La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Je vous propose de suivre les propositions de la commission des affaires économiques concernant les irrecevabilités s sur les amendements de séance sur les articles du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables dont l'examen lui a été délégué par notre commission.

En conséquence, les amendements n° 394, 417, 217, 353, 340, 84, 10 rectifié bis, 15 rectifié, 68 rectifié ter, 219, 613, 206 rectifié bis et 81 sont déclarés irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Monsieur le ministre, c'est un plaisir de vous recevoir ici au Sénat, où vous avez d'ailleurs siégé à nos côtés entre 2011 et 2017. Madame la secrétaire d'État, nous sommes ravis de l'opportunité de pouvoir échanger avec vous sur les sujets relatifs à la ruralité.

La sévérité de la sécheresse estivale, les incendies d'ampleur inégalée et les températures élevées de la semaine dernière sont des symptômes du changement climatique qui s'impose avec une évidence de plus en plus forte à nos territoires et nos concitoyens.

La France n'échappe pas à ce phénomène mondial. Tous les territoires sont touchés : le littoral avec le recul du trait de côte, la montagne avec la baisse drastique de l'enneigement, les zones urbaines, où les canicules sont aggravées par l'artificialisation des sols, et les territoires agricoles, qui font face à des pertes de rendement préoccupantes du fait notamment d'un régime pluviométrique perturbé.

L'urgence climatique impose une action publique forte et déterminée ainsi qu'une coordination de l'action étatique et des territoires pour aboutir à des résultats concrets. Monsieur le ministre, vous avez bien résumé la situation en une formule lapidaire : « le climat est un usurier : plus le temps passe, plus la facture augmente ». Vous avez raison : le taux d'intérêt climatique est bien supérieur à celui servi par nos banques centrales !

Il y a cependant une question centrale, je dirais même un défi majeur, auquel les pouvoirs publics doivent répondre, le Gouvernement tout autant que le Parlement : celui de l'acceptabilité sociale et territoriale des mesures d'adaptation et de résilience. L'épisode des gilets jaunes est une mise en garde, qui plaide pour conserver une approche chère à notre commission, celle du développement durable. Ce cap, qui concilie l'économie, le social et l'environnement, nous devons le maintenir. Si nous nous en éloignons et que nous ne répondons pas à l'urgence climatique, nous devrons un jour choisir entre ces trois principes et alors nous ferons face à de nouvelles crises.

Face à ces défis, vos attributions ministérielles prennent en compte l'indissociable lien - vous avez parlé à juste titre d'« union sacrée » - entre transition énergétique et territoires. Nous nous réjouissons de cette évolution. Les crédits budgétaires pour 2023 augmentent pour atteindre 40 milliards d'euros ; je note en particulier la mise en place d'un fonds d'accélération de la transition écologique doté de 1,5 milliard d'euros - portés à 2 milliards, semble-t-il -, et de nouvelles allocations de crédits, dont nous devons nous assurer qu'il ne s'agit pas de redéploiements ou de simples affichages. Sur la stratégie, vous prévoyez plus de concertation avec les territoires et une contractualisation efficace.

Tout cela est a priori positif et mes collègues ne manqueront pas de vous interroger pour que vous puissiez préciser les impacts concrets et sectoriels de votre stratégie et les liens qui unissent vos actions à celles de la Première ministre, qui est chargée de la planification écologique.

J'aurais quelques interrogations préliminaires pour amorcer le débat.

Quel message portera la France aux prochaines COP27 sur le climat et COP15 sur la biodiversité et quelles ambitions notre pays défendra-t-il dans les domaines de la diplomatie climatique et environnementale ?

Notre pays se veut un modèle et compte jouer un rôle exemplaire en matière de lutte et d'adaptation au changement climatique, mais aussi d'effort de préservation et de reconquête de la biodiversité. Comment capitaliser le crédit dont bénéficie la voix française dans les enceintes internationales depuis l'Accord de Paris ? Devons-nous essayer de compenser les éventuels retards d'adaptation d'autres pays ou alors les convaincre et les aider à réduire leurs émissions ?

Je terminerai par un sujet qui occupe beaucoup le Sénat en ce moment, avec une mission de contrôle commune à plusieurs commissions : la stratégie du « Zéro artificialisation nette » (ZAN). Pouvez-vous nous préciser quelles sont les évolutions que vous comptez mettre en oeuvre pour une meilleure acceptabilité territoriale de cette politique ? Vous vous étiez notamment engagé à revoir les décrets du 29 avril dernier sur la nomenclature des sols et le calendrier de déploiement de la réduction de l'artificialisation dans les documents d'urbanisme. Où en sommes-nous sur ces sujets qui préoccupent au plus haut point nos élus locaux ?

Enfin, j'aurais une dernière question, plus spécifiquement pour la secrétaire d'État chargée de la ruralité : dans le cadre d'une mission d'information sur les perspectives de la politique d'aménagement du territoire et de cohésion territoriale, notre commission a adopté cette année cinq rapports d'information. Ceux-ci comportent de nombreuses recommandations afin de réduire les trop nombreuses fractures territoriales françaises - sanitaire, numérique, sociale, économique, de santé et de mobilité. Comptez-vous vous appuyer sur l'expertise du Sénat pour résorber ces fractures et dépasser la dichotomie entre l'urbain et le rural qui mine notre politique d'aménagement du territoire ?

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Je suis heureux de m'exprimer devant vous. Plutôt que de vous lire un propos préparé, et anticipant un grand nombre de questions de votre part, je me contenterai de quelques remarques préliminaires, afin de mieux répondre à vos interrogations ensuite.

Un mot tout d'abord sur l'architecture ministérielle. La planification écologique, ambition présidentielle, est pilotée directement depuis Matignon : c'est une bonne chose, car c'est à Matignon, qui a l'habitude de coordonner l'action des ministères, que les décisions se prennent. Le Haut Conseil pour le climat, les associations et les ONG soulignent la qualité de la gouvernance retenue, avec deux ministères : un de la transition énergétique et un autre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Le nucléaire n'est pas dans le périmètre de mon ministère. Celui-ci est chargé du logement et des transports, secteurs qui représentent environ 50 % de nos émissions de gaz à effet de serre, de l'écologie, de la protection de la biodiversité, de la cohésion des territoires. Sur les six ministres du pôle, quatre ont été maires, et deux sénateurs ; c'est un marqueur de notre méthode fondée sur la concertation.

Nous ne réussirons pas la transition sans les élus locaux : les mesures de décarbonation des transports ne seront pas pleinement efficaces sans relais local. Pour que le plan vélo soit déployé, il faut que des maires soient volontaires pour organiser des consultations préalables à la réalisation de pistes cyclables sécurisées. Il appartient aux autorités organisatrices de la mobilité de développer les transports en commun. Le Gouvernement peut appeler à la sobriété énergétique, mais ce sont les maires qui élaborent les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les schémas de cohérence territoriale (SCoT). On ne conduira pas la transition contre les gens, en oubliant le volet social ! Un maire qui voudrait instaurer un tri sélectif ambitieux avec six types de poubelles sans expliquer les enjeux ni faire partager ses objectifs ne ferait que gaspiller de l'argent public. Nous devons lancer une impulsion, définir une ambition, mais toujours en associant la population. L'écologie doit être un objectif partagé, non un alibi pour relancer la lutte des classes ou pour justifier certains comportements qui desservent la cause...

Jamais le budget de la transition écologique n'avait autant augmenté. Il s'agit de crédits nouveaux et non d'un recyclage de crédits anciens. C'est bien, mais cela ne suffira pas. Pour être à la hauteur de nos ambitions dans le ferroviaire et les transports, il faudra plus que les 600 millions de crédits supplémentaires qui figurent dans la loi de finances initiale. Nous attendons l'avis du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), qui, après une large consultation, doit recenser les grandes infrastructures dont notre pays a besoin sur l'ensemble du territoire.

