Il s’agit en réalité d’un amendement de coordination. Il vise à cordonner dans les mêmes proportions un mécanisme de transmission, l’assurance vie, avec un autre mécanisme de même nature, les successions. Il ne concerne que les contrats d’assurance vie les plus importants, au-delà de 908 000 euros.
Cet amendement, que nous présentons au nom de l’équité et de la cohérence, est de pure coordination avec l’article 2 du projet de loi aux termes duquel ont été relevés de cinq points les droits de succession sur les deux dernières tranches du barème d’imposition.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir brièvement sur la nécessaire cohérence.
Chacun sait, monsieur le ministre, que l’assurance vie constitue un outil de transmission de capital dont la fiscalité est très avantageuse. Le capital versé au bénéficiaire échappe aux droits de succession. Il n’est soumis qu’à un prélèvement de 20 % après un abattement par bénéficiaire de 152 500 euros.
Par ailleurs, si la stipulation pour autrui, dont l’assurance vie procède, justifie qu’elle ne soit pas soumise aux droits de succession, rien ne légitime, en revanche, qu’elle échappe à l’imposition en tant qu’outil de transmission du patrimoine.
Bien sûr, il ne s’agit pas en l’occurrence de revenir sur cet avantage, qui est traditionnel, qui fait, d’une certaine façon, partie de la culture des familles. Mais nous souhaitons le coordonner. En effet, si nous n’apportons aucun correctif, monsieur le ministre, nous allons accroître cet avantage, la prime fiscale à l’assurance vie va être majorée.
Quelle en est la justification économique, alors que nous ne cessons de réfléchir à la manière d’optimiser les flux de l’assurance vie en termes d’allongement des durées d’investissement et d’affectation d’une part de ces derniers au financement en fonds propres des entreprises ?
J’en viens à l’équité de la mesure que nous préconisons. Ce dispositif ne concerne que les contrats qui donnent lieu au versement d’un capital de plus d’un million d’euros. Le taux de 25 % ne s’appliquerait qu’à la part supérieure à 902 808 euros, après la réduction de l’abattement de 152 500 euros. La mesure vise non pas l’assuré moyen, mais celui qui dispose déjà d’un patrimoine très substantiel.
Enfin, notre proposition n’aurait pas d’impact déstabilisateur sur le marché de l’assurance vie. Je comprends d’ailleurs mal les objections que j’ai entendues sur ce point. En effet, et vous nous le confirmerez peut-être, monsieur le ministre, quand nous avons demandé l’évaluation de la mesure d’un point de vue fiscal, il nous a été répondu qu’elle ne rapporterait pas grand-chose. Si tel est le cas, comment pourrait-elle déstabiliser le marché de l’assurance vie ?
Je voudrais m’arrêter un instant sur ce point. Les cotisations cumulées en matière d’assurance vie s’élevaient à la fin du mois d’avril dernier à 47, 5 milliards d’euros, contre 55 milliards d’euros au mois d’avril de l’année précédente. Mais cette baisse ne doit pas occulter le fait que la collecte nette, c'est-à-dire les cotisations défalquées des prestations, demeure positive : elle s’établit à 12, 2 milliards d’euros à la fin du mois d’avril dernier. Quant aux provisions mathématiques des compagnies en représentation de leurs engagements, elles ont progressé de 6 % en un an, entre les mois d’avril 2010 et 2011, pour atteindre la « modique » somme de 1 338, 8 milliards d’euros…
Il est donc manifeste que notre très modeste amendement ne présente aucun risque de déstabiliser le secteur de l’assurance vie. Nul ne peut le croire ! La vingtaine de réformes qui ont eu lieu ces vingt dernières années, dans un sens d’ailleurs toujours plus sévère, n’ont pas eu d’impact négatif, l’assurance vie étant demeurée le placement préféré des Français.
Quant au régime fiscal préférentiel de l’assurance vie, il faut bien qu’il ait une justification économique. Si nous ne corrigions pas le présent article, nous donnerions, je le répète, un avantage comparatif supplémentaire à l’assurance vie. Dès lors que l’on augmente de cinq points les droits de succession sur les tranches les plus élevées, si l’on ne majore pas dans la même proportion le taux de prélèvement sur les contrats d’assurance vie au moment du décès, on crée automatiquement un avantage comparatif supplémentaire pour l’assurance vie. Nous souhaitons simplement à ce stade que l’assurance vie reste ce qu’elle est.