Séance en hémicycle du 7 novembre 2022 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à seize heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour une mise au point au sujet d’un vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Monsieur le président, lors du scrutin n° 29 sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, intervenu au cours de la séance du 4 novembre 2022, ma collègue Christine Herzog souhaitait ne pas prendre part au vote et non voter pour.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Acte est donné de votre mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, de financement de la sécurité sociale pour 2023 (projet n° 96, rapport n° 99, avis n° 98).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
François Braun

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, monsieur les ministres, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, c’est avec engagement, confiance et détermination que je viens débattre dans cet hémicycle du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Dans l’intitulé même de ce projet de loi figure le mot « sécurité ».

Cette sécurité, nous la devons d’abord à nos concitoyens, pour qu’ils puissent accéder facilement à la santé, d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur situation. L’universalité de l’accès à la santé, voilà le moteur de mon engagement et de mon action en tant que ministre.

Cette sécurité, nous la devons aussi à ce même système de santé qui se met chaque jour au chevet des Françaises et des Français, en ville comme à l’hôpital, avec abnégation et dans des conditions que je sais difficiles.

Prendre soin de ceux qui prennent soin de nous, c’est une de mes priorités en tant que ministre de la santé et de la prévention, c’est tout l’engagement de ce gouvernement et de cette majorité.

Avec ce PLFSS, nous faisons le choix d’un système de santé renforcé et plus juste, pour mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et de nos professionnels de santé.

Comment, concrètement, se traduit cette ambition ?

Elle passe d’abord par un investissement en rapport avec les enjeux de la santé.

Pour 2023, nous vous proposons de porter l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à un niveau historique de +3, 7 % hors dépenses de crise sanitaire – c’est important de le redire.

Cette augmentation s’inscrit dans la droite ligne de l’effort d’investissement que nous avons réalisé ces dernières années, notamment avec le Ségur de la santé.

Au-delà de cet investissement soutenu, ce PLFSS porte aussi des mesures fortes.

Notre ambition est avant tout d’offrir à nos concitoyens un pays où chacun peut accéder facilement aux soins, peu importe l’endroit où il vit ou ses revenus.

C’est pour cette raison que nous menons, avec ce PLFSS, une lutte déterminée contre toutes les inégalités d’accès à la santé, qu’elles soient territoriales, financières ou sociétales.

C’est tout simplement un enjeu de justice sociale, à l’heure où près de 4 millions de Français vivent dans un territoire sous-doté et où 6 millions de nos concitoyens n’ont pas de médecin traitant.

Cette situation est l’effet des décisions passées, qui nous conduisent à enregistrer aujourd’hui un système de santé à bout de souffle avec, en particulier, une baisse sans précédent de nos ressources, notamment médicales.

Pour faire face, nous devons agir sur tous les fronts.

Pour mieux inciter les professionnels de santé à s’installer dans les zones sous-dotées, ce PLFSS vise à renforcer les effets des aides à l’installation. Ces dernières sont complexes et multiples ; elles sont aussi mal connues et mal comprises des professionnels, qui ne s’y retrouvent plus. Nous proposons donc de les simplifier.

Autre enjeu important, nous voulons mieux accompagner les médecins proches de la retraite, afin qu’ils poursuivent leur activité, et faire revenir des médecins retraités actifs qui en auraient l’envie. Le Président de la République a annoncé une mesure forte face aux territoires sous-dotés : nous exonérerons de cotisations de retraite les médecins retraités qui souhaiteraient prolonger ou reprendre leur engagement au service de nos concitoyens.

À l’heure où s’ouvrent les négociations conventionnelles, nous proposons aussi de créer un cadre plus adapté, pour que ces dernières soient pleinement fondées sur une logique d’engagements réciproques, particulièrement vis-à-vis des territoires et de la permanence des soins.

Enfin – et je sais le soutien de votre assemblée à cette réforme –, nous formerons mieux les futurs médecins généralistes, notamment pour mieux les préparer à une installation plus rapide en sortie d’études, grâce à la quatrième année d’internat.

Si celle-ci a pleinement vocation à se faire en médecine ambulatoire, j’ai entendu que, dans quelques situations très ciblées et exceptionnelles, il était important pour les étudiants de pouvoir déroger à ce principe. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, de manière à tenir compte des échanges qui se tiennent actuellement dans le cadre de la mission en cours sur les conditions de mise en œuvre de cette quatrième année d’internat. Même si nous favoriserons cet exercice en zone sous-dense, je tiens à redire qu’il ne s’agira pas d’une obligation.

Ce PLFSS a aussi pour ambition de renforcer notre hôpital, avec des moyens et une reconnaissance à la hauteur du service qu’il rend aux Français.

Trop longtemps, nos soignants ont dû mettre les bouchées doubles pour compenser des décennies d’économies réalisées sur l’hôpital, au prix d’un désespoir grandissant chez certains de nos professionnels. Ces choix passés et répétés nous obligent aujourd’hui à gérer des urgences successives.

Ainsi, j’étais la semaine dernière avec les représentants du secteur de la pédiatrie, pour mettre en place des mesures rapides face à une épidémie de bronchiolite précoce qui fait peser une pression accrue sur des services déjà fragilisés.

Si j’assume totalement de devoir gérer des situations de tension, j’assume aussi d’accélérer les transformations plus profondes, structurelles, qui seules nous permettront de retrouver de la sérénité, de la confiance en l’avenir et de l’excellence pour notre hôpital.

J’ai notamment la conviction qu’il est temps de régler la question de l’intérim, qui est un poison pour nos équipes et pour la stabilité de nos établissements lorsqu’il devient mercenaire. Ce PLFSS prévoit ainsi de ne pas autoriser cette pratique en début de carrière. C’est bon pour les hôpitaux ; c’est sécurisant pour les jeunes professionnels.

Au total, le soutien à l’hôpital se traduit par un Ondam hospitalier en progression de 4, 1 %. C’est un effort de plus de 100 milliards d’euros, en augmentation de 3, 6 milliards d’euros par rapport à 2022. Des travaux sont par ailleurs en cours afin de rectifier l’Ondam 2022 à la suite des annonces récentes de soutien à l’hôpital pour l’hiver, dont la prolongation de la majoration de nuit jusqu’à la mise en œuvre de travaux plus structurels. Nous le faisons tout en maintenant notre effort en faveur des soins de ville, à l’aube de l’ouverture des négociations conventionnelles avec les médecins libéraux.

Le choix de ce PLFSS, c’est enfin d’offrir à nos concitoyens un pays où les maladies sont prévenues avant d’être soignées. C’est une clé essentielle de l’avenir de notre santé, j’en ai la conviction profonde.

Oui, avec ce texte, nous faisons un grand pas en avant pour rendre la prévention bien réelle et présente dans notre société. Ma philosophie est de donner toutes les clés à nos concitoyens pour prendre soin de leur santé, en sortant des messages de culpabilisation et en rendant la prévention attractive.

Nous proposons ainsi de mettre en place des rendez-vous de prévention, qui prendront la forme de bilans de santé aux âges clés de la vie, pris en charge à 100 % par l’assurance maladie.

Cette mesure a deux vocations : d’une part, aller chercher les patients les plus éloignés du système de santé, qui ne voient pas souvent leur médecin ; d’autre part, agir sur la durée en proposant des parcours de santé autour de ces rendez-vous, ce qui permettra d’éviter des maladies et de mieux prendre en compte certains enjeux essentiels, comme la santé mentale, la santé des femmes, ou la prévention des cancers.

Le Gouvernement s’engage également dans ce PLFSS pour la santé sexuelle et pour la santé des femmes, à travers des mesures concrètes.

Nous proposons ainsi d’élargir à d’autres infections sexuellement transmissibles que le VIH le dépistage sans ordonnance et gratuit, pris en charge à 100 %, pour les moins de 26 ans.

Par ailleurs, alors que seulement 10 % des contraceptions d’urgence sont actuellement remboursées, nous voulons élargir la délivrance gratuite de la contraception d’urgence à toutes les femmes, peu importe leur âge.

Enfin, la crise sanitaire récente a montré à quel point se faire vacciner est essentiel pour se protéger et protéger les autres.

Nous proposons donc d’élargir la prescription et la réalisation de vaccins aux pharmaciens, aux sages-femmes et aux infirmiers, ce qui est d’autant plus essentiel que nous lançons actuellement une campagne de vaccination à la fois contre la grippe et contre le covid-19. À cet égard, nous avons souhaité conserver, à l’issue des débats à l’Assemblée nationale, les amendements visant à autoriser les étudiants en troisième cycle en médecine et en pharmacie à vacciner.

En un mot, ce PLFSS concrétise notre ambition de faire rapidement de la prévention un pilier à part entière de notre système de santé.

Ce PLFSS est enfin un texte de responsabilité, qui tient compte de l’enjeu majeur de soutenabilité de notre système de santé.

J’assume le fait que ce redressement se fera par le renforcement de la pertinence et de la qualité de la réponse aux besoins de santé. Nous travaillerons d’ailleurs aussi dans le cadre du volet santé du Conseil national de la refondation (CNR) sur ce pacte de soutenabilité à conclure avec les Français et tous les professionnels.

D’ores et déjà, ce budget de la sécurité sociale prévoit des mesures que nous pensons justes et proportionnées, pour que nos déficits ne pèsent pas sur les générations futures et que nous puissions respecter l’engagement du Gouvernement de ne pas baisser les droits ni augmenter les impôts.

Nous allons ainsi exiger du secteur de la radiologie qu’il renforce la transparence et l’information sur le coût de ses équipements matériels.

Nous allons également demander une contribution à la biologie, en ouvrant une négociation avec ce secteur, parallèlement au lancement d’une mission pour mieux préparer son avenir.

Nous allons aussi réguler la trajectoire très dynamique de dépenses sur les médicaments, tout en préservant les engagements pris pour soutenir nos capacités d’innovation et de production de nos plus vieux médicaments, qui restent nécessaires dans le quotidien des Français, ainsi que notre souveraineté nationale et européenne.

Nous travaillerons également avec les complémentaires santé sur de multiples chantiers, notamment pour élaborer un partage équitable des remboursements dans le champ de la santé.

Enfin, ce PLFSS adresse aussi un message de fermeté à l’égard de tous les types de fraudes.

Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, vous le voyez, notre ambition pour la santé de nos concitoyens s’incarne pleinement dans le PLFSS que je vous présente aujourd’hui.

Notre engagement pour la santé des Françaises et des Français n’est pas fait de mots : il est fait de moyens, de propositions nouvelles et de réformes courageuses.

Ce PLFSS pour l’année 2023, c’est une première pierre à l’effort de refondation que nous voulons mener, pour que la devise de notre République – « Liberté, Égalité, Fraternité » – soit une réalité en matière de santé comme dans tous les autres aspects de la vie de nos concitoyens.

Je le dis aussi avec franchise : ce PLFSS est une première page, une page importante, mais il n’achève pas l’ensemble des réponses que nous devons à nos concitoyens.

Cela sera notamment le rôle des négociations conventionnelles, pour lesquelles j’ai rendu publiques mes orientations voilà quelques jours, et celui du volet santé du CNR, que j’ai lancé le mois dernier, au Mans, et qui crée une dynamique importante dans les territoires, en lien notamment avec les élus.

Bien sûr, ces travaux n’ont pas vocation à remplacer le débat au sein de la représentation nationale ; ils en sont complémentaires. Malgré le contexte, le débat fut fécond à l’Assemblée nationale. Nous avons pu, en lien avec les députés de l’arc républicain, …

Debut de section - Permalien
François Braun

… progresser sur des sujets importants comme le cumul emploi-retraite des médecins, le contenu des rendez-vous de prévention, l’encadrement de la quatrième année d’internat de médecine générale ou encore la permanence des soins. Nous avons pu également progresser sur la mise en place d’expérimentations, par exemple pour le dépistage de la drépanocytose ou la réalisation de certificats de décès par les infirmiers.

Mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, construisons ensemble des apports utiles au service des Français !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, en ouvrant avec vous la discussion du budget de la sécurité sociale pour 2023, je veux avoir une pensée pour tous les professionnels du soin et tous les professionnels du lien qui, cette année encore, ont accompagné nos compatriotes, malgré la crise, malgré les doutes et malgré la pression.

Épidémie de covid-19, été de canicule, manque de personnels : sur toutes les travées, on connaît la situation ; sur toutes les travées, on salue le rôle décisif de ces femmes et de ces hommes.

En cette période de difficultés et d’incertitudes, le choix que nous vous proposons pour l’année prochaine est d’augmenter les moyens que la Nation consacre aux personnes âgées en perte d’autonomie, aux personnes en situation de handicap et aux familles.

Nous octroyons 1, 5 milliard d’euros supplémentaires à la branche autonomie et 1, 6 milliard à la branche famille. C’est inédit, c’est du concret. Cela marque aussi la volonté du Gouvernement de protéger les Français qui en ont le plus besoin tout en poursuivant la réforme de notre modèle social pour qu’il soit plus performant.

Ces 3 milliards d’euros supplémentaires, nous proposons de les engager pour régler des problèmes du quotidien.

Il s’agit, d’abord, de restaurer la confiance dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et d’augmenter le nombre de soignants pour que les enfants ne s’inquiètent pas pour leurs parents âgés et que nos aînés soient dignement accompagnés.

Nous entendons, ensuite, soutenir les services à domicile pour que chacun puisse avoir le choix de rester chez soi et d’y bien vieillir.

Nous voulons aussi faciliter l’accès à des solutions d’accueil pour les jeunes enfants, afin de permettre à leurs parents de travailler ; je pense notamment aux femmes et aux familles monoparentales.

Enfin, il faut offrir aux parents la possibilité de scolariser dans de bonnes conditions leur enfant en situation de handicap.

Voilà quelques exemples de sujets sur lesquels ce budget va nous permettre d’avancer.

Ces 3 milliards d’euros supplémentaires sont aussi là pour protéger de l’inflation le secteur médico-social, déjà fragilisé par les tensions de recrutement. Nous faisons, par exemple, le choix de compenser l’impact de l’inflation sur les charges non salariales des dotations de soin des Ehpad et de faire bénéficier ces établissements du bouclier tarifaire sur l’énergie.

Ce secteur économique est précieux en matière d’emploi et indispensable par les services qu’il rend à un grand nombre de Français. Nous assumons donc ce soutien, qui est d’intérêt général.

Ce soutien à la consolidation du secteur, nous l’apportons face à l’urgence, mais également dans la durée, avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’ensemble des acteurs. Ce budget est un nouveau signe fort de la volonté de l’État.

La question des moyens est importante, mais celle de la méthode l’est tout autant. C’est pourquoi je fais clairement le choix du dialogue avec les secteurs concernés et de la coconstruction avec les collectivités, notamment les départements.

J’étais ce matin avec les aidants et je serai demain avec les assistantes maternelles ; j’étais en fin de semaine dernière dans la Marne avec les élus et tous les acteurs du grand âge, toujours dans cet esprit d’écoute et de recherche de solutions.

En effet, les solutions ne peuvent pas attendre ; c’est notamment le cas en matière d’autonomie. Comme je le disais, nous devons restaurer la confiance dans les Ehpad, ce qui passe notamment par davantage de contrôles et de sanctions.

Sur ce sujet, nous nous sommes appuyés sur les travaux parlementaires. Je salue à cet égard la sénatrice Michelle Meunier et le sénateur Bernard Bonne, auteurs d’un rapport dont de nombreuses recommandations ont déjà été reprises et dont d’autres se retrouvent dans le présent texte.

L’article 32, renforcé par l’Assemblée nationale, nous permettra d’intensifier les contrôles et de durcir les sanctions contre les établissements fautifs. Je pense aussi au financement des moyens humains nécessaires pour contrôler l’intégralité des établissements dans les deux ans à venir, comme nous l’avons annoncé. Ces contrôles ont déjà commencé et j’en rendrai compte régulièrement et en toute transparence devant la représentation nationale. Cette transparence, nous la devons aux familles et aux professionnels eux-mêmes.

Restaurer la confiance dans les Ehpad, c’est aussi soutenir leurs professionnels. Notre objectif est clair : 50 000 soignants de plus dans les prochaines années et 3 000 dès 2023. J’entends les critiques de celles et ceux qui considèrent que nous n’allons pas assez vite, mais j’étais il y a encore quelques mois directeur général de la Croix-Rouge française et c’est précisément parce que je connais la réalité de la situation que je veux tenir devant vous un discours de vérité : il est bien trop facile de promettre des centaines de milliers de postes si nous ne sommes pas capables de former, d’attirer et de fidéliser les professionnels.

C’est donc bien sur l’ensemble du problème que nous agissons : la question de la rémunération – sur laquelle aucune majorité n’a autant fait que la nôtre – se pose, mais il faut aussi s’intéresser aux questions de formation, de management, de parcours, de reconnaissance et de santé de nos professionnels.

Dans la droite ligne de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, le Gouvernement propose de poursuivre et d’accélérer le développement de l’aide à domicile.

Nous le ferons, d’abord, en renforçant les services de soins infirmiers à domicile, avec le financement de 4 000 nouvelles places, qui nous mettent sur la trajectoire d’augmentation de 20 % dont nous avons besoin d’ici à 2030. Pour mieux les financer, nous proposons également d’adapter leur tarification de manière à mieux prendre en compte le profil des personnes accompagnées.

Ensuite, nous entendons renforcer la lisibilité de l’offre pour les Français. En 2022, nous nous sommes engagés dans une logique de guichet unique en regroupant les différents services. Pour 2023, nous vous proposons d’accélérer en incitant financièrement les services à dispenser des activités à la fois d’aide et de soins avec le forfait coordination.

Développer l’aide à domicile, c’est aussi permettre aux professionnels de passer plus de temps auprès des personnes qu’ils accompagnent. Trop souvent, les intervenants ont tout juste le temps de faire les gestes élémentaires pour assurer le lever, le coucher et le repas. Trop souvent aussi, les personnes qui les accueillent vivent ces interventions comme des temps mécaniques, minutés et déshumanisés.

Nous avons ouvert la discussion avec les départements pour pouvoir ajouter deux heures de présence supplémentaire chaque semaine auprès des 780 000 personnes qui bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile : deux heures dédiées à la convivialité et à la prévention, deux heures qui permettront aussi d’améliorer les conditions de travail de professionnels qui, trop souvent, subissent des temps partiels ou du travail fractionné.

Dans la continuité des travaux engagés à l’Assemblée nationale, le Gouvernement présentera par ailleurs un amendement visant à introduire davantage de souplesse pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), afin qu’ils puissent mobiliser davantage d’interventions à domicile.

Développer l’aide à domicile, c’est enfin faire en sorte que l’inflation ne pèse pas sur le reste à charge des bénéficiaires.

L’année dernière, nous avions instauré un tarif horaire plancher de 22 euros ; cette année, nous faisons le choix non seulement de l’augmenter à 23 euros, mais aussi de l’indexer, pour les années suivantes, sur la majoration pour tierce personne, c’est-à-dire sur un indice proche de l’inflation.

Ces mesures permettent de diversifier l’offre de services sur nos territoires. Tel est également le sens de la priorité donnée au développement de l’habitat inclusif et à toutes les formes alternatives et innovantes qui permettent de s’adapter aux parcours de vie des personnes.

Toutes ces mesures, nous les bâtissons avec les structures et avec leurs financeurs, en premier lieu les départements. Avec l’Assemblée des départements de France, nous avons réuni, la semaine dernière, un comité des financeurs, qui se réunira de nouveau ce soir. Nous y discutons des deux heures hebdomadaires supplémentaires, dont j’ai déjà parlé, mais aussi du soutien aux conditions de travail dans les services d’aide à domicile, via notamment les concours financiers de la CNSA, qui méritent d’être réformés, aux conseils départementaux.

J’en viens aux moyens que nous consacrons aux personnes en situation de handicap, pour lesquels le Gouvernement fait le choix d’une augmentation sans précédent de 5, 2 %. C’est à la hauteur des ambitions que nous portons, avec ma collègue Geneviève Darrieussecq, pour tenir les engagements pris lors de la dernière Conférence nationale du handicap et préparer la prochaine, qui se tiendra au tout début de l’année 2023.

Nous amplifions notamment la mise en œuvre de grands objectifs : pour l’école inclusive et la scolarisation des enfants et adolescents en situation de handicap ; pour l’accompagnement des adultes en situation de polyhandicap et des personnes handicapées vieillissantes ; enfin, avec 80 millions d’euros supplémentaires, pour des mesures concernant l’autisme et les troubles du neuro-développement.

Nous prévoyons ainsi d’étendre aux 7-12 ans la politique de détection précoce, l’une des réussites majeures de la stratégie nationale, qui a permis depuis trois ans à près de 30 000 enfants d’être détectés à temps et correctement accompagnés.

Cet investissement prioritaire dans l’enfance se retrouve également dans la branche famille, pour laquelle nous proposons une augmentation exceptionnelle de 1, 6 milliard d’euros. Ce choix fort du Gouvernement rejoint deux objectifs placés au cœur du projet du Président de la République : le plein emploi et l’égalité des chances.

Pas de plein emploi dans une société où, trop souvent, des femmes doivent renoncer à travailler faute de mode d’accueil adapté pour leurs enfants.

Pas d’égalité des chances non plus dans une société qui reproduit les inégalités en ne soutenant pas les familles les plus fragiles.

Concrètement, nous proposons de réformer l’aide à la garde individuelle d’enfant, le complément de libre choix du mode de garde (CMG), dont les familles connaissent bien l’importance, suivant deux axes : d’une part, en modifiant le barème pour permettre aux familles qui ne recourent pas à la crèche de faire garder leur enfant au même coût par une assistante maternelle ou une garde à domicile en emploi direct ; d’autre part, en rallongeant son bénéfice au-delà de 6 ans et jusqu’à l’entrée au collège pour les familles monoparentales.

Nous assumons ce choix fort d’apporter une attention toute particulière aux familles monoparentales, dont 30 % vivent dans la pauvreté et 90 % sont des femmes. C’est ce même engagement aux côtés des familles monoparentales qui nous a conduits à augmenter voilà quelques jours la pension alimentaire minimale de 50 %, pour la porter de 123 à 185 euros par mois et par enfant.