Je donnerai un autre chiffre : zéro, soit le nombre d'agents qui quitteront le ministère durant le quinquennat ! Trop souvent le ministère de l'écologie a servi de variable d'ajustement budgétaire, contribuant le plus à la réduction des effectifs de la fonction publique d'État, avec une perte en moyenne d'un millier d'agents par an depuis vingt ans. Au contraire, nous recréons des postes. La fin de mission de la Société du Grand Paris permettra de redéployer des centaines de postes vers certains opérateurs, comme l'Office français de la biodiversité (OFB), Météo-France, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), etc. L'Office national des forêts (ONF) n'est pas dans le périmètre du ministère, ses crédits relevant du ministre de l'agriculture, mais nous travaillons de manière étroite avec cet opérateur.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité

La transition écologique doit s'ancrer dans la ruralité. Les territoires ruraux ont un rôle à jouer. Vous savez à quel point je suis proche des élus locaux : j'ai déjà effectué 18 déplacements officiels pour rencontrer les élus, les associations, les professionnels, etc., et évaluer l'effet de l'Agenda rural, doté de 3 milliards d'euros, voté en septembre 2019. La Première ministre nous a demandé de parvenir à un diagnostic avant la fin de l'année et de définir un second souffle.

Je consulte les élus et les parlementaires dans le cadre de groupes de travail, parallèlement aux cinq groupes de travail thématiques placés sous l'égide du Conseil national de la refondation (CNR), pour aboutir à une feuille de route début 2023. Je travaille sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), le ZAN, les déserts médicaux, les mobilités, l'accès aux services publics, à l'emploi dans les zones rurales et de montagnes, etc. Ces sujets sont transversaux et nous devons agir en interministériel : je travaille ainsi avec Agnès Firmin Le Bodo sur les déserts médicaux, avec Stanislas Guerini sur le numérique et l'accès aux services publics, etc. De même, je travaille avec le sénateur Bernard Delcros sur les ZRR. Je suis ouverte à toutes les propositions et j'organiserai une réunion avec les sénateurs qui le souhaitent sur le sujet. Je m'appuierai aussi sur les cinq rapports que vous avez cités.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau, à la biodiversité, à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie. - La sévérité exceptionnelle de la sécheresse que nous avons connue cet été démontre une fois de plus la place centrale de la question de l'eau dans notre pays, au climat pourtant tempéré. Les événements du week-end dernier, dans les Deux-Sèvres autour de la retenue de Sainte-Soline, interrogent sur la montée des conflits d'usage, qui avaient été au coeur des réflexions des Assises de l'eau, du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique. Par ailleurs, plus d'une centaine de communes n'ont plus été en mesure de distribuer de l'eau potable à leurs habitants cet été ; elles ont dû être approvisionnées par camion-citerne. Enfin, une étude de l'Union des industries et entreprises de l'eau a chiffré à 4,6 milliards d'euros le déficit annuel d'investissement pour le petit cycle de l'eau. En tant que rapporteur budgétaire sur les crédits relatifs à l'eau, j'aimerais connaître les mesures que vous comptez mettre en oeuvre pour améliorer la gestion de l'eau en France. Comptez-vous élaborer une nouvelle loi sur l'eau ou porter un « plan Marshall » pour accroître la résilience hydrique de notre pays ? À ce titre, les 900 000 euros du PLF destinés à la déclinaison opérationnelle du Varenne me laissent quelque peu perplexe... Les agences de l'eau ont obtenu la possibilité de dépenser 100 millions supplémentaires, mais elles souhaiteraient la suppression du « plafond mordant » des redevances attribuées aux agences, tant les besoins sont élevés.

J'ai également un autre sujet de préoccupation, concernant la pollution de l'air. Le mois dernier, le Conseil d'État a considéré que les mesures prises par l'État ne garantissaient pas une amélioration de la qualité de l'air dans les délais les plus courts possible et l'a en conséquence condamné à verser deux astreintes de 10 millions d'euros. Le coût humain et économique de la pollution atmosphérique est colossal ; il s'agit d'un enjeu de santé publique de première importance. Ma question est simple : comment comptez-vous accentuer les efforts du Gouvernement afin que la France ne soit plus condamnée en manquement pour l'insuffisance des mesures prises pour améliorer la qualité de l'air ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Gillé

Je souhaiterais quant à moi vous interroger sur la décarbonation du transport routier, mode le plus émetteur de gaz à effet de serre du secteur des transports, qui est lui-même le secteur le plus émetteur en France.

Ma première question porte sur l'adaptation des véhicules aux besoins de transport. En tant que rapporteur pour avis sur les crédits du PLF pour 2023 relatifs au transport routier, j'ai eu l'occasion d'entendre des chercheurs, mais aussi des représentants des constructeurs, sur la question des gabarits des véhicules neufs mis à la vente. Si, dans les années 1960, le poids moyen d'un véhicule automobile s'élevait à 800 kilogrammes, il atteint aujourd'hui environ 1,2 tonne de telle sorte que la voiture transporte à 92 % son seul poids. Dans le contexte actuel, il semblerait opportun d'encourager le développement de ce qu'on appelle les « véhicules intermédiaires » pour bon nombre de déplacements, comme les déplacements entre le travail et le domicile, qui sont en moyenne inférieurs à 15 kilomètres. Pour autant, et d'après les constructeurs, le risque serait de voir se développer une importation massive de ces véhicules qui ne sont, du moins pour l'heure, que rarement produits en France ou en Europe. D'après vous, comment résoudre cette équation et encourager le développement de véhicules plus légers ? Et quel bilan tirez-vous de la première année de mise en oeuvre du malus au poids ?

Ma deuxième question porte sur le déploiement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Je me réjouis que le Gouvernement mette en valeur le prêt à taux zéro pour l'acquisition de véhicules propres pour les personnes physiques et morales domiciliées dans ou à proximité d'une ZFE-m, qui avait pourtant à l'époque été arraché de haute lutte par le rapporteur du texte « Climat et résilience » Philippe Tabarot. Pour autant, il me semble que les modalités retenues dans le décret d'application sont assez restrictives, comme le niveau du foyer fiscal de référence retenu, ou encore l'obligation d'être domicilié ou de justifier d'une activité professionnelle au sein de la ZFE-m, alors que la loi retenait seulement le critère de domiciliation à proximité. Afin d'accompagner le plus grand nombre de nos concitoyens dans le déploiement des ZFE-m, ne pourrait-on pas envisager d'assouplir ces critères ? Par ailleurs, pouvez-vous faire le point sur le déploiement de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, qui est une condition clé de la bonne mise en oeuvre d'une ZFE-m ? Vous avez réuni le premier comité interministériel sur le sujet. Vous misez beaucoup sur les comités de suivi. Quelles sont vos orientations en la matière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Houllegatte

Je vous interrogerai d'abord sur l'aménagement numérique. Le développement des réseaux numériques, à travers le plan France très haut débit et le New Deal mobile, relève certes de la compétence de Jean-Noël Barrot, qui est ministre de la transition numérique, mais je souhaitais cependant vous interroger sur deux points qui intéressent directement les territoires.

S'agissant du New Deal mobile, les remontées de terrain font état d'un problème récurrent : certains opérateurs peu scrupuleux profitent de l'arrivée à échéance de nombreux baux relatifs aux antennes mobiles pour racheter les infrastructures et imposer ensuite aux opérateurs de télécommunications un loyer très élevé. Le risque est alors de faire fuir les opérateurs et de créer des trous dans la couverture, voire des zones blanches. S'ils souhaitent remettre en cause ces conventions, les maires se trouvent obligés de verser des sommes importantes à l'opérateur d'infrastructures. Votre ministère a-t-il eu des remontées sur ce phénomène et quelles mesures pourriez-vous prendre ?

