Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour l’exercice 2022, la branche famille connaîtrait un excédent de 2, 6 milliards d’euros, qui se réduirait de moitié en 2023 pour atteindre 1, 3 milliard d’euros. Cet amoindrissement de l’excédent résulte, pour 850 millions d’euros, de la décision bienvenue du Gouvernement de revaloriser de moitié l’allocation de soutien familial (ASF) en faveur des parents isolés. C’est l’une des rares lueurs de ce PLFSS.
Pour les 70 % restants, la baisse provient du transfert à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) de la charge des indemnités journalières du congé postnatal de maternité. Cette mesure grève les dépenses de 2 milliards d’euros sans que les familles y trouvent concrètement le moindre avantage. La trajectoire financière pluriannuelle de la branche en serait fortement affectée. Son excédent serait réduit à 500 millions d’euros en 2025, ce qui la priverait des moyens d’une ambition nouvelle. C’est pourquoi, sur l’initiative de la rapporteure générale, la commission vous proposera de supprimer ce transfert de charges.
Les articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale portant sur la branche famille se concentrent sur la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG).
Le CMG « emploi direct » compense aux familles le coût de la garde de leurs enfants âgés de moins de 6 ans lorsqu’elles recourent à une assistante maternelle ou à une personne salariée pour une garde à domicile.
Le barème actuel induit des effets de seuil importants et entraîne des restes à charge élevés pour les foyers aux revenus les plus modestes. Il rend quasiment impossible le recours à un mode de garde individuel pour ces familles. Une telle fracture sociale n’est pas juste.
L’article 36 prévoit de remédier à ces difficultés en prenant désormais en compte pour le calcul du CMG les ressources de la famille, le nombre d’enfants à charge, le nombre d’heures et le coût médian de la garde, dans un objectif d’égalisation des taux d’effort des familles recourant à un assistant maternel et de celles recourant à un accueil en crèche relevant de la prestation de service unique (PSU) de la branche famille
L’article 36 prévoit aussi la possibilité pour les familles monoparentales de percevoir le CMG « emploi direct » jusqu’aux 12 ans de leurs enfants, contre 6 ans pour le droit commun. C’est là une autre lueur !
La commission soutient la réforme proposée du CMG, qui correspond aux attentes des familles. Elle a en outre adopté un amendement visant à prévoir la suspension sans délai du versement du CMG aux familles cessant de rémunérer l’assistante maternelle ou la garde à domicile.
L’article 36 suscite toutefois plusieurs regrets, à commencer par la date tardive de son entrée en vigueur, fixée en juillet 2025.
Par ailleurs, une évolution du barème, accompagnée d’un mécanisme de compensation satisfaisant, aurait sans doute été possible. En l’état du texte, 43 % des bénéficiaires actuels du CMG seraient défavorisés par la mise en œuvre de la réforme.
Qu’est-il proposé à ces familles perdantes ? L’article prévoit un complément compensatoire, aux paramètres incertains. Il serait soumis à des conditions de ressources et au recours minimal au mode de garde. La réforme se fera donc bel et bien au détriment de certaines familles déjà engagées auprès d’une assistante maternelle ou d’une garde à domicile.
Une seconde mesure, prévue à l’article 37, oblige l’employeur à verser au salarié, en lieu et place des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), une somme au moins égale aux indemnités journalières pour congé de maternité, d’adoption ou de paternité. L’employeur serait ainsi subrogé de plein droit à l’assuré dans le versement des indemnités journalières dues par la CPAM. Si certains employeurs ont librement choisi cette option ou appliquent en la matière un accord de branche, une telle obligation légale de versement semble disproportionnée en raison des charges de trésorerie qu’elle fait peser sur les entreprises, indépendamment de leur taille ou de leur situation. La commission vous proposera donc de supprimer cette disposition.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, de nombreuses autres mesures, attendues des familles, sont absentes de ce PLFSS. Je pense à la réforme de la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE) ou à la fin de la modulation des allocations familiales selon le revenu, soit le retour à l’universalité, mesure pourtant votée par le Sénat en février dernier.
Il convient aussi de s’atteler à la création de places en crèches. C’est une attente des familles, mais aussi une mesure indispensable pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes et accroître l’employabilité des femmes. Il faut par ailleurs résoudre les difficultés de recrutement des professionnels de la petite enfance, qui sont chaque jour plus criantes, sachant que 10 000 postes ne seraient pas pourvus.
Toutes ces avancées représenteront un coût financier. C’est pourquoi nous devons préserver les marges de manœuvre budgétaires de la Cnaf pour une relance véritablement ambitieuse de la politique familiale.