Voilà mesdames, messieurs les sénatrices et les sénateurs, les grandes mesures de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ces mesures vont changer concrètement la vie de millions de femmes et d’hommes. Elles vont permettre de soutenir des professionnels éprouvés par la crise, que nous devons accompagner dans les grandes transformations. Elles contribuent aux réformes structurelles du quinquennat, pour que notre modèle social réponde mieux aux besoins des Français.

C’est le cas des mesures de la branche famille, qui s’inscrivent dans la droite ligne de la politique des 1 000 premiers jours. Elles sont une brique du service public de la petite enfance. Cette grande réforme, nous allons la construire avec les collectivités locales tout au long du quinquennat, pour que chaque famille puisse avoir une solution d’accueil de qualité pour ses enfants.

C’est aussi le cas des mesures de la branche autonomie, qui s’inscrivent dans le chantier plus global que nous avons ouvert pour préparer la société, dans toutes ses dimensions, au vieillissement de la population.

J’étais, vendredi dernier, à Châlons-en-Champagne, pour animer le premier atelier territorial du Conseil national de la refondation, dédié au bien vieillir. Autour de cette question si fondamentale, l’une des plus cruciales auxquelles nous devons répondre dans les prochaines années, nous avons réuni des élus, des professionnels de tous les secteurs, des personnes âgées et leurs familles, ainsi que des acteurs associatifs et privés pour construire des solutions opérationnelles directement sur les territoires.

C’est ce même esprit de pragmatisme et d’ambition que porte ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est dans cette même méthode d’écoute et de coconstruction que je vous propose d’en discuter ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les rapporteurs, madame, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de mes collègues du Gouvernement et de Gabriel Attal, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, puisqu’il est retenu à l’Assemblée nationale pour l’examen du second projet de loi de finances rectificative pour 2022, permettez-moi d’abord d’exprimer une pensée pour nos professionnels de santé.

Aujourd’hui est une journée particulière pour moi, à titre personnel : en 1985, le 7 novembre, mon père a été victime d’un très grave accident ; depuis lors, je sais dans ma chair ce que nous devons à ces femmes et ces hommes. Au-delà de la considération que nous éprouvons, toutes et tous, pour eux, les épisodes extrêmement douloureux de la crise du covid-19 nous ont montré à quel point leur présence et leur engagement étaient absolument irréprochables.

L’État a bien évidemment répondu présent, à travers le « quoi qu’il en coûte », et a ainsi évité à notre pays un cortège de difficultés. C’est ensemble que nous avons pu traverser l’épreuve si difficile de la pandémie. Bousculée par le choc, notre société a su trouver les ressources et les ressorts nécessaires pour résister. La responsabilité qui nous incombe désormais est de poursuivre la reconstruction.

Dès lors, comme vient de l’exprimer mon collègue François Braun, il nous faut bâtir ensemble un système plus solide, plus accessible, plus efficace et plus juste.

Un système plus accessible, cela implique avant tout d’améliorer l’accès aux soins. L’effort ne débute pas aujourd’hui. Depuis 2017, nous avons investi 53 milliards d’euros supplémentaires dans notre système de santé, avec un Ondam passé de 191 milliards d’euros en 2017 à 244 milliards d’euros en 2023.

Nous avons mis fin aux baisses de tarifs hospitaliers, déployé l’offre 100 % Santé, supprimé le numerus clausus et soutenu l’aide à domicile et nos Ehpad. Nous allons poursuivre cet effort, conformément aux engagements pris devant les Français.

Voilà pourquoi, avec ce PLFSS, l’Ondam progressera en 2023 à un niveau historique de 3, 7 %. C’est une progression plus rapide de 50 % qu’au cours de la décennie 2010.

Quant à l’Ondam hospitalier, son augmentation sera de 4, 1 % en 2023. C’est deux fois plus qu’au cours de la décennie 2010. Cette augmentation finance notamment une enveloppe exceptionnelle de 800 millions d’euros en 2022, puis 800 millions d’euros supplémentaires en 2023, fruit d’une concertation de François Braun avec les fédérations hospitalières et médico-sociales.

En ville, nous encouragerons le cumul emploi-retraite des médecins proches de la retraite ou en retraite, comme durant la crise sanitaire. Cette incitation prendra la forme d’une exonération de cotisations vieillesse pour 2023, dans l’attente des conclusions du volet santé du CNR.

Renforcer l’accès aux soins, c’est aussi mieux prendre en charge nos aînés dépendants, comme vient de le rappeler mon collègue Jean-Christophe Combe. Avec un Ondam médico-social à +5, 1 % en 2023, nous finançons le plein effet des augmentations de salaire, l’embauche de milliers de soignants et l’investissement pour les services à domicile. Rappelons que les augmentations salariales décidées depuis la crise sanitaire représentent un effort de 3, 2 milliards d’euros par an pour la cinquième branche de la sécurité sociale, que nous avons créée en 2021.

Nous agissons pour faciliter l’accès aux modes de garde, parce que nous savons combien le destin de nos jeunes enfants se joue dès leurs 1 000 premiers jours.

Ce PLFSS pose la première pierre d’un véritable service public de la petite enfance en réduisant drastiquement le reste à charge des familles pour le recours aux assistants maternels : concrètement, un couple de classe moyenne, qui confie son enfant cinquante heures par semaine, économisera quasiment 2 000 euros sur une année – autant de pouvoir d’achat supplémentaire pour des dizaines de milliers de familles. Cette réduction s’ajoutera à la hausse du plafond du crédit d’impôt pour frais de garde des jeunes enfants que vos collègues députés ont relevé de 2 300 à 3 500 euros lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2023.

Tous ces progrès ne sont possibles que si nous continuons à donner la priorité au travail et à la production.

Les cotisations, socle du financement de notre sécurité sociale, vont passer de 391 milliards d’euros en 2022 à 407 milliards d’euros en 2023. Nous devons cette progression aux 310 000 créations d’emplois prévues en 2022, dont 220 000 ont déjà été réalisées lors du seul premier semestre et alors que 117 000 créations supplémentaires sont attendues en 2023. Au total, de 2020 à 2023, malgré la crise, notre pays pourrait créer 1, 2 million d’emplois. Ne l’oublions jamais : c’est le travail qui finance notre système social.

Voilà pourquoi nous entendons, par ce PLFSS, rendre notre système social plus efficace. Les besoins sont immenses, aussi ne devons-nous ménager aucun effort pour trouver des marges d’efficience et pour réaliser des économies là où elles sont pertinentes – et elles peuvent être substantielles.

Gouverner, c’est choisir, vous le savez comme moi. C’est la raison pour laquelle nous assumons de demander des efforts à certains acteurs, qui peuvent contribuer à l’effort commun.

Nous assumons ainsi de demander des efforts aux laboratoires de biologie, qui ont réalisé 7, 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en commercialisant des tests covid en 2020 et 2021 – même si nous saluons évidemment leur mobilisation sans faille durant la crise sanitaire. Leur rentabilité était par ailleurs déjà très élevée avant la crise, à un taux de près de 30 %. La Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) négociera dès 2023 une baisse de prix avec le secteur, au moins à hauteur de 250 millions d’euros.

Nous assumons aussi de demander des efforts au secteur de l’imagerie médicale, qui représente près de 5 milliards d’euros de dépenses. Nous pouvons limiter les examens redondants, inappropriés ou parfois inutiles. Nous demanderons à la Cnam de négocier un nouveau protocole pour juguler la dépense de 150 millions d’euros en 2023.

Nous assumons enfin de demander des efforts aux fabricants de médicaments. Les dépenses dans ce secteur sont dynamiques du fait du vieillissement démographique et de l’arrivée de nouvelles molécules sur le marché. Nous devons redoubler l’effort sur la pertinence des prescriptions et les baisses de prix ciblées sur les médicaments les plus anciens afin de mieux récompenser l’innovation. Ces baisses de prix s’élèveront à 800 millions d’euros en 2023.

Ces efforts, nous ne les demandons pas par plaisir de faire des économies, mais parce qu’ils sont indispensables pour dégager des marges de manœuvre budgétaires et mieux investir dans l’hôpital, en ville comme dans le médico-social. Soyons très clairs : lorsque nous parlons d’économies, il s’agit d’efforts de maîtrise par rapport à des dépenses qui continueront d’augmenter. C’est la condition indispensable pour garantir la soutenabilité et la résilience de nos comptes sociaux.

Je rappelle, à l’intention de ceux qui l’oublieraient, que les taux d’intérêt à 10 ans sur la dette française frôlent les 3 %, alors que ceux du Royaume-Uni dépassent les 4 % et que ceux de l’Italie approchent les 5 %. La parenthèse de l’argent gratuit sur les marchés s’est bel et bien refermée. Retrouver une trajectoire maîtrisée de nos comptes publics est la condition sine qua non de notre indépendance financière.

Mme Laurence Cohen s ’ en émeut.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Nous voulons, par ce PLFSS, construire un système plus juste. Or assurer la justice, c’est aussi adresser un message de fermeté à l’égard de tous les fraudeurs, sujet auquel je vous sais attentifs depuis longtemps, qu’il s’agisse de la fraude aux cotisations ou de celle aux prestations.

Puisque les fraudes se perfectionnent, nous allons également nous perfectionner en améliorant nos outils.

Des pouvoirs d’enquête cyber seront ainsi confiés à plus de 400 contrôleurs des caisses de sécurité sociale pour mieux repérer et réprimer les fraudes à enjeux.

Les échanges d’informations seront renforcés, notamment entre greffiers des tribunaux de commerce et caisses de sécurité sociale.

Reprenant une proposition émise par votre chambre, nous interdirons également le versement de prestations sociales, hors pensions, sur des comptes bancaires qui ne seraient pas situés dans l’espace unique de paiement en euros (Sepa), ces prestations étant soumises à la condition de résider sur notre territoire. Je sais que ce sujet a fait l’objet d’un rapport de votre commission des affaires sociales dont je salue le travail.

Le texte qui vous est soumis comporte des dispositions sur le transfert Agirc-Arrco. Je veux à cet égard formuler trois rappels.

Premièrement, le texte répond précisément aux recommandations du rapport que j’évoquais à l’instant de M. Savary et Mme Apourceau-Poly, en reportant à 2024 le transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire aux Urssaf, comme le réclamaient également les syndicats et le patronat.

Deuxièmement, nous demandons à l’Agirc-Arrco et aux Urssaf de conclure une convention pour inscrire leur partage de responsabilités noir sur blanc. Soyons très clairs : le rôle des Urssaf est de recouvrer des cotisations, pas de verser des retraites. Ni aujourd’hui ni demain, les Urssaf ne verseront les retraites complémentaires. L’Agirc-Arrco continuera de fiabiliser les données personnelles des salariés.

Troisièmement, ce transfert s’inscrit dans le mouvement d’unification du recouvrement social au sein des Urssaf et du recouvrement fiscal à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Il s’agit d’une démarche de simplification pour les entreprises, avec un objectif de gain de recouvrement pour le régime de l’Agirc-Arrco.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que nous allons enrichir ensemble ce PLFSS au cours de nos débats. Sur ces travées, il me semble que vous partagez l’objectif de refondation et de consolidation de notre système social. Chacun d’entre vous est force de proposition sur ces enjeux, comme vous l’avez démontré.

Au-delà de nos clivages légitimes, sachons bâtir, avec confiance, mais aussi responsabilité, un PLFSS qui soit une brique importante d’un système social plus efficace, plus juste, et plus solidaire.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure générale, madame, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est l’effort collectif consacré par notre nation pour protéger la collectivité face aux aléas de la vie.

Aux côtés de mes collègues, la ministre en charge de l’organisation territoriale et des professions de santé que je suis est honorée de présenter aux spécialistes des territoires que vous êtes les engagements forts de ce PLFSS.

Alors que notre système de santé a été fortement sollicité et qu’il a su relever le défi de la crise sanitaire, grâce à l’engagement sans faille de l’ensemble des acteurs de santé, que je tiens une nouvelle fois à saluer, la ligne de ce PLFSS est claire : défendre les préoccupations essentielles de nos concitoyens à travers plus de prévention, un accès renforcé aux soins et un système plus juste et plus éthique.

Ce PLFSS comporte ainsi des mesures fortes en matière de prévention, telles que la création de nouveaux rendez-vous aux âges clés de la vie ou pour améliorer la santé des femmes.

Il s’agit d’un PLFSS de défense de l’hôpital, très éprouvé par la pandémie et porté à bout de bras par l’ensemble du personnel soignant, comme François Braun l’a déjà longuement souligné.

Le Gouvernement a pris ses responsabilités en reprenant une partie de la dette hospitalière pour redonner de l’air aux établissements et leur permettre d’investir. Les engagements inédits pris lors du Ségur de la santé ont apporté une réponse forte à la demande légitime de reconnaissance et de valorisation de l’engagement des soignants. Ces efforts se prolongent dans ce PLFSS.

Nous créons également des outils pour encadrer l’intérim, qui fragilise les équipes et pèse sur les comptes des hôpitaux.

Par ailleurs, nous prenons à bras-le-corps la question de l’intégration des personnels de santé étrangers – c’est une priorité pour mon ministère.

Par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a souhaité décaler au 30 avril prochain la date butoir de régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) soumis au cadre légal de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de 2019. En effet, la pandémie a porté un coup d’arrêt au processus d’évaluation et de reconnaissance de leurs compétences. En responsabilité, cette date limite avait été reportée une première fois au 31 décembre 2022.

Notre objectif est de ne pas pénaliser les hôpitaux – et donc les patients – au sein desquels ces praticiens jouent souvent un rôle essentiel dans la continuité des soins tout en conservant toutes les exigences nécessaires sur le niveau de compétence requis. Gardons toujours à l’esprit que les femmes et les hommes que l’on appelle « Padhue » participent pleinement au bon fonctionnement de notre système de santé.

Enfin, ce PLFSS traduit notre engagement en matière d’accès aux soins et de lutte contre les déserts médicaux à travers une simplification des aides à l’installation via le guichet unique, de nouvelles mesures pour favoriser le maintien en activité des médecins ou encore l’introduction de la notion de responsabilité collective en matière de permanence des soins.

Protéger notre modèle de protection sociale, c’est aussi agir avec responsabilité contre toutes les formes de fraudes, comme l’a rappelé à l’instant Olivia Grégoire.

La fraude, je le dis nettement, est un coup bas porté à notre pacte républicain et à la justice sociale. Parce qu’elle sape le consentement à l’impôt, elle pénalise en priorité les Français les plus modestes, c’est-à-dire tous ceux qui bénéficient légitimement de nos filets de sécurité.

Lutter contre les fraudes est aussi une exigence forte pour garantir la pérennité de notre modèle. Avec mon collègue Gabriel Attal, nous avons souhaité introduire plusieurs mesures dans ce PLFSS en nous appuyant sur de nouveaux outils. Il s’agit à la fois de mieux prévenir et mieux détecter les fraudes. Je pense notamment à l’élargissement des possibilités de déconventionnement d’urgence des professionnels de santé en cas de violation grave des engagements conventionnels ou à la mise en place d’un nouveau barème de pénalités financières en cas de fraude.

À cet égard, l’article 44 relatif à l’extrapolation a peut-être été mal compris : il s’agit d’une mesure visant avant tout à chiffrer au plus près le préjudice de l’assurance maladie, laquelle ne peut aujourd’hui contrôler qu’une fraction limitée des factures. Cette mesure avait été proposée par la Cour des comptes en 2020.

Parce que ce PLFSS est ambitieux, je me réjouis de l’ouverture de ces débats devant votre assemblée. Je sais le Sénat attentif à l’équilibre des comptes sociaux, condition essentielle à la pérennité de notre modèle. Je vous sais aussi particulièrement attachés à la prise en compte des réalités des territoires.

Ce PLFSS est une première étape ; elle sera complétée par le volet santé du CNR, qui se déploie en ce moment sur l’ensemble du territoire avec pour objectif non seulement de mettre en valeur toutes les initiatives locales déjà existantes, mais également de trouver des solutions nouvelles pour notre système de santé.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe L es Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous nous apprêtons à examiner le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature.

L’examen du texte par l’Assemblée nationale a été réalisé dans des conditions particulières – vous ne me contredirez pas. Les députés ont tout d’abord rejeté les première et deuxième parties du texte relatives, respectivement, aux comptes du dernier exercice clos et à la rectification des prévisions de recettes et aux objectifs de dépenses de l’année 2022.

Le Gouvernement a ensuite engagé à deux reprises sa responsabilité en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution : une première fois sur la troisième partie du texte, relative aux recettes de l’année à venir, avant même d’avoir commencé l’examen de cette partie ; une seconde fois sur la quatrième partie, relative aux dépenses de l’année à venir et sur l’ensemble du PLFSS, après avoir examiné quelques articles concernant, pour l’essentiel, la branche autonomie.

Il en résulte que le PLFSS pour 2023 nous arrive tronqué, vidé de ses deux premières parties, ce qui est assez inédit, que le Gouvernement n’a pu rétablir lorsqu’il a engagé sa responsabilité sur les parties suivantes. Surtout, le débat parlementaire lui-même a jusqu’à présent été tronqué.

Au regard des enjeux financiers et politiques particulièrement importants des projets de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons la responsabilité de faire vivre, au Sénat, des débats complets sur le PLFSS pour 2023.

Soyez sûrs, mesdames, messieurs les ministres, que ces débats seront à l’image du Sénat, c’est-à-dire sérieux et respectueux, mais aussi exigeants et parfois en contradiction avec votre approche.

Comme l’ont souligné les ministres, les comptes de la sécurité sociale s’améliorent depuis le trou d’air historique de l’année 2020, pic de la crise sanitaire, économique et sociale provoquée par l’épidémie de covid-19. De ce point de vue, le Gouvernement considère que l’année à venir devrait de nouveau marquer une progression, avec un déficit réduit à 7, 2 milliards d’euros. Cela reste significatif pour des comptes censés être équilibrés, mais nous sommes loin des quelque 39, 8 milliards d’euros de 2020, record historique de déficit des comptes sociaux. Nous en acceptons l’augure.

Toutefois, notre commission a exprimé son inquiétude face aux chiffres que vous nous présentez.

Inquiétude, tout d’abord, quant à la crédibilité des comptes pour 2023. Le tableau d’équilibre repose en effet sur des hypothèses que le Haut Conseil des finances publiques qualifie d’optimistes : d’une part, le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1 % et une nouvelle progression de la masse salariale de 5 % ; d’autre part, il prévoit une quasi-disparition des dépenses liées au covid-19, la provision correspondante ne s’élevant qu’à 1 milliard d’euros, ce qui nous semble un peu faible. Nous avons l’intention de vous donner les moyens de vérifier ce dernier point.

Vous comptez d’ailleurs uniquement sur cette vision optimiste de la conjoncture économique et sanitaire pour « tenir » les comptes et non sur les mesures que vous prendrez. À cet égard, il est significatif que le solde transmis par l’Assemblée nationale soit égal au solde tendanciel, c’est-à-dire à celui que l’on constaterait si aucune mesure n’était prise dans le cadre de ce PLFSS.

Notre inquiétude vaut aussi pour l’avenir. En effet, si l’on se projette au-delà de 2023, au travers de l’annexe B, quadriennale, de ce PLFSS, on peut observer que le déficit relativement modeste espéré pour 2023 devrait être, non pas une étape sur le chemin du retour à l’équilibre, mais seulement une embellie avant un nouveau creusement des déficits : selon vos propres prévisions, la situation des comptes de la sécurité sociale devrait se dégrader dès 2024, avec un déficit de 8, 8 milliards d’euros, jusqu’à atteindre un niveau plus inquiétant encore, autour de 12 milliards d’euros par an en 2025 et 2026.

Or ce scénario repose, là encore, sur des hypothèses de croissance optimistes et des perspectives de maîtrise des dépenses, notamment en ce qui concerne l’Ondam, dont nous ne savons rien.

L’annexe B, qui vise également à donner une visibilité et une stratégie pour l’avenir, n’apporte aucun détail sur les moyens que le Gouvernement envisage de se donner pour maîtriser les comptes. Il y est tout juste précisé, par exemple, que le solde de la branche vieillesse « bénéficierait de l’objectif d’élévation progressive de l’âge effectif de départ sur le quinquennat ».

Le Haut Conseil des finances publiques déplore également que vos prévisions supposent des « effets importants et immédiats de réformes » dont « ni les modalités, ni les impacts, ni le calendrier ne sont documentés ».

En somme, cette trajectoire, qui devrait se dégrader dès 2024, n’est, hélas ! qu’une version optimiste de l’avenir des comptes sociaux. Il est donc à craindre que les déficits ne continuent de s’accumuler et que de nouveaux transferts à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ne doivent être envisagés à l’avenir.

Dans ce contexte, la commission des affaires sociales a adopté une approche responsable. Nous proposerons tout d’abord de rétablir les parties de loi de financement de la sécurité sociale qui doivent exister, quitte à les corriger, comme en première partie.

Nous marquerons ensuite notre refus de la vision que le Gouvernement présente de l’avenir de la sécurité sociale à l’annexe B, à la sincérité douteuse et dépourvue de dimension stratégique.

Nous poserons nous-mêmes les jalons de véritables mesures d’équilibre, en particulier sur les retraites, mais aussi en proposant quelques recettes supplémentaires.

Nous renforcerons, enfin, le contrôle du Parlement, notamment dans le cas où les hypothèses optimistes du Gouvernement ne se vérifieraient pas – par exemple, en cas de dépassement significatif de l’Ondam et des dépenses d’urgence.

Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les ministres, nous serons, tout au long de ce débat que nous espérons riche, des interlocuteurs à la fois exigeants et constructifs, mais aussi, le cas échéant, des contradicteurs.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce budget de l’assurance maladie est le troisième depuis le déclenchement de l’épidémie de covid-19 et le premier de la nouvelle équipe gouvernementale.

