Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, en ouvrant avec vous la discussion du budget de la sécurité sociale pour 2023, je veux avoir une pensée pour tous les professionnels du soin et tous les professionnels du lien qui, cette année encore, ont accompagné nos compatriotes, malgré la crise, malgré les doutes et malgré la pression.
Épidémie de covid-19, été de canicule, manque de personnels : sur toutes les travées, on connaît la situation ; sur toutes les travées, on salue le rôle décisif de ces femmes et de ces hommes.
En cette période de difficultés et d’incertitudes, le choix que nous vous proposons pour l’année prochaine est d’augmenter les moyens que la Nation consacre aux personnes âgées en perte d’autonomie, aux personnes en situation de handicap et aux familles.
Nous octroyons 1, 5 milliard d’euros supplémentaires à la branche autonomie et 1, 6 milliard à la branche famille. C’est inédit, c’est du concret. Cela marque aussi la volonté du Gouvernement de protéger les Français qui en ont le plus besoin tout en poursuivant la réforme de notre modèle social pour qu’il soit plus performant.
Ces 3 milliards d’euros supplémentaires, nous proposons de les engager pour régler des problèmes du quotidien.
Il s’agit, d’abord, de restaurer la confiance dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et d’augmenter le nombre de soignants pour que les enfants ne s’inquiètent pas pour leurs parents âgés et que nos aînés soient dignement accompagnés.
Nous entendons, ensuite, soutenir les services à domicile pour que chacun puisse avoir le choix de rester chez soi et d’y bien vieillir.
Nous voulons aussi faciliter l’accès à des solutions d’accueil pour les jeunes enfants, afin de permettre à leurs parents de travailler ; je pense notamment aux femmes et aux familles monoparentales.
Enfin, il faut offrir aux parents la possibilité de scolariser dans de bonnes conditions leur enfant en situation de handicap.
Voilà quelques exemples de sujets sur lesquels ce budget va nous permettre d’avancer.
Ces 3 milliards d’euros supplémentaires sont aussi là pour protéger de l’inflation le secteur médico-social, déjà fragilisé par les tensions de recrutement. Nous faisons, par exemple, le choix de compenser l’impact de l’inflation sur les charges non salariales des dotations de soin des Ehpad et de faire bénéficier ces établissements du bouclier tarifaire sur l’énergie.
Ce secteur économique est précieux en matière d’emploi et indispensable par les services qu’il rend à un grand nombre de Français. Nous assumons donc ce soutien, qui est d’intérêt général.
Ce soutien à la consolidation du secteur, nous l’apportons face à l’urgence, mais également dans la durée, avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’ensemble des acteurs. Ce budget est un nouveau signe fort de la volonté de l’État.
La question des moyens est importante, mais celle de la méthode l’est tout autant. C’est pourquoi je fais clairement le choix du dialogue avec les secteurs concernés et de la coconstruction avec les collectivités, notamment les départements.
J’étais ce matin avec les aidants et je serai demain avec les assistantes maternelles ; j’étais en fin de semaine dernière dans la Marne avec les élus et tous les acteurs du grand âge, toujours dans cet esprit d’écoute et de recherche de solutions.
En effet, les solutions ne peuvent pas attendre ; c’est notamment le cas en matière d’autonomie. Comme je le disais, nous devons restaurer la confiance dans les Ehpad, ce qui passe notamment par davantage de contrôles et de sanctions.
Sur ce sujet, nous nous sommes appuyés sur les travaux parlementaires. Je salue à cet égard la sénatrice Michelle Meunier et le sénateur Bernard Bonne, auteurs d’un rapport dont de nombreuses recommandations ont déjà été reprises et dont d’autres se retrouvent dans le présent texte.
L’article 32, renforcé par l’Assemblée nationale, nous permettra d’intensifier les contrôles et de durcir les sanctions contre les établissements fautifs. Je pense aussi au financement des moyens humains nécessaires pour contrôler l’intégralité des établissements dans les deux ans à venir, comme nous l’avons annoncé. Ces contrôles ont déjà commencé et j’en rendrai compte régulièrement et en toute transparence devant la représentation nationale. Cette transparence, nous la devons aux familles et aux professionnels eux-mêmes.
