine des départs de France des contribuables assujettis à l’ISF. Non seulement le nombre des départs n’a pas diminué depuis l’instauration du bouclier fiscal, alors que c’était l’objectif affiché, mais la majorité d’entre eux s’expliquent par des raisons professionnelles et non pas fiscales.

Pour l’anecdote, je vous renvoie également, mes chers collègues, à une étude du Crédit Suisse qui place la France au troisième rang des pays de résidence des millionnaires dans le monde, après les États-Unis et le Japon !

Votre stratégie, monsieur le ministre, a donc non seulement mené à l’échec par rapport aux objectifs annoncés, mais elle a aussi, et c’est terrible, coûté 60 milliards d’euros de baisses de recettes au budget de l’État. « Vous ne regretterez pas l’investissement que la France fait aujourd’hui », nous disait-on en 2007. Par « investissement », on entendait alors la multitude de cadeaux fiscaux consentis aux plus aisés…

En fait, à travers sa stratégie fiscale inconséquente, le Gouvernement a fragilisé nos finances publiques dans des proportions inédites. La dette française, qui s’élevait à 910 milliards d’euros en 2002, était déjà passée à 1 152 milliards d’euros en 2006 et atteignait 1 591 milliards d’euros à la fin de 2010. Elle aura doublé en dix ans, ce qui est considérable.

Le déficit de l’État représentait en 2010 plus de la moitié des dépenses réelles du budget général.

Pour 2011, vous venez tout récemment de le réviser, monsieur le ministre du budget, pour l’établir à 92, 2 milliards d’euros. Les déficits de la France continuent donc de se creuser.

Pour autant, le Gouvernement ne renonce nullement à sa doctrine, car, on l’a bien compris, la réforme de la fiscalité du patrimoine dont nous débattons ici revient tout bonnement à remplacer un cadeau par un autre.

Les 200 000 redevables détenant 1, 7 million d’euros de patrimoine verront ainsi leur ISF diminuer de 79 %. Quant aux très grandes fortunes, qui possèdent environ 37 millions d’euros de patrimoine, leur ISF sera abaissé de plus de 50 % par rapport à 2009. C’est un véritable jackpot pour les plus fortunés !

La désinvolture manifestée paraît d’autant plus surprenante que Bruxelles demandait encore récemment à notre pays de « redoubler d’efforts pour réduire les déficits et la dette publique » et que l’Union européenne a appelé la France à améliorer son système d’impôts via notamment une réduction des niches fiscales.

Mes chers collègues, on a clairement le sentiment que la suppression du bouclier fiscal n’est qu’un leurre.

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