La première circonstance pourrait commander une certaine prudence dans le cadrage financier ; la seconde un peu d’audace dans les mesures nouvelles. Hélas, nous n’avons trouvé ni l’une ni l’autre.

Tout d’abord, la trajectoire financière est improbable. Le redressement annoncé est spectaculaire, mais il résulte d’un « effet recettes » anticipé sur la base, non de mesures nouvelles, mais d’hypothèses tant macroéconomiques qu’épidémiologiques très optimistes.

Les dépenses dans le champ de l’Ondam seraient en baisse en tenant compte des dépenses covid, mais elles augmenteraient de 3, 7 % hors covid, selon un rythme de progression soutenu dans tous les sous-objectifs : 2, 9 % pour les soins de ville, 4, 1 % pour les établissements de santé…

On peine toutefois, derrière ces dynamiques de dépenses, à distinguer une grande politique de soutien au système de santé. L’Ondam hospitalier, par exemple, n’est renforcé que par la revalorisation du point d’indice et la forte inflation. Dans cinq ans, l’Ondam atteindrait ainsi 270 milliards d’euros, alors qu’il dépassait à peine 200 milliards d’euros en 2019, progressant ainsi de plus de 6, 5 milliards d’euros par an. C’est impressionnant, mais à quoi correspondent ces montants ? Ni les professionnels de santé ni ceux qui cherchent à les consulter ne sauraient le dire. La crédibilité de ce budget est ainsi mise en cause tout comme la sincérité de la discussion parlementaire quand de généreuses annonces médiatiques interviennent durant son examen même.

Les mesures nouvelles n’ont pas le niveau d’ambition qu’exige notre système sanitaire. En ce qui concerne la prévention, l’article 17 constitue, à lui seul ou presque, l’emblème du nouvel intitulé du ministère, rebaptisé « de la santé et de la prévention ». Or il est peint en trompe-l’œil : s’agissant des trois rendez-vous de prévention tout au long de la vie, entre 20 ans et 25 ans, 40 ans et 45 ans et 60 ans et 65 ans promis dans le dossier de presse, le troisième est déjà en cours de déploiement et le deuxième ne prendra la forme que de « rendez-vous » ou de « séances » assez indéterminés.

La prévention est une chose trop sérieuse et, dans notre pays, trop urgente pour creuser à ce point l’écart entre promesses et réalisations.

En matière d’accès aux soins de ville, les mesures existent, mais elles sont timides ou brouillonnes – les deux qualificatifs n’étant pas mutuellement exclusifs.

À l’heure où tout semble prêter le flanc à la refondation, l’article 22 vise, plus modestement, à « rénover la vie conventionnelle ». En réalité, cet article ne modifie qu’à la marge les règles encadrant les conventions conclues entre les organisations représentatives des professions de santé et l’assurance maladie.

Le texte nous est, en outre, parvenu bardé d’articles additionnels, parfois à la limite de la recevabilité, et composant, davantage qu’une loi de financement, une espèce de loi Santé en costume d’Arlequin, avec accès direct aux infirmiers en pratique avancée, élargissement de la permanence des soins, dépistage de la drépanocytose, expérimentation de consultations avancées, certificats de décès…

Tous ces sujets sont bien sûr importants, mais ils gagneraient à être examinés de manière cohérente à l’abri des contraintes pesant sur le calendrier budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Sur ces thématiques, comme sur celle de la téléconsultation, que le Gouvernement entend mieux encadrer, nous proposerons des améliorations. De même, nous souhaitons rétablir le dispositif de la proposition de loi du président Retailleau sur la quatrième année de médecine générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Curieusement, aucune mesure de ce PLFSS ne concerne le financement de l’hôpital, sinon l’interdiction de l’intérim médical, notamment pour les jeunes diplômés, médecins et infirmiers. Si cette mesure est souhaitable, l’intérim des jeunes diplômés n’est pas le seul facteur qui fragilise le fonctionnement des établissements de santé, la qualité et la continuité des soins. Nous proposerons d’aller plus loin.

Quant aux mesures de régulation des produits de santé et de la biologie médicale, elles étaient manifestement mal préparées.

Le Gouvernement a ainsi finalement supprimé la contribution spécifique aux médicaments en forte croissance et rééquilibré, en contrepartie, la clause de sauvegarde en plafonnant les contributions dues pour l’année 2023. Il a, en outre, abandonné le référencement périodique des médicaments, que les fabricants et pharmaciens avaient jugé dangereux et inadapté.

L’article 27 ne s’apparente à rien de moins qu’un ultimatum au secteur de la biologie médicale puisque, à défaut d’accord, un arrêté ministériel fixerait une baisse généralisée de la cotation des actes. Une contribution exceptionnelle, assise sur le remboursement du dépistage du covid-19 en 2021, nous semble plus juste.

Mes chers collègues, la déception est grande. Sous réserve du vote des modifications issues des travaux de la commission, je vous proposerai, sans grand enthousiasme, d’adopter ce projet de loi de financement dans son volet assurance maladie.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, excédentaire depuis 2013, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) a renoué avec les excédents en 2021, après une année de déficit exceptionnel. Ce rebond se confirme en 2022.

Pour 2023, l’objectif de dépenses de la branche AT-MP est fixé à 14, 8 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base. Le PLFSS confirme le retour à une situation financière favorable, avec un excédent de 2, 2 milliards d’euros.

À moyen terme, l’écart entre les recettes et les dépenses s’amplifierait, atteignant 3, 3 milliards d’euros en 2026.

Cette situation, qui peut sembler confortable, signifie surtout que le calibrage des recettes de la branche AT-MP reste structurellement déconnecté de ses besoins de financement : le ratio d’adéquation des recettes aux dépenses dépasserait 120 % en 2026 en l’absence de mesures nouvelles.

Des mesures de rééquilibrage doivent donc être envisagées. Elles peuvent passer par de nouvelles dépenses, notamment en matière de prévention, et par la poursuite de l’ajustement à la baisse des cotisations.

Il me semble important de réaffirmer, mesdames, messieurs les ministres, que les excédents de la branche ne doivent être utilisés pour des finalités autres que la prévention et la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Malgré ces marges financières, le PLFSS ne contient cette année que peu de mesures affectant significativement les dépenses.

Il améliore la couverture des non-salariés agricoles pluriactifs en leur permettant de percevoir des indemnités journalières maladie au titre de l’activité non salariée qu’ils ne peuvent exercer en cas d’accident ou de maladie professionnelle dans le cadre d’une activité salariée, en sus des indemnités journalières AT-MP dont ils bénéficient à ce titre.

En outre, cet article tend à permettre aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux de bénéficier d’une rente AT-MP en cas d’incapacité permanente partielle.

Ces mesures, à l’impact financier très limité, sont néanmoins bienvenues.

Par ailleurs, deux articles additionnels ont été retenus par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité. Ils procèdent à des ajustements très ponctuels du dispositif d’indemnisation, par le fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, des enfants atteints d’une pathologie causée par leur exposition prénatale du fait de l’activité professionnelle de leurs parents. Cette indemnisation reste marginale dans l’activité du fonds, créé en 2020 et adossé à la mutualité sociale agricole (MSA) : sept demandes ont été déposées en 2021, dont seulement deux ont donné lieu à des suites favorables.

De manière classique, le PLFSS fixe les montants des transferts et versements de la branche AT-MP aux fonds amiante et vers d’autres branches.

Le montant du versement à la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP serait fixé à 1, 2 milliard d’euros pour 2023, alors qu’il était de 1, 1 milliard d’euros en 2022 et de 1 milliard d’euros les sept années précédentes. Cette augmentation en deux temps, annoncée l’an dernier par le Gouvernement, vise à approcher le point bas de l’estimation de la commission chargée d’en évaluer, tous les trois ans, le coût réel pour la branche maladie.

Or le nombre de maladies professionnelles a diminué de plus de 10 % entre 2012 et 2021. Des progrès ont été accomplis en matière de sensibilisation et d’information des victimes et de simplification des procédures. Dans ce contexte, l’augmentation de ce versement apparaît comme une ponction, réalisée dans des conditions peu transparentes et ne visant qu’à contribuer à combler le déficit de la branche maladie. Imagine-t-on qu’une autre caisse soit tenue de payer le coût supposé du non-recours aux prestations qu’elle est chargée de verser ?

La commission propose donc, comme l’an passé, de réduire le montant de ce versement à 1 milliard d’euros, ce qui nous semble représenter un maximum. Les 200 millions d’euros ainsi conservés par la branche pourraient utilement être fléchés vers la prévention et l’accompagnement.

Le montant des dotations aux fonds amiante – le fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante et le fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante – augmente en valeur absolue de 547 à 557 millions d’euros, mais son poids relatif dans l’ensemble des dépenses de la branche continue de décroître, en cohérence avec la baisse tendancielle du nombre des travailleurs ayant été exposés à l’amiante au cours de leur carrière.

Sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle a déposés, la commission vous invite à approuver l’objectif de dépenses de la branche, fixé à 14, 8 milliards d’euros pour 2023.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et su r quelques travées du groupe UC. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, année après année, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est l’occasion pour le Sénat d’alerter le Gouvernement sur la dégradation de la situation financière de la branche vieillesse.

Année après année, nous assumons nos responsabilités et nous adoptons les mesures difficiles que les circonstances imposent pour garantir le versement des pensions dans la durée et éviter à nos enfants d’avoir à travailler au-delà de 65 ans.

Année après année, le Gouvernement se voile la face en reportant sans cesse au lendemain l’une des décisions les plus importantes qu’il ait à prendre. Il y a cinq ans, souvenez-vous, le candidat Emmanuel Macron estimait qu’il n’y avait pas de problème de financement du système de retraite. Le temps a passé, les déficits se sont accumulés et, un beau jour, telle la vigie du Titanic, le Président de la République a fini par apercevoir l’iceberg ! C’est à nous, désormais, qu’il revient de fermer en urgence les cloisons étanches pour maintenir la France à flot.

En effet, la situation de la branche vieillesse n’autorise plus la moindre tergiversation. Le vieillissement démographique, le ralentissement de la croissance et la persistance d’une inflation soutenue devraient porter son déficit à 13, 6 milliards d’euros d’ici à 2026. Notons que cette projection intègre les effets d’une réforme des retraites dont le Gouvernement n’a pas daigné nous communiquer les paramètres exacts et dont on sait uniquement qu’elle améliorerait le solde de la branche de 8 milliards à 9 milliards d’euros d’ici à 2027.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. C’est déjà bien !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Face à un horizon aussi chargé, le PLFSS pour 2023 ne contient quasiment aucune mesure ayant une incidence financière sur la branche, hormis quelques articles portant sur la lutte contre la fraude sociale, qui ne produiraient que quelques millions d’euros de recettes supplémentaires au profit de la branche.

Dans ce contexte, je proposerai à notre assemblée d’instituer une convention nationale pour l’emploi des seniors et la sauvegarde du système de retraite, rassemblant des représentants des partenaires sociaux, de l’État et des associations familiales de retraités, ainsi que des personnalités qualifiées. Cette instance sera chargée de proposer au Gouvernement des mesures tendant notamment à favoriser le maintien des seniors dans l’emploi – il s’agit d’avoir une vision nouvelle des seniors dans notre société – ; à garantir la prise en compte de la pénibilité du travail, du handicap et des carrières longues ; à ramener la branche vieillesse à l’équilibre à l’horizon 2033.

Si cette convention aboutissait, ce que nous souhaitons vivement, à un compromis sur des mesures permettant d’atteindre ces objectifs, un projet de loi devrait être déposé sans délai au Parlement. En cas d’échec des discussions, ce que nous regretterions, plusieurs mesures paramétriques entreraient en vigueur le 1er janvier 2024.

Il s’agirait ainsi de fixer dans la loi, ce qui n’est pas le cas actuellement, l’âge du taux plein automatique à son niveau actuel, soit 67 ans ; de porter la durée de cotisation à 43 annuités dès la génération 1967 au lieu de la génération 1973, ce qui représenterait près de 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires à l’échelle du système de retraite à l’horizon 2030 ; de reporter de deux ans l’âge légal de départ pour atteindre 64 ans à compter de la génération 1967, ce qui améliorerait le solde du système de retraites de près de 13 milliards d’euros en 2030.

Bien entendu, cette réforme concernerait également les régimes spéciaux, qui devront contribuer autant que les autres à l’effort collectif, et ce avant 2033.

Je vois dans ces mesures le seul moyen de ramener la branche vieillesse à l’équilibre sans augmenter les cotisations ni diminuer les pensions. À défaut, nous laisserions à la jeunesse un système de retraite en bien piètre état, avec, selon les estimations du Comité d’orientation des retraites (COR), un déficit de l’ordre de 45 milliards d’euros en 2070. Nous rendrons-nous coupables d’une telle négligence et, j’ose le dire, d’une telle lâcheté ? Je ne peux le croire ! Alors, mes chers collègues, laissons de côté les clivages partisans et unissons-nous autour de ce qui nous rassemble : sauvons ensemble notre système de retraite !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDPI et INDEP, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour l’exercice 2022, la branche famille connaîtrait un excédent de 2, 6 milliards d’euros, qui se réduirait de moitié en 2023 pour atteindre 1, 3 milliard d’euros. Cet amoindrissement de l’excédent résulte, pour 850 millions d’euros, de la décision bienvenue du Gouvernement de revaloriser de moitié l’allocation de soutien familial (ASF) en faveur des parents isolés. C’est l’une des rares lueurs de ce PLFSS.

Pour les 70 % restants, la baisse provient du transfert à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de la charge des indemnités journalières du congé postnatal de maternité. Cette mesure grève les dépenses de 2 milliards d’euros sans que les familles y trouvent concrètement le moindre avantage. La trajectoire financière pluriannuelle de la branche en serait fortement affectée. Son excédent serait réduit à 500 millions d’euros en 2025, ce qui la priverait des moyens d’une ambition nouvelle. C’est pourquoi, sur l’initiative de la rapporteure générale, la commission vous proposera de supprimer ce transfert de charges.

Les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale portant sur la branche famille se concentrent sur la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG).

Le CMG « emploi direct » compense aux familles le coût de la garde de leurs enfants âgés de moins de 6 ans lorsqu’elles recourent à une assistante maternelle ou à une personne salariée pour une garde à domicile.

Le barème actuel induit des effets de seuil importants et entraîne des restes à charge élevés pour les foyers aux revenus les plus modestes. Il rend quasiment impossible le recours à un mode de garde individuel pour ces familles. Une telle fracture sociale n’est pas juste.

L’article 36 prévoit de remédier à ces difficultés en prenant désormais en compte pour le calcul du CMG les ressources de la famille, le nombre d’enfants à charge, le nombre d’heures et le coût médian de la garde, dans un objectif d’égalisation des taux d’effort des familles recourant à un assistant maternel et de celles recourant à un accueil en crèche relevant de la prestation de service unique (PSU) de la branche famille

L’article 36 prévoit aussi la possibilité pour les familles monoparentales de percevoir le CMG « emploi direct » jusqu’aux 12 ans de leurs enfants, contre 6 ans pour le droit commun. C’est là une autre lueur !

La commission soutient la réforme proposée du CMG, qui correspond aux attentes des familles. Elle a en outre adopté un amendement visant à prévoir la suspension sans délai du versement du CMG aux familles cessant de rémunérer l’assistante maternelle ou la garde à domicile.

L’article 36 suscite toutefois plusieurs regrets, à commencer par la date tardive de son entrée en vigueur, fixée en juillet 2025.

Par ailleurs, une évolution du barème, accompagnée d’un mécanisme de compensation satisfaisant, aurait sans doute été possible. En l’état du texte, 43 % des bénéficiaires actuels du CMG seraient défavorisés par la mise en œuvre de la réforme.

Qu’est-il proposé à ces familles perdantes ? L’article prévoit un complément compensatoire, aux paramètres incertains. Il serait soumis à des conditions de ressources et au recours minimal au mode de garde. La réforme se fera donc bel et bien au détriment de certaines familles déjà engagées auprès d’une assistante maternelle ou d’une garde à domicile.

Une seconde mesure, prévue à l’article 37, oblige l’employeur à verser au salarié, en lieu et place des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), une somme au moins égale aux indemnités journalières pour congé de maternité, d’adoption ou de paternité. L’employeur serait ainsi subrogé de plein droit à l’assuré dans le versement des indemnités journalières dues par la CPAM. Si certains employeurs ont librement choisi cette option ou appliquent en la matière un accord de branche, une telle obligation légale de versement semble disproportionnée en raison des charges de trésorerie qu’elle fait peser sur les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur situation. La commission vous proposera donc de supprimer cette disposition.

Comme vous le constatez, mes chers collègues, de nombreuses autres mesures, attendues des familles, sont absentes de ce PLFSS. Je pense à la réforme de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ou à la fin de la modulation des allocations familiales selon le revenu, soit le retour à l’universalité, mesure pourtant votée par le Sénat en février dernier.

Il convient aussi de s’atteler à la création de places en crèches. C’est une attente des familles, mais aussi une mesure indispensable pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes et accroître l’employabilité des femmes. Il faut par ailleurs résoudre les difficultés de recrutement des professionnels de la petite enfance, qui sont chaque jour plus criantes, sachant que 10 000 postes ne seraient pas pourvus.

Toutes ces avancées représenteront un coût financier. C’est pourquoi nous devons préserver les marges de manœuvre budgétaires de la Cnaf pour une relance véritablement ambitieuse de la politique familiale.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, annoncée triomphalement par le précédent gouvernement, la nouvelle étape de l’histoire de la sécurité sociale que devait être la création de la branche autonomie présente pour le moment un bilan bien mince.

Le débat sur le périmètre de la branche s’est éteint et, pour l’instant, les assurés n’ont pas vu évoluer les choses. Une nouvelle concertation vient de s’ouvrir pour tracer les perspectives du bien vieillir. Elle rendra ses conclusions au printemps prochain, au moment où débutera la concertation sur le handicap.

Il ne faut plus tarder, monsieur le ministre, les défis à relever sont connus, les besoins de recrutement ne font que croître et le secteur a besoin de financements supplémentaires : environ 1, 5 milliard d’euros pour le seul secteur des personnes âgées.

L’objectif de dépenses de la branche pour 2023 s’élève à 37, 4 milliards d’euros, en augmentation de 5, 3 % par rapport à l’année précédente.

Malgré cet effort, comme l’année dernière, cette hausse résulte principalement des revalorisations salariales mises en œuvre dans le cadre du Ségur de la santé et de leur extension à d’autres personnels non médicaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Je ne peux que regretter que ces efforts budgétaires supplémentaires ne permettent toujours pas de traiter la situation de l’ensemble des oubliés du Ségur, agents pourtant indispensables au fonctionnement du secteur.

Selon les projections pluriannuelles, la branche autonomie retrouverait une situation excédentaire à compter de 2024. Cet excédent diminuerait les années suivantes du fait de la création annoncée de 50 000 postes dans les Ehpad et du financement du temps dédié au lien social auprès des personnes âgées qui bénéficient du plan d’aide à domicile.

Dans ce contexte, il ne resterait aucune marge budgétaire disponible pour faire évoluer la situation et les conditions de vie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, ce qui est inquiétant. Nous sommes sollicités de toutes parts par les associations du monde du handicap, qui s’inquiètent de cette situation.

Lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre, vous avez parlé d’un PLFSS de fin de cycle. C’est le cas ! Les dispositifs proposés dans le texte viennent sécuriser des réformes déjà lancées les années précédentes et renforcent le virage domiciliaire, qui est la principale orientation stratégique suivie par la branche. Cette orientation répond à la demande des personnes en situation de perte d’autonomie.

Bien sûr, le PLFSS porte la marque des soubresauts qui ont secoué le secteur des Ehpad, à la suite de la publication du livre Les fossoyeurs, mais il traduit aussi la nécessité pour le Gouvernement de combler ce que nos collègues Bernard Bonne et Michelle Meunier ont appelé « les angles morts du contrôle ».

Ces mesures – virage domiciliaire, contrôle – vont dans la bonne direction. Elles illustrent aussi les limites d’une méthode consistant à retoucher ce qui peut être retouché en loi de financement : la vision d’ensemble est quasi absente, la concertation préalable avec les professionnels ou les départements est faible, mais la complexité s’accroît à chaque dispositif nouveau. Songez ainsi que les concours de la CNSA aux départements transiteront désormais par plus d’une dizaine de canaux différents !

Outre ces dispositifs d’intérêt variable, l’Assemblée nationale a ajouté dix-neuf articles – un record ! –, dont onze demandes de rapport pour la seule branche autonomie…

Parmi ces dispositions, j’en mettrai trois en exergue : la revalorisation annuelle du tarif plancher, qui passera à 23 euros en 2023 ; la création d’un parcours de rééducation et de réévaluation des enfants en situation de polyhandicap ou de paralysie cérébrale ; une expérimentation visant à assurer un meilleur accompagnement des aidants.

Toutefois, la question du financement de ces mesures nouvelles reste entière et inquiète les départements, qui ne peuvent supporter de nouvelles charges sans aucune visibilité. Aujourd’hui, des discussions sont en cours, mais les départements n’ont aucune certitude.

Un souffle nouveau est nécessaire. Il est indispensable d’engager une réflexion stratégique sur l’autonomie. Il faut réfléchir à la création de ressources nouvelles et surtout imposer une vision pluriannuelle qui ne se résume pas à d’innombrables missions et groupes de travail. Le terme « pluriannuel » est essentiel pour l’ensemble du secteur.

Pour maintenir les questions d’autonomie dans l’agenda politique, pour que, enfin, une vision stratégique soit nourrie par des données, pour que des décisions de financement soient prises, la commission des affaires sociales vous propose d’institutionnaliser le dialogue entre les différents partenaires, sous la forme d’une conférence des générations et de l’autonomie. Puissent ces instances jouer le rôle confié à la conférence nationale du handicap pour faire progresser la prise en charge des plus fragiles.

