Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 21 juin 2011 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

… ce en quoi vous avez bien raison !

Mais le mode de financement retenu, c'est-à-dire un financement par les recettes de la cellule de régularisation fiscale, est tout de même étonnant, car les recettes issues du contrôle fiscal n’ont pas à être comptabilisées dans le financement d’une réforme.

Dans la mesure où le directeur général des finances publiques a qualifié la mise en place de la cellule de régularisation de « simple opération administrative » sans modification réglementaire ou législative, elle ne peut pas être considérée comme une mesure nouvelle propre à assurer l’équilibre financier d’une réforme.

M. Arthuis, le président de la commission des finances, regrette pour sa part que le produit de la cellule ne soit pas affecté à la réduction du déficit.

Il nous est indiqué que la cellule a permis la régularisation au titre de l’ISF des successions et de l’impôt sur le revenu, ce qui m’a amenée à vous interroger en commission, monsieur le rapporteur général.

Monsieur le ministre, je vous rappelle l’attachement du Sénat au respect de l’article 136 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, qui introduit de la transparence dans le traitement des demandes de coopération avec des pays ayant signé des conventions avec la France afin de disparaître de la liste des États et territoires non coopératifs mise à jour le 29 avril dernier. Le produit des sanctions dues et son affectation devront être indiqués au Parlement.

Quoi qu’il en soit, votre réforme n’est pas financée. M. le président Arthuis n’en a pas fini avec ses regrets quant à la sauvegarde de nos finances publiques.

Nous avons un besoin crucial de recettes !

En définitive, avec votre réforme, vous prenez le risque de substituer à une recette dynamique, celle de l’ISF, qui croît de 11 % par an depuis 2002, une recette qui l’est deux fois moins, celle des droits de mutation à titre gratuit.

M. le président Arthuis a qualifié l’ISF d’« impôt dogmatique ». Nous pensons exactement le contraire ; d’ailleurs, ce n’est pas la première fois que nous vous le disons. L’ISF est un impôt juste et moderne, car déclaratif. S’il fallait l’améliorer, ce serait pour en revoir l’assiette afin de l’élargir en supprimant les niches qui n’ont pas permis de développer un réseau de PME solides, innovantes et exportatrices depuis 2008. La France a en effet un grand besoin de telles recettes.

La gymnastique de compensation de l’allégement de l’ISF à laquelle vous vous livrez est particulièrement illustrée par la recherche du gage pour absorber la disparition annoncée de la taxe instaurée sur les résidences secondaires des Français de l’étranger. À force de vous livrer à des contorsions dans ce véritable « jeu de piste », vous allez finir par attraper des courbatures !

Afin de respecter la loi de programmation des finances publiques, il faut que le Gouvernement dégage en 2012 au moins 1, 2 milliard d’euros de ressources supplémentaires, dont 600 millions d’euros pour couvrir la trésorerie nécessitée par le présent projet de loi.

Il faut évoquer ici, et M. le rapporteur général l’a fait, les effets de la mise en place de la prime de partage de la valeur ajoutée, qui sera instaurée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative. Ce dispositif entraîne non seulement la création d’une nouvelle « niche sociale » non compensée, mais également des pertes de recettes au titre de l’impôt sur les sociétés – cela a été évoqué tout à l’heure –, à hauteur de 395 millions d’euros en 2011 et de 785 millions d’euros en 2012.

Monsieur le ministre, à ce stade, cette mesure n’est pas prise en compte dans les réévaluations de recettes que vous opérez dans le projet de loi de finances rectificative.

Tout cela relativise votre discours de la semaine dernière sur l’« impérieuse nécessité » d’inscrire en lettres d’or la vertu de l’équilibre budgétaire dans la Constitution...

Un projet de loi de finances rectificative offre l’occasion de réviser l’équilibre budgétaire. Il faut bien constater que le solde général se dégrade, avec 4, 4 milliards d’euros de moins au premier trimestre 2011 par rapport au premier trimestre 2010.

Ainsi, non seulement vous ne respectez pas les engagements que vous voulez nous faire prendre au nom de la vertu budgétaire, mais en plus, vous aggravez encore la situation désastreuse de nos finances publiques. Comment pouvez-vous être crédible ?

M. le ministre Xavier Bertrand, qui défendra la semaine prochaine le bien-fondé d’une nouvelle niche dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, s’est ému en fin de semaine dernière de la persistance de « rémunérations extravagantes », menaçant de les encadrer et de les taxer. Il a reçu le renfort du Premier ministre, qui se déclare « choqué » par les rémunérations de certains dirigeants. Mais ces expressions de matamore ne trouvent aucune traduction dans les textes. Pour notre part, nous soulevons régulièrement le problème depuis 2008 et nous défendrons encore des amendements en ce sens.

Le Gouvernement avait pourtant une feuille de route tracée par la directive dite « CRD3 ». Il l’a transposée par arrêté en n’en respectant ni la lettre, qui impliquait d’encadrer la rémunération des directeurs généraux, ni l’esprit, qui consistait à établir un rapport « équilibré » entre la part fixe et la part variable.

J’invite nos collègues qui, sur ces travées, pourraient être « choqués » par ces « rémunérations extravagantes » à ne pas attendre et à voter les amendements que nous proposerons.

En conclusion, nous ne pouvons ignorer le contexte de crise dans lequel se débat l’Union européenne. Je veux évoquer ici la discussion qui mobilise le Parlement européen et la Commission européenne sur le paquet relatif à la gouvernance économique et sur la crise grecque.

Nous considérons, nous socialistes, que, pour soutenir la croissance et l’emploi, il est nécessaire de renforcer la gouvernance économique de la zone, mais nous estimons néanmoins que l’orientation dépressive détourne les États membres des objectifs pourtant définis par la stratégie de l’Union européenne pour 2020.

Dans le cadre de la proposition de résolution européenne que nous venons de déposer, mon collègue François Marc et moi, au nom du groupe socialiste, nous rappelons nos priorités et invitons le Gouvernement à peser dans les négociations en cours pour protéger les dépenses d’avenir, intégrer la ressource publique, et non simplement la dépense, dans l’appréciation du déséquilibre budgétaire des États membres et réviser les rythmes de réduction des déficits et de la dette.

Au moment où la croissance mondiale ralentit, où l’Europe se débat dans des difficultés qui paralysent l’action politique malgré des déclarations qui se veulent rassurantes, mais ne rassurent personne, les marchés financiers redoutent autant les risques de défaut des États que les crises d’austérité que cette menace inspire. Les banques européennes sont fragilisées et le risque d’une faillite rampante à la Lehman Brothers se fait jour.

Pendant la crise, le trio France, Allemagne et Banque centrale européenne tire à hue et à dia. Si l’on arrive à un accord, on n’aura fait, un an après la crise qui l’a touchée – rappelez-vous le 7 mai 2010 – que donner un peu de temps à la Grèce pour réduire ses déficits alors même qu’elle est en récession. Elle n’y parviendra pas !

Pendant ce temps, en France, la crainte d’une sanction électorale dès septembre 2011 et en mai 2012 conduit le Président de la République et sa majorité à des zigzags permanents. Le Président de la République ne vient-il pas d’annoncer un moratoire sur la fermeture des écoles, mais seulement à partir de la rentrée 2012 ?

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