Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 7 novembre 2022 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, des années durant, la France fut enviée pour son système de santé. Aujourd’hui, ce dernier risque de s’effondrer, notamment son hôpital public.

Des urgences aux déserts médicaux, le système de santé repose désormais sur les dernières forces d’un personnel en sous-effectif chronique qui, après la politique active de fermeture des gouvernements successifs, assiste impuissant aux fermetures de lits, de places et de berceaux en raison du manque de personnel. Je citerai deux exemples : mille berceaux pour les crèches du Rhône et jusqu’à 20 % des places du centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy. Sans parler de la psychiatrie et de la pédiatrie qui sont sinistrées – la moitié des lits de neurochirurgie pédiatrique de Necker sont fermés !

Six années durant, les PLFSS se sont succédé sans programmation pluriannuelle de financement comme le supposerait une vision à long terme, tandis que tous les acteurs de santé, qu’ils soient hospitaliers ou de ville, réclament un texte sur l’autonomie et une grande loi sur la santé.

Passer l’été, passer l’hiver, puis de nouveau l’été ne fait pas une politique ! Seul un horizon d’amélioration radicale de notre protection sociale, en lui allouant des moyens en conséquence, pourrait redonner du sens à l’effort du personnel et mettre fin à sa désertion.

Au lieu de cela, les budgets successifs valident un Ondam de pure maîtrise comptable, qui maintient le système en asphyxie financière à la suite d’une politique organisée – j’y insiste, organisée ! – de mises en déficit des comptes sociaux à coups d’exonérations de cotisations, loin d’être toutes compensées, et d’exemptions d’assiette touchant près de 10 % de la masse salariale privée, et ce alors que les besoins sont en progression.

Le Gouvernement esquive cette critique, en présentant un Ondam hospitalier à 4, 1 %, mais sa base 2022 n’a pris en compte que deux tiers de l’indice hospitalier de l’inflation, estimé à 5, 4 %, soit plus d’un point au-dessus de l’Ondam, et pas tous les surcoûts liés au covid. D’après le calcul unanime des fédérations hospitalières, il manque 1 milliard d’euros.

Avec l’inflation, notamment celle liée aux coûts de l’énergie, et une évolution mécanique de 4 % due à la transition démographique et à la progression des maladies chroniques, le compte n’y est toujours pas.

Cet écart fixe, de fait, un niveau d’économies exigées, même en l’absence d’une ligne spécifique. Avec ce sous-financement chronique de l’Ondam la destruction de l’hôpital public se poursuit.

Ainsi, sans revalorisation de l’indemnité de sujétion et avec du temps de travail additionnel pérenne, les professionnels continueront de déserter l’hôpital, l’intérim prospérera et la loi Rist accélérera la fermeture des services publics et privés non lucratifs.

Dans chaque secteur, l’heure devrait être à un choc d’attractivité par des emplois valorisés permettant un travail de qualité auprès de tous les publics. Comment peut-on se tromper de diagnostic, en ne voyant pas le problème du point de vue de la qualité des emplois ? Pourtant, 20 % des places ne sont pas remplies en deuxième année de formation de sages-femmes, 10 % des étudiants en médecine abandonnent en cours d’études et des secteurs entiers font face à des démissions et n’arrivent plus à recruter.

La détérioration continue des conditions de travail engendre un sous-effectif qui dégrade de nouveau les conditions de travail. Les secteurs entrent alors dans un cercle vicieux dont il n’est possible de sortir qu’avec une ambition. Or ce n’est pas l’objectif de 3 000 créations de postes en Ehpad, par exemple, qui le permettra, puisqu’il en faudrait six fois plus chaque année !

Face à la transition démographique et au virage domiciliaire, nous prenons un grave retard dans la prévention de la perte d’autonomie. Comme pour la transition écologique, ce retard nous coûtera bien évidemment en termes financiers, mais il nous coûtera encore davantage en espérance de vie en bonne santé.

Aujourd’hui, 20 % des plans d’aide de l’APA et de la prestation de compensation du handicap (PCH) ne se réalisent pas, faute de personnel. Au moins un dossier sur cinq reste en souffrance. Selon la Cour des comptes, des millions de journées de travail sont perdues tous les ans du fait d’accidents de travail dans les Ehpad dus au trop faible ratio d’encadrement.

Cette sinistralité exceptionnelle en Ehpad s’inscrit dans un contexte où la France est la plus mauvaise élève d’Europe en termes de morts liées à l’activité professionnelle. Or, tandis que 1 200 personnes meurent tous les ans, la branche AT-MP est en excédent ! Et cela même après le transfert financier à la branche maladie, lié à la sous-évaluation des accidents du travail et des maladies professionnelles qui prive les salariés des droits afférents.

La Confédération européenne des syndicats exhorte les États à s’engager pour zéro mort au travail en 2030. Voilà de quoi utiliser au mieux les excédents.

Nous saluons les mesures en faveur des familles monoparentales, nonobstant des délais abusifs. Toutefois, rappelons que la pauvreté touche un enfant sur cinq et que, si la monoparentalité est une prévalence, ces mesures devraient concerner l’ensemble des ménages modestes, dans lesquels les femmes sont contraintes au temps partiel et la précarité progresse.

De plus, la politique d’austérité a dégradé les services de la Cnaf, soumise à des restitutions d’effectifs, alors qu’elle devait assumer les réformes de l’APL – le traitement des dossiers connaît d’ailleurs d’importants retards.

Ces situations dégradées ont à voir avec un partage des richesses de plus en plus inégalitaire, qui prive notre protection sociale des moyens de relever les défis du vieillissement et de la prévention.

Ce PLFSS apporte quelques mesures bienvenues, mais il perpétue une gestion comptable sans réflexion critique sur sa partie recettes. Nous appelons à un changement de paradigme, et ce d’autant plus que les professionnels alertent sur la dégradation très rapide de la situation de l’hôpital public et que nous approchons du moment de bascule où l’effondrement du système de santé sera notre legs à la nouvelle génération.

Le groupe écologiste votera contre ce texte.

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