Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, mes chers collègues, nous entamons l’examen du premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de la législature.
Je commencerai mon propos en évoquant quelques chiffres.
Ce projet de loi porte sur près de 600 milliards d’euros de prélèvements obligatoires et de dépenses publiques. Il prévoit une diminution forte du déficit de la sécurité sociale, qui passerait à 7 milliards d’euros, contre 18 milliards d’euros en 2022, en se fondant sur une croissance économique très optimiste : 1 % en France, là où les instituts prévoient 0, 6 %.
Les déficits restent tout de même inquiétants et vos hypothèses budgétaires, je le répète, sont trop optimistes !
Concernant l’accès aux soins, l’hôpital est le grand oublié de ce PLFSS.
J’aimerais évoquer la situation particulière de la pédiatrie et de la santé des jeunes.
En premier lieu, je souhaite attirer votre attention sur un phénomène inquiétant. Dans une étude publiée en mars 2022 dans la revue The Lancet, des chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) font apparaître une hausse des décès de nourrissons entre 2012 et 2019, avec une augmentation de la mortalité infantile de 7 %. Alors que la France figurait parmi les meilleurs élèves en la matière, elle a chuté de la septième à la vingt-cinquième place entre 1989 et 2017. Or, malgré ces chiffres inquiétants, la réduction du taux de mortalité infantile n’est actuellement pas considérée comme une priorité de santé publique.
Depuis début octobre, les urgences et services de réanimation pédiatriques des hôpitaux de tout le pays sont saturés du fait d’une simple épidémie de bronchiolite. Des plans blancs sont déclenchés, mais cela conduit in fine à déstabiliser un peu plus notre système hospitalier.
Comment en est-on arrivé là ?
Les capacités d’accueil des services se dégradent en raison du manque de personnels soignants, qui a abouti à la fermeture de 15 % à 20 % de lits.
Face à la dégradation de la situation, vous avez annoncé, dans un premier temps, le déblocage d’une enveloppe de 150 millions d’euros à partager entre les services en tension. Mercredi dernier, c’est une enveloppe de 400 millions d’euros que vous annonciez en réponse à la crise de la pédiatrie. Ces mesures non structurantes ne permettront pas la survie de la pédiatrie et l’arrêt de la dégradation des soins.
Aujourd’hui, 44 % des pédiatres libéraux ont plus de 60 ans. Leur répartition sur le territoire est inégale : 8 départements comptent même moins d’un pédiatre pour 100 000 habitants !
Dans ce contexte, les médecins généralistes sont appelés à jouer un rôle croissant, mais ils demeurent inégalement formés à la médecine de l’enfant.
L’article 20 du PLFSS étend la compétence d’administration et de prescription des vaccins par les pharmaciens, les sages-femmes et les infirmiers. Les délégations de tâches, oui, mais pas n’importe comment ! Il ne faut pas déconnecter la vaccination du suivi médical et de l’examen obligatoire des enfants.
L’accès aux pédiatres en premier recours dans le parcours de soins ambulatoires pour tous les enfants doit être maintenu. Les puéricultrices et auxiliaires de puériculture doivent également voir leurs compétences valorisées.
La pédopsychiatrie manque aussi cruellement de moyens, alors que les confinements, la distanciation sociale, le port du masque provoqués par la crise sanitaire ont eu des effets majeurs sur la santé mentale des jeunes.
Idem pour le secteur de la psychiatrie, qui est complètement sinistré, et auquel le Gouvernement n’apporte aucune mesure de soutien.
La situation de l’hôpital public appelle des efforts courageux et des réformes structurelles. Les professionnels de la santé attendent des mesures fortes, notamment en matière d’organisation, de gestion et de répartition plus juste des moyens.
Ce PLFSS propose d’instituer l’interdiction de l’intérim médical, notamment pour les jeunes diplômés, médecins ou infirmiers. C’est souhaitable, mais l’intérim des jeunes diplômés n’est pas seul à fragiliser le fonctionnement des établissements de santé, la qualité et la continuité des soins. La commission des affaires sociales a renforcé les dispositions inscrites dans le texte en indiquant que l’intérim ne pouvait pas être le seul mode d’exercice « à plein temps » des professionnels de santé. Je proposerai personnellement un amendement pour limiter la période d’intérim à cinq ans dans le service public hospitalier.
L’article 22, qui est censé rénover la vie conventionnelle, ne modifie en réalité qu’à la marge les règles encadrant les conventions conclues entre les organisations représentatives des professions de santé et l’assurance maladie. La mesure la plus discutable est sans doute l’ajout, parmi les thèmes pouvant être abordés à l’occasion des négociations pour la plupart des professions, du conventionnement conditionnel.
Ma conviction, en tant que médecin, est que ce type de mesure ne sert pas à grand-chose dans un contexte de pénurie médicale généralisée. Près de 90 % du territoire manque de médecins libéraux ! L’exaspération monte chez les médecins et les étudiants. Vos réponses restent insuffisantes pour faire face à la paupérisation du secteur médical.
Les établissements de santé nous alertent sur leurs charges, les libéraux attendent des revalorisations, et le secteur du médicament se plaint d’économies drastiques ! Des réponses doivent être apportées rapidement à ces problèmes avec des mesures structurelles et pérennes.
Nous souhaitons notamment une augmentation du nombre de places d’étudiants en médecine, le redoublement possible de la première année de médecine et une tarification des actes fortement revalorisée pour tous les modes d’exercice, hospitalier comme libéral.