En conclusion, permettez-moi de me faire le relais de nombreux acteurs du secteur, qui s’inquiètent non pas de la prise en compte de leurs préoccupations, mais des délais de la programmation et surtout de l’octroi des moyens nécessaires. Ils veulent des perspectives d’avenir.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Klinger

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances a constaté que le PLFSS comportait peu de mesures ayant des impacts financiers significatifs pour 2023. L’évolution des recettes et des dépenses résulte essentiellement de paramètres inchangés par rapport à cette année et des hypothèses macroéconomiques retenues par le Gouvernement.

Les hypothèses concernant la masse salariale ont été jugées plausibles par le Haut Conseil des finances publiques, mais nous savons qu’il existe un aléa sur la prévision de croissance et que des signes de ralentissement apparaissent.

La prévision de dépenses table sur une quasi-extinction des prises en charge dérogatoires liées au covid-19. Cette moindre dépense escomptée, mais incertaine, explique à elle seule la diminution du déficit de la sécurité sociale en 2023.

Hors crise sanitaire, le déficit en 2023 sera simplement stabilisé par rapport à 2022, malgré des hypothèses de revalorisation des prestations pour l’an prochain sensiblement inférieures à l’inflation, et à condition de conserver une évolution positive de l’emploi et une bonne dynamique de la masse salariale.

Le déficit de l’assurance maladie se réduit fortement. C’est l’effet du faible montant de la provision pour la crise sanitaire. S’y ajoute la ponction de 2 milliards sur la branche famille, injustifiée et inopportune, au moment où le fléchissement de la natalité exigerait une politique familiale plus ambitieuse.

Les mesures de maîtrise des dépenses d’assurance maladie paraissent conjoncturelles, plus que structurelles. Certaines économies attendues sont peu documentées, notamment les actions sur la pertinence des actes et des prescriptions.

La commission des finances relève néanmoins plusieurs dispositions du texte visant à renforcer la lutte contre les abus et les fraudes. Dans l’enquête qu’elle a remise voilà deux ans à la commission des affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes avait dressé un constat sévère sur l’insuffisance des contrôles réalisés par l’assurance maladie. Les modifications proposées vont dans le bon sens, mais il faudra amplifier ces actions.

Les prévisions pour 2024 et au-delà nous paraissent inquiétantes pour plusieurs raisons.

Premièrement, le déficit persiste et s’accentue à partir de 2024, alors que les hypothèses de croissance, d’emploi et de recettes sont optimistes.

Deuxièmement, les prévisions de dépenses d’assurance maladie sont elles aussi optimistes, le rythme d’évolution étant inférieur à celui de la croissance majorée de l’inflation. Ce résultat supposerait une maîtrise des dépenses particulièrement efficace, mais les instruments sur lesquels s’appuyer ne sont pas véritablement précisés.

Troisièmement, enfin, la trajectoire des dépenses de retraite, marquée par une nette dégradation dès 2024, est d’autant plus préoccupante que le Gouvernement indique avoir en partie pris en compte, à un niveau qu’il n’a cependant pas clairement précisé, les effets d’une nouvelle réforme.

Le relèvement de l’âge de départ est désormais jugé absolument indispensable, alors que cette idée avait été totalement écartée en 2017. Le Sénat, lui, a été constant sur ce point, en inscrivant depuis 2014, dans chaque PLFSS, une mesure en ce sens.

En tout état de cause, cette réforme, constamment repoussée, sera engagée trop tardivement pour avoir un effet sensible sur le rythme de progression des dépenses de retraites d’ici à 2027.

En résumé, le PLFSS pour 2023 comporte peu de mesures de nature à rééquilibrer les comptes sociaux. L’amélioration affichée pour l’an prochain n’est due qu’à une quasi-disparition escomptée de toute mesure spécifique de gestion du covid-19. Les déterminants des déficits persistent et ils sont sans doute sous-évalués.

En outre, le PLFSS est fondé sur une perspective de dégradation des comptes sociaux durant plusieurs années et sur une remontée des déficits dès 2024. La question de leur financement se posera donc inévitablement d’ici à deux ans, quand les possibilités de reprise par la Cades auront été épuisées, dans un contexte de taux d’intérêt sans doute plus difficile que celui de ces dernières années.

Pour ces raisons, la commission des finances a considéré que le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’était pas acceptable en l’état. Elle a donc conditionné son avis favorable à l’adoption des amendements présentés par la commission des affaires sociales, dont elle partage pleinement l’objectif.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 est le premier que nous examinons sous l’empire d’un cadre organique rénové, qui était censé, en particulier, améliorer nos délais d’examen et renforcer l’information du Parlement.

Or je pense que nous n’avons jamais connu de délais d’examen aussi courts et dégradés. À cet égard, je tiens à rendre hommage à nos rapporteurs, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour présenter à la commission, puis au Sénat, une position cohérente sur ce texte.

Quant à l’information du Parlement, nous aurons sans doute encore à y travailler, la loi organique n’étant pas suffisante pour atteindre les objectifs fixés.

Sur le fond, nous aurions pu attendre, dans les circonstances de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement, un texte resserré sur l’essentiel, traçant quelques axes stratégiques pour l’avenir de la sécurité sociale.

L’article 49, alinéa 3, de la Constitution ne nous aura pourtant pas épargné un texte bavard, dont le volume a encore une fois plus que doublé. Le PLFSS est lesté non seulement de quelques fonds de tiroir des ministères, mais aussi de nombreuses demandes de rapports, dont l’effet concret sur le cours des choses est inversement proportionnel à l’émotion suscitée par leur adoption.

Je n’évoquerai pas dans le détail des dispositions, certes sympathiques, mais dont la place dans le texte n’est pas toujours évidente. C’est sans doute qu’il demeure un malentendu assez fort sur ce qui nous occupe aujourd’hui.

Le PLFSS n’est pas le lieu d’une discussion prospective sur notre système de santé, ni même sur l’organisation de notre protection sociale en général. Il devrait être un des points d’orgue de notre vie démocratique, le moment où le Gouvernement et le Parlement justifient, devant nos concitoyens, du bon emploi des sommes qui leur sont demandées pour le financement de la protection sociale.

Rappelons que nous allons franchir, l’année prochaine, le cap symbolique des 600 milliards d’euros de dépenses. C’est bien plus que le budget de l’État ; c’est bien plus que le financement d’autres politiques publiques, qui ont toutes leur importance, que l’on songe à la défense, à l’éducation et à la recherche, ou encore à la justice, pour n’en citer que quelques-unes.

Dans un contexte où les Français souffrent de la hausse des prix et de conditions de vie de plus en plus difficiles, nous sommes ici pour justifier des prélèvements qui sont effectués sur leurs revenus afin de leur assurer une protection solidaire.

En effet, malgré les sommes très importantes qui lui sont consacrées, notre modèle social est en crise structurelle. L’hôpital semble en plus mauvaise posture qu’au plus fort de la crise, l’accès aux soins souffre d’inégalités insupportables, qu’elles soient sociales ou territoriales. Les retraites sont mises à l’épreuve de la démographie et nous abordons, non sans inquiétude et dans l’impréparation, le mur de la dépendance des générations du papy-boom.

Alors que le modèle solidaire de notre protection sociale est menacé, que nous propose ce texte ? Un statu quo quelque peu incompréhensible en ce que le tableau d’équilibre avant mesures nouvelles est identique à celui après mesures, à cela près que des dépenses nouvelles sont venues absorber les recettes nouvelles.

Nous sommes responsables devant les Français de l’efficacité de la dépense publique et de la préparation du pays aux défis de demain. C’est à cela que nous devrions consacrer nos débats d’aujourd’hui.

Comment sortir d’une économie de crise ? Comment faire face à l’inflation et à la remontée des taux d’intérêt, alors que la dette sociale s’est accumulée ? Comment accueillir l’innovation et favoriser le vieillissement en bonne santé ?

Nous n’avons trouvé aucune réponse à ces questions dans le PLFSS. Néanmoins, en responsabilité, portée par l’exigence que nous devons aux Français et par un attachement profond à la soutenabilité de notre modèle social afin de pouvoir le laisser aux générations futures, la commission des affaires sociales vous en proposera quelques-unes.

Ces réponses passent par une adaptation de notre modèle social aux défis du moment, mais aussi par un renforcement de la reddition des comptes du Gouvernement devant le Parlement et, à travers lui, devant l’ensemble de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je suis saisi, par Mmes Cohen, Apourceau-Poly et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, d’une motion n° 762.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3 du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (96, 2022-2023), considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler les propos du Gouvernement lors de la présentation, le 23 septembre dernier, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 : « En sortie de crise sanitaire, et en début de quinquennat, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est un texte d’ambitions pour répondre aux enjeux du quotidien des Français ».

La crise sanitaire et la crise du pouvoir d’achat de nos concitoyennes et concitoyens allaient-elles vous faire abandonner votre logiciel libéral ? Le Gouvernement allait-il enfin arrêter d’épuiser les recettes de la sécurité sociale avec les exonérations de cotisations patronales ? Que nenni ! Le PLFSS pour 2023 prévoit une augmentation de 5 milliards d’euros des exonérations sociales patronales, qui atteindront 70 milliards d’euros en 2023.

Le Gouvernement allait-il enfin prendre ses responsabilités et assumer la dette de 18 milliards d’euros de la Cades, liée à la pandémie de covid-19 ? Au contraire, le Gouvernement a actionné à deux reprises l’article 49, alinéa 3, de la Constitution pour passer outre l’opposition parlementaire. Au passage, il a supprimé une disposition qui avait été proposée par le groupe communiste à l’Assemblée nationale visant à transférer la dette de la sécurité sociale vers le budget de l’État, laquelle avait été adoptée.

Pour débattre, mes chers collègues, il faut en avoir la volonté politique ; or elle n’est pas au rendez-vous, loin de là !

Monsieur le ministre, vous refusez d’entendre la souffrance des personnels des secteurs de la santé et du médico-social, celle des patients qui n’ont plus de médecin traitant ou qui attendent des heures sur les brancards dans les couloirs des hôpitaux.

En persévérant dans vos choix, en amplifiant la logique qui est la vôtre, selon laquelle la santé est un coût qu’il faut réduire, vous détruisez la sécurité sociale, à laquelle les Françaises et les Français sont tellement attachés et vous précipitez les départs des hospitaliers. La situation est critique et atteint un point de non-retour. Pourtant, vous persévérez et signez une politique irresponsable.

En prévoyant une progression des dépenses de l’assurance maladie de seulement 3, 7 % – elle est en réalité en diminution de 0, 8 % si l’on tient compte de la crise sanitaire –, le budget de la santé va augmenter moins vite que l’évolution naturelle des dépenses de santé de 4 %.

L’Ondam va demeurer un point en dessous de l’inflation, estimée à 4, 7 % pour 2023, ce qui est une première bien funeste. Ainsi, vous allez réaliser 1, 7 milliard d’euros d’économies en 2023 sur le budget de la santé : autant d’argent qui va manquer pour recruter et mettre fin à l’hémorragie du personnel, qui n’en peut plus, et améliorer les conditions de travail.

Pis, vous justifiez les fermetures de lits – 21 000 entre 2017 et 2022 – et de services par manque de personnel, mais à qui la faute ? Qui refuse de donner des moyens supplémentaires aux universités ? Qui ne réintègre pas les personnels licenciés durant la crise du covid-19 ? Qui ne prend pas en charge les formations, laissant les hôpitaux se débrouiller ?

Vous attendez la montée des colères pour débloquer quelques millions sans vous en prendre à la racine des maux de notre système de santé : le manque de recettes volontairement entretenu.

Quand une maison menace de s’effondrer, pensez-vous que l’urgence soit de repeindre la façade ? C’est pourtant ce que fait le Gouvernement.

Je pense notamment à la situation des services pédiatriques sur laquelle je vous ai interpellé lors des questions d’actualité, monsieur le ministre, le 26 octobre dernier. Là encore, vous m’avez opposé une fin de non-recevoir, balayant les faits que je rapportais d’un revers de main. Pourtant, je ne faisais que relayer la colère et l’indignation des principaux intéressés.

Écoutez ainsi le professeur Stéphane Dauger, chef du service de réanimation pédiatrique de l’hôpital Robert-Debré, qui ne décolère pas : « Entendre que tout est sous contrôle, ça relève presque de la provocation pour ceux qui, sur le terrain, se confrontent à cette crise. Même en travaillant jusqu’à l’épuisement, on doit refuser des patients. »

Alors que les personnels de la pédiatrie dénoncent depuis des années les manques de moyens humains et financiers, le Gouvernement a jugé suffisant d’accorder une prime d’exercice en soins critiques et de doubler la rémunération des heures de nuit, mais ce uniquement jusqu’au 31 mars 2023.

L’épidémie de bronchiolite n’est que le sommet de l’iceberg de la réalité des difficultés que connaissent les urgences pédiatriques tout au long de l’année.

Le déblocage de 400 millions d’euros est une insulte pour les personnels mobilisés, et ce d’autant plus que 150 millions d’euros étaient déjà prévus pour l’ensemble des services en tension de l’hôpital.

Les services pédiatriques, à l’instar de l’ensemble des services des hôpitaux, ont besoin de mesures structurelles pour pallier les conséquences des politiques d’austérité menées depuis près de vingt ans par les gouvernements successifs.

Les difficultés d’accès aux soins rencontrées par nos concitoyennes et nos concitoyens exigent de recruter 100 000 personnes dans les hôpitaux et d’augmenter les capacités des universités à former davantage de médecins, mais aussi de paramédicaux, comme les infirmières et les infirmiers confrontés, dans les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi), à des conditions de travail dégradées.

Au lieu de ces mesures d’urgence, vous préférez ajouter une dixième année aux internes en médecine et priver les territoires d’une génération de médecins en 2026.

Cette réforme s’est faite sans consultation des organisations syndicales des internes ni réflexion sur son contenu pédagogique. Alors que les études de médecine ont subi tout récemment de profondes réformes, dont les effets n’ont pas encore été évalués, vous allez réduire l’attractivité de la formation de médecine générale.

Le Gouvernement, comme la majorité sénatoriale, n’est pas en phase avec l’aspiration des jeunes générations à exercer un emploi salarié dans des structures collectives.

Monsieur le ministre, pourquoi refuser de financer les centres de santé à hauteur des maisons de santé ou des médecins libéraux ? Pourquoi un centre de santé devrait-il se contenter d’une aide financière à l’installation de 30 000 euros quand les maisons de santé et les médecins libéraux bénéficient, eux, de 50 000 euros ?

La création de centres de santé est pourtant l’une des réponses pour combattre les déserts médicaux et paramédicaux, qui s’étendent partout dans le pays.

Pourquoi ne pas avoir le courage de rétablir les gardes de médecins le soir, le week-end et les jours fériés ? Pour ce faire, il y aurait urgence à revaloriser le montant des gardes et à étendre cette obligation à l’ensemble des médecins généralistes, y compris en secteur 2.

Au lieu de ces mesures de bon sens et de justice réclamées par les établissements hospitaliers de nos territoires, les syndicats et les collectifs, vous choisissez d’exonérer les médecins retraités de cotisations sociales pour qu’ils poursuivent leur activité. On marche sur la tête !

Ce PLFSS était l’occasion de tirer des enseignements de la pandémie et des conséquences incertaines de l’apparition d’un nouveau variant. Comment ne pas être en colère en constatant, monsieur le ministre, que vous avez seulement provisionné 1 milliard d’euros en 2023 pour le financement des tests et des vaccins contre le covid-19 quand les mesures d’urgence sanitaire ont coûté plus de 11 milliards d’euros en 2022 à l’assurance maladie ?

Alors que l’espérance de vie en bonne santé est de 64 ans dans notre pays, le Gouvernement et la majorité sénatoriale souhaitent reculer l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans plutôt que d’augmenter les cotisations patronales de 4 euros par mois pour assurer le financement des retraites. De cette réforme, nous n’en voulons pas !

Ce PLFSS était l’occasion, à défaut d’une grande loi sur le grand âge annoncée à maintes reprises, de s’engager sur la voie du recrutement de 100 000 professionnels par an pendant trois ans dans les Ehpad, avec pour objectif un taux d’encadrement d’un soignant par résident. On en est loin : les 170 millions d’euros dédiés au recrutement dans les Ehpad représentent un demi-poste de plus dans chacun des 7 000 Ehpad de France.

Après le scandale Orpea, continuerez-vous à laisser des organismes à but lucratif gérer massivement les établissements qui accompagnent nos aînés et faire des profits sur leur dos ? Monsieur le ministre, votre projet pour accompagner nos anciens est aux antipodes du projet de société que je porte avec mon groupe.

J’évoquais, au début de mon propos, l’étatisation de la sécurité sociale et sa remise en cause. Ce constat se confirme par le transfert à la branche famille des indemnités journalières des congés de maternité post-naissance, jusqu’ici pris en charge par l’assurance maladie.

En conclusion, mesdames, messieurs les ministres, ce budget est totalement déconnecté de l’urgence. Il est injuste, pour ne pas dire provocateur, inégalitaire et insincère. Alors que le Sénat doit examiner en quatre jours un budget de 600 milliards d’euros, je rappelle que le projet de loi de finances est examiné pendant trois semaines, pour un solde de seulement 480 milliards d’euros.

Alors que le Gouvernement a utilisé l’article 49.3 à deux reprises à l’Assemblée nationale, le Sénat a utilisé son 49.3 interne en déclarant irrecevables la moitié des amendements déposés sur ce PLFSS.

Dimanche dernier, le président du Sénat expliquait pourtant dans Le Parisien que le Sénat discuterait sur le fond de tous les sujets. Le soir même, la commission des finances jugeait irrecevables des amendements visant, par exemple, à mettre à contribution les entreprises responsables d’accidents médicaux pour financer la branche accidents du travail. L’argument invoqué vaut son pesant de cacahuètes : l’adoption de cet amendement aurait un effet trop indirect et incertain sur les finances de la sécurité sociale !

Sourires au banc de s commission s . – Mme Éliane Assassi sourit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Cette censure du Sénat et le coup de force démocratique du Gouvernement démontrent l’absence de volonté de débattre réellement des propositions alternatives de l’opposition.

Pour l’ensemble de ces raisons, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste invitent tous les parlementaires attachés à la sécurité sociale solidaire, universelle et financée par les cotisations à voter notre motion.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande la parole contre la motion ?…

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, il y a chez vous une grande appétence à débattre. Pourtant, vous proposez de couper court à l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Je vous l’accorde, madame la présidente.

Vous vous faites le porte-voix d’insatisfactions qui méritent sans doute d’être transmises au Gouvernement. Débattre de chaque article, de chaque amendement, vous donnera justement l’opportunité d’exposer les difficultés de terrain dont vous avez connaissance.

Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à ne pas voter cette motion. Il est d’autant plus important de tenir ce débat qu’il n’a pu avoir lieu, dans son intégralité, à l’Assemblée nationale : avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Près de 600 amendements ont été déclarés irrecevables !

Debut de section - Permalien
François Braun

Le Gouvernement veut permettre aux sénateurs de débattre des sujets de santé : avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Si nous votions avec le cœur, nous soutiendrions probablement la motion de nos collègues communistes. En effet, beaucoup des arguments avancés par Laurence Cohen, et pas seulement le premier, sont justes.

Il en est ainsi, en particulier, des conditions d’examen du texte. Il est rare qu’un PLFSS arrive au Sénat après un recours à l’article 49.3 de la Constitution à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

En tout état de cause, l’Assemblée nationale n’a pas complètement débattu de ce texte, qui mérite d’être examiné à fond et sereinement.

Cette situation rend incertaines nos délibérations, puisque nous savons déjà que l’article 49.3 sera utilisé en deuxième lecture, à l’Assemblée nationale. Dès lors, est-il bien utile de mener certains débats ?

Par ailleurs, la majorité sénatoriale, dans sa gestion des irrecevabilités, ne nous a pas simplifié la tâche. Une fois encore, je m’inscrirai dans les pas du très respecté Jean-Pierre Sueur pour souligner que des amendements qui étaient recevables l’an dernier ne le sont plus cette année et que la lecture faite par les différentes commissions du régime des irrecevabilités nous empêche de mener au fond certains débats et nous contraint à utiliser des artifices, tels que des demandes de rapport.

Mis bout à bout, tous ces éléments font que ce budget de la sécurité sociale sera débattu dans des conditions dégradées.

Pour autant, nous nous abstiendrons sur la motion, afin de pouvoir débattre de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Nous partageons le constat du groupe CRCE sur ce PLFSS, qui est loin de répondre aux défis qui sont les nôtres.

Nous reviendrons en discussion sur la situation de l’Ondam, et notamment de l’Ondam hospitalier, encore une fois insuffisant, qui oblige à de nouvelles économies alors que la situation de l’hôpital public est plus que critique. Des pans entiers du soin, comme la psychiatrie ou la pédiatrie, sont tout simplement oubliés.

L’Ondam est également insuffisant en matière d’autonomie et de famille, les mesures annoncées étant de surcroît reportées.

Ce PLFSS sans souffle perpétue la lente désintégration du système de santé par une gestion comptable de court terme.

Ce PLFSS nous est arrivé après recours au 49.3 à l’Assemblée nationale. Nous ne sommes pas assurés qu’il ne ressortira pas de nouveau de l’Assemblée nationale, en deuxième lecture, selon ce processus antidémocratique.

Les motifs d’irrecevabilité invoqués à l’encontre de nos amendements sont assez paradoxaux : l’amendement est déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution soit parce que la mesure envisagée aurait un impact négatif sur les recettes de la sécurité sociale, soit parce que son adoption aurait des conséquences insuffisantes, indirectes ou mal évaluées sur les ressources ou les dépenses de sécurité sociale. Les irrecevabilités sont clairement utilisées de manière abusive.

Mme Esther Benbassa applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

On ne peut pas dire que l’Ondam n’ait pas progressé puisqu’il a augmenté de 57 milliards d’euros depuis 2017.

Nous manquons de médecins et trépigner n’y changera rien. Certes, le numerus clausus a été supprimé, mais il faudra attendre dix ans avant d’en constater les effets. Il faut rappeler également combien le covid a perturbé la sécurité sociale avec 35 milliards d’euros de déficit en 2020.

