Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, je suis administrateur général de l'État depuis deux décennies, j'ai commencé ma carrière au ministère de l'Intérieur et j'ai aussi exercé des fonctions en établissement public, ainsi que comme sous-préfet pendant trois ans. J'ai passé douze années à la DGCL, puis j'y ai été nommé directeur général, le 15 juillet 2019. Cette direction générale de taille modeste - avec quelque 200 agents - s'occupe de sujets variés, en particulier de finances locales, de compétences et d'institutions locales, du statut des élus et des agents de la fonction publique territoriale, et nous avons intégré, depuis deux ans, les missions de l'ex-Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) relatives à l'aménagement du territoire et à la politique de la ville, autant de compétences utiles pour la direction générale de l'ANCT.
Je crois, par ce parcours, avoir une bonne connaissance des relations entre l'État et les collectivités territoriales. J'ai participé à l'élaboration de nombreux textes législatifs, en particulier la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ou encore la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS ». À la DGCL, nous travaillons chaque année sur les questions parlementaires relatives aux finances locales, et faisons vivre toute la mécanique de la dotation globale de fonctionnement (DGF), nous sommes ainsi en contact quotidien avec les services de l'État et les élus. Nous faisons également valoir dans le cadre de la coordination interministérielle le point de vue des élus locaux et l'importance des compétences locales. Nous répondons aux questions, aux demandes d'expertise, qu'elles viennent des parlementaires, des élus ou des préfets, et nous siégeons dans des instances spécialisées comme le Comité des finances locales (CFL).
De par mes fonctions, je pense pouvoir dire que je maîtrise le fonctionnement de l'État et la contrainte interministérielle, ainsi que le travail en lien avec les parlementaires et les élus ; c'est une dimension indispensable pour la direction de l'ANCT, dont le conseil d'administration comprend dix représentants d'associations d'élus et quatre parlementaires.
Pour y avoir exercé les fonctions de commissaire du Gouvernement, je connais également le fonctionnement de l'ANCT. Depuis juillet 2019, j'ai participé à la création de l'agence, nous avons accompagné le déploiement de ses missions et j'ai participé à tous les conseils d'administration, ainsi qu'à la mise en place de l'ingénierie sur mesure. J'ai également des compétences de management et de gestion, pour avoir été directeur des ressources humaines du ministère de l'Intérieur, puis directeur général en charge de quatre programmes budgétaires - je pense pouvoir m'occuper d'une agence qui s'appuie sur 345 agents et dotée d'un budget dépassant les 150 millions d'euros.
Pour l'action à conduire proprement dite, j'identifie à ce stade deux enjeux principaux.
D'abord, celui de consolider l'agence. Elle n'a que trois ans bientôt, en ayant traversé en particulier la crise sanitaire et le lancement du plan de relance. Dans cette période particulière, elle a réussi à porter sa mission et à se faire reconnaître comme « ensemblier » des politiques territoriales et facilitateur de projets. Ce n'était pas gagné d'avance ; aujourd'hui les programmes territoriaux ont été déployés, l'ingénierie a pris son envol, 1 100 territoires ont été accompagnés, France services a vu l'installation de 2 500 espaces sur le territoire, les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) ont été signés sur quasiment l'ensemble du territoire, le réseau numérique se déploie au bénéfice des populations, les actions de la politique de la ville se sont renouvelées, une évolution très appréciée par les acteurs de terrain.
L'ANCT s'est vue confier de nouveaux champs d'intervention, notamment par le plan de relance, ainsi que la gestion de fonds européens, comme le fonds « Brexit » ; son budget a doublé en trois ans.
On peut donc dire qu'elle a connu une véritable poussée de croissance et qu'il faut adapter son organisation, tout en gardant l'objectif initial d'un établissement agile et souple, capable de s'adapter aux territoires. Il s'agirait donc de favoriser les mutualisations et de poursuivre la déconcentration de l'agence, mais également de conforter sa capacité de projection et le rôle des délégués territoriaux, ainsi que l'association de tous les services de l'État à son fonctionnement. Cependant, le principe de subsidiarité doit être préservé : là où les moyens locaux suffisent, il n'y a pas de raison que l'ANCT remplace les actions intercommunales et les agences d'urbanisme.
Je vois également un enjeu d'amplification de l'action de l'agence, en particulier pour accompagner les projets territoriaux par l'ingénierie dite « sur mesure », c'est la clé et c'était le motif de la création de l'agence. Nous en sommes à 1 100 projets de territoires soutenus et à 400 CRTE, les demandes restent fortes et la question se pose de savoir comment les traiter - la réponse est moins de savoir comment accéder à des prestations de conseil, que de développer et de faire connaître la boîte à outils qui existe souvent mais qui est méconnue, je pense par exemple aux données qui peuvent servir à l'analyse territoriale, à la structuration en réseau des services de l'État avec les acteurs locaux, à l'appui des cinq grands partenaires de l'agence que vous avez cités.
L'ANCT doit être un acteur de la coordination de l'offre d'ingénierie locale dans une logique et dans une démarche effective de guichet unique, c'est le premier levier pour amplifier son action.
