Cette orientation est une grave erreur au moment où les familles subissent de plein fouet une baisse drastique de leur pouvoir d’achat.
Je déplore également un manque de réformes structurelles. L’absence d’une loi sur le grand âge et le manque de nouveaux moyens financiers montrent que les crédits supplémentaires accordés à la branche autonomie ne sont qu’une rustine sur un système à bout de souffle.
Chaque année, on nous promet une loi sur le grand âge et l’autonomie pour la renvoyer ensuite aux calendes grecques. Or, d’après les projections de l’Insee, la part des seniors de 65 ans et plus va augmenter de 33 % entre 2022 et 2041, puis de 51 % d’ici à 2070. Il est urgent d’anticiper cette évolution démographique.
Enfin, nous estimons que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie ne sera pas tenable, comme l’a souligné Corinne Imbert. La hausse de 3, 7 % de l’Ondam ne tient compte ni de l’inflation à 4, 7 % ni de la hausse tendancielle des besoins de santé, estimée à 4 % par la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS).
Certaines mesures vont dans le bon sens, comme la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG), allocation perçue par les parents faisant garder leur enfant par une assistante maternelle, une microcrèche, une garde à domicile ou encore une garde partagée.
Dans ses intentions, cette réforme est une mesure de justice et d’équité. Toutefois, dans sa forme actuelle, elle risque d’abaisser les aides versées à 43 % des familles concernées. C’est inacceptable, qui plus est au moment où les familles subissent la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation.
La réforme du CMG doit éviter de faire des familles perdantes. Lorsque la garde d’enfant est indisponible ou trop chère, de nombreuses mères risquent de décrocher de l’emploi. Mieux soutenir les familles, c’est soutenir l’égalité hommes-femmes.
Attention aussi à ne pas rendre la garde trop coûteuse pour les familles faisant garder leur enfant à temps partiel, que ce soit du fait du travail à temps partiel d’un parent ou de l’utilisation d’une garde périscolaire.
Nos politiques de santé se résument souvent à une approche curative. Or la prévention doit être renforcée.
Le texte prévoit la mise en place de rendez-vous de prévention, dont l’objectif est de renforcer l’intervention des professionnels de santé. Mais comment allez-vous organiser ces trois rendez-vous aux différents âges de la vie, alors que l’on a déjà du mal à trouver des professionnels de santé ?
En outre, c’est non pas forcément l’âge de la personne qui doit définir la période de dépistage, mais plutôt ses antécédents médicaux.
En matière de prévention, j’attire votre attention sur la première épidémie non infectieuse de l’histoire de l’humanité : l’obésité.
En 2012, le ministère de l’économie estimait déjà à 20 milliards d’euros le coût social du surpoids, comparable à celui du tabac ou de l’alcool. Il est regrettable que le PLFSS ne porte aucune mesure de prévention contre l’obésité, dont le coût est si important.
Enfin, monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur un tout autre sujet, celui de l’illectronisme en santé. L’illettrisme numérique résulte de l’inaptitude d’un individu à utiliser les outils numériques du quotidien. Ce phénomène touche 17 % de la population, soit près de 13 millions de personnes en France.
Selon une enquête du journal Le Monde, 67, 2 % des patients de 75 ans et plus sont concernés et 43 % d’entre eux sont non diplômés.
Ces patients, victimes de la fracture numérique, sont souvent issus de milieux défavorisés et vivent dans des territoires périphériques éloignés du service public hospitalier. Ne pas pouvoir accéder aux solutions de télésurveillance médicale est pour eux une sorte de double peine.
La télésurveillance a démontré sa pertinence durant la crise sanitaire, permettant la continuité des soins sur des pathologies chroniques. Elle est aujourd’hui indispensable, tant notre territoire est touché par les déserts médicaux et frappé par une pénurie de spécialistes.
Le dispositif actuel se concentre sur le remboursement des seules solutions technologiques. Il écarte par conséquent le suivi humain, seul adapté aux patients en situation d’illectronisme.
Nous devons penser à des solutions pour développer l’accompagnement au digital dans le secteur de la santé, à l’instar de ce que font les associations qui accompagnent les personnes en situation d’illectronisme. Ce n’est pas très compliqué à mettre en œuvre ; la seule difficulté porte sur les moyens. Afin de lutter plus efficacement contre un système à deux vitesses, une partie du budget alloué à la télésurveillance pourrait être fléchée vers des solutions qui rendent le télésuivi accessible à tous.
Ce PLFSS manque d’ambition et d’une vision pour l’avenir de notre système de santé. Le premier PLFSS du quinquennat est un renoncement à réformer en profondeur notre système de santé et laisse encore de côté une partie des Français.