Restaurer la confiance dans les Ehpad, c’est aussi soutenir leurs professionnels. Notre objectif est clair : 50 000 soignants de plus dans les prochaines années et 3 000 dès 2023. J’entends les critiques de celles et ceux qui considèrent que nous n’allons pas assez vite, mais j’étais il y a encore quelques mois directeur général de la Croix-Rouge française et c’est précisément parce que je connais la réalité de la situation que je veux tenir devant vous un discours de vérité : il est bien trop facile de promettre des centaines de milliers de postes si nous ne sommes pas capables de former, d’attirer et de fidéliser les professionnels.
C’est donc bien sur l’ensemble du problème que nous agissons : la question de la rémunération – sur laquelle aucune majorité n’a autant fait que la nôtre – se pose, mais il faut aussi s’intéresser aux questions de formation, de management, de parcours, de reconnaissance et de santé de nos professionnels.
Dans la droite ligne de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Gouvernement propose de poursuivre et d’accélérer le développement de l’aide à domicile.
Nous le ferons, d’abord, en renforçant les services de soins infirmiers à domicile, avec le financement de 4 000 nouvelles places, qui nous mettent sur la trajectoire d’augmentation de 20 % dont nous avons besoin d’ici à 2030. Pour mieux les financer, nous proposons également d’adapter leur tarification de manière à mieux prendre en compte le profil des personnes accompagnées.
Ensuite, nous entendons renforcer la lisibilité de l’offre pour les Français. En 2022, nous nous sommes engagés dans une logique de guichet unique en regroupant les différents services. Pour 2023, nous vous proposons d’accélérer en incitant financièrement les services à dispenser des activités à la fois d’aide et de soins avec le forfait coordination.
Développer l’aide à domicile, c’est aussi permettre aux professionnels de passer plus de temps auprès des personnes qu’ils accompagnent. Trop souvent, les intervenants ont tout juste le temps de faire les gestes élémentaires pour assurer le lever, le coucher et le repas. Trop souvent aussi, les personnes qui les accueillent vivent ces interventions comme des temps mécaniques, minutés et déshumanisés.
Nous avons ouvert la discussion avec les départements pour pouvoir ajouter deux heures de présence supplémentaire chaque semaine auprès des 780 000 personnes qui bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile : deux heures dédiées à la convivialité et à la prévention, deux heures qui permettront aussi d’améliorer les conditions de travail de professionnels qui, trop souvent, subissent des temps partiels ou du travail fractionné.
Dans la continuité des travaux engagés à l’Assemblée nationale, le Gouvernement présentera par ailleurs un amendement visant à introduire davantage de souplesse pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), afin qu’ils puissent mobiliser davantage d’interventions à domicile.
Développer l’aide à domicile, c’est enfin faire en sorte que l’inflation ne pèse pas sur le reste à charge des bénéficiaires.
L’année dernière, nous avions instauré un tarif horaire plancher de 22 euros ; cette année, nous faisons le choix non seulement de l’augmenter à 23 euros, mais aussi de l’indexer, pour les années suivantes, sur la majoration pour tierce personne, c’est-à-dire sur un indice proche de l’inflation.
Ces mesures permettent de diversifier l’offre de services sur nos territoires. Tel est également le sens de la priorité donnée au développement de l’habitat inclusif et à toutes les formes alternatives et innovantes qui permettent de s’adapter aux parcours de vie des personnes.
Toutes ces mesures, nous les bâtissons avec les structures et avec leurs financeurs, en premier lieu les départements. Avec l’Assemblée des départements de France, nous avons réuni, la semaine dernière, un comité des financeurs, qui se réunira de nouveau ce soir. Nous y discutons des deux heures hebdomadaires supplémentaires, dont j’ai déjà parlé, mais aussi du soutien aux conditions de travail dans les services d’aide à domicile, via notamment les concours financiers de la CNSA, qui méritent d’être réformés, aux conseils départementaux.