Je souhaiterais aussi vous interroger sur le dispositif « cohésion numérique des territoires » qui est piloté par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Le Gouvernement a acté le prolongement de ce dispositif destiné à apporter un soutien financier aux ménages qui ne bénéficient pas d'un débit internet suffisant, afin qu'ils se dotent d'une technologie sans fil ou hertzienne alternative à la fibre, que ce soit le satellite, la boucle locale radio, ou la 4G fixe. Où en est-on du déploiement de ce dispositif ? De même, les opérateurs nous ont alertés sur la situation de certains clients qui, bien qu'ils soient raccordables, ne peuvent être raccordés à la fibre sans effectuer au préalable des travaux sur leur domaine privé, par exemple en matière de génie civil ; or le coût de ces travaux peut être dissuasif. Serait-il envisageable d'étendre le périmètre du guichet pour faciliter ces raccordements et réduire ainsi le reste à charge de ces ménages ?

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Je souhaiterais vous interroger sur le soutien que le PLF prévoit d'apporter à la recherche en matière de transition écologique. Celui-ci constitue en effet un préalable indispensable à une transition écologique et énergétique qui soit juste et efficace. Les travaux menés par les opérateurs du programme, qu'il s'agisse du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ou de l'Université Gustave Eiffel, sont centraux dans la prise de décisions visant à atténuer le changement climatique. À ce titre, je salue l'augmentation de ces crédits d'environ 72 millions d'euros.

Néanmoins, ce budget ne devrait pas permettre de compenser les surcoûts liés à la hausse des prix de l'énergie, qui risquent de menacer la continuité des travaux de ces organismes de recherche. À titre d'illustration, la facture énergétique du CEA, qui s'élève à 70 millions d'euros, pourrait être multipliée par trois et atteindre 210 millions d'euros.

De plus, la subvention accordée à l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (Ipev) sera sans doute insuffisante à la bonne conduite de ses opérations. Or les services rendus par l'Ipev sont indispensables à la poursuite de la recherche polaire, essentielle à une bonne compréhension du changement climatique. Cette question relève sans doute davantage du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais comment permettre à ces opérateurs de mener à bien l'ensemble de leurs travaux de recherche ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Martin

Je souhaiterais d'abord évoquer les effectifs de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Après l'incendie des usines de Lubrizol et de Normandie Logistique à Rouen, le Gouvernement avait annoncé une augmentation de 50 postes sur deux ans, au sein des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Ainsi, 1 272 équivalents temps plein (ETP) sont budgétés.

Cependant, si je salue cette annonce budgétaire et cette promesse tenue, ces décisions se traduisent avec difficulté dans les faits. Ainsi, on observe de nombreuses vacances de ces postes au sein des Dreal et un manque d'attractivité de ses fonctions. Dans les réponses au questionnaire budgétaire rédigé par vos services, il est indiqué que 1 557 agents techniques étaient affectés fin 2020 au sein des services déconcentrés. Début 2022, ces agents techniques n'étaient plus que 1 529. Nous assistons donc à une érosion des effectifs et non à leur renforcement. Depuis trois ans, le ministère a donné des instructions qui ne pourront pas s'appliquer, faute de moyens ; cette situation m'inquiète.

En outre, nous peinons à obtenir une vision claire de ces vacances de postes et, lorsque nous interrogeons le secrétariat général de votre ministère, on nous répond qu'il est impossible de connaître le taux de vacances pour chaque Dreal. Je vous le demande donc : quel est le taux de vacances des postes d'inspecteurs des ICPE dans les Dreal ? Quels seront les effectifs réels en 2023 ?

J'en viens au nombre de contrôles conduits par ces inspecteurs dans les ICPE. Après l'événement de Rouen, le Gouvernement avait annoncé une augmentation de 50 % d'ici 2022, ce qui correspondait à un objectif de 27 300 visites annuelles. Cependant, l'an passé, seules 22 000 inspections ont eu lieu, sachant qu'afin d'atteindre ces chiffres, certaines ont été allégées. Cette année, vos services indiquent que l'objectif de 27 000 visites a été repoussé à 2023 « en raison des circonstances exceptionnelles dues à la crise sanitaire et des difficultés liées aux vacances de postes ». Comment expliquer cette situation ? Que comptez-vous faire pour remédier à ces difficultés ?

J'aimerais également évoquer la question du nouveau programme nucléaire, en ne prenant en compte que la politique de prévention des risques, la politique nucléaire ne relevant pas - vous l'avez précisé - du périmètre de votre ministère. La Commission nationale du débat public (CNDP), dont nous avons reçu il y a quelques jours la présidente, Chantal Jouanno, lancera prochainement une grande concertation sur le sujet. Pouvez-vous revenir sur l'organisation de cette concertation, son calendrier et le cap fixé ? Par ailleurs, les moyens de la CNDP vous semblent-ils en phase avec les enjeux actuels de la démocratie environnementale ?

Enfin, j'en viens à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et au programme 181 de la mission « Écologie ». Le PLF 2023 prévoit, et je le salue, un léger rehaussement des moyens de l'autorité avec un plafond d'emplois qui s'élève à 457 emplois fixes, contre 445 l'an passé. Toutefois, ces moyens humains semblent encore insuffisants au regard des enjeux énormes auxquels nous faisons face.

Comment envisagez-vous le rôle de votre ministère dans le lancement de ce nouveau programme nucléaire ? Quel rôle jouera-t-il dans le cadre du projet de loi qui sera prochainement déposé au Parlement ? Enfin, vous engagez-vous à respecter une trajectoire d'augmentation des effectifs de l'ASN dans les années à venir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

En ce qui concerne les collectivités territoriales et les programmes 112, 119 et 162, nous en avons largement discuté avec Mme Caroline Cayeux la semaine dernière, et je ne reviendrai pas sur leur financement.

Premièrement, au sujet de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), nous parvenons au terme des trois premières années de son fonctionnement, qui a été altéré par la période de confinement. Quel bilan peut-on tirer ? Cette agence a-t-elle atteint sa vitesse de croisière ? Ses responsabilités seront-elles étendues ? En vue d'une révision du contrat d'objectifs et de performance, une évaluation est-elle prévue ? Se fera-t-elle uniquement avec les services de l'État ? Les collectivités locales seront-elles associées ?

Deuxièmement, en ce qui concerne la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), et particulièrement la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour laquelle les parlementaires n'ont pas leur mot à dire, des incitations ont-elles été mises en place afin d'encourager la sobriété énergétique des communes et leurs investissements dans les énergies renouvelables ?

Troisièmement, des politiques publiques ont été mises en oeuvre, telles qu'Action coeur de ville ou Petites villes de demain, pour lesquelles les maires attendent des garanties de financement jusqu'à 2026 ; sont-elles prévues ?

Enfin, pour ne pas oublier Mme la secrétaire d'État : qu'en est-il de l'agenda rural pour 2023 ? Quelles politiques sont prévues dans ce cadre ? Pourriez-vous revenir sur les zones de revitalisation rurale (ZRR), qui font l'objet de nombreux rapports et doivent encore être définies ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Perrot

Afin de désenclaver nos territoires, et plutôt que d'avoir recours à des lignes aériennes régulières peu fréquentées ou trop déficitaires, que pensez-vous, monsieur le ministre, du développement de trajets aériens « à la demande », qui s'effectueraient dans de petits avions décarbonés ? Les avions électriques ou à hydrogène pourraient en effet devenir le mode de transport le plus propre, surtout si l'on considère qu'ils ne nécessitent qu'une infrastructure minimale au sol.