Il faut également poursuivre les programmes engagés, comme « Action coeur de ville » ou « Territoires d'industrie », en leur faisant désormais mieux prendre en compte les exigences de la transition écologique. Ces programmes composent des communautés de travail sur des champs variés, de l'urbanisme au commerce, pour traiter les enjeux de la sobriété foncière et de la sobriété thermique.
Le fonds vert apportera ses moyens. Il faudra aussi prendre en compte l'évaluation de la politique de la ville aussi bien que de l'Agenda rural, pour relancer une nouvelle génération d'outils répondant aux attentes des territoires, dans une approche transversale et interministérielle qui s'étende à l'ensemble du spectre des problématiques rencontrées par les territoires.
Dans toutes ces démarches, l'ANCT doit rester à l'écoute des territoires, poursuivre son modèle réactif et agile, elle doit être capable d'analyser les évolutions des territoires et de proposer des stratégies et des actions nouvelles. C'est ce à quoi je m'attèlerai si vous m'accordez votre vote.
Monsieur le rapporteur, depuis que la présidente de l'ANCT est entrée au Gouvernement, la présidence de l'agence est assurée par le vice-président ; l'ensemble du conseil d'administration se renouvelant fin novembre, il est logique d'attendre pour élire un nouveau ou une nouvelle présidente, ce qui est prévu le 13 décembre prochain ; le directeur général ayant été appelé à d'autres fonctions, il n'est pas anormal de le remplacer pour que les équipes soient au complet début décembre. En tout état de cause, nous nous adapterons, le président et le directeur général doivent nécessairement travailler en harmonie, c'est la seule solution pour que l'agence progresse.
Mon expérience de terrain est-elle trop limitée pour ce poste ? Je crois avoir beaucoup appris en trois années de sous-préfet à la ville dans le département du Nord, avec des espaces ruraux dans ma circonscription administrative, par exemple la commune de Fourmies. J'y ai conduit une action très riche en contact avec les élus et les associations, avec l'objectif de porter des projets pour faire avancer ces territoires.
Dans mon action en général, j'ai toujours porté une très grande attention au terrain - du reste, le ministère de l'Intérieur est celui des territoires, nous travaillons en lien constant avec les préfets, nous sommes les relais des territoires pour les autres administrations, que nous informons en permanence des difficultés qui nous remontent.
Quel bilan puis-je tirer de l'action de l'ANCT ? Je le crois positif, elle a réussi, dans des conditions très particulières, la fusion de trois structures administratives très différentes et à créer une dynamique orientée vers les projets de territoires, ainsi qu'à mettre en place des contrats d'ingénierie sur mesure. Il reste beaucoup à faire, mais beaucoup aussi a été accompli.
Les moyens de l'ANCT sont-ils suffisants ? La subvention pour charge de service public (SCSP) couvre le fonctionnement de l'agence : les dépenses de personnel et l'ingénierie. La ligne de 20 millions d'euros dédiée à l'ingénierie rencontre un vrai succès, elle est consommée par exemple à plus de 15 millions d'euros en octobre cette année. Il faut compter l'ingénierie présente dans les programmes, que l'ANCT n'agrège pas, son rôle consistant à coordonner - c'est le cas par exemple pour les moyens d'ingénierie mis en place par Action logement ou par l'Anah, qui entrent dans le financement des opérations « Coeur de ville », sans être comptabilisés au titre des moyens de l'ANCT. Cependant, la question de l'adaptation des moyens aux missions se pose toujours et demande d'être examinée régulièrement.
Quelle est ma vision sur l'ingénierie et la mutualisation ? L'ANCT, d'abord, intervient lorsqu'il n'y a pas de ressources locales d'ingénierie, ce qu'il faut vérifier. Ensuite, la plus-value de l'agence ne consiste pas à plaquer des méthodes ou des projets nationaux, mais à s'adapter aux territoires, en tâchant de mettre en place un guichet unique qui mobilise les moyens locaux, par exemple à travers les comités locaux de cohésion territoriale (CLCT) qui sont constitués autour du préfet et qui sont à la bonne échelle territoriale de mobilisation.
Je m'assurerai de la transmission au Parlement des conventions liant l'ANCT et ses partenaires.
Par ailleurs, nous arrivons dans la dernière année d'application, il faut donc les renouveler ; la loi « 3DS » a prévu une possibilité d'adhésion des collectivités territoriales au Cerema, cela change les conditions de mobilisation de cet établissement. Il faut traduire ces adhésions dans les conventions - que nous voulons plus précises et plus engageantes pour les territoires.
Quelle est ma conception de la cohésion des territoires ? Vaste sujet... Je crois que nous touchons là à ce qu'il y a de plus interministériel dans les politiques publiques, la cohésion territoriale concerne l'ensemble des politiques publiques territorialisées, en milieu urbain comme en milieu rural et vise en réalité tous les territoires : ceux qui vont mal, mais aussi ceux qui vont bien, pour voir comment ils peuvent aider les autres - avec des outils de péréquation et de soutien, pour engager une vraie dynamique territoriale et sociale. La cohésion des territoires est donc un champ d'action éminemment interministériel, qui exige une transversalité aussi bien locale que nationale.