J’en viens aux moyens que nous consacrons aux personnes en situation de handicap, pour lesquels le Gouvernement fait le choix d’une augmentation sans précédent de 5, 2 %. C’est à la hauteur des ambitions que nous portons, avec ma collègue Geneviève Darrieussecq, pour tenir les engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap et préparer la prochaine, qui se tiendra au tout début de l’année 2023.
Nous amplifions notamment la mise en œuvre de grands objectifs : pour l’école inclusive et la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap ; pour l’accompagnement des adultes en situation de polyhandicap et des personnes handicapées vieillissantes ; enfin, avec 80 millions d’euros supplémentaires, pour des mesures concernant l’autisme et les troubles du neuro-développement.
Nous prévoyons ainsi d’étendre aux 7-12 ans la politique de détection précoce, l’une des réussites majeures de la stratégie nationale, qui a permis depuis trois ans à près de 30 000 enfants d’être détectés à temps et correctement accompagnés.
Cet investissement prioritaire dans l’enfance se retrouve également dans la branche famille, pour laquelle nous proposons une augmentation exceptionnelle de 1, 6 milliard d’euros. Ce choix fort du Gouvernement rejoint deux objectifs placés au cœur du projet du Président de la République : le plein emploi et l’égalité des chances.
Pas de plein emploi dans une société où, trop souvent, des femmes doivent renoncer à travailler faute de mode d’accueil adapté pour leurs enfants.
Pas d’égalité des chances non plus dans une société qui reproduit les inégalités en ne soutenant pas les familles les plus fragiles.
Concrètement, nous proposons de réformer l’aide à la garde individuelle d’enfant, le complément de libre choix du mode de garde (CMG), dont les familles connaissent bien l’importance, suivant deux axes : d’une part, en modifiant le barème pour permettre aux familles qui ne recourent pas à la crèche de faire garder leur enfant au même coût par une assistante maternelle ou une garde à domicile en emploi direct ; d’autre part, en rallongeant son bénéfice au-delà de 6 ans et jusqu’à l’entrée au collège pour les familles monoparentales.
Nous assumons ce choix fort d’apporter une attention toute particulière aux familles monoparentales, dont 30 % vivent dans la pauvreté et 90 % sont des femmes. C’est ce même engagement aux côtés des familles monoparentales qui nous a conduits à augmenter voilà quelques jours la pension alimentaire minimale de 50 %, pour la porter de 123 à 185 euros par mois et par enfant.
Voilà mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, les grandes mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ces mesures vont changer concrètement la vie de millions de femmes et d’hommes. Elles vont permettre de soutenir des professionnels éprouvés par la crise, que nous devons accompagner dans les grandes transformations. Elles contribuent aux réformes structurelles du quinquennat, pour que notre modèle social réponde mieux aux besoins des Français.
C’est le cas des mesures de la branche famille, qui s’inscrivent dans la droite ligne de la politique des 1 000 premiers jours. Elles sont une brique du service public de la petite enfance. Cette grande réforme, nous allons la construire avec les collectivités locales tout au long du quinquennat, pour que chaque famille puisse avoir une solution d’accueil de qualité pour ses enfants.
C’est aussi le cas des mesures de la branche autonomie, qui s’inscrivent dans le chantier plus global que nous avons ouvert pour préparer la société, dans toutes ses dimensions, au vieillissement de la population.
J’étais, vendredi dernier, à Châlons-en-Champagne, pour animer le premier atelier territorial du Conseil national de la refondation, dédié au bien vieillir. Autour de cette question si fondamentale, l’une des plus cruciales auxquelles nous devons répondre dans les prochaines années, nous avons réuni des élus, des professionnels de tous les secteurs, des personnes âgées et leurs familles, ainsi que des acteurs associatifs et privés pour construire des solutions opérationnelles directement sur les territoires.
C’est ce même esprit de pragmatisme et d’ambition que porte ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est dans cette même méthode d’écoute et de coconstruction que je vous propose d’en discuter ensemble.