Ce PLFSS contient des éléments de progrès, comme les incitations pour les médecins retraités à continuer leur activité ou celles, pour les médecins libéraux, à participer aux services d’accès aux soins et à la régulation.

Le report de certaines mesures – comme celui, qui avait été annoncé, des 50 000 créations de postes dans le secteur médico-social – ne doit pas faire oublier les progrès, tels que le dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) – très important pour la stérilité et les grossesses extra-utérines –, les vaccinations par les pharmaciens, infirmiers et sages-femmes – mesure très importante également –, la consultation aux différents âges de la vie, la contraception d’urgence pour toutes les femmes ou encore les efforts en direction des familles monoparentales.

Pour les Français, nous devons examiner ce PLFSS et l’améliorer.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Martin Lévrier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

Je n’aborderai pas le fond de ce PLFSS – nous aurons l’occasion d’en débattre lors de la discussion des amendements – et m’en tiendrai à la motion tendant à opposer la question préalable.

Notre groupe est attaché au débat ; la démocratie, c’est la discussion. Adopter la motion reviendrait à un 49.3 à l’envers. Imaginez que l’Assemblée nationale adopte le texte par la procédure du 49.3 et que le Sénat vote la motion tendant à opposer la question préalable : ce serait la négation du Parlement, mais aussi celle du Sénat.

Vives protestations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Henno

M. Olivier Henno . … et parce que nous sommes impatients d’écouter vos arguments, même si nous ne sommes pas d’accord, nous avons la responsabilité de débattre de ce PLFSS.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Daniel Chasseing applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La parole est à M. Joël Guerriau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Eu égard à l’importance des enjeux, on ne peut que débattre. Un amendement peut toujours être retenu ; le 49.3 n’empêche pas le texte de progresser et d’évoluer.

Il est extrêmement important, ne serait-ce que par respect pour les Français, de montrer que le Sénat travaille de manière constructive.

Marques d ’ ironie sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je mets aux voix la motion n° 762, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 30 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Chantal Deseyne.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Bernard Bonne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce premier PLFSS du quinquennat, fondé sur des hypothèses économiques optimistes – PIB à 1 %, masse salariale à 5 % – et sur des dépenses de santé sous-estimées, montre une amélioration des comptes en trompe-l’œil et temporaire.

Le déficit initial de la sécurité sociale, fixé à l’origine à 6, 8 milliards d’euros, est passé à 7, 3 milliards d’euros. Il manque une stratégie ambitieuse de réduction des déficits.

D’après les prévisions de recettes inscrites à l’article 3, le solde de la branche famille devait être excédentaire, à hauteur de 2, 6 milliards d’euros, au titre de l’année 2022.

Au travers d’un tour de passe-passe budgétaire, nous assistons en réalité à un transfert de plus de 2 milliards d’euros au détriment de la branche famille pour améliorer le solde de la branche maladie, fortement déficitaire. Les dépenses d’assurance maladie sont donc artificiellement allégées.

Je rappelle que la bonne situation financière de la branche famille a été rendue possible au prix d’importantes mesures d’économie touchant directement le budget des familles.

Dans la continuité du quinquennat de François Hollande, votre majorité rabote chaque année la politique familiale. Notre système de politique familiale a perdu sa vocation universaliste.

Debut de section - Permalien
Jean-Christophe Combe

Nous l’assumons !

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Cette orientation est une grave erreur au moment où les familles subissent de plein fouet une baisse drastique de leur pouvoir d’achat.

Je déplore également un manque de réformes structurelles. L’absence d’une loi sur le grand âge et le manque de nouveaux moyens financiers montrent que les crédits supplémentaires accordés à la branche autonomie ne sont qu’une rustine sur un système à bout de souffle.

Chaque année, on nous promet une loi sur le grand âge et l’autonomie pour la renvoyer ensuite aux calendes grecques. Or, d’après les projections de l’Insee, la part des seniors de 65 ans et plus va augmenter de 33 % entre 2022 et 2041, puis de 51 % d’ici à 2070. Il est urgent d’anticiper cette évolution démographique.

Enfin, nous estimons que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ne sera pas tenable, comme l’a souligné Corinne Imbert. La hausse de 3, 7 % de l’Ondam ne tient compte ni de l’inflation à 4, 7 % ni de la hausse tendancielle des besoins de santé, estimée à 4 % par la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS).

Certaines mesures vont dans le bon sens, comme la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), allocation perçue par les parents faisant garder leur enfant par une assistante maternelle, une microcrèche, une garde à domicile ou encore une garde partagée.

Dans ses intentions, cette réforme est une mesure de justice et d’équité. Toutefois, dans sa forme actuelle, elle risque d’abaisser les aides versées à 43 % des familles concernées. C’est inacceptable, qui plus est au moment où les familles subissent la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation.

La réforme du CMG doit éviter de faire des familles perdantes. Lorsque la garde d’enfant est indisponible ou trop chère, de nombreuses mères risquent de décrocher de l’emploi. Mieux soutenir les familles, c’est soutenir l’égalité hommes-femmes.

Attention aussi à ne pas rendre la garde trop coûteuse pour les familles faisant garder leur enfant à temps partiel, que ce soit du fait du travail à temps partiel d’un parent ou de l’utilisation d’une garde périscolaire.

Nos politiques de santé se résument souvent à une approche curative. Or la prévention doit être renforcée.

Le texte prévoit la mise en place de rendez-vous de prévention, dont l’objectif est de renforcer l’intervention des professionnels de santé. Mais comment allez-vous organiser ces trois rendez-vous aux différents âges de la vie, alors que l’on a déjà du mal à trouver des professionnels de santé ?

En outre, c’est non pas forcément l’âge de la personne qui doit définir la période de dépistage, mais plutôt ses antécédents médicaux.

En matière de prévention, j’attire votre attention sur la première épidémie non infectieuse de l’histoire de l’humanité : l’obésité.

En 2012, le ministère de l’économie estimait déjà à 20 milliards d’euros le coût social du surpoids, comparable à celui du tabac ou de l’alcool. Il est regrettable que le PLFSS ne porte aucune mesure de prévention contre l’obésité, dont le coût est si important.

Enfin, monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur un tout autre sujet, celui de l’illectronisme en santé. L’illettrisme numérique résulte de l’inaptitude d’un individu à utiliser les outils numériques du quotidien. Ce phénomène touche 17 % de la population, soit près de 13 millions de personnes en France.

Selon une enquête du journal Le Monde, 67, 2 % des patients de 75 ans et plus sont concernés et 43 % d’entre eux sont non diplômés.

Ces patients, victimes de la fracture numérique, sont souvent issus de milieux défavorisés et vivent dans des territoires périphériques éloignés du service public hospitalier. Ne pas pouvoir accéder aux solutions de télésurveillance médicale est pour eux une sorte de double peine.

La télésurveillance a démontré sa pertinence durant la crise sanitaire, permettant la continuité des soins sur des pathologies chroniques. Elle est aujourd’hui indispensable, tant notre territoire est touché par les déserts médicaux et frappé par une pénurie de spécialistes.

Le dispositif actuel se concentre sur le remboursement des seules solutions technologiques. Il écarte par conséquent le suivi humain, seul adapté aux patients en situation d’illectronisme.

Nous devons penser à des solutions pour développer l’accompagnement au digital dans le secteur de la santé, à l’instar de ce que font les associations qui accompagnent les personnes en situation d’illectronisme. Ce n’est pas très compliqué à mettre en œuvre ; la seule difficulté porte sur les moyens. Afin de lutter plus efficacement contre un système à deux vitesses, une partie du budget alloué à la télésurveillance pourrait être fléchée vers des solutions qui rendent le télésuivi accessible à tous.

Ce PLFSS manque d’ambition et d’une vision pour l’avenir de notre système de santé. Le premier PLFSS du quinquennat est un renoncement à réformer en profondeur notre système de santé et laisse encore de côté une partie des Français.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – Mme Nadia Sollogoub et M. Martin Lévrier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans ce PLFSS, l’Ondam augmente de 3, 7 % pour atteindre 244, 1 milliards d’euros en 2023, en progression de 57 milliards depuis 2017. Certes, l’inflation vient tempérer cette hausse, même si les salaires ont beaucoup augmenté depuis 2020.

Le présent texte prévoit de ramener le déficit à 6, 3 milliards d’euros contre 18 milliards en 2022, dont seulement 1 milliard pour le covid-19.

Permettez-moi tout d’abord de saluer le travail des soignants à l’hôpital et dans le secteur médico-social.

En matière de prévention, le projet de loi comporte un certain nombre de progrès : le dépistage IST, la vaccination, la contraception d’urgence, les trois consultations aux âges clés de la vie, l’effort pour les familles monoparentales…

En ce qui concerne l’accès aux soins, les crédits de l’hôpital augmentent de 4, 1 % contre 2 % entre 2012 et 2017.

Monsieur le ministre, vous proposez une montée en charge du Ségur de la santé, afin de prendre en compte les « oubliés » et l’investissement. L’hôpital est en difficulté depuis longtemps. Les médecins et infirmières manquent à l’appel pour occuper les postes non pourvus. Quant à la suppression du numerus clausus, elle n’aura de résultats que dans dix ans.

Il nous faut massivement former des aides-soignantes et infirmières pour le secteur médico-social et l’hôpital. Encourager les médecins à participer la régulation est une bonne mesure.

Afin de désengorger les urgences, il faut accueillir les patients sans gravité dans une salle en amont et ouvrir des lits en aval quand cela est possible. Monsieur le ministre, mettez les internes dans les hôpitaux hors centres hospitaliers universitaires (CHU) !

Si le budget alloué au secteur médico-social augmente de 5 %, les 3 000 créations de postes de soignants en Ehpad sont insuffisantes eu égard à l’augmentation de la dépendance – le groupe iso-ressources moyen pondéré, ou GMP, est à 730. Nous comptons 0, 3 équivalent temps plein (ETP) par pensionnaire ; il en faudrait 0, 5, ce qui représente 35 000 emplois…

Alors que 90 % des Français souhaitent rester à domicile jusqu’à la fin, vous proposez, à l’article 34, de créer des heures supplémentaires d’allocation personnalisée d’autonomie. C’est bien, mais il faudra un budget dépendance pour aider les départements.

Vous proposez également d’augmenter, au cours du quinquennat, le nombre de places en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). C’est indispensable : 240 millions d’euros, c’est un bon début pour le virage domiciliaire.

Tout cela doit se concrétiser par la mise en place du plan grand âge, différé – nous pouvons le comprendre – en raison du covid. Je sais très bien, madame la ministre, que le financement arrive via l’emploi et les cotisations. Toutefois, monsieur le ministre, vous devez fixer au plus vite un objectif pour financer les 50 000 emplois dédiés à la prise en charge de la dépendance.

Dans le secteur du handicap, vous proposez la création de places et la détection des troubles du spectre de l’autisme (TSA). Il faut également renforcer les mesures en matière d’inclusion, notamment le maintien des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) pendant le repas et les interclasses.

En ce qui concerne les zones sous-denses, 6 millions de personnes n’ont pas de médecin traitant. L’article 23 instaure une quatrième année d’internat de médecine en autonomie supervisée, qui a poussé les internes à descendre dans la rue. Nous devons, monsieur le ministre, écouter leurs revendications en matière de rémunération.

Ces décisions, j’en ai bien conscience, se prennent par décret. Toutefois, j’estime qu’un médecin junior en dixième année peut remplacer un confrère et doit percevoir, à raison de dix consultations par jour minimum, 5 000 euros pour vingt jours de travail.

Nous pensons que les médecins retraités poursuivant leur activité en cabinet doivent pouvoir, s’ils le souhaitent, être maîtres de stage. J’ai déposé un amendement en ce sens.

Mobiliser les médecins retraités en les exonérant des cotisations à la Caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) est une mesure juste.

L’article 24 prévoit des aides à l’installation importantes et simplifiées, qui restent malheureusement insuffisantes. J’ai ainsi déposé un amendement peu contraignant, qui me paraît utile, pour le cas de médecins qui souhaiteraient s’installer en zone hyperdense.

La téléconsultation, ce n’est pas un miracle, comme le soulignait notre excellente rapporteure Corinne Imbert. Elle représente toutefois un plus dans les zones où il n’y a pas de médecin, par exemple sous la forme d’une cabine, souvent installée dans une pharmacie.

Les pharmaciens ont joué un rôle très important durant la crise du covid-19. Vous étendez leurs compétences, comme vous l’avez fait pour les infirmières, en matière de vaccination, ce dont je me réjouis.

Monsieur le ministre, si vous avez une cystite sans fièvre le samedi après-midi §ou que votre nourrisson souffre d’une gastro-entérite, le pharmacien ne sera pas rétribué par l’assurance maladie en cas de délivrance de Fosfomycine, d’Adiaril ou de Tiorfan. Il est pourtant le seul professionnel de santé accessible, à l’exception des urgences.

Il en est de même pour le sevrage du tabac : il faut encore améliorer la convention avec les pharmacies.

Ce PLFSS contient des avancées, en particulier sur la prévention, la vaccination et les modes de garde. Toutefois, mesdames, messieurs les ministres, malgré les difficultés de la sécurité sociale liées au covid-19, vous devez fixer un cap pour l’hôpital – je pense notamment aux urgences, à la psychiatrie et à la pédiatrie –, pour le médico-social – nous avons besoin d’un plan grand âge –, pour la rémunération des médecins juniors, pour mobiliser des médecins retraités, pour former massivement des aides-soignantes et des infirmières, pour plus d’internes hors CHU et pour faire preuve de davantage pragmatisme avec les pharmaciens.

En ce qui concerne les retraites, à titre personnel, je voterai l’amendement de M. René-Paul Savary pour équilibrer notre système et préserver les régimes par répartition qui seront en déficit de près de 16 milliards d’euros en 2026.

Cet amendement appelle à renforcer l’action des partenaires sociaux et tend à accélérer la mise en œuvre de la loi Touraine, en particulier avec un report de l’âge de départ à 64 ans – ce sont les partenaires sociaux qui le diront. Mais nous devons aussi tenir compte de la pénibilité de certains métiers et nous mobiliser pour l’emploi des seniors.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes RDPI et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, des années durant, la France fut enviée pour son système de santé. Aujourd’hui, ce dernier risque de s’effondrer, notamment son hôpital public.

Des urgences aux déserts médicaux, le système de santé repose désormais sur les dernières forces d’un personnel en sous-effectif chronique qui, après la politique active de fermeture des gouvernements successifs, assiste impuissant aux fermetures de lits, de places et de berceaux en raison du manque de personnel. Je citerai deux exemples : mille berceaux pour les crèches du Rhône et jusqu’à 20 % des places du centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy. Sans parler de la psychiatrie et de la pédiatrie qui sont sinistrées – la moitié des lits de neurochirurgie pédiatrique de Necker sont fermés !

Six années durant, les PLFSS se sont succédé sans programmation pluriannuelle de financement comme le supposerait une vision à long terme, tandis que tous les acteurs de santé, qu’ils soient hospitaliers ou de ville, réclament un texte sur l’autonomie et une grande loi sur la santé.

Passer l’été, passer l’hiver, puis de nouveau l’été ne fait pas une politique ! Seul un horizon d’amélioration radicale de notre protection sociale, en lui allouant des moyens en conséquence, pourrait redonner du sens à l’effort du personnel et mettre fin à sa désertion.

Au lieu de cela, les budgets successifs valident un Ondam de pure maîtrise comptable, qui maintient le système en asphyxie financière à la suite d’une politique organisée – j’y insiste, organisée ! – de mises en déficit des comptes sociaux à coups d’exonérations de cotisations, loin d’être toutes compensées, et d’exemptions d’assiette touchant près de 10 % de la masse salariale privée, et ce alors que les besoins sont en progression.

Le Gouvernement esquive cette critique, en présentant un Ondam hospitalier à 4, 1 %, mais sa base 2022 n’a pris en compte que deux tiers de l’indice hospitalier de l’inflation, estimé à 5, 4 %, soit plus d’un point au-dessus de l’Ondam, et pas tous les surcoûts liés au covid. D’après le calcul unanime des fédérations hospitalières, il manque 1 milliard d’euros.

Avec l’inflation, notamment celle liée aux coûts de l’énergie, et une évolution mécanique de 4 % due à la transition démographique et à la progression des maladies chroniques, le compte n’y est toujours pas.

Cet écart fixe, de fait, un niveau d’économies exigées, même en l’absence d’une ligne spécifique. Avec ce sous-financement chronique de l’Ondam la destruction de l’hôpital public se poursuit.

Ainsi, sans revalorisation de l’indemnité de sujétion et avec du temps de travail additionnel pérenne, les professionnels continueront de déserter l’hôpital, l’intérim prospérera et la loi Rist accélérera la fermeture des services publics et privés non lucratifs.

Dans chaque secteur, l’heure devrait être à un choc d’attractivité par des emplois valorisés permettant un travail de qualité auprès de tous les publics. Comment peut-on se tromper de diagnostic, en ne voyant pas le problème du point de vue de la qualité des emplois ? Pourtant, 20 % des places ne sont pas remplies en deuxième année de formation de sages-femmes, 10 % des étudiants en médecine abandonnent en cours d’études et des secteurs entiers font face à des démissions et n’arrivent plus à recruter.

La détérioration continue des conditions de travail engendre un sous-effectif qui dégrade de nouveau les conditions de travail. Les secteurs entrent alors dans un cercle vicieux dont il n’est possible de sortir qu’avec une ambition. Or ce n’est pas l’objectif de 3 000 créations de postes en Ehpad, par exemple, qui le permettra, puisqu’il en faudrait six fois plus chaque année !

Face à la transition démographique et au virage domiciliaire, nous prenons un grave retard dans la prévention de la perte d’autonomie. Comme pour la transition écologique, ce retard nous coûtera bien évidemment en termes financiers, mais il nous coûtera encore davantage en espérance de vie en bonne santé.

Aujourd’hui, 20 % des plans d’aide de l’APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH) ne se réalisent pas, faute de personnel. Au moins un dossier sur cinq reste en souffrance. Selon la Cour des comptes, des millions de journées de travail sont perdues tous les ans du fait d’accidents de travail dans les Ehpad dus au trop faible ratio d’encadrement.

Cette sinistralité exceptionnelle en Ehpad s’inscrit dans un contexte où la France est la plus mauvaise élève d’Europe en termes de morts liées à l’activité professionnelle. Or, tandis que 1 200 personnes meurent tous les ans, la branche AT-MP est en excédent ! Et cela même après le transfert financier à la branche maladie, lié à la sous-évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles qui prive les salariés des droits afférents.

La Confédération européenne des syndicats exhorte les États à s’engager pour zéro mort au travail en 2030. Voilà de quoi utiliser au mieux les excédents.

Nous saluons les mesures en faveur des familles monoparentales, nonobstant des délais abusifs. Toutefois, rappelons que la pauvreté touche un enfant sur cinq et que, si la monoparentalité est une prévalence, ces mesures devraient concerner l’ensemble des ménages modestes, dans lesquels les femmes sont contraintes au temps partiel et la précarité progresse.

De plus, la politique d’austérité a dégradé les services de la Cnaf, soumise à des restitutions d’effectifs, alors qu’elle devait assumer les réformes de l’APL – le traitement des dossiers connaît d’ailleurs d’importants retards.

Ces situations dégradées ont à voir avec un partage des richesses de plus en plus inégalitaire, qui prive notre protection sociale des moyens de relever les défis du vieillissement et de la prévention.

Ce PLFSS apporte quelques mesures bienvenues, mais il perpétue une gestion comptable sans réflexion critique sur sa partie recettes. Nous appelons à un changement de paradigme, et ce d’autant plus que les professionnels alertent sur la dégradation très rapide de la situation de l’hôpital public et que nous approchons du moment de bascule où l’effondrement du système de santé sera notre legs à la nouvelle génération.

Le groupe écologiste votera contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Abdallah Hassani.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdallah Hassani

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale est un moment d’importance.

Il l’est pour l’accès aux soins et la protection de nos concitoyens, pour le soutien aux familles face à la précarité, pour l’avenir de nos enfants.

Il l’est pour nos professionnels de santé, dont je tiens ici à saluer le dévouement, et pour la recherche médicale.

Cette année, le Sénat a un rôle particulier : nous aurons à débattre de sujets centraux qui, pour certains, n’ont pas encore été discutés dans un hémicycle en profondeur – je pense à la prévention, aux mesures de soutien pour les familles monoparentales ou encore à l’organisation des soins sur notre territoire.

Ce texte est un engagement fort du Gouvernement. Il augmente en effet le budget de la santé de près de 9 milliards d’euros en 2023, soit 43 milliards d’euros de plus qu’en 2019, c’est-à-dire avant la pandémie.

Il permettra la prise en charge de trois rendez-vous de prévention aux âges clés pour protéger nos concitoyens ou diagnostiquer en amont certaines pathologies.

C’est avec cette même ambition que le groupe RDPI a souhaité déposer un amendement, déclaré – hélas ! – irrecevable, visant à expérimenter la prise en charge d’une consultation lors de l’adolescence destinée à prévenir les troubles mentaux. Nous devrons être attentifs à cette problématique. Des mesures ont été engagées, comme la prise en charge de rendez-vous en psychologie, votée l’an passé. Toutefois, nous croyons fondamental d’assurer une prise en charge plus ample des troubles mentaux qui, pour près de la moitié d’entre eux selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont présents dès 14 ans.

En ce qui concerne mon département, je salue l’effort réalisé pour accélérer la convergence sociale. L’article 38 étend enfin à Mayotte la complémentaire santé à des conditions de revenus adaptées au faible niveau de vie de ses habitants.

Du chemin reste à faire : certaines prestations sont encore inexistantes à Mayotte ou servies avec des montants inférieurs et des conditions plus restrictives.

L’article 7 quinquies sécurise par ailleurs l’exonération de la contribution spécifique d’assurance maladie applicable à Mayotte.

