Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 7 novembre 2022 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, annoncée triomphalement par le précédent gouvernement, la nouvelle étape de l’histoire de la sécurité sociale que devait être la création de la branche autonomie présente pour le moment un bilan bien mince.

Le débat sur le périmètre de la branche s’est éteint et, pour l’instant, les assurés n’ont pas vu évoluer les choses. Une nouvelle concertation vient de s’ouvrir pour tracer les perspectives du bien vieillir. Elle rendra ses conclusions au printemps prochain, au moment où débutera la concertation sur le handicap.

Il ne faut plus tarder, monsieur le ministre, les défis à relever sont connus, les besoins de recrutement ne font que croître et le secteur a besoin de financements supplémentaires : environ 1, 5 milliard d’euros pour le seul secteur des personnes âgées.

L’objectif de dépenses de la branche pour 2023 s’élève à 37, 4 milliards d’euros, en augmentation de 5, 3 % par rapport à l’année précédente.

Malgré cet effort, comme l’année dernière, cette hausse résulte principalement des revalorisations salariales mises en œuvre dans le cadre du Ségur de la santé et de leur extension à d’autres personnels non médicaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Je ne peux que regretter que ces efforts budgétaires supplémentaires ne permettent toujours pas de traiter la situation de l’ensemble des oubliés du Ségur, agents pourtant indispensables au fonctionnement du secteur.

Selon les projections pluriannuelles, la branche autonomie retrouverait une situation excédentaire à compter de 2024. Cet excédent diminuerait les années suivantes du fait de la création annoncée de 50 000 postes dans les Ehpad et du financement du temps dédié au lien social auprès des personnes âgées qui bénéficient du plan d’aide à domicile.

Dans ce contexte, il ne resterait aucune marge budgétaire disponible pour faire évoluer la situation et les conditions de vie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap, ce qui est inquiétant. Nous sommes sollicités de toutes parts par les associations du monde du handicap, qui s’inquiètent de cette situation.

Lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre, vous avez parlé d’un PLFSS de fin de cycle. C’est le cas ! Les dispositifs proposés dans le texte viennent sécuriser des réformes déjà lancées les années précédentes et renforcent le virage domiciliaire, qui est la principale orientation stratégique suivie par la branche. Cette orientation répond à la demande des personnes en situation de perte d’autonomie.

Bien sûr, le PLFSS porte la marque des soubresauts qui ont secoué le secteur des Ehpad, à la suite de la publication du livre Les fossoyeurs, mais il traduit aussi la nécessité pour le Gouvernement de combler ce que nos collègues Bernard Bonne et Michelle Meunier ont appelé « les angles morts du contrôle ».

Ces mesures – virage domiciliaire, contrôle – vont dans la bonne direction. Elles illustrent aussi les limites d’une méthode consistant à retoucher ce qui peut être retouché en loi de financement : la vision d’ensemble est quasi absente, la concertation préalable avec les professionnels ou les départements est faible, mais la complexité s’accroît à chaque dispositif nouveau. Songez ainsi que les concours de la CNSA aux départements transiteront désormais par plus d’une dizaine de canaux différents !

Outre ces dispositifs d’intérêt variable, l’Assemblée nationale a ajouté dix-neuf articles – un record ! –, dont onze demandes de rapport pour la seule branche autonomie…

Parmi ces dispositions, j’en mettrai trois en exergue : la revalorisation annuelle du tarif plancher, qui passera à 23 euros en 2023 ; la création d’un parcours de rééducation et de réévaluation des enfants en situation de polyhandicap ou de paralysie cérébrale ; une expérimentation visant à assurer un meilleur accompagnement des aidants.

Toutefois, la question du financement de ces mesures nouvelles reste entière et inquiète les départements, qui ne peuvent supporter de nouvelles charges sans aucune visibilité. Aujourd’hui, des discussions sont en cours, mais les départements n’ont aucune certitude.

Un souffle nouveau est nécessaire. Il est indispensable d’engager une réflexion stratégique sur l’autonomie. Il faut réfléchir à la création de ressources nouvelles et surtout imposer une vision pluriannuelle qui ne se résume pas à d’innombrables missions et groupes de travail. Le terme « pluriannuel » est essentiel pour l’ensemble du secteur.

Pour maintenir les questions d’autonomie dans l’agenda politique, pour que, enfin, une vision stratégique soit nourrie par des données, pour que des décisions de financement soient prises, la commission des affaires sociales vous propose d’institutionnaliser le dialogue entre les différents partenaires, sous la forme d’une conférence des générations et de l’autonomie. Puissent ces instances jouer le rôle confié à la conférence nationale du handicap pour faire progresser la prise en charge des plus fragiles.

En conclusion, permettez-moi de me faire le relais de nombreux acteurs du secteur, qui s’inquiètent non pas de la prise en compte de leurs préoccupations, mais des délais de la programmation et surtout de l’octroi des moyens nécessaires. Ils veulent des perspectives d’avenir.

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