Par ailleurs, sur le thème en vogue des jets privés et plus précisément de l'aviation non commerciale, pourriez-vous rappeler les tenants et aboutissants de la mesure adoptée par les députés sur l'augmentation des taxes sur les carburants d'aviation ? Qui est concerné ? Quel sera l'impact d'une telle mesure ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Tabarot

Vous connaissez bien les sujets qui me préoccupent, monsieur le ministre, puisque vous avez été un excellent président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).

D'abord, nous attendions mieux et plus du budget 2023, pour soutenir le développement du transport ferroviaire et du transport fluvial.

En ce qui concerne le transport ferroviaire, lorsque j'ai interrogé le ministre chargé des transports sur la ventilation de l'augmentation de l'enveloppe consacrée aux infrastructures, il a indiqué qu'environ 150 millions d'euros supplémentaires seraient affectés au réseau ferroviaire en 2023. Cependant, cette somme permettra de mener des opérations de régénération du réseau sur 90 kilomètres supplémentaires, quand la longueur totale de notre réseau est d'environ 29 000 kilomètres ! Ce coup de pouce - vous comprendrez qu'on ne peut parler ici de « relance » ou de « soutien massif » - nous permettra-t-il d'atteindre nos objectifs ambitieux en matière de développement du mode ferroviaire ?

J'ai bien noté également que certains de nos collègues députés avaient adopté un amendement visant à abonder le soutien au transport ferroviaire à hauteur de 3 milliards d'euros ; je me demande quelle suite lui sera réservée.

Pour finir sur cette question, il me semble, monsieur le ministre, que vous devriez vous engager sur une loi d'investissement pluriannuelle. Vous me répondrez sans doute en évoquant le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), dont je fais partie, qui a bien travaillé et continuera de le faire. Mais c'est aux politiques de prendre des décisions, et de faire en sorte que soient financés certains investissements indispensables. À ce titre, le contrat de performance a refroidi les espoirs qu'avaient suscités votre arrivée et votre envie de faire du ferroviaire une priorité. Tant que ce contrat n'aura pas été révisé, qu'une loi pluriannuelle sur le transport n'aura pas été préparée, nous n'avancerons pas et nous ne parviendrons plus à vous croire.

En ce qui concerne la situation de Voies navigables de France (VNF), je salue l'augmentation des fonds alloués au transport fluvial ainsi que vos efforts en matière d'investissements. Cependant, chaque année, on réduit les effectifs sous plafond d'emplois. Je comprends la nécessité de redéployer du personnel dans certaines administrations, mais j'ai l'impression que cela tombe chaque année sur VNF. Ainsi, l'organisme a perdu 92 ETP en 2020, 99 en 2021, 30 en 2022 et 40 en 2023. Certes, les projets de modernisation devraient permettre de réduire la présence physique dans certains sites, mais une telle diminution interroge et semble excessive, même si je comprends ce que vous avez souhaité impulser au niveau de nos politiques publiques.

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

Monsieur le Président, votre première question portait sur la diplomatie environnementale, alors que nous préparons la COP 27 sur le climat et la COP 15 sur la biodiversité. Ces rendez-vous sont cruciaux et, si la diplomatie est indispensable dans tous les domaines, elle l'est d'autant plus quand nos choix et nos actions ont des conséquences directes sur nos voisins.

Le monde continue à augmenter ses émissions de gaz à effet de serre (GES). De plus, tous les rapports montrent qu'en l'absence d'un sursaut, l'Accord de Paris comme les décisions prises à Glasgow appartiendront bientôt au passé. Le covid avait offert un répit en termes d'émissions, mais celles-ci ont repris et dépassent, à l'échelle mondiale, leur niveau d'avant la pandémie.

Dans ce contexte, un seul continent a commencé à baisser ses émissions : le nôtre. Nous nous rendons à Charm el-Cheikh forts de cette avancée, mais pas dans l'intention de donner des leçons. En effet, nous appartenons à un club de pays ayant grandement contribué au réchauffement au cours de notre histoire. De plus, nous n'avons pas atteint le rythme qui devrait être le nôtre pour atteindre l'objectif de 55 % de réduction de nos émissions d'ici 2030 - sans parler de la neutralité carbone à l'horizon 2050.

La France suit cette ligne : l'objectif de + 1,5 degré doit être maintenu. Cette ligne nous oblige à agir, à être ambitieux et à crédibiliser les stratégies de décarbonation. J'attire par exemple votre attention sur le fait que les mesures prises sur les moteurs thermiques à l'horizon 2035 constituent l'un des éléments de crédibilité de la feuille de route de l'Union européenne quant à la diminution de notre dépendance aux énergies fossiles.

Je voudrais également mentionner une mesure, qui ne coûte rien, mais dont l'impact est considérable : la suppression de la garantie que la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) pouvait apporter, dans le cadre d'opérations visant à trouver de nouveaux gisements d'énergies fossiles. Désormais, le Gouvernement n'aura plus de lien avec les opérations liées à la recherche d'énergies fossiles.

À Charm el-Cheikh, nous profiterons de la journée du 16 ou du 17 novembre pour travailler sur la question de la biodiversité et renforcer nos chances de parvenir à un accord en vue de la COP 15, qui ne se présente pas sous les meilleurs auspices.

En ce qui concerne la COP 27, un certain nombre d'acteurs pensent qu'après Paris et Glasgow et dans le contexte actuel, au moment de la reprise et avec la guerre, il s'agira plutôt d'une COP de transition que d'une COP d'engagement.

Cela ne peut être le cas de la COP 15 qui sera cruciale, et que nous avons en ligne de mire depuis des années. Notre ambition est de parvenir à établir des objectifs mesurables et quantifiables, ainsi qu'un calendrier. Avec le Costa Rica, la France anime une coalition à la ligne ambitieuse. Nous sommes 105 pays et défendons l'objectif « 30x30 », soit 30 % des terres et 30 % des mers faisant l'objet d'une préservation à l'horizon 2030. Nous nous heurtons à l'hostilité de certains pays dont la Chine, qui présidera cette COP - déplacée au Canada pour des raisons liées au covid. La Chine a déjà affirmé qu'il était hors de question pour elle de s'engager à la protection de ses eaux maritimes, compte tenu de ses besoins stratégiques. Je donne cet exemple, mais le reste est à l'avenant.

Néanmoins, jusqu'au début de cette COP en décembre, nous devons maintenir la pression afin d'obtenir des avancées sur ce sujet essentiel. Je ne vais pas revenir sur la sixième extinction, mais je me permets de rappeler que même dans notre pays, 18 % des 14 000 espèces avec lesquelles nous vivons sont menacées.

J'en viens à l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Je veux remercier le Sénat, sans ironie, parce que la toute première question au Gouvernement qui m'a été posée portait ici sur ce sujet. J'ai pu mesurer sur ce sujet à quel point le relais dont vous disposez sur les territoires est fin et vous permet d'être précurseurs.

Nous avons déjà accompli un certain nombre de choses. D'abord, dès le début du mois d'août, j'ai demandé aux préfets d'arrêter d'appliquer par anticipation les décrets du 29 avril, dont j'avais souligné la nécessaire réécriture dès le milieu du mois de juillet.

