Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 21 juin 2011 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

Le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, comme celui de l’Assemblée nationale, émet de sérieux doutes : ils sont très sceptiques sur les prévisions de recettes du Gouvernement. La réforme entraînera, dès 2012, une baisse des rentrées fiscales de 1, 857 milliard d’euros, tandis que la suppression du bouclier fiscal ne permettra de récupérer que 293 millions d’euros en 2012 et, plus hypothétiquement, 713 millions d’euros en 2014.

Pour équilibrer la réforme, le Gouvernement propose de taxer les transmissions de patrimoine : 290 millions d’euros grâce à la suppression des réductions de droits de donation ; 450 millions grâce au passage de six à dix ans du délai de rappel des donations ; 185 millions grâce à la hausse de cinq points des taux applicables aux deux dernières tranches du barème des droits de succession.

Les autres recettes sont, quant à elles, très aléatoires.

Il s’agissait, tout d’abord, de 176 millions d’euros issus de la taxation des résidences secondaires des non-résidents, évoquée à l’instant par notre collègue Robert del Picchia, qui vient cependant de disparaître sur décision présidentielle, alors que l’Assemblée nationale l’avait votée ; ensuite, de 189 millions d’euros provenant d’une exit tax sur les plus-values latentes ; enfin, de 390 millions d’euros récupérés sur l’évasion fiscale internationale.

Ces prévisions de recettes apparaissent clairement surévaluées.

Du fait du décalage inhérent au mécanisme du bouclier fiscal et de la persistance de son impact budgétaire jusqu’en 2013, la réforme n’est pas équilibrée en 2011 : il manquera environ 200 millions d’euros au budget. En 2012, ce sont plus de 300 millions d’euros qui devront être compensés. Ce n’est qu’à partir de 2014 que la réforme permettra de dégager un excédent de 200 millions d’euros. De toute façon l’affectation du produit de la cellule de régularisation, d’un montant de l’ordre de 300 millions d’euros en 2011, ne constitue en aucun cas une recette durable.

Au final, le financement de cette réforme semble insuffisamment assuré car elle repose sur des recettes qui sont incertaines, comme le produit de l’exit tax, qui ne tiennent pas compte des modifications de comportements – je pense aux donations –, ou bien encore qui ne sont pas pérennes, comme le produit de la cellule de régularisation.

Notre crainte est que la réforme ne soit pas neutre pour nos finances publiques, alors que c’était l’un des engagements du Gouvernement. Vu la situation de nos comptes publics, nous ne pouvons nous permettre de ne pas garantir notre niveau de recettes publiques. Sinon, cela creuserait encore un peu plus nos déficits et, à terme, notre endettement, et ce alors que nous venons d’apprendre ce matin que la dette publique serait plus importante en 2012 que prévu : 85, 4 % du PIB au lieu de 84, 6 % en 2011.

En conclusion, chacun l’aura bien compris, cette réforme n’est ni le grand soir fiscal ni même le grand soir de la fiscalité du patrimoine. Elle résout les problèmes les plus urgents que le bouclier fiscal et l’ISF posaient en termes d’efficacité et d’équité. Mais beaucoup reste à faire pour améliorer notre système fiscal dans le sens de la simplification, de l’équité entre nos concitoyens et de l’efficacité économique. Espérons que nous aurons ce grand débat sur la fiscalité à l’occasion du débat de 2012 !

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