Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce budget de l’assurance maladie est le troisième depuis le déclenchement de l’épidémie de covid-19 et le premier de la nouvelle équipe gouvernementale.
La première circonstance pourrait commander une certaine prudence dans le cadrage financier ; la seconde un peu d’audace dans les mesures nouvelles. Hélas, nous n’avons trouvé ni l’une ni l’autre.
Tout d’abord, la trajectoire financière est improbable. Le redressement annoncé est spectaculaire, mais il résulte d’un « effet recettes » anticipé sur la base, non de mesures nouvelles, mais d’hypothèses tant macroéconomiques qu’épidémiologiques très optimistes.
Les dépenses dans le champ de l’Ondam seraient en baisse en tenant compte des dépenses covid, mais elles augmenteraient de 3, 7 % hors covid, selon un rythme de progression soutenu dans tous les sous-objectifs : 2, 9 % pour les soins de ville, 4, 1 % pour les établissements de santé…
On peine toutefois, derrière ces dynamiques de dépenses, à distinguer une grande politique de soutien au système de santé. L’Ondam hospitalier, par exemple, n’est renforcé que par la revalorisation du point d’indice et la forte inflation. Dans cinq ans, l’Ondam atteindrait ainsi 270 milliards d’euros, alors qu’il dépassait à peine 200 milliards d’euros en 2019, progressant ainsi de plus de 6, 5 milliards d’euros par an. C’est impressionnant, mais à quoi correspondent ces montants ? Ni les professionnels de santé ni ceux qui cherchent à les consulter ne sauraient le dire. La crédibilité de ce budget est ainsi mise en cause tout comme la sincérité de la discussion parlementaire quand de généreuses annonces médiatiques interviennent durant son examen même.
Les mesures nouvelles n’ont pas le niveau d’ambition qu’exige notre système sanitaire. En ce qui concerne la prévention, l’article 17 constitue, à lui seul ou presque, l’emblème du nouvel intitulé du ministère, rebaptisé « de la santé et de la prévention ». Or il est peint en trompe-l’œil : s’agissant des trois rendez-vous de prévention tout au long de la vie, entre 20 ans et 25 ans, 40 ans et 45 ans et 60 ans et 65 ans promis dans le dossier de presse, le troisième est déjà en cours de déploiement et le deuxième ne prendra la forme que de « rendez-vous » ou de « séances » assez indéterminés.
La prévention est une chose trop sérieuse et, dans notre pays, trop urgente pour creuser à ce point l’écart entre promesses et réalisations.
En matière d’accès aux soins de ville, les mesures existent, mais elles sont timides ou brouillonnes – les deux qualificatifs n’étant pas mutuellement exclusifs.
À l’heure où tout semble prêter le flanc à la refondation, l’article 22 vise, plus modestement, à « rénover la vie conventionnelle ». En réalité, cet article ne modifie qu’à la marge les règles encadrant les conventions conclues entre les organisations représentatives des professions de santé et l’assurance maladie.
Le texte nous est, en outre, parvenu bardé d’articles additionnels, parfois à la limite de la recevabilité, et composant, davantage qu’une loi de financement, une espèce de loi Santé en costume d’Arlequin, avec accès direct aux infirmiers en pratique avancée, élargissement de la permanence des soins, dépistage de la drépanocytose, expérimentation de consultations avancées, certificats de décès…
Tous ces sujets sont bien sûr importants, mais ils gagneraient à être examinés de manière cohérente à l’abri des contraintes pesant sur le calendrier budgétaire.