Comme prévu, les conférences des schémas de cohérence territoriale (SCoT), dont nous ne pouvions déplacer la date fixée au 22 octobre en raison de son inscription dans la loi, ont permis de constater qu'il n'y avait nulle part le moindre accord et que, dans ces conditions, il fallait définir la territorialisation du ZAN dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

Dans l'intervalle, la consultation a commencé au Sénat. J'ai rencontré fin août des membres de la commission des affaires économiques et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et j'ai pu échanger avec les membres du groupe de travail rassemblant des sénateurs de quatre commissions. Par ailleurs, j'ai rencontré les députés et reçu les principales associations d'élus locaux. Lors de ces entretiens, j'ai affirmé que nous ne remettions pas en cause l'ambition du ZAN, mais que certains éléments devaient être revus en matière de méthode. Le décret sur la nomenclature est acté et j'attends pour le mois de novembre le retour des agences d'urbanisme qui ont travaillé avec des villes pour reprendre toutes les caractéristiques du décret, en conserver les bons éléments tout en se montrant attentives à ce qui pourrait se décider dans le cadre de la loi d'accélération des énergies renouvelables.

Par ailleurs, un consensus émerge sur la nécessité pour les collectivités d'avoir un compté à part pour les projets d'importance nationale comme le canal Seine-Nord Europe ou le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest. On ne peut ajouter un handicap en termes de surface aux retards liés à de grandes opérations de désenclavement ou à des opérations majeures qui doivent permettre de décarboner une partie de nos transports. Cela viendrait menacer les objectifs que nous poursuivons.

En outre, il nous faut corriger dès maintenant un certain nombre d'éléments, notamment en ce qui concerne l'application du solde.

Enfin, quelques questions périphériques se posent. Ainsi, les régions se disent prêtes à la discussion, mais le temps dont elles disposent sera court. En effet, nous n'avons pas encore stabilisé les textes et la période prévue entre le 22 octobre et le 22 février pourrait donc commencer plus tard et durer moins longtemps.

D'autres sujets devront être pris en compte, comme la manière d'assurer que le ZAN ne se fasse pas sur le dos des plus petites communes et que la répartition de l'effort soit juste.

Enfin, j'en viens à la question du financement et de l'accompagnement des collectivités. Je dois revoir Jean-Baptiste Blanc, rapporteur du groupe de travail du Sénat, sur la question des évolutions de la fiscalité. Nous réfléchissons beaucoup aux façons d'aider les maires à rendre moins onéreuse la dépollution des friches, mais pas assez aux manières de rendre plus chère l'artificialisation des terres. Si l'on s'oppose à l'étalement urbain, on peut se poser la question d'une forme de fiscalité qui augmenterait le coût de cette artificialisation et fournirait des moyens aux collectivités pour financer des opérations de renaturation et de dépollution.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure, secrétaire d'État

En ce qui concerne les ZRR, elles ont été prorogées jusqu'au 31 décembre 2023 et, dès mon arrivée au Gouvernement, Christophe Béchu m'a mandatée pour travailler sur plusieurs documents, dont le rapport de la sénatrice Frédérique Espagnac et du sénateur Bernard Delcros. Ainsi, dès le mois de juillet, j'ai organisé une première réunion de travail et d'autres ont suivi, qui ont associé M. Philizot, qui a porté les ZRR sur les fonts baptismaux en 1995. Ce dernier a accepté la mission que je lui ai confiée pour nous accompagner, avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui travaille à des simulations sur ce que pourraient être les ZRR à partir de janvier 2024.

Nous sommes donc au début d'un travail que nous conduisons avec monsieur Philizot, la DGCL et les parlementaires, dont nous recevrons une délégation d'ici deux semaines. Par ailleurs, j'ai interpellé le président du Sénat sur la possibilité qu'un groupe ruralité nous accompagne pendant quelques mois. Mais je verrai autant de fois que vous le souhaiterez les membres des groupes politiques et des commissions afin de travailler avec eux. Enfin, je vous invite à prendre contact avec mon cabinet, si vous souhaitez être associés de façon étroite à nos travaux.

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

J'en viens au sujet de l'eau et de l'air, qui est aussi pertinent dans la ruralité que dans les villes, et sur lequel le sénateur Chevrollier m'a posé deux questions.

D'abord, sur l'eau, je n'envisage pas de loi à ce stade parce que je considère que les dispositifs existants offrent une grande marge d'amélioration. De plus, le temps que nous mettrions à écrire une telle loi nous détournerait de nombreuses mesures que nous devons mettre en place dès maintenant, et pour lesquelles les difficultés peuvent être budgétaires et réglementaires, mais pas législatives.

Notre cadre d'action est fixé par les Assises de l'eau, qui se sont tenues en 2019, et le Varenne agricole de l'eau de 2021. En un an et demi, nous n'avons pas réussi à diminuer le niveau des prélèvements agricoles alors que des feuilles de route sont établies filière par filière. Il ne s'agit pas d'un défaut de diligence de la part des agriculteurs ou des législateurs, mais lorsqu'on fixe une ambition, il faut un minimum de temps pour que les choses adviennent.

Il est vital que notre agriculture puisse consommer moins d'eau, afin de préserver la ressource, de sécuriser notre alimentation et d'éviter d'avoir recours à des importations de produits ayant généré des émissions importantes et pouvant s'avérer mauvais pour la santé. En effet, peu de pays se montrent aussi regardants que le nôtre sur les conditions de production.

Le 29 septembre dernier à Marseille, dans une configuration inédite, avec les ministères de la santé et de l'agriculture, nous avons réuni le Conseil national de l'eau, les acteurs de la gestion de la ressource, les préfets et les élus. Il s'agissait de revenir sur la sécheresse de l'été et d'exposer nos pistes de travail. Ces acteurs doivent rendre à la fin de l'année une liste de propositions concrètes.

La sécheresse de cet été a résulté de dix mois de déficit pluviométrique et d'un mois de juillet ayant battu tous les records, avec 88 % de pluie en moins par rapport à un mois de juillet normal.

Nous avons tiré une première leçon et pris un décret qui permet de surveiller les étiages pendant l'hiver et de prendre les décisions qui s'imposent. Je rappelle que cinquante départements appliquent encore des arrêtés de restriction à l'heure où nous parlons. Par ailleurs, la quasi-totalité des départements n'ont pas retrouvé les niveaux d'eau habituels. Des écarts demeurent particulièrement préoccupants, notamment en ce qui concerne le niveau de la Loire, mais aussi en Bretagne, où la situation est particulièrement complexe.

Face à ce problème, il faut d'abord cibler les pertes qui adviennent sur nos réseaux d'eau potable, et qui représentent 20 % en moyenne. Une réduction totale de ces pertes ne serait pas un objectif réaliste, mais les taux de perte des réseaux variant de 5 à 70 %, des marges d'amélioration existent.

Je ne suis pas certain que les solutions qui s'imposent plairont à tout le monde. Dans un certain nombre de cas, la quasi-totalité des communes privées d'eau potable géraient seules leur eau, sans interconnexion. En outre, les plus menacées, pour lesquelles il aura fallu distribuer des bouteilles d'eau en plastique à grande échelle, souffraient souvent d'un manque d'interconnexion et parfois d'investissement, expliquant l'état des réseaux. On peut se targuer de distribuer l'eau la moins chère de France, mais il faut apprendre à se poser la question de sa disponibilité. En effet, si l'eau la moins chère n'est disponible que neuf mois sur douze, on ne peut s'en réjouir. Et si les syndicats ou la commune doivent ensuite payer l'eau potable pour l'ensemble des habitants, il faut intégrer le coût de ces conséquences.

J'en viens à la réutilisation des eaux. Celle-ci constitue un enjeu majeur, car nous ne réutilisons que 0,8 % de nos eaux usées, dix fois moins qu'en Italie, vingt fois moins qu'en Espagne et cent fois moins qu'en Israël. Nous avons d'importantes marges de progrès pour faire au moins aussi bien que les Italiens : arroser des massifs avec de l'eau potable a de quoi nous interpeller ! Il faut amplifier notre action, métier par métier et en lien avec les professions concernées, pour diminuer la consommation d'eau.

