Par cet amendement, nous revenons sur la question des pathologies à effet différé. Notre proposition pourrait être qualifiée de cohérente, à l’égard non du projet de loi, mais de l’action des services de santé au travail.
Il est bien évident que si les services de santé au travail accomplissent leurs missions, à condition bien entendu qu’ils en aient les moyens, les effets de leur action devront dépasser le temps du parcours professionnel.
Nous avons malheureusement par le passé eu à constater la carence des services de médecine du travail dans le drame de l’amiante ou des éthers de glycol, aveuglement auquel certaines pressions n’étaient pas étrangères. Cela ne doit pas se reproduire !
Le dernier rapport de la mission d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante a montré que plusieurs maladies se déclarent trente-sept ans après le premier contact avec le produit. En d’autres termes, les travailleurs en contact avec les substances CMR partiront à la retraite apparemment en bonne santé, alors que leur durée de vie et leur santé sont gravement obérées par une maladie à effet différé.
Combien de salariés employés dans les services de nettoiement, dans le secteur de l’agroalimentaire ou du bâtiment ressentent bien avant leur retraite des problèmes articulaires, qui, avec l’âge, deviendront de plus en plus graves et aboutiront à de véritables handicaps.
Combien de salariés travaillant la nuit, par équipes, en horaires décalés, ressentent l’épuisement de leur organisme et ont une durée de vie diminuée.
En juillet dernier, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, rendait un avis sur le travail de nuit, qui touche près d’un salarié sur cinq. Le travail prolongé la nuit, note le Conseil, présente des dangers pour la santé et devrait rester une exception. Il propose en particulier de renforcer la surveillance médicale, notamment pour les salariés de plus de 50 ans, et de développer la surveillance épidémiologique afin d’améliorer les connaissances sur les risques à long terme.
En effet, c’est par une surveillance au-delà de la durée d’emploi, par les médecins de ville en liaison avec les médecins du travail, que l’on peut déterminer avec précision non seulement le dommage causé, mais également les moyens d’y remédier. Je pense, par exemple, à de nouveaux temps de pause.
J’ajouterai un élément, même si on en parle trop peu : combien de cadres, de commerciaux vivent un stress permanent en raison de la pression des résultats qui pèse sur eux, ce qui obère aussi leur santé à long terme. On en arrive à un tel point que se développent des addictions dans ces populations, notamment à l’alcool et à la cocaïne, pour tenir le rythme effréné qui leur est imposé.
C’est un monde absurde que celui où des êtres humains en viennent à s’autodétruire pour obtenir seulement de quoi assurer leur survie, alors que le vrai profit est accaparé par quelques-uns qui coulent des jours dorés. Paraphrasant Brassens, je dirai : c’est perdre sa vie pour que d’autres la gagnent.
Les services de santé au travail ont donc parmi leurs missions de prévenir toutes ces atteintes durables à la santé. Celles-ci ne se mesureront pas en pourcentage d’invalidité, mais elles auront des effets délétères sur les victimes.