Ces deux articles montrent que l’État est bien aux côtés des Mahorais ; c’est mon sentiment.

Afin que les outre-mer demeurent au cœur des innovations publiques, nous proposerons qu’un territoire ultramarin soit sélectionné dans le cadre de l’expérimentation prévue à l’article 24 quater qui vise à améliorer l’accès aux soins sur les territoires sous-dotés.

Il est en outre nécessaire de s’interroger sur les causes de la prévalence très élevée de l’obésité dans ces territoires. C’est un véritable problème de santé publique. Un rapport publié en juin dernier par mes collègues de la commission des affaires sociales a souligné la spécificité des enjeux ultramarins en la matière.

Ce projet de loi de financement porte des mesures d’encadrement et de contrôle nécessaires tant pour prendre en compte les pratiques nouvelles que pour agir face à des situations d’abus.

Il contient des expérimentations visant à faciliter et à harmoniser les parcours de soins, tout en intégrant une responsabilité collective pour assurer la permanence de ces soins. Nous avons souhaité porter sur ce sujet difficile plusieurs amendements, avec une attention particulière sur les zones les moins dotées.

Le groupe RDPI votera ce texte, qui comprend à la fois des engagements financiers forts et des avancées concrètes pour chaque Français.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord évoquer le fait que ce projet de loi de financement, issu de l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, a un avenir incertain.

Le Gouvernement aurait pu profiter de cette circonstance pour nous proposer un projet de loi structuré et cohérent. Or il hésite, encore une fois, entre une loi de finances et une loi d’organisation du système de santé, loi que nous appelons par ailleurs de nos vœux.

Depuis la crise sanitaire, les collectivités territoriales se saisissent de l’organisation du système de soins dans les territoires, contribuant ainsi à modifier la gouvernance en santé du pays.

Il nous faut partir des besoins des territoires pour ensuite procéder aux arbitrages budgétaires. L’outil de régulation qu’est l’Ondam montre ses limites. La maîtrise qu’il porte s’impose avant toute délibération sur les besoins en matière de santé dans nos territoires comme au Parlement, où aucun débat sur les besoins sociaux de la Nation n’a lieu en amont de la délibération budgétaire. Pourtant, passer d’une logique d’offre à une logique de besoins en santé est primordial. Mais dans ce texte, vous en restez à une politique de l’offre.

L’an dernier, nous regrettions un budget de fin de quinquennat sans grande nouveauté. Cette année, nous espérions un PLFSS à la hauteur d’un Président de la République réélu, mais le souffle est court.

Le Gouvernement revendique d’inscrire ce budget dans la continuité de ceux de 2010 à 2019 en termes de trajectoire de réduction des déficits. Cette mise à l’équilibre s’était faite au détriment de l’hôpital public. À l’époque, ce choix était déjà discutable ; aujourd’hui, il n’est pas supportable.

L’Ondam, hors dépenses de crise, évolue de 3, 7 %, soit une évolution nettement inférieure à l’inflation, évaluée à 6 % cette année et qui se situera probablement entre 4 % et 5 % en 2023. En définitive, malgré une communication volontariste du Gouvernement, ce budget post-covid réduit les moyens financiers attribués au système de soins.

Par ailleurs, nous affirmons avec force que les comptes de la sécurité sociale pourraient retrouver un équilibre. En témoigne l’augmentation depuis 2017 des exonérations de cotisations sociales.

En 2018, elles représentaient moins de 40 milliards d’euros contre 71 milliards en 2023. Bien que les baisses de cotisations puissent être utiles sur les bas salaires, la majorité d’entre elles relèvent d’une politique fiscale favorisant les plus aisés. Le Conseil d’analyse économique a publié en 2019 une note intitulée Baisses de charges : stop ou encore ? dans laquelle il recommandait l’abandon des exonérations de cotisations sur les salaires supérieurs à 2, 5 Smic au motif qu’elles sont sans effet sur l’emploi.

J’ajouterai que le Gouvernement a décidé de faire porter le coût du covid-19 à la sécurité sociale, ce qui représente cette année une perte de recettes de 17, 7 milliards d’euros. Il serait plus pertinent que l’État prenne en charge cette dette.

Si l’on prenait en compte ces sommes, les administrations de sécurité sociale dégageraient un fort excédent. De même, cela permettrait d’accroître les investissements nécessaires au système de santé.

De façon plus globale, nous désapprouvons cette logique politique de fléchage de la dépense publique vers des exonérations et des allégements de charge. Notre pays a besoin d’investissements structurels, stratégiques et de long terme.

En quarante ans, la dépense publique est passée de 46 % à 55 % du PIB. Certes, mais il faut aller au bout de l’analyse : seulement un tiers de cette dépense est consacré au fonctionnement de l’État et de ses services – salaires, achats, prestations, loyers… Les deux tiers restants consistent aujourd’hui en transferts aux ménages et aux entreprises.

À la lecture de ces chiffres, on comprend le paradoxe ressenti par beaucoup de Français : alors que la dépense publique augmente, nos services publics subissent une décrépitude. En 2020, nous ne consacrons pas plus d’argent à nos services publics qu’à la fin du septennat de Valéry Giscard d’Estaing !

Mme Émilienne Poumirol applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

En revanche, en seulement cinq années, de 2018 à 2023, les exonérations de cotisations sociales sont passées de 39 milliards d’euros à 71 milliards ! C’est votre choix, votre politique, mais cela détruit nos services publics, dont celui de la santé.

En ce qui concerne la branche maladie, monsieur le ministre, vous connaissez, la gravité de la situation dans laquelle se trouve notre système de soins. Vous savez que nos hôpitaux publics sont en voie d’affaissement – d’effondrement, diront certains. Or ce PLFSS, qui devait apporter des réponses structurelles après la crise du covid-19, esquive ce sujet majeur. L’hôpital est le grand absent de ce budget.

Mesdames, messieurs les ministres, vous continuez à arguer des revalorisations, certes bienvenues, du Ségur de la santé pour illustrer votre investissement dans l’hôpital, mais cela est largement insuffisant. Preuve en est, vous avez ajouté ces dernières semaines des enveloppes budgétaires opportunes, mais qui traduisent un pilotage à la petite semaine.

Nous assistons à une hémorragie de personnel : les soignants quittent l’hôpital et des services d’urgences doivent être réduits, voire fermés. La direction statistique des ministères sociaux, la Drees, indique que les capacités hospitalières ont subi des contraintes de personnel ne permettant pas de maintenir les lits.

Ce budget entraînera en réalité des personnels en moins, alors que les services sont déjà obligés de fermer le tiers, voire la moitié, de leurs lits, que des activités de soins partent vers le privé et que des patients sont trimballés d’une région à une autre.

Pour ce qui est des soins de ville, la dépense augmente de seulement 2, 7 %, soit deux fois moins vite que l’inflation. La majorité présidentielle désorganise le parcours de soins texte après texte, même si nous prenons acte, monsieur le ministre, contrairement à ce que faisait votre prédécesseur, de votre volonté de renvoyer à la négociation un certain nombre de questions.

Quelques mots, enfin, sur la prévention. Un texte ne peut se révéler ambitieux en la matière quand il traite le tabac et l’alcool comme le fait celui-ci.

La mise en place, à partir de 2017, d’une campagne programmée d’augmentation de la taxation du tabac a permis de réduire le tabagisme dans notre pays. Mais, en ce début de quinquennat, le Gouvernement s’est contenté d’aligner l’augmentation des prix du tabac sur l’inflation. Pire, vous avez reculé sur le tabac à chauffer après la venue du ministre chargé des comptes publics au congrès des buralistes – on comprend où se décide la santé publique…

Sur l’alcool, il n’y a tout simplement rien dans ce projet de loi de financement.

Vous l’avez compris, nous ne pouvons nous satisfaire de ce PLFSS. Imposer, en cette période charnière, des économies au système de soins est irréaliste et dangereux.

Le premier texte de ce gouvernement concernant la santé est peu ambitieux et mal financé. Nous proposerons de rectifier sa trajectoire pour mettre en œuvre les réformes nécessaires et permettre à notre sécurité sociale d’assurer à l’avenir l’ensemble des missions de protection sociale dont notre démocratie peut être fière.

Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en six ans, la politique de santé des différents gouvernements n’a amélioré ni les conditions de travail du personnel ni le sort de nos concitoyens – bien au contraire !

Il y a eu la crise du covid et ses conséquences, me direz-vous. Certes, mais vous avez préféré faire payer à la sécurité sociale les dépenses liées à la crise, alors qu’elles auraient dû être imputées sur le budget de l’État.

Nous vous proposerons, à travers ceux de nos amendements qui ont survécu aux irrecevabilités des articles 40, 45 et j’en passe – car c’est l’hécatombe ! – de changer de braquet.

Ces amendements ont été rédigés en lien avec des personnels de santé, des représentants du secteur médico-social, des associations et des citoyens. Ils ne sont pas dogmatiques, mais visent à mettre en place une politique qui rompe avec votre logique libérale, qui n’a pas fait ses preuves.

Lorsque quelque chose ne fonctionne pas – à l’image de votre politique de santé –, on change de méthode, on essaye d’améliorer, d’écouter, de prendre en considération les remarques. On n’a jamais raison seul. Avec ce PLFSS pour 2023, vous avez encore, si vous le souhaitez, l’occasion de revoir votre copie.

Partout dans le pays, notre système de soins craque. Les soignants manquent à l’appel ; ils sont fatigués de ne pas être entendus. Nos concitoyens ont de plus en plus de mal à trouver un médecin de ville, même en cas d’urgence. Aujourd’hui, 6 millions de Français n’ont plus de médecin traitant.

Les maires, les élus, sont nombreux à tirer la sonnette d’alarme pour leur population tant en zone urbaine que rurale. Nous vous proposons, pour pallier l’urgence, d’augmenter les moyens des territoires et des hôpitaux, ce qui passe évidemment par un budget ambitieux.

Une des seules options que vous nous proposez, dans une course de vitesse avec la droite sénatoriale, est d’ajouter une année supplémentaire aux études de médecine générale, qui passent de neuf à dix ans. Cette mesure, proposée sans concertation, incite les internes en neuvième année à aller dans les déserts médicaux, à moindre coût, encadrés par un médecin senior.

Mais savez-vous que la plupart des territoires manquent cruellement de médecins seniors pour encadrer ces internes ? Pensez-vous réellement régler le problème de cette façon ?

Le comble, c’est que cette mesure va entraîner une année blanche pour l’installation de nouveaux médecins. En faisant cela, vous aggravez donc la situation. À l’inverse, nous vous proposons d’augmenter les moyens des universités pour former chaque année davantage de médecins.

L’Ondam est lui aussi sous-évalué : il est fixé à 3, 7 %, quand la commission des comptes de la sécurité sociale estime l’évolution naturelle des dépenses de santé à 4 %, soit 0, 3 point de plus. Et si l’on compare cet Ondam à l’inflation, qui est de 6, 2 %, le compte n’y est pas ! Au total, c’est 1, 7 milliard d’euros pour la santé qui disparaît.

C’est donc un budget au rabais que vous nous présentez aujourd’hui ; un budget décevant qui n’est pas à la hauteur des besoins.

Ce manque d’ambition se traduit également dans le secteur de l’autonomie. Vous mettez en avant le recrutement de 3 000 infirmiers et aides-soignants dans les Ehpad, ce qui est largement insuffisant par rapport aux besoins estimés, notamment pour atteindre un taux d’encadrement équivalent à un agent pour un résident.

Ce PLFSS prévoit 170 millions d’euros pour recruter dans les Ehpad, ce qui représente un demi-poste de plus dans les 7 000 établissements de France, alors que les besoins sont estimés à 300 000 postes.

Ce premier PLFSS depuis la publication du livre de Victor Castanet Les Fossoyeurs sur la gestion calamiteuse des Ehpad est décevant.

À ce titre, le renforcement des pouvoirs de l’inspection générale des affaires sociales n’est pas suffisant. Nous demandons le remboursement automatique des subventions publiques indûment perçues par Orpea.

Malheureusement, vous avez jeté aux orties la loi sur le grand âge et l’autonomie, pourtant promise voilà quelques mois par votre gouvernement.

Dans son rapport annuel sur le financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes dénonce l’étatisation de la sécurité sociale via le remplacement croissant des cotisations sociales par l’impôt. De 90 % à la fin des années 1980, la part de ses recettes issues du travail est tombée à 50 % depuis 2019.

Le système de tuyauterie entre le budget de l’État et la sécurité sociale est devenu tellement multiple et complexe que la Cour des comptes appelle elle-même à y mettre fin.

Dans la même veine des tours de passe-passe, le Gouvernement a inscrit dans ce projet de loi le transfert précipité du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco vers l’Urssaf, alors que le 21 juin 2022 le rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale et de la commission des affaires sociales du Sénat sur l’unification du recouvrement social, que nous avons réalisé avec mon collègue René-Paul Savary, avec lequel je n’ai donc pas que des désaccords

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Les difficultés techniques et les risques pour les assurés d’une perte de contrôle sur leurs cotisations de retraite justifient l’abandon de ce projet. D’ailleurs, l’ensemble des organisations syndicales et patronales y sont opposées – écoutons-les ! Mais le Gouvernement n’en tient pas compte et accélère, via l’article 6 de ce texte, le transfert du recouvrement des 87 milliards d’euros de cotisations Agirc-Arrco.

De même, sur les retraites, si le Gouvernement a finalement reculé, c’est pour mieux sauter : la réforme promise divise tellement que même vos alliés ont renâclé devant l’obstacle, récusant la volonté de passage en force qui est votre marque de fabrique.

La précipitation et la détermination affichée du Président de la République et de son gouvernement sont pourtant à contre-courant des perspectives du Conseil d’orientation des retraites : son dernier rapport démontre en effet que les dépenses de retraites du pays resteront stables dans le temps à 13, 9 % du PIB et que, si les régimes deviennent légèrement déficitaires de 2022 à 2032, c’est essentiellement parce que l’État prévoit d’économiser sur la masse salariale publique en réduisant les traitements des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers.

Comme chaque année, nous aurons le débat sur l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite avec l’amendement du rapporteur de la branche vieillesse, René-Paul Savary, qui prévoit son report progressif jusqu’à 64 ans.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste défend, au contraire, le principe d’abaisser l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.

Ce PLFSS pour 2023, premier budget de la Nation, va encore aggraver les inégalités. Il ne sera pas, comme vous l’annonciez dans le journal Le Point, monsieur le ministre, celui de la santé et de la solidarité, celui qui vous rendait si fier. Il n’en sera rien, puisque vous avez décidé de façon autoritaire d’actionner l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, alors que ce budget de la sécurité sociale aurait dû être l’occasion d’un débat constructif avec l’ensemble des parlementaires. La balle était dans votre camp, mais vous n’avez pas su la saisir : vous avez préféré passer en force.

Nous voterons contre ce PLFSS pour 2023.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Esther Benbassa, Raymonde Poncet Monge et Émilienne Poumirol applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, de toutes parts monte la même complainte : il faut plus !

Plus d’argent pour l’hôpital, plus de médecins et de soignants, plus de crèches, plus d’argent pour les retraites, plus de moyens pour la cinquième branche – sujet dont vous parlera ma collègue Jocelyne Guidez.

Bref, autant de questions, mesdames, messieurs les ministres, pour le Gouvernement. Et pour nous, une seule question : le PLFSS pour 2023 y répond-il vraiment ?

En apparence, je dirais oui.

Avec 601 milliards d’euros pour les cinq branches, les dépenses sont supérieures de plus de 12 milliards à la prévision de 2022 et le déficit total est ramené à 6, 8 milliards contre 17, 8 milliards cette année.

L’Ondam progresse de 3, 7 % hors crise covid, donc à champ constant, ce qui est significatif.

Mais les apparences ne sont-elles pas trompeuses ? Seules deux branches sont à l’équilibre : famille et AT-MP. Quant aux hypothèses, ne sont-elles pas trop optimistes ?

L’assurance maladie accuse encore un déficit de 6, 5 milliards d’euros et l’hôpital va de crise en crise, que ce soit aux urgences, en pédiatrie ou en psychiatrie. Et ce n’est pas en ponctionnant 2 milliards à la branche famille qu’on le sauvera.

L’hôpital est malade, mais c’est tout notre système de santé qu’il faut soigner. Il est à bout de souffle ! Son mode de fonctionnement est à revoir.

Emmanuel Macron a promis de ramener la tarification à l’activité (T2A) à 50 % pour mieux rémunérer la qualité et le travail en équipe.

Nous attendons donc, monsieur le ministre, un plan d’action, et surtout des actes pour apporter à l’hôpital un financement sain et pérenne.

Le mode de gouvernance est aussi à revoir, et point n’est besoin d’une loi supplémentaire à cette fin. Nous avons vu que des établissements sont parvenus à le faire seuls.

Le centre hospitalier de Valenciennes, en particulier, expérimente un mode de fonctionnement antipyramidal, antibureaucratique, et ça marche ! Plus d’autonomie, plus de délégation ; on fait confiance aux médecins et à leurs équipes pour raccourcir les circuits de décision au bénéfice des patients et du budget, qui ne comporte plus qu’une part de 5 % dédiée à l’administratif, contre cinq fois plus ailleurs ! Le directeur canalise les énergies, équilibre le budget et entretient la paix sociale.

Monsieur le ministre, la solution est là. N’attendons pas pour la généraliser.

Il faut aussi, vous le savez, fluidifier le système de soins pour désengorger l’hôpital et ses urgences. La clé existe, c’est la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). La coordination ville-hôpital est essentielle pour lutter contre les déserts médicaux. Et quand je dis hôpital, je pense aussi aux établissements privés. L’amélioration de la permanence des soins et de l’accès aux soins passe par la mise en place, partout, de CPTS.

Comment accepter que 40 % des médecins de ville seulement assurent les gardes de nuit et du week-end ? Si les médecins veulent retrouver du temps médical, ils doivent déléguer aux autres soignants une partie de leur travail. Je salue d’ailleurs l’accord conclu en ce sens entre les différents ordres.

Monsieur le ministre, vous parlez souvent de votre « boîte à outils »… Les solutions existent et elles marchent. Il faut les diffuser. Les élus locaux sont prêts à faire les efforts nécessaires pour que l’égalité, inscrite au fronton des mairies, s’applique aussi à l’accès aux soins !

La question essentielle est celle de l’économie du système.

Les professionnels réclament des plans pluriannuels pour anticiper les évolutions thérapeutiques et permettre à notre pays de rester à la pointe du progrès dans ce domaine. Cela mérite la plus grande attention.

Enfin, j’en viens aux ressources.

La première piste, que tous les ministres ont utilisée, est celle des économies. La source n’est pas tarie. Elle reste même abondante, mais encore faut-il ne pas se tromper.

Longtemps, la ressource humaine a été pressurée, mal rémunérée. Le Ségur de la santé a produit un effet salvateur, mais il doit être poursuivi, et cela coûte !

D’autres pistes sont donc à privilégier. Les actes redondants et inutiles représentent 20 % à 30 % de notre système de soins, soit 40 à 60 milliards d’euros de dépenses à revisiter. La Haute Autorité de santé (HAS) s’y emploie, mais vous avez ciblé à peine plus d’un milliard d’euros d’économies sur la radiologie, la biologie et les médicaments dans votre projet. C’est bien, mais c’est insuffisant.

Par ailleurs, à notre demande, l’estimation des fraudes aux cotisations et aux prestations est en cours.

La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), bons élèves, ont rendu leurs résultats. En revanche, la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) est très en retard. Si nous voulons éviter l’exploitation fantasmée du montant de ces fraudes, il faut des chiffres, et rapidement !

Enfin, un mot sur les retraites. Le déficit et la dette se creusant, une réforme s’impose, mais, attention, si nous ne voulons pas mettre des millions de personnes dans la rue, il faut qu’elle soit comprise et acceptée.

Mme Éliane Assassi s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

L’amendement déposé par notre collègue René-Paul Savary, dont je salue la compétence et la constance dans l’effort, y répond-il ? Partiellement, seulement, à mes yeux.

Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

En effet, si je crois utile la réunion d’une convention nationale pour préparer la loi, étant partisan du paritarisme, je ne partage pas l’idée d’un recul à 64 ans de l’âge de départ. J’ai retenu ce qu’ont dit le Président de la République et la Première ministre : 64 ans ou 65 ans ne sont pas des totems ! À titre personnel, je serais plutôt partisan d’une « fenêtre de départ », comme le préconisent les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard dans leur rapport de 2021.

L’âge moyen de départ étant déjà de 62 ans et demi, on pourrait simplement le reculer à 63 ans.

Par justice, parce que cette réforme doit être juste, j’entends les avancées sociales sur la durée de cotisation pour les carrières longues, fracturées, pour la pénibilité. Par justice, j’entends aussi le relèvement des petites pensions et l’insertion des chômeurs de longue durée. Par justice, j’entends enfin le maintien au travail des seniors licenciés prématurément. Selon Jean-Hervé Lorenzi, l’activité des seniors pourrait rapporter 13 milliards d’euros en dix ans.

Pour conclure, je salue l’excellent travail de nos rapporteurs. J’espère, monsieur le ministre, que vous en tiendrez compte pour que le Sénat trouve pleinement sa place dans la fabrication de cette loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Bernard Bonne et René-Paul Savary applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.

Mme Raymonde Poncet Monge applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce PLFSS que le Gouvernement souhaite imposer coûte que coûte manque d’ambition et de sincérité. Nous sortons à peine de la crise sanitaire et vous nous promettiez, après le Ségur de la santé, que le personnel soignant serait écouté, que l’hôpital public connaîtrait une véritable restructuration, que les Français auraient enfin un système de santé digne de ce nom.