Après l'eau, j'en viens à l'air. Vous avez mentionné la condamnation de la France le 17 octobre 2022. Le 14 octobre, le rapport annuel sur la qualité de l'air faisait état d'une amélioration, raison pour laquelle l'arrêt du Conseil d'État ne conclut pas à une augmentation des astreintes. Nous avions 13 agglomérations en dépassement en 2017, 8 en 2020, 5 en 2021 et seulement 3 en 2022. Les zones à faibles émissions (ZFE) fonctionnent. Ainsi, à l'intérieur du périmètre de l'A86, 50 000 habitants sont passés sous le seuil. La difficulté est de mettre en place ces zones sans octroi et sans barrages qui donneraient l'impression que les gueux roulant au diesel ne sont pas admis dans des villes peuplées de bourgeois à vélo. Une telle lecture dresserait de nouveau les Français les uns contre les autres.

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

L'objectif, je le rappelle, est d'éviter des morts liées à la pollution atmosphérique.

Il ne faut pas altérer la mobilité et donc proposer des solutions de remplacement, ce qui implique d'investir dans les transports en commun et de développer des alternatives, en centre-ville, à la voiture. Le plan vélo accompagne les territoires - le vélo à assistance électrique permettant d'augmenter la distance qu'on peut parcourir. Les 250 millions d'euros investis l'an dernier, soit un doublement du rythme moyen annuel du premier plan, illustrent notre ambition et favorisent la pratique du cycle, qui a augmenté de 39 % depuis le covid.

Dans ce cadre, la décarbonation des véhicules repose notamment sur le changement de motorisation. Cependant, électrifier trop vite reviendrait à subventionner l'industrie chinoise, qui fabrique à bas coût des véhicules électriques dans des usines alimentées au charbon. À court terme, je souhaite un plan massif en faveur du covoiturage. Deux exemples intéressants sont Rouen et Angers, où l'on observe un doublement mensuel du nombre de covoitureurs, qui y sont rémunérés. Que l'État appuie ce genre de dispositif aurait du bon. C'est le seul moyen à court terme, sans acquisition de véhicules ni déploiement de bornes, de lutter contre l'autosolisme. En effet, en 40 ans, nous sommes passés en moyenne de 2,3 à 1,6 personne par véhicule. Plus de 90 % des trajets vers le lieu de travail se font en solitaire. Le covoiturage abaisse immédiatement les coûts et les émissions de carbone.

Un autre levier est le rétrofit, c'est-à-dire le changement du moteur d'un véhicule. Monsieur Gillé, construire une voiture consomme 2 tonnes de pétrole : ne jetons pas toutes celles qui existent déjà.

Par ailleurs, la question du poids est déterminante : l'abrasion est une pollution atmosphérique en elle-même, qui pourrait être prise en charge avec la norme Euro 7. Nous militons pour qu'elle ne s'applique pas qu'aux véhicules thermiques et qu'il n'y ait pas de nouvelle mesure sur les moteurs, pour éviter un contre-signal à l'industrie.

Il est encore trop tôt pour vous faire un retour sur le malus, qui ne date que du 1er janvier : 300 millions d'euros sont entrés dans les caisses au 31 août, mais nous n'avons pas encore d'informations sur l'aggravation du malus écologique et sur la taxe pour les véhicules pesant plus de 1,8 tonne.

Le prêt à taux zéro (PTZ) pour l'acquisition de véhicules propres ne commencera qu'au 1er janvier 2023 : une année de recul semble utile avant de se prononcer dessus. Un rapport législatif souligne l'intérêt d'une garantie de l'État pour éviter les refus de PTZ de la part des banques, notamment pour les ménages ayant déjà atteint les 30 % de capacité d'emprunt et alors que la hausse des taux d'intérêt augmente la prudence des établissements bancaires. La couverture à hauteur de 50 % pour le microcrédit existe déjà, mais le PTZ est plus ambitieux, car il s'applique aussi à la location de longue durée - le leasing - et est mobilisable pour de l'occasion.

Pour les véhicules d'occasion, la somme des primes diminue largement le reste à payer. Ainsi, un ménage trouvant un véhicule d'occasion à 10 000 euros peut bénéficier de la surprime ZFE de 1 000 euros, des 7 000 euros annoncés par le Président de la République sur le bonus écologique et de la prime à la conversion. Pour gagner en précision sur le PTZ, le critère lié à la domiciliation à proximité s'entend désormais comme la résidence à l'intérieur de la commune ou le fait de travailler dans le secteur.

Si vous deviez modifier ces dispositifs, je vous indique que la durée de l'obligation de conservation de deux ans me semble courte pour un véhicule ayant bénéficié de plusieurs milliers d'euros de primes. Imposer une durée plus longue serait de meilleure politique. En outre, inclure le barème pour les entreprises permettrait de prendre en compte le poids. L'imposition sur les seuls chevaux fiscaux ne suffit pas pour inciter à la sobriété. En outre, activer ce levier peut se faire sans coût pour l'État.

Nous lançons le marché des radars pour la lecture des plaques d'immatriculation. Aucun n'est encore déployé, il faut lancer l'homologation pour que les collectivités qui le souhaitent fassent respecter les ZFE. Cela dit, une commune peut d'ores et déjà conduire des opérations de vérification et rien n'empêche les agents de surveillance de la voie publique (ASVP) d'intervenir.

Il me semble paradoxal d'en imputer la faute à l'État, en déplorant que les radars ne soient pas encore déployés tout en alertant sur le risque d'explosion sociale, alors que nous donnons aux maires les moyens de décider des politiques sur leur territoire. Ce sont eux qui décident des amplitudes, des exclusions, du rythme et des procédures d'accompagnement. Ainsi, à Lyon, l'interdiction est valable 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 alors qu'à Paris elle ne s'applique ni le soir ni le week-end, tandis que Strasbourg a émis un carnet de circulation permettant aux petits rouleurs d'aller 24 fois en centre-ville. La lecture de la plaque d'immatriculation permet d'enregistrer les véhicules exclus de la verbalisation dans la base de données.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure, secrétaire d'État

Vous avez mentionné la spéculation sur les infrastructures de téléphonie mobile. Dans les zones blanches et en ruralité, les pylônes sont mutualisés, mais chaque opérateur y place ses équipements, dont la durée d'amortissement est plus longue que celle - 12 ans - du pylône. Le propriétaire de celui-ci peut donc imposer le loyer qu'il souhaite. Nous recherchons une solution avec Jean-Noël Barrot. Le dispositif de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France est trop fragile. Je propose de revenir vers vous dans les deux mois.

Vous avez rappelé à quel point l'aide majorée à 300 euros, et même jusqu'à 600 euros pour les plus modestes, pour l'obtention d'un débit supérieur à 30 mégabits par seconde, fournie dans le cadre du guichet de cohésion numérique des territoires, est cruciale. Vous en demandez l'élargissement : ce n'est pas ce que nous étudions actuellement. Toutefois, sur la couverture mobile, 971 sites ont été notifiés aux opérateurs et 322 mis en service. Environ 600 doivent donc encore être déployés. Nous sommes satisfaits par ce New Deal mobile : avec ces futurs relais, on atteindra environ 90 % de couverture.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Vous parlez bien de 90 % de la population, pas du territoire !

Debut de section - Permalien
Dominique Faure, secrétaire d'État

Oui. Il est en effet frustrant d'être coupé lorsqu'on circule entre deux villages, dans des zones sans population. La technologie satellitaire complétera cependant cette couverture.

