Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous recevoir ici au Sénat, où vous avez d'ailleurs siégé à nos côtés entre 2011 et 2017. Madame la secrétaire d'État, nous sommes ravis de l'opportunité de pouvoir échanger avec vous sur les sujets relatifs à la ruralité.
La sévérité de la sécheresse estivale, les incendies d'ampleur inégalée et les températures élevées de la semaine dernière sont des symptômes du changement climatique qui s'impose avec une évidence de plus en plus forte à nos territoires et nos concitoyens.
La France n'échappe pas à ce phénomène mondial. Tous les territoires sont touchés : le littoral avec le recul du trait de côte, la montagne avec la baisse drastique de l'enneigement, les zones urbaines, où les canicules sont aggravées par l'artificialisation des sols, et les territoires agricoles, qui font face à des pertes de rendement préoccupantes du fait notamment d'un régime pluviométrique perturbé.
L'urgence climatique impose une action publique forte et déterminée ainsi qu'une coordination de l'action étatique et des territoires pour aboutir à des résultats concrets. Monsieur le ministre, vous avez bien résumé la situation en une formule lapidaire : « le climat est un usurier : plus le temps passe, plus la facture augmente ». Vous avez raison : le taux d'intérêt climatique est bien supérieur à celui servi par nos banques centrales !
Il y a cependant une question centrale, je dirais même un défi majeur, auquel les pouvoirs publics doivent répondre, le Gouvernement tout autant que le Parlement : celui de l'acceptabilité sociale et territoriale des mesures d'adaptation et de résilience. L'épisode des gilets jaunes est une mise en garde, qui plaide pour conserver une approche chère à notre commission, celle du développement durable. Ce cap, qui concilie l'économie, le social et l'environnement, nous devons le maintenir. Si nous nous en éloignons et que nous ne répondons pas à l'urgence climatique, nous devrons un jour choisir entre ces trois principes et alors nous ferons face à de nouvelles crises.
Face à ces défis, vos attributions ministérielles prennent en compte l'indissociable lien - vous avez parlé à juste titre d'« union sacrée » - entre transition énergétique et territoires. Nous nous réjouissons de cette évolution. Les crédits budgétaires pour 2023 augmentent pour atteindre 40 milliards d'euros ; je note en particulier la mise en place d'un fonds d'accélération de la transition écologique doté de 1,5 milliard d'euros - portés à 2 milliards, semble-t-il -, et de nouvelles allocations de crédits, dont nous devons nous assurer qu'il ne s'agit pas de redéploiements ou de simples affichages. Sur la stratégie, vous prévoyez plus de concertation avec les territoires et une contractualisation efficace.
Tout cela est a priori positif et mes collègues ne manqueront pas de vous interroger pour que vous puissiez préciser les impacts concrets et sectoriels de votre stratégie et les liens qui unissent vos actions à celles de la Première ministre, qui est chargée de la planification écologique.
J'aurais quelques interrogations préliminaires pour amorcer le débat.
Quel message portera la France aux prochaines COP27 sur le climat et COP15 sur la biodiversité et quelles ambitions notre pays défendra-t-il dans les domaines de la diplomatie climatique et environnementale ?
Notre pays se veut un modèle et compte jouer un rôle exemplaire en matière de lutte et d'adaptation au changement climatique, mais aussi d'effort de préservation et de reconquête de la biodiversité. Comment capitaliser le crédit dont bénéficie la voix française dans les enceintes internationales depuis l'Accord de Paris ? Devons-nous essayer de compenser les éventuels retards d'adaptation d'autres pays ou alors les convaincre et les aider à réduire leurs émissions ?
Je terminerai par un sujet qui occupe beaucoup le Sénat en ce moment, avec une mission de contrôle commune à plusieurs commissions : la stratégie du « Zéro artificialisation nette » (ZAN). Pouvez-vous nous préciser quelles sont les évolutions que vous comptez mettre en oeuvre pour une meilleure acceptabilité territoriale de cette politique ? Vous vous étiez notamment engagé à revoir les décrets du 29 avril dernier sur la nomenclature des sols et le calendrier de déploiement de la réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme. Où en sommes-nous sur ces sujets qui préoccupent au plus haut point nos élus locaux ?
Enfin, j'aurais une dernière question, plus spécifiquement pour la secrétaire d'État chargée de la ruralité : dans le cadre d'une mission d'information sur les perspectives de la politique d'aménagement du territoire et de cohésion territoriale, notre commission a adopté cette année cinq rapports d'information. Ceux-ci comportent de nombreuses recommandations afin de réduire les trop nombreuses fractures territoriales françaises - sanitaire, numérique, sociale, économique, de santé et de mobilité. Comptez-vous vous appuyer sur l'expertise du Sénat pour résorber ces fractures et dépasser la dichotomie entre l'urbain et le rural qui mine notre politique d'aménagement du territoire ?