Il est vrai aussi que tant d’années de négligence et de casse ne se rattrapent pas d’un coup de baguette magique. Nous attendions un projet de loi de financement de la sécurité sociale plus fort, plus ambitieux, laissant plus de place à la justice sociale. Il y avait en effet de quoi de faire ! Le bilan du précédent quinquennat parle de lui-même : plus de 21 000 fermetures de lit ; à la fin de 2019, la dette de l’hôpital public s’élevait à plus de 30 milliards d’euros ; des hôpitaux en faillite qui ferment, ainsi que des services d’urgence et de maternité ; un personnel soignant complètement découragé et démissionnaire.

Pourquoi ce texte n’aborde-t-il pas les sujets qui fâchent ? Je pense notamment à la pénurie de main-d’œuvre que connaît actuellement l’hôpital, aux personnes âgées en perte d’autonomie, aux Français d’outre-mer, qu’on oublie trop souvent, et, enfin, aux assistantes maternelles, qui gagnent prétendument trois Smic, mais qui vivent pourtant dans des conditions précaires.

Vous aviez aussi la possibilité de concrétiser la promesse du Président de la République, qui voulait mettre la cause des femmes au cœur de sa politique. Qu’en est-il réellement de la gratuité des protections hygiéniques pour toutes, de la lutte contre l’endométriose et de l’inégalité territoriale d’accès aux établissements de santé pratiquant l’IVG ? Je pourrais encore allonger la liste de mes critiques.

J’estime que ce projet de loi n’est pas une réponse sérieuse et convaincante aux enjeux colossaux de notre système de santé. J’ai une pensée pour mes collègues députés, qui ont travaillé pendant des jours pour amender ce projet de loi, et qui ont vu leurs efforts réduits à néant la semaine dernière. Bien que le 49.3 soit un outil constitutionnel, vous ne pouvez pas à ce point mépriser le travail parlementaire. Ici, au Sénat, la menace du 49.3 ne plane pas au-dessus nos têtes. Nous mènerons les discussions jusqu’au bout pour améliorer votre copie.

Mmes Michelle Meunier et Raymonde Poncet Monge applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier la présidente de commission et nos rapporteurs : ils nous ont permis d’entamer ces débats dans la clarté, et cela n’était pas simple.

La crise sanitaire s’éloigne, mais gardons en tête qu’elle a été et demeure un marqueur fort de ce PLFSS, puisqu’elle a aggravé de manière inédite la situation de nos comptes sociaux. Nos finances se sont toutefois redressées de façon spectaculaire, plus vite et plus fort que prévu.

Pour autant, selon les prévisions du Gouvernement, le budget ne sera pas encore à l’équilibre l’an prochain. Il devrait même se dégrader dans les années à venir, avec des prévisions de recettes qualifiées d’optimistes par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le budget pour 2023.

En même temps, les dépenses de santé paraissent sensiblement sous-estimées, notamment l’Ondam de ville, avec seulement 0, 5 point de plus que le rythme d’avant-covid, dans un monde à faible inflation, et sans compter le virage ambulatoire qu’il faut poursuivre, voire accélérer.

Quant au secteur hospitalier, la hausse de 4, 1 % saluée par les acteurs du secteur questionne tout autant ces derniers au regard de l’inflation, de la hausse des salaires, du coût de l’énergie et d’une activité pas encore revenue à la normale, d’où les demandes légitimes pour certains hôpitaux de la pérennisation de la garantie de financement.

Je reconnais la difficulté de l’exercice qui consiste à assurer la maîtrise de nos comptes sociaux, tout en répondant aux besoins de la population et à un système de santé à bout de souffle, et ce dans un contexte économique et social plein d’incertitudes.

Malgré les efforts financiers importants consentis par le Gouvernement – il faut le dire –, malgré la deuxième place de la France parmi les pays de la zone euro qui consacrent la plus grande part de leur PIB à la santé, malgré sa septième place parmi les pays qui consacrent pour la santé le plus d’argent par habitant, notre système de santé est au bord de la rupture.

Monsieur le ministre, j’ai mis quelques années à me rendre compte que le véhicule législatif qu’est le PLFSS n’est pas vraiment adapté au pilotage de la transformation d’une politique de santé, qui nécessite une vision de long terme.

Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Cette transformation en profondeur ne peut, me semble-t-il, s’envisager qu’à travers une loi d’orientation et de programmation pluriannuelle qui fixerait un cap, ladite loi étant accompagnée par une étape de décentralisation sur les sujets de prévention et d’éducation à la santé, mais aussi par des réformes structurelles : je pense à la réforme des retraites, à la loi sur le grand âge et à un financement de la sécurité sociale plus efficient et plus lisible.

Reconnaissons quand même que la problématique centrale est le manque de médecins et que l’on ne peut l’imputer à ce gouvernement.

Après les remarques que je viens de faire, j’en reviens aux mesures concrètes de ce PLFSS, notamment à la question de l’accès aux soins, qui me paraît centrale.

Le texte prévoit un meilleur partage des tâches pour libérer du temps aux médecins et valoriser les professionnels de santé non médicaux. Notre groupe est favorable aux diverses mesures d’extension des autorisations de vaccination. Nous sommes pour que les infirmières puissent signer des certificats de décès et nous voyons d’un bon œil l’expérimentation de l’accès direct au statut d’infirmier en pratique avancée (IPA). Nos amendements, qui visaient à accélérer le déploiement de ces mesures, ont malheureusement été frappés d’irrecevabilité. Nous le regrettons, car le temps presse et nous souhaitions accélérer le mouvement.

Compte tenu du nombre important de médecins qui atteindront l’âge de départ à la retraite dans les années à venir, nous sommes aussi favorables à toute mesure visant à faciliter le cumul emploi-retraite pour les inciter à poursuivre leur activité.

À nos yeux, la simplification des démarches administratives via le guichet unique, tout comme la régulation de l’intérim, va dans le bon sens.

L’autre grand sujet est celui de la prévention. C’est la première fois que nous avons un ministre de la santé et de la prévention. Quand on sait à quel point la prévention et le soin sont liés, ce titre n’est pas anodin. Sans vouloir faire preuve de cynisme, je dirai qu’il revêt aussi un caractère d’importance pour nos finances publiques : prévenir coûte moins cher que guérir.

Ce PLFSS prévoit ainsi plusieurs rendez-vous de prévention, remboursés par la sécurité sociale, à des périodes clés de la vie, afin de repérer et traiter les fragilités liées à l’âge ou les addictions, et de promouvoir l’activité physique et un mode de vie sain. Laissons les professionnels organiser de la manière la plus efficace possible ces journées de prévention.

Nous voterons bien sûr cette mesure, tout comme celles qui permettent un meilleur accès au dépistage des infections sexuellement transmissibles et à la pilule du lendemain.

J’en viens enfin à la mesure qui occupe une bonne partie de nos débats depuis plusieurs semaines maintenant : la réforme du troisième cycle des études médicales. Cette année professionnalisante est utile pour bien préparer les jeunes médecins à leur futur exercice ambulatoire. Si elle répond à leurs besoins, par un encadrement et un contenu pédagogique adapté, alors, je n’ai aucun doute qu’ils seront nombreux à s’installer là où ils ont été bien accueillis et bien formés.

Cependant, la communication autour de cet article et sa rédaction dévoilent le véritable objectif visé par certains : lutter contre la désertification médicale en déployant un bataillon de jeunes en formation.

Je crois les déclarations de nos ministres, qui sont sincères quand ils se positionnent contre la coercition. Alors, pourquoi ne pas clarifier nos intentions en mettant la formation au cœur de la réforme et au cœur de la rédaction de cet article ?

Je proposerai ainsi de l’amender sur trois critères qui me paraissent essentiels.

Tout d’abord, la supervision doit être effectuée par un maître de stage des universités.

Ensuite, cette année supplémentaire doit pouvoir être réalisée sur tout le territoire. En effet, la limitation aux zones sous-denses, dont la définition est d’ailleurs trop imparfaite, puisqu’elle concerne 80 % du territoire, est une mesure inefficace, voire contre-productive en période de pénurie de médecins.

Enfin, laissons la liberté d’opter pour un stage en hôpital de proximité en complément du stage ambulatoire : cela répond aux besoins des territoires, au décloisonnement ville-hôpital que nous appelons de nos vœux et aux aspirations des nouvelles générations pour l’exercice mixte.

Pour le reste, nous aurons l’occasion, mes collègues du groupe RDSE et moi-même, de défendre nos amendements et de nous prononcer sur les autres mesures au cours de cette semaine de débats.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous entamons l’examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature.

Je commencerai mon propos en évoquant quelques chiffres.

Ce projet de loi porte sur près de 600 milliards d’euros de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. Il prévoit une diminution forte du déficit de la sécurité sociale, qui passerait à 7 milliards d’euros, contre 18 milliards d’euros en 2022, en se fondant sur une croissance économique très optimiste : 1 % en France, là où les instituts prévoient 0, 6 %.

Les déficits restent tout de même inquiétants et vos hypothèses budgétaires, je le répète, sont trop optimistes !

Concernant l’accès aux soins, l’hôpital est le grand oublié de ce PLFSS.

J’aimerais évoquer la situation particulière de la pédiatrie et de la santé des jeunes.

En premier lieu, je souhaite attirer votre attention sur un phénomène inquiétant. Dans une étude publiée en mars 2022 dans la revue The Lancet, des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) font apparaître une hausse des décès de nourrissons entre 2012 et 2019, avec une augmentation de la mortalité infantile de 7 %. Alors que la France figurait parmi les meilleurs élèves en la matière, elle a chuté de la septième à la vingt-cinquième place entre 1989 et 2017. Or, malgré ces chiffres inquiétants, la réduction du taux de mortalité infantile n’est actuellement pas considérée comme une priorité de santé publique.

Depuis début octobre, les urgences et services de réanimation pédiatriques des hôpitaux de tout le pays sont saturés du fait d’une simple épidémie de bronchiolite. Des plans blancs sont déclenchés, mais cela conduit in fine à déstabiliser un peu plus notre système hospitalier.

Comment en est-on arrivé là ?

Les capacités d’accueil des services se dégradent en raison du manque de personnels soignants, qui a abouti à la fermeture de 15 % à 20 % de lits.

Face à la dégradation de la situation, vous avez annoncé, dans un premier temps, le déblocage d’une enveloppe de 150 millions d’euros à partager entre les services en tension. Mercredi dernier, c’est une enveloppe de 400 millions d’euros que vous annonciez en réponse à la crise de la pédiatrie. Ces mesures non structurantes ne permettront pas la survie de la pédiatrie et l’arrêt de la dégradation des soins.

Aujourd’hui, 44 % des pédiatres libéraux ont plus de 60 ans. Leur répartition sur le territoire est inégale : 8 départements comptent même moins d’un pédiatre pour 100 000 habitants !

Dans ce contexte, les médecins généralistes sont appelés à jouer un rôle croissant, mais ils demeurent inégalement formés à la médecine de l’enfant.

L’article 20 du PLFSS étend la compétence d’administration et de prescription des vaccins par les pharmaciens, les sages-femmes et les infirmiers. Les délégations de tâches, oui, mais pas n’importe comment ! Il ne faut pas déconnecter la vaccination du suivi médical et de l’examen obligatoire des enfants.

L’accès aux pédiatres en premier recours dans le parcours de soins ambulatoires pour tous les enfants doit être maintenu. Les puéricultrices et auxiliaires de puériculture doivent également voir leurs compétences valorisées.

La pédopsychiatrie manque aussi cruellement de moyens, alors que les confinements, la distanciation sociale, le port du masque provoqués par la crise sanitaire ont eu des effets majeurs sur la santé mentale des jeunes.

Idem pour le secteur de la psychiatrie, qui est complètement sinistré, et auquel le Gouvernement n’apporte aucune mesure de soutien.

La situation de l’hôpital public appelle des efforts courageux et des réformes structurelles. Les professionnels de la santé attendent des mesures fortes, notamment en matière d’organisation, de gestion et de répartition plus juste des moyens.

Ce PLFSS propose d’instituer l’interdiction de l’intérim médical, notamment pour les jeunes diplômés, médecins ou infirmiers. C’est souhaitable, mais l’intérim des jeunes diplômés n’est pas seul à fragiliser le fonctionnement des établissements de santé, la qualité et la continuité des soins. La commission des affaires sociales a renforcé les dispositions inscrites dans le texte en indiquant que l’intérim ne pouvait pas être le seul mode d’exercice « à plein temps » des professionnels de santé. Je proposerai personnellement un amendement pour limiter la période d’intérim à cinq ans dans le service public hospitalier.

L’article 22, qui est censé rénover la vie conventionnelle, ne modifie en réalité qu’à la marge les règles encadrant les conventions conclues entre les organisations représentatives des professions de santé et l’assurance maladie. La mesure la plus discutable est sans doute l’ajout, parmi les thèmes pouvant être abordés à l’occasion des négociations pour la plupart des professions, du conventionnement conditionnel.

Ma conviction, en tant que médecin, est que ce type de mesure ne sert pas à grand-chose dans un contexte de pénurie médicale généralisée. Près de 90 % du territoire manque de médecins libéraux ! L’exaspération monte chez les médecins et les étudiants. Vos réponses restent insuffisantes pour faire face à la paupérisation du secteur médical.

Les établissements de santé nous alertent sur leurs charges, les libéraux attendent des revalorisations, et le secteur du médicament se plaint d’économies drastiques ! Des réponses doivent être apportées rapidement à ces problèmes avec des mesures structurelles et pérennes.

Nous souhaitons notamment une augmentation du nombre de places d’étudiants en médecine, le redoublement possible de la première année de médecine et une tarification des actes fortement revalorisée pour tous les modes d’exercice, hospitalier comme libéral.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, après un déficit de 17, 8 milliards d’euros en 2022, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoit un déficit de 6, 8 milliards d’euros.

Cette perspective est encourageante, mais je souhaiterais néanmoins rappeler ici les enjeux auxquels nous sommes toujours confrontés.

Ce PLFSS doit répondre à un double objectif.

Il doit tout d’abord permettre de réduire le déficit budgétaire tout en s’attaquant aux problématiques que vivent nos concitoyens en matière de santé au quotidien.

Il doit ensuite poser les fondations d’un système plus ambitieux et plus juste, qui protège tous les Français.

C’est cette vision que notre groupe souhaite porter. Avec une politique sociale forte et synonyme de progrès, qu’il entend projeter à l’horizon 2025, ce PLFSS pose les fondations dont notre pays a besoin afin de préserver et d’améliorer notre système de santé et de protection sociale.

Je pense à des mesures volontaristes en matière de prévention et d’accès aux soins, avec la mise en place du « rendez-vous de prévention » aux âges clés de la vie.

Je pense également au dépistage sans ordonnance des infections sexuellement transmissibles, sur le modèle du dépistage du VIH, ou encore à l’accès gratuit et sans ordonnance pour toutes les femmes à la contraception d’urgence, alors que 10 % seulement des femmes concernées sont actuellement remboursées.

Cette prise en charge doit, comme le prévoit ce PLFSS, s’accompagner d’une information renforcée vis-à-vis de toutes les femmes, en particulier les plus jeunes d’entre elles.

Il s’agit là de mesures fortes en matière de santé des femmes, dans la continuité de l’action du Gouvernement et de la majorité présidentielle depuis 2017. Je vous rappelle la mise en œuvre de la gratuité de la contraception pour toutes les femmes de moins de 25 ans.

Il me semble par ailleurs essentiel d’entamer une réflexion sur la précarité menstruelle, qui touche de nombreuses femmes, notamment les plus jeunes. Ainsi, 13 % des étudiantes déclarent avoir déjà dû, faute de moyens, choisir entre acheter des protections périodiques ou un produit de première nécessité.

La lutte contre toutes les inégalités d’accès à la santé, qui abîment notre pacte social, doit être une priorité. Il s’agit d’un enjeu de justice sociale, à l’heure où près de 4 millions de Français vivent dans une zone sous-dotée en professionnels de santé.

Je pense notamment à la mise en place du guichet unique dans chaque département, ce qui vise à simplifier l’installation de nouveaux médecins, ou encore à la création d’une quatrième année d’internat de médecine générale.

Cette année supplémentaire sera consacrée à des stages en cabinet médical, en particulier dans les zones médicalement tendues. Il s’agit là aussi d’un signal fort, qui pose les bases d’une politique pour réduire les inégalités sur le territoire national.

Avec 1, 6 milliard d’euros dédiés à la politique familiale, ce PLFSS se veut également ambitieux en la matière.

Est visé le complément de libre choix du mode de garde (CMG), qui doit être réformé. Aujourd’hui, en effet, les parents employant une assistante maternelle sont défavorisés par rapport aux familles qui recourent à une crèche.

Notre groupe se félicite donc des propositions avancées sur ce sujet, avec le nouveau mode de calcul du CMG « emploi direct », qui permettra de rendre l’accueil par une assistante maternelle aussi accessible que la crèche et d’harmoniser le reste à charge entre ces deux modes d’accueil.

Par ailleurs, les études récentes montrent que les enfants des familles monoparentales sont deux fois plus touchés par la pauvreté que l’ensemble des enfants. Je tiens donc à saluer le renforcement des aides en faveur de ces familles. L’allocation de soutien familial, destinée aux parents isolés, sera notamment revalorisée de 50 %. C’est une bouffée d’oxygène pour ces parents et ces enfants, qui font face à des situations problématiques.

Enfin, notre groupe se réjouit du travail mené sur ce PLFSS pour 2023, qui pose les bases d’une politique plus juste et qui tend à améliorer notre système de santé pour les années à venir.

Nous proposerons d’étendre les « rendez-vous de prévention » au diagnostic précoce des troubles de santé mentale. C’est essentiel pour assurer une bonne prise en charge de ces pathologies. Nous savons que la psychiatrie constitue le premier poste de dépenses de l’assurance maladie, loin devant le cancer ou les maladies cardiovasculaires.

Nous entendons également mener une réflexion sur les inégalités qui persistent entre les femmes et les hommes en matière de contraception. Cela nous semble fondamental pour mieux répartir la responsabilité de la vie sexuelle, alors que l’achat des moyens de contraception est majoritairement réalisé par les femmes.

Pour toutes ces raisons, et en complément des propos de mon collègue Abdallah Hassani, le groupe RDPI soutiendra pleinement les mesures et l’orientation de ce budget. Il s’agit d’un budget ambitieux, qui répond au double objectif de réduction du déficit et de meilleure protection des Français. Un budget de justice sociale, qui finance des progrès nouveaux et fait le choix de renforcer le volet prévention de notre système de santé. Un budget, enfin, qui apporte des réponses concrètes aux défis structurels auxquels est confronté notre modèle social de santé, qui devra nécessairement être modernisé.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, je m’attarderai plus particulièrement sur la position de notre groupe sur la branche autonomie. Si l’on s’en tient aux quatre articles présentés par le Gouvernement dans ce PLFSS, deux mots suffisent à la caractériser : manque d’ambition.

Nous ressentons un immense décalage entre les attentes de notre société pour le grand âge, exprimées de multiples façons, et la réalité de ce budget.

Quelques dispositions vont néanmoins dans le bon sens. Je pense notamment au renforcement du contrôle financier des Ehpad et de leurs groupes – à cet égard, je salue tout particulièrement le travail de Bernard Bonne –, ou à l’introduction d’un accompagnement au lien social pour les personnes âgées dépendantes jusqu’à deux heures, ce qui est une manière de reconnaître les vertus de l’attention au-delà du seul soin physiologique. Cependant, ces dispositions, avec la poursuite de la refonte tarifaire des soins à domicile, ne changeront pas le paysage de la perte d’autonomie, loin de là. Le rapporteur Philippe Mouiller ne porte pas une analyse différente de la mienne, et je le sais très attaché lui aussi à l’examen d’une vraie grande loi relative au grand âge et à l’autonomie.

Le chantier majeur, toujours repoussé par le Gouvernement, reste la convergence des politiques de l’âge et du handicap, pour mettre fin aux injustices face à des incapacités similaires survenues à différentes périodes de la vie.

Les amendements socialistes portant sur la levée des seuils d’âge ou la prestation universelle de compensation ont été jugés irrecevables, et cela rend encore plus impérieux le besoin d’un texte d’ambition dans ce domaine.

Au-delà des missions de cette branche, nous ne pouvons pas passer sous silence la situation alarmante du médico-social. Ces métiers peinent à attirer, on y rencontre toujours des personnels exclus du Ségur, et les aides-soignantes s’y épuisent plus que les travailleurs du BTP : c’est la Cour des comptes qui le souligne, notant qu’une hausse des effectifs serait bénéfique pour le budget de la branche accidents du travail. C’est tout dire ! Face à ce constat, votre intention d’embaucher 3 000 personnes cette année en Ehpad, dans une perspective de 50 000 recrutements durant le quinquennat, surprend et ne suscite que de la déception : cela représente à peine un demi-poste par établissement !

À ces besoins criants s’ajoute désormais la prise en compte de l’inflation. Les établissements alertent sur les coûts des fluides : votre gouvernement ne pourra pas s’en sortir en proposant de mettre un col roulé à toutes les personnes âgées de nos Ehpad… Il n’y aura pas assez de personnel pour cela !

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Les socialistes prennent la mesure de ces enjeux. Nous savons qu’il faut augmenter la part de dépenses publiques et nous proposons d’y consacrer des contributions nouvelles, par exemple assises sur les dividendes ou sur les bénéfices des Ehpad privés. Avec ces moyens nouveaux, nous avons pour objectif de remédier au manque de places et aux délais insupportables : non, il n’est pas normal en France d’être sur une liste d’attente pour entrer en foyer d’accueil médicalisé ni de devoir patienter deux ans pour être suivi en centre médico-psychologique. Les soignants s’épuisent, les aidants désespèrent, les familles attendent : agissons !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais évoquer la cinquième branche de la sécurité sociale, dont l’objectif de dépenses pour 2023 s’élève à 37, 3 milliards d’euros, en augmentation de 5, 3 % par rapport à l’année précédente, afin de répondre aux besoins croissants de financement.

Je tiens à souligner deux points importants : l’un concerne la prévention, l’autre la possibilité de vieillir à domicile.