Sur le très haut débit fixe, l'État assure un soutien de 3,58 milliards d'euros pour une couverture intégrale du territoire dès 2025, sur laquelle l'État a noué des partenariats avec les conseils départementaux. Même avec une vitesse inégale de déploiement, l'offre de haut débit fixe et la fibre optique progressent, y compris dans les territoires ruraux. Comme je vous l'ai indiqué, la technologie satellitaire complétera, y compris en montagne, dans des crevasses par exemple, la 4G et le haut débit fixe.

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

Monsieur Marchand, sur la recherche, le dispositif amortisseur d'électricité vaudra pour toutes les administrations. De plus, le 27 octobre, 300 millions d'euros complémentaires ont été dégagés spécifiquement pour les universités.

Sylvie Retailleau annonce en ce moment même une bonne nouvelle pour l'institut polaire à la commission de la culture de l'Assemblée nationale : les crédits, notamment réclamés dans une récente tribune, seront au rendez-vous.

Monsieur Martin, vous connaissez par coeur le dossier des ICPE sur lequel vous m'avez questionné, au point que vous avez repris les éléments que mon administration vous a transmis, et sur lesquels je vais m'appuyer pour vous répondre... Pas moins de 1 089 ETP de mon ministère sont mis à la disposition des Dreal, mais d'autres sont issus du ministère de l'agriculture : la consolidation de ces chiffres est à l'origine des incertitudes. Pour ce qui relève de mon ministère, ce nombre augmentera de 20 ETP l'an prochain, après une première hausse de 30 cette année, en raison de notre ambition de renforcer les contrôles. Ainsi, de 18 000 inspections en 2018, nous sommes passés à 22 000 en 2021. Nous n'atteindrons pas les 27 000 cette année, car les recrutements se poursuivent, mais c'est mon objectif pour 2023.

La Commission nationale du débat public (CNDP) voit ses moyens augmenter d'un demi-million d'euros compte tenu de l'importance de ses missions et à la suite des échanges que j'ai eus avec Chantal Jouanno, sa présidente.

L'Autorité de sûreté nucléaire voit aussi ses postes augmenter, de six en 2023 conformément à sa demande. Ce renforcement pluriannuel se poursuivra.

Monsieur de Nicolaÿ, ma collègue Caroline Cayeux, ancienne présidente de l'ANCT, vous a abondamment répondu précédemment sur cette agence. Toutefois, je laisse Dominique Faure vous apporter des précisions complémentaires.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure, secrétaire d'État

Le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'ANCT comportait trois objectifs pour la période 2021-2023. Les indicateurs sont excellents, reste à mesurer l'efficacité de son action en rencontrant les élus locaux.

Le premier objectif était la mise en oeuvre de programmes nationaux, comme le plan « Petites villes de demain », et le déploiement du numérique, au service des collectivités territoriales. Le deuxième est l'ingénierie sur mesure, dont j'ai entendu du bien lors de chacun de mes déplacements sur le terrain. Le troisième est l'animation des acteurs : ainsi, le réseau des 1 600 petites villes de demain est extraordinairement dynamique et fertile.

Alors que nous avions à peine atteint ces objectifs en 2021, nous les dépassons en 2022. Les budgets sont déjà prévus pour les programmes phares « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain », respectivement jusqu'à 2023 et 2026.

Pour répondre aux inquiétudes quant aux difficultés d'obtention de prêts de certaines mairies, je rappelle que la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) représente 570 millions d'euros, auxquels s'ajoutent 1,2 milliard d'euros pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et 2 milliards d'euros pour le fonds vert en investissement. Le financement des infrastructures en ruralité n'est donc pas un problème, même si un autofinancement de 20 % restera nécessaire.

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

Madame Perrot, sur les jets privés, le texte qui vous est proposé aligne la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) du kérosène de l'aviation d'affaires sur celui de l'aviation de loisir et du transport routier, soit une hausse de 70 %.

Sur les avions dits propres, on nous annonce les premiers avions électriques pour 2025 - je renvoie aux articles de presse sur ce sujet qui mentionnent une start-up toulousaine. Airbus annonce un avion à hydrogène au mitan des années 2030, même si d'autres avionneurs estiment cela trop ambitieux.

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), à Montréal, a adopté une feuille de route vers la décarbonation il y a quelques jours. Il y a une prise de conscience, notamment des clients, et une attente pour décarboner tous les transports, qui représentent 30 % des émissions mondiales. Même si les deux tiers sont émis par les voitures, les émissions les plus importantes au kilomètre sont celles de l'avion.

Vous avez raison monsieur Tabarot, 150 millions d'euros ne font pas un grand soir ferroviaire. Le rendez-vous est pour bientôt, quand nous aurons le rapport du COI, mais aussi la planification écologique au sens large. Vous avez mentionné les 3 milliards d'euros votés par l'Assemblée nationale : si l'amendement a bien reçu une majorité en sa faveur, l'Assemblée a constaté au moment du vote que le gage avait déjà servi pour financer la progression des crédits sur la rénovation. Le dispositif n'a donc pu être intégré au texte faute de gage, indépendamment du recours au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.

Comment ventiler les nouveaux crédits ? C'est l'enjeu de la planification écologique que de chiffrer les coûts financiers, mais aussi les gains en carbone. Les besoins sont gigantesques, mais tous les investissements ne se valent pas. La régénération du réseau est cruciale, car elle évite d'arrêter des lignes, mais les travaux nouveaux doivent être mûrement réfléchis. Les RER métropolitains sont ainsi les plus favorables au report modal, mais il faut aussi intégrer le paramètre de la distance parcourue dans d'autres zones, avec les petites lignes. J'ai demandé à mes services un chiffrage pluriannuel à la fois climatique et budgétaire, afin que la feuille de route de planification écologique que présentera la Première ministre soit à la hauteur des enjeux. Ni 150 millions d'euros ni 3 milliards d'euros n'y suffiront.

Enfin, les effectifs de VNF baissent, mais moins que ce que le plan pluriannuel prévoyait. Les suppressions pour 2023 ne sont donc que la conséquence de l'automatisation des écluses. Nous réfléchissons actuellement à la trajectoire pluriannuelle : on ne peut pas continuer à supprimer les postes de nos opérateurs sans examiner leurs missions. Je rappelle que le plan prévoyait initialement 80 suppressions de poste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Demas

Le dispositif des conseillers numériques France services, qui accompagnent les personnes éloignées du numérique, est désormais rattaché à la mission « Transformation et fonction publiques », ce dont je me réjouis, car cela répond à la demande des élus. Selon la documentation budgétaire, 44 millions d'euros financent leur pérennisation pour 2023. Cette enveloppe correspond-elle à des recrutements ou à une prolongation de la prise en charge de l'État à effectif constant ? Jusqu'à quand cette prise en charge se poursuivra-t-elle et quel est le bilan des 2 dernières années ?

Par ailleurs, les centres de soins de la faune sauvage, dont celui des Alpes-Maritimes, qui m'a saisi, sont importants pour les espèces protégées et menacées, mais ne bénéficient d'aucun financement pérenne de l'État. À la suite de l'audit réalisé à l'été 2022 par l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd), pouvez-vous nous rassurer sur la création d'une ligne budgétaire dans le prolongement de l'annonce du fonds vert, doté de 2 milliards d'euros ?

Enfin, quelles sont les cibles prioritaires du fonds vert et comment les communes rurales, qui manquent bien souvent d'ingénierie, pourront-elles y prétendre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Genet

Madame la secrétaire d'État, la cohésion des territoires fait partie de vos attributions. Qu'en est-il de la cohésion des propositions du Gouvernement sur la décarbonation ? Alors que beaucoup de citoyens évoluent sur ce sujet, il y a un paradoxe entre la promotion que vous faites du véhicule électrique et l'appel à la sobriété énergétique lié au fait que le Gouvernement ne pourrait pas garantir l'accès de toute la population à l'électricité cet hiver. Une fin du moteur thermique en 2035 est-elle crédible ? Comment favoriser son acceptabilité ?

