Intervention de Annie David

Réunion du 21 juin 2011 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Articles additionnels après l'article 5

Photo de Annie DavidAnnie David :

Cet amendement vise à réintroduire un peu de justice sociale dans notre pays et à taxer plus lourdement qu’ils ne le sont aujourd’hui les revenus du capital, c’est-à-dire les revenus issus des mouvements boursiers.

Cette idée majeure n’est pas portée par les seuls parlementaires de gauche ; c’est une expression légitime d’une majorité de nos concitoyennes et de nos concitoyens qui demandent, toujours plus nombreux, que la valeur travail soit enfin revalorisée par rapport au capital, auquel vous accordez la place que l’on sait.

Même dans votre camp, cette idée fait son chemin. Je pense, par exemple, à l’amendement qu’avait déposé, lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, Marie-Anne Montchamp, alors députée de votre majorité, désormais votre collègue au Gouvernement, monsieur le ministre.

Je pense encore aux positions exprimées par un certain nombre d’économistes ou de décideurs. Ainsi, Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques du groupe financier Natixis, déclarait, lucide : « Il faut aligner la taxation des revenus du capital sur ceux du travail. » Personne ne l’accusera de gauchisme !

L’écart de taxation entre les revenus du travail et ceux du capital est impressionnant, puisqu’il dépasse les 20 points. Ainsi, alors que les premiers sont taxés à hauteur de 42 %, les seconds ne le sont même pas à hauteur de 20 %, et ce malgré la hausse cosmétique prévue dans la loi antisociale portant l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans.

Certains, toujours à droite ou du côté du patronat et des actionnaires, voudraient nous faire croire que l’argent du capital, c’est aussi de l’argent du travail, ce qui est inexact. Bien que cet argent ait été gagné grâce aux salariés, grâce aux travailleurs, celui-ci leur échappe entièrement. Ces revenus échoient à une poignée de bénéficiaires et sont sans commune mesure avec ce que perçoivent les salariés, y compris en matière d’intéressement et de participation, bénéficiaires que vous vous faites fort de défendre.

Mes chers collègues, à l’époque où je travaillais encore dans une importante entreprise américaine, la grande patronne percevait en un an ce que j’aurais gagné en cent ans ! Cet exemple illustre bien les disparités entre les revenus des uns et des autres…

De notre côté, nous sommes convaincus que l’urgence est double : définanciariser l’économie et remettre le travail et celles et ceux qui en vivent ou qui le voudraient au cœur de notre société.

À l’occasion du débat sur la réforme des retraites, nous avons tenté de vous alerter et de vous interroger sur des chiffres qui sont la démonstration de cette prédominance de l’économie sur l’humain.

Selon la Commission européenne, entre 1983 et 2006, la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9, 3 %, soit près de 100 milliards d’euros par an qui bénéficient au capital plutôt qu’au travail, tandis que, sur la même période, la part des dividendes versés aux actionnaires passait de 3, 2 % à 8, 5 % du PIB et de 5 % à près de 25 % de la valeur ajoutée.

La proportion croissante des revenus accaparés par le capital se double de l’utilisation des revenus du capital contre l’emploi et l’on voit chaque jour, dans nos départements, à quel point les appétits sans fin des actionnaires conduisent à la destruction de milliers d’emplois.

Face à ce constat, qui est non pas le nôtre, mais celui de la Commission européenne, nous aimerions savoir, monsieur le ministre, comment vous entendez remédier à cette situation.

Pour notre part, nous pensons que, avec cet amendement, nous apportons à tout le moins un début de réponse.

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