Intervention de Alain Milon

Réunion du 7 novembre 2022 à 16h00
Financement de la sécurité sociale pour 2023 — Discussion générale

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Or, monsieur le ministre, il y a urgence et les conclusions de ce conseil n’interviendront que l’an prochain. Il faudra ensuite des mois et des mois pour élaborer les lois qui en découleront. Nous aurons alors encore perdu un an ou deux et vous serez contraint, une fois de plus, de mettre des rustines, comme vous le faites actuellement pour la pédiatrie.

J’aimerais revenir sur un point plus particulier : le financement.

Notre modèle solidaire impose un financement solidaire, c’est-à-dire dont les ressources et les dépenses respectent le caractère solidaire : payer selon ses moyens, recevoir selon ses besoins. Cette règle s’applique pour la sécurité sociale, mais pas pour les assureurs privés.

Pratiquement tous les pays développés qui disposent d’un modèle universel ont un payeur unique de type solidaire. Ce système est garant de la liberté des acteurs et de l’indépendance professionnelle des soignants.

Notre système à deux étages est structurellement coûteux et défaillant – selon des publications, 5, 6 % de la dépense totale contre 2, 8 % pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). C’est un système très peu efficace dans la couverture du risque et inégalitaire, favorable aux actifs – mais pas tous, en particulier les indépendants – ; défavorable aux inactifs, en particulier les retraités.

Dans les faits, seul le financeur public supporte le vrai risque. Seul le financeur public garantit le libre choix de son professionnel de santé et l’indépendance professionnelle des soignants.

On le voit dans la mise en place des réseaux en matière d’optique ou de certains centres de soins dentaires – la liste serait longue –, mais nous pouvons constater, avec le financement assurantiel privé, une diminution de l’équité d’accès aux prestations de santé.

Il serait nécessaire, selon moi, que l’on revoie complètement le système de financement de la santé. À l’instar d’autres pays en Europe, les assurances complémentaires devraient devenir supplémentaires et chacun d’entre nous devrait savoir combien coûte la santé. Ce serait d’ailleurs une façon, pour le Parlement, de fixer chaque année le tarif de base des organismes complémentaires de santé.

Si j’en reviens au PLFSS tel qu’il s’impose à nous, celui-ci fait état d’une nette amélioration des comptes avec un déficit à 7, 3 milliards d’euros, contre près de 18 milliards d’euros en 2022.

Première constatation, combien de temps notre système peut-il vivre encore avec de tels déficits ? Deuxième constatation, le Haut Conseil de la santé publique a émis des doutes sur la sincérité de ce PLFSS, puisque celui-ci s’appuie sur des prévisions macroéconomiques excessivement optimistes.

Les recettes pour 2023 sont surestimées. Quant aux dépenses, elles me semblent sous-estimées, surtout au niveau de l’Ondam soins de ville, enregistrant une augmentation de 0, 5 point par rapport à son niveau d’avant la pandémie de covid-19, alors que l’inflation était pratiquement nulle à cette époque.

J’espère que l’estimation des dépenses liées au covid-19 correspondra à la réalité et que ces dépenses ne seront pas non plus sous-évaluées. Mais on voit bien que d’autres épidémies arrivent. L’exemple de la bronchiolite montre à quel point nous avons l’obligation de réussir, cette fois, les réformes nécessaires.

Je ne voudrais pas entrer dans le détail de ce PLFSS. Nous aurons toute cette semaine pour nous exprimer sur les différents articles du texte, sanctionné par l’usage du 49.3.

Je voudrais néanmoins m’appesantir un instant sur la branche famille. Si mes souvenirs sont bons, chaque branche a été créée indépendamment des autres ; chaque branche a sa fonction propre et doit occuper intégralement cette fonction.

Depuis des années, au nom de je ne sais quel principe, les différents gouvernements, quelle que soit leur tendance politique, ont ponctionné allègrement la branche excédentaire des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP).

Cette fois, vous allez plus loin encore, en profitant des excédents de la branche famille pour imposer à celle-ci le remboursement du congé de maternité, soit 2 milliards d’euros, évidemment insuffisants pour équilibrer les comptes de la branche maladie.

Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir relancé la politique de natalité avec ces excédents ? Depuis 2014, les familles ont subi : la modulation des allocations familiales, dont l’effet cumulé atteint à ce jour 4 milliards d’euros ; la suppression du complément de libre choix d’activité majoré ; la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant – la fameuse Paje – ; l’alignement du montant du plafond de l’allocation de base sur le complément familial. Il y avait, vous le voyez, beaucoup à faire pour améliorer la politique de natalité !

Je viens de vous exprimer mon désenchantement et mon angoisse de voir notre système devenir obsolète, faute de réforme en profondeur.

Au moment du mouvement des gilets jaunes, j’avais dit à la ministre Agnès Buzyn qu’il fallait éviter le mouvement des gilets bleus et des blouses blanches. La crise du covid-19 est passée par là, mais la réalité nous rejoint de nouveau : il est grand temps de réagir ! En effet, comme le chantait Barbara : le temps qui passe ne se rattrape guère, le temps perdu ne se rattrape plus.

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