D’abord, le PLFSS pour 2023 accorde une importance particulière à une « meilleure prévention », avec la mise en place de « rendez-vous de prévention » à certains âges clés de la vie, sans obligation toutefois.

Chez les adultes de 60-65 ans, ce rendez-vous permettra de prévenir les maladies chroniques, les troubles de la vision, les fragilités ou la perte d’autonomie. J’ai déposé un amendement visant à repérer les aidants lors de ces rendez-vous et à prévenir les conséquences de la situation d’aidant sur leur état de santé.

Ensuite, le PLFSS pour 2023 donne priorité au « vieillir à domicile », le plus longtemps possible, pour les personnes âgées en perte d’autonomie.

« Vivre, c’est vieillir, rien de plus », écrivait Simone de Beauvoir dans L ’ Invitée. Rappelons que 90 % des Français souhaitent vieillir et être accompagnés dans leur vieillissement ou leur handicap à domicile.

Afin de répondre à cette attente de la société civile, quelques mesures phares ont été prises.

L’article 33 vise ainsi à sécuriser la réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile, qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2023. Aussi, 4 000 places supplémentaires seront créées.

L’article 34 permet au département de compléter, voire dépasser le plafond des plans d’aide personnalisée à l’autonomie par deux heures d’accompagnement et de temps social, lorsque cela est nécessaire.

Même si cette mesure constitue une avancée importante, dans l’intérêt des professionnels, ainsi que des personnes âgées, les sénateurs de l’Union Centriste regrettent profondément la restriction de son périmètre aux seuls bénéficiaires de l’APA, excluant de facto les bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap.

Par ailleurs, les plans d’aide actuellement tendus des bénéficiaires de l’APA ne permettant pas de répondre en tout ou partie aux gestes de la vie quotidienne dont ils ont besoin, il est à craindre que ces heures ne se limitent à répondre aux besoins vitaux des personnes âgées, au détriment du lien social, pourtant nécessaire. Par conséquent, nous nous interrogeons sur la soutenabilité de son financement par les départements.

Malgré les besoins grandissants de la population en matière de recours aux services à la personne, le secteur, à forte intensité de main-d’œuvre, est confronté à de vives tensions dans les recrutements sur l’ensemble des métiers. Ce sont 1 million d’emplois qui sont à pourvoir d’ici à 2030 !

Toutefois, le PLFSS pour 2023 ne contient aucune mesure à application immédiate pour ce secteur. Le texte présente des éléments positifs, comme le « bouclier inflation » et le « bouclier énergie » ; il faudra élargir ce dernier aux services à domicile, pour lesquels les factures d’essence pèsent lourdement, surtout dans les territoires ruraux.

Pour améliorer la prise en charge des personnes âgées dans les Ehpad, ce projet de loi prévoit plusieurs mesures : revalorisations salariales, actualisation des coupes Pathos, déploiement de centres de ressources territoriaux, simplification des modalités de financement de l’habitat inclusif. L’aide à la vie partagée est une bonne solution, qui retardera les entrées dans les Ehpad.

Par ailleurs, les Ehpad bénéficieront de 3 000 aides-soignants et infirmiers supplémentaires en 2023. Même si ces annonces vont dans le bon sens, une réflexion sur les problèmes rencontrés par le secteur s’avère nécessaire : attractivité, formation, validation des acquis de l’expérience, postes vacants. Comment donner envie à des femmes et des hommes de s’engager dans les services d’aide à domicile, de devenir auxiliaire de vie ou infirmier en pratiques avancées en gériatrie ?

Nous saluons enfin l’inscription du « bien vieillir » dans les travaux du Conseil national de la refondation, avec trois axes dédiés : adapter la société au vieillissement, promouvoir la citoyenneté des personnes âgées et le lien social, revaloriser les métiers. Dix ateliers de concertation sont prévus dans dix départements de métropole et d’outre-mer. La feuille de route issue de la concertation sera présentée en mai 2023.

Je profite de cette occasion pour mettre l’accent sur la participation des aidants à ces échanges et la nécessité d’améliorer les mesures en faveur du répit, qui jouent un rôle important dans la lutte contre l’isolement social des personnes âgées ou handicapées.

S’agissant des aidants, les articles 34 bis et 34 ter du PLFSS pour 2023, que le Gouvernement a choisi de retenir lors de son usage de l’article 49.3 de la Constitution, traitent de l’élargissement de la durée et de l’indemnisation du congé de proche aidant, ainsi que de l’identification des moyens d’élargir l’allocation journalière du proche aidant (Ajpa) aux aidants des personnes malades du cancer. Ce que le Gouvernement propose, sur ces sujets, c’est de nous remettre des rapports. Je soutiendrai le maintien de ces articles dans le texte, puisque c’est une demande que j’exprime moi-même depuis plusieurs années.

L’article 35 ter, issu de l’adoption d’un amendement, ouvre une expérimentation permettant la création d’un véritable parcours d’accompagnement harmonisé des aidants familiaux, parcours qui pourrait notamment passer par la prise en charge d’une consultation médicale spécifique.

Rappelons aussi qu’une politique de l’autonomie ne se réduit pas au grand âge et au « bien vieillir ». Sur le champ du handicap, le PLFSS encourage la transformation des établissements médico-sociaux et promeut les démarches inclusives.

Nous nous réjouissons de l’augmentation des moyens budgétaires : près de 70 millions d’euros destinés à développer l’offre pour le public atteint de troubles du spectre de l’autisme. Je préférerais parler de troubles du neurodéveloppement, afin de mieux prendre en charge le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et les troubles « dys ».

L’article 33 quater organise la revalorisation annuelle du tarif plancher, qui passera à 23 euros en 2023. L’article 35 bis, issu d’un amendement du Gouvernement, crée un parcours de rééducation et de réévaluation des enfants en situation de polyhandicap ou de paralysie cérébrale.

Enfin, nous regrettons la non-présentation, par le Gouvernement, d’une loi consacrée au grand âge et l’absence de projections pluriannuelles indispensables pour relever les défis de cette branche.

Mes chers collègues, le secteur médico-social souffre du contexte d’inflation et de la crise du recrutement. Des oubliés du Ségur de la santé mettent en cause une forte inégalité de traitement. Le temps des constats et des propositions est révolu. Il est l’heure d’agir sur le terrain, d’y déployer un plan d’action, des dispositifs d’urgence et des modalités concrètes.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travé es du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Daniel Chasseing applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les ministres, mes chers collègues, notre système de santé vit depuis quelques années une crise sans précédent.

Alors qu’au XXe siècle il faisait figure de référence mondiale, nous devons constater désormais son inadaptation totale face aux défis de la transition écologique, de la transition démographique et de la transition technologique. Les différentes réformes mises en place depuis quelques dizaines d’années n’ont pas permis de reconstruire notre système de santé à la hauteur de ces enjeux, malgré la bonne volonté de chacun de leurs auteurs.

Le PLFSS pour 2023, monsieur le ministre, est à l’exemple des précédents.

Il ne présente aucune réforme majeure, il modifie à la marge les modalités d’exercice de certains professionnels de santé et continue de mélanger les genres : loi de financement et loi d’organisation de la santé sur le territoire national. C’est évidemment la meilleure façon d’entretenir la confusion ! En sus, cette fois, l’application de l’article 49.3 de la Constitution met en doute, dans mon esprit, la volonté du Gouvernement de respecter la légitimité du Parlement.

J’étais naïvement persuadé qu’avec cette nouvelle mandature et avec le constat que nous faisons tous, vous alliez présenter un projet qui aurait remis la santé sur les rails.

Pourquoi ne pas avoir eu la volonté, dès ce PLFSS, de refonder la gouvernance de la santé en proposant, par exemple, une loi de programmation sanitaire sur la durée du mandat présidentiel ?

Pourquoi ne pas émettre au moins un signe de votre volonté de fixer une stratégie de santé fondée sur l’évaluation des besoins et l’établissement d’objectifs sur cinq ans ?

Pourquoi ne pas développer une vraie politique de gouvernance autonome démocratique de l’hôpital ? J’avais en son temps, à la demande du président Gérard Larcher, fait des propositions au Président de la République… Elles sont restées lettre morte.

Pourquoi ne pas marquer votre volonté de mettre en place une vraie démocratie sociale et sanitaire au centre du fonctionnement de l’hôpital et de rééquilibrer le management entre la médecine et l’administration ?

Pourquoi ne pas permettre la mise en place des patients experts qui apporteraient aux soignants l’expertise des malades ?

Pourquoi ne pas assurer aux professionnels libéraux qu’ils soient garants des missions territoriales de santé ?

Pourquoi ne pas proposer une restructuration de la permanence des soins ambulatoires, afin de garantir la pertinence des urgences hospitalières ?

Pourquoi ne pas réviser les ordonnances Debré de 1958 pour permettre un meilleur ancrage territorial des hôpitaux ?

Je pourrai continuer la liste des pourquoi, mais j’entends votre réponse, monsieur le ministre : « Tout cela sera discuté dans le cadre du Conseil national de la refondation… »

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Or, monsieur le ministre, il y a urgence et les conclusions de ce conseil n’interviendront que l’an prochain. Il faudra ensuite des mois et des mois pour élaborer les lois qui en découleront. Nous aurons alors encore perdu un an ou deux et vous serez contraint, une fois de plus, de mettre des rustines, comme vous le faites actuellement pour la pédiatrie.

J’aimerais revenir sur un point plus particulier : le financement.

Notre modèle solidaire impose un financement solidaire, c’est-à-dire dont les ressources et les dépenses respectent le caractère solidaire : payer selon ses moyens, recevoir selon ses besoins. Cette règle s’applique pour la sécurité sociale, mais pas pour les assureurs privés.

Pratiquement tous les pays développés qui disposent d’un modèle universel ont un payeur unique de type solidaire. Ce système est garant de la liberté des acteurs et de l’indépendance professionnelle des soignants.

Notre système à deux étages est structurellement coûteux et défaillant – selon des publications, 5, 6 % de la dépense totale contre 2, 8 % pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est un système très peu efficace dans la couverture du risque et inégalitaire, favorable aux actifs – mais pas tous, en particulier les indépendants – ; défavorable aux inactifs, en particulier les retraités.

Dans les faits, seul le financeur public supporte le vrai risque. Seul le financeur public garantit le libre choix de son professionnel de santé et l’indépendance professionnelle des soignants.

On le voit dans la mise en place des réseaux en matière d’optique ou de certains centres de soins dentaires – la liste serait longue –, mais nous pouvons constater, avec le financement assurantiel privé, une diminution de l’équité d’accès aux prestations de santé.

Il serait nécessaire, selon moi, que l’on revoie complètement le système de financement de la santé. À l’instar d’autres pays en Europe, les assurances complémentaires devraient devenir supplémentaires et chacun d’entre nous devrait savoir combien coûte la santé. Ce serait d’ailleurs une façon, pour le Parlement, de fixer chaque année le tarif de base des organismes complémentaires de santé.

Si j’en reviens au PLFSS tel qu’il s’impose à nous, celui-ci fait état d’une nette amélioration des comptes avec un déficit à 7, 3 milliards d’euros, contre près de 18 milliards d’euros en 2022.

Première constatation, combien de temps notre système peut-il vivre encore avec de tels déficits ? Deuxième constatation, le Haut Conseil de la santé publique a émis des doutes sur la sincérité de ce PLFSS, puisque celui-ci s’appuie sur des prévisions macroéconomiques excessivement optimistes.

Les recettes pour 2023 sont surestimées. Quant aux dépenses, elles me semblent sous-estimées, surtout au niveau de l’Ondam soins de ville, enregistrant une augmentation de 0, 5 point par rapport à son niveau d’avant la pandémie de covid-19, alors que l’inflation était pratiquement nulle à cette époque.

J’espère que l’estimation des dépenses liées au covid-19 correspondra à la réalité et que ces dépenses ne seront pas non plus sous-évaluées. Mais on voit bien que d’autres épidémies arrivent. L’exemple de la bronchiolite montre à quel point nous avons l’obligation de réussir, cette fois, les réformes nécessaires.

Je ne voudrais pas entrer dans le détail de ce PLFSS. Nous aurons toute cette semaine pour nous exprimer sur les différents articles du texte, sanctionné par l’usage du 49.3.

Je voudrais néanmoins m’appesantir un instant sur la branche famille. Si mes souvenirs sont bons, chaque branche a été créée indépendamment des autres ; chaque branche a sa fonction propre et doit occuper intégralement cette fonction.

Depuis des années, au nom de je ne sais quel principe, les différents gouvernements, quelle que soit leur tendance politique, ont ponctionné allègrement la branche excédentaire des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Cette fois, vous allez plus loin encore, en profitant des excédents de la branche famille pour imposer à celle-ci le remboursement du congé de maternité, soit 2 milliards d’euros, évidemment insuffisants pour équilibrer les comptes de la branche maladie.

Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir relancé la politique de natalité avec ces excédents ? Depuis 2014, les familles ont subi : la modulation des allocations familiales, dont l’effet cumulé atteint à ce jour 4 milliards d’euros ; la suppression du complément de libre choix d’activité majoré ; la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant – la fameuse Paje – ; l’alignement du montant du plafond de l’allocation de base sur le complément familial. Il y avait, vous le voyez, beaucoup à faire pour améliorer la politique de natalité !

Je viens de vous exprimer mon désenchantement et mon angoisse de voir notre système devenir obsolète, faute de réforme en profondeur.

Au moment du mouvement des gilets jaunes, j’avais dit à la ministre Agnès Buzyn qu’il fallait éviter le mouvement des gilets bleus et des blouses blanches. La crise du covid-19 est passée par là, mais la réalité nous rejoint de nouveau : il est grand temps de réagir ! En effet, comme le chantait Barbara : le temps qui passe ne se rattrape guère, le temps perdu ne se rattrape plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, je regrette que le ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées ne soit plus présent dans l’hémicycle au moment où nous parlons de solidarité. Le PLFSS, ce n’est pas que l’assurance maladie !

Je vais, en particulier, enchaîner avec les propos tenus à l’instant par mon collègue sur la ponction effectuée sur la branche famille.

Celle-ci a désormais atteint l’équilibre ; elle est même excédentaire, ce qui donne au Gouvernement des marges considérables pour relancer une politique familiale adaptée, moderne, compatible avec la volonté des familles. Or, il profite de cet excédent pour faire un petit jeu comptable, dont j’imagine bien qu’il a été conçu par les cerveaux de Bercy, le ministère des finances ayant aussi tutelle sur le PLFSS – le jour où nous avons accepté cela, nous avons commis une énorme erreur.

À la question de savoir où prendre l’argent pour assurer les dépenses du PLFSS, Bercy répond : il n’y a qu’à le prendre à la famille, et ce n’est pas tout à fait neutre. En effet, on ne réfléchit pas à Bercy comme on réfléchit aux ministères de la santé ou des solidarités. Or il n’est pas neutre de transférer la prise en charge des indemnités journalières de l’assurance maladie à la branche famille. La politique familiale est une politique fondée sur le choix : les familles ont le choix du mode de garde, le choix de prendre des congés familiaux, notamment pour l’éducation à travers la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE)… En transférant les dépenses liées au congé post-accouchement, on rapproche celui-ci du congé de paternité qui, lui, est bien naturellement pris en charge par la branche famille.

J’alerte l’hémicycle, et, au-delà, les associations familiales, sur le fait que les indemnités journalières post-accouchement sont versées, non pas au titre d’un congé pour s’occuper de l’enfant, mais au titre d’un congé nécessaire pour la santé de la mère et la protection maternelle.

Mme Émilienne Poumirol applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je veux aussi parler brièvement de la déconjugalisation de l’allocation de soutien familial, l’ASF.

J’ai aujourd’hui l’exemple d’une mère de famille veuve avec deux enfants, qui gagne 1 000 euros par mois de pension d’invalidité, auxquels s’ajoutent 300 euros de revenus. La caisse d’allocations familiales (CAF) lui réclame 5 000 euros de trop-perçu au titre de l’ASF, au motif qu’elle a un homme dans sa vie, lui-même gagnant le Smic et ayant un enfant à charge. La CAF considère que cet homme est supposé prendre en charge les enfants de cette femme seule !

Déconjugaliser l’allocation de soutien familial, c’est une exigence pour les familles monoparentales, pour les mères, pour la lutte contre leur solitude et, tout simplement, pour leur capacité à avoir un niveau de vie correct.

M. François Braun, ministre, semble marquer son étonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Votre attitude, monsieur le ministre, me laisse penser que vous ne connaissez peut-être pas le dossier…

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée, s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
François Braun

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la rapporteure générale, je ne vais pas réagir à l’ensemble des remarques formulées, car l’occasion me sera donnée, au cours des débats, de revenir à votre convenance sur chacun des points et de compléter des informations discutables.

Je tiens toutefois à dire que je suis sensible à ce que Mme la rapporteure générale a exposé s’agissant de la nécessaire rectification de l’Ondam 2022. Cette rectification, proposée dans le texte initial, n’a pas été retenue par l’Assemblée nationale. Je suis de toute évidence favorable à son rétablissement : c’est un élément essentiel pour la crédibilité du PLFSS pour 2023, et qui garantira un financement nécessaire pour le système de santé en 2022.

Toutefois, pour aller plus loin que le simple rétablissement proposé par Mme la rapporteure générale, le Gouvernement présente un sous-amendement tendant à ajouter encore 600 millions d’euros au sous-objectif concernant les établissements de santé, donc à l’Ondam 2022 dans son ensemble.

Il s’agit de financer les engagements pris pour assurer le bon fonctionnement des établissements de santé dans la période actuelle de crise et d’épidémies hivernales, ainsi qu’une partie des engagements relevant de mes dernières annonces concernant les établissements en tension, particulièrement les services de pédiatrie – bien qu’étant régulièrement à leur contact, je les assure une fois de plus de mon soutien le plus complet face à la difficile crise qu’ils traversent. Il faut, certes, appliquer un traitement symptomatique immédiat, mais nous démarrons également avec eux des travaux sur le traitement de fond, travaux qui aboutiront, comme je l’avais annoncé, à l’organisation d’assises de la santé de l’enfant au printemps et à l’établissement d’une feuille de route pour les années à venir autour de la santé de l’enfant.

Ces crédits supplémentaires permettront notamment de soutenir financièrement les agents travaillant la nuit et en soins critiques, en particulier les puériculteurs et auxiliaires de puériculture.

La rectification de l’Ondam des établissements de santé permettra aussi de rendre solvables les établissements de santé ayant déployé des mesures de la mission flash de l’été dernier. Je pense notamment aux mesures relatives aux heures supplémentaires et au temps additionnel.

Le relèvement de l’Ondam 2022 serait donc porté à 9, 7 milliards d’euros par rapport au montant voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Par cette décision, le Gouvernement matérialise de nouveau sa détermination à consacrer tous les moyens nécessaires au bon fonctionnement des établissements de santé.

Debut de section - Permalien
Olivia Grégoire

Je ne serai pas longue, mais je voudrais dire quelques mots sur la stratégie macroéconomique sous-tendant ce PLFSS, laquelle a fait l’objet de nombreux questionnements et remarques, notamment de la part de Mme la rapporteure générale.

Je souhaite tout d’abord préciser que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a rendu un avis positif sur le scénario macroéconomique des textes financiers cet automne. Les prévisions de croissance et d’inflation pour 2022 ont été jugées – et j’emploie les mots du HCFP – « crédibles », tout comme la prévision d’inflation pour 2023. La prévision de croissance pour cette même année a, elle, été jugée « un peu élevée », mais le Haut Conseil des finances publiques relève également la « grande incertitude » qui entoure ces prévisions et concerne tous les pays développés. La prévision de masse salariale pour 2023, en hausse de 5 %, a également été jugée « plausible ».

C’est donc un tableau plutôt nuancé qui est dressé. J’indique que l’été dernier, alors que nous avions déjà ce débat, qui me semble important, le HCFP avait pour le coup estimé la prévision de croissance à 2, 5 % pour 2022 un peu élevée. Aujourd’hui, l’Insee nous signale qu’avant même de comptabiliser le quatrième trimestre de cette année, nous avons atteint ce niveau !

Je rappelle aussi que la France est sortie un peu plus rapidement de la crise que ses voisins, retrouvant dès la fin de l’année 2021 un niveau de production d’avant-crise, le « quoi qu’il en coûte » ayant notamment contribué à maintenir l’investissement à un niveau dynamique. Ainsi, selon la dernière note de conjoncture de l’Insee, datant du mois d’octobre, l’investissement des entreprises devrait croître d’au moins 2, 8 % en 2022. Le climat des affaires, quant à lui, également mesuré par l’Insee, reste un peu supérieur à la norme, avec un indicateur à 102, contre 100 en moyenne. Les créations d’emplois s’élèvent à 220 000 au premier semestre, comme j’ai déjà eu l’occasion de le signaler.

Par ailleurs, les textes financiers qui vous sont soumis cet automne, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce soit le PLF, le PLFR ou encore le PLFSS, comportent justement des mesures pour atteindre le niveau de 1 % de croissance en 2023, avec, notamment, le maintien d’un soutien vigoureux aux entreprises, mais aussi aux collectivités territoriales face aux effets de l’inflation. Comme vous le savez, ce soutien s’est illustré, d’abord, par l’adoption d’un filet de sécurité énergétique de 430 millions d’euros en 2022 et de 1, 5 milliard d’euros en 2023 pour les collectivités, mais aussi par la poursuite du bouclier tarifaire pour les ménages, qui représente une masse financière de 100 milliards d’euros et permettra d’éviter une dépense allant de 160 à 175 euros par mois et par foyer français.

Au moment où nous nous parlons, mesdames, messieurs les sénateurs, l’économie française continue donc, malgré les difficultés, à résister. C’est à l’aune de ces hypothèses et de cette réalité macroéconomique que nous avons fondé les grands arbitrages et équilibres du PLFSS. Notre vision de la conjoncture n’est ni optimiste – encore moins démesurément optimiste – ni pessimiste : elle reflète bien, semble-t-il, l’état de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, dans la mesure où la commission des affaires sociales doit se réunir, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.