Ensuite, la prédation du loup sur les troupeaux domestiques est avérée en Saône-et-Loire depuis 2019, avec des épisodes violents en 2020 dans le Charolais et en 2021 dans le Clunisois, et une dizaine d'attaques en 2022 attribuées au loup. Le maillage bocager de nos territoires rend les exploitations particulièrement difficiles à protéger, d'où le désespoir et la colère des éleveurs. L'État autorisera-t-il les tirs de défense simple dans de meilleures conditions ? Les louvetiers et la brigade mobile d'intervention auront-ils plus de moyens ? Prévoyez-vous une évolution du statut juridique des chiens de troupeaux et une meilleure prise en compte de la valeur réelle des pertes ? Le Président de la République est intervenu sur le statut de la protection du loup dans la convention de Berne et la directive Habitat : la France demandera-t-elle que le loup passe du statut d'espèce strictement protégée à celui d'espèce protégée ?

Enfin, votre volonté d'agir vite sur l'eau peut-elle aboutir à davantage de subventions des agences de l'eau au profit des travaux d'amélioration des réseaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Avec la fin du véhicule thermique, nous allons passer d'une dépendance au fossile à une dépendance au cuivre. Comment anticipez-vous ce basculement ?

Le fonds vert comprend 1,8 milliard d'euros à destination des départements. Selon quelle répartition ? Est-ce une simple division par 100, soit 18 millions d'euros par département ? Comment la population est-elle prise en compte ? Le Lot, mon département de 170 000 habitants, risque de ne pas obtenir grand-chose...

Ensuite, nous avons dépassé cette année deux limites planétaires : dès janvier, celle de l'introduction de nouvelles entités chimiques dans l'environnement et, en mai, celle du cycle de l'eau douce, car les sols ne retiennent plus l'eau à cause de la monoculture, de la déforestation et du changement climatique. Comment envisagez-vous ces deux sujets ?

Le changement climatique touche particulièrement ma région d'Occitanie. Je siège au comité de bassin Adour-Garonne : nous avons déjà perdu 20 % de pluviométrie, ce qui correspond aux projections pour la France entière en 2040. Nous subissons une sécheresse sévère, et les températures d'octobre ont eu des conséquences importantes sur la région. Comment répondrez-vous à ces difficultés ?

Par ailleurs, j'attire votre attention sur les micropolluants de l'eau : des vêtements de sport contiendraient du bisphénol A, perturbateur endocrinien, alors qu'ils sont portés par des jeunes, avec des conséquences graves comme des pubertés précoces.

Enfin, des pourparlers sont en cours à Charm el-Cheikh sur un traité contraignant relatif la pollution plastique. Comment interviendrez-vous en Égypte alors que ce pays est un des premiers pollueurs de la Méditerranée, dont la concentration en microplastiques est équivalente à celle des gyres océaniques ?

Debut de section - Permalien
Dominique Faure, secrétaire d'État

Madame Demas, les 44 millions d'euros correspondent à un objectif de recrutement de 4 000 conseillers numériques, mais seuls 3 600 recrutements ont effectivement eu lieu. Le budget 2023 tend à pérenniser ces effectifs, mais nous travaillons sur l'après. Les maisons France services et les conseillers effectuent un travail remarquable de lutte contre l'isolement. Laissons-nous l'année 2023 pour envisager la suite.

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

Sur les refuges, nous attendons une étude sur un refuge marin, pour lequel nous disposerons d'éléments fin mars. La pérennisation des espèces est aussi au coeur de nos discussions avec les gens du cirque, car une partie de ces refuges accueillera les animaux sauvages. Nous les avons rencontrés à Bercy, avec Olivia Grégoire, pour discuter des barèmes d'indemnisation et de la cessation d'activité. Il en est question dans la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB), mais pas dans le PLF pour 2023 proprement dit. Les crédits seront abondés de manière marginale, par exemple par le loto de la biodiversité.

Le fonds vert est doté de 2 milliards d'euros. Plutôt que des appels à projets, nous préférons déconcentrer les fonds à l'échelle des préfectures pour que l'utilisation des sommes soit la plus rapide possible. C'est un nouveau dispositif, même s'il prend la suite du plan friches, qui était doté de 300 millions et qui avait été déployé dans le cadre du plan de relance. Ce fonds vise à soutenir l'action des élus en faveur du climat : mesures d'atténuation au changement climatique ou d'adaptation à ses conséquences, mesures en faveur du maintien de la biodiversité. Les enveloppes de crédits sont prévisionnelles : compte tenu des besoins, on estime que 150 millions d'euros pour les territoires en ZFE devraient être à la hauteur des enjeux. Nous souhaitons que ce fonds puisse être aussi mobilisé pour lutter contre l'érosion du trait de côte dans les littoraux, pour rénover les éclairages publics, déminéraliser des cours d'école, planter des arbres pour réaliser des îlots de fraîcheur, etc. Je pense que les demandes seront suffisamment nombreuses pour démontrer l'utilité du fonds.

Une autre question est de savoir comment les collectivités vont réorienter leurs crédits vers des priorités climatiques. C'est pourquoi nous mettons en place des budgets verts, afin de disposer d'un outil de discussion avec les collectivités : nous voulons aboutir en 2023 ; nous sommes engagés dans une démarche de coconstruction. Les associations d'élus nous feront remonter des propositions de maquettes par niveau de collectivité. Cet outil ne doit pas être à la main de Bercy, mais doit constituer un outil de discussion sur l'environnement pour mieux agir ensemble.

L'objectif de décarbonation des transports en 2035 est-il crédible ? Le but de la politique n'est pas de se demander ce qui est possible, mais de rendre possible ce qui est nécessaire ! Si l'on veut endiguer le réchauffement climatique, il faut lutter contre les énergies fossiles. Oui, ce sera difficile, nous aurons besoin de métaux rares, nous devrons répondre à des enjeux en termes d'équipement du territoire. Mais le coût de l'inaction est considérable. On commence à le voir avec la guerre en Ukraine. La souveraineté énergétique est essentielle. Il importe de ne pas dépendre d'énergies que nous ne produisons pas. Nous devons donc commencer par lutter contre le gaspillage - c'est la sobriété énergétique -, et développer des sources d'énergies alternatives. Heureusement d'ailleurs que la France a son parc nucléaire qui lui permet de produire une énergie décarbonée et constante, tandis que les énergies renouvelables sont intermittentes, ce qui contraint les pays qui ont refusé le nucléaire à rouvrir des centrales à charbon ! Les générations futures ne seront pas tendres pour ceux qui ont fait la guerre au nucléaire et nous ont détournés d'un moyen efficace de lutter contre le dérèglement climatique...

La question du loup est particulièrement complexe. Nous devons réviser le plan loup en 2023. Dans sa précédente version, il fixait un objectif de 500 loups présents sur le territoire français pour garantir la protection de l'espèce. Mais aucun maximum n'était fixé. Or on compte aujourd'hui plus de 900 loups sur le territoire ; leur population s'accroît d'une centaine d'individus chaque année et de nouveaux territoires se retrouvent ainsi confrontés à leur présence. La confrontation n'est pas simple, mais avec l'expérience on apprend à vivre avec le loup. Avec le ministère de l'agriculture, on travaille dans plusieurs directions. On a constaté que nous ne réalisions pas le nombre de tirs de prélèvements autorisé par les textes - jusqu'à 19 % de l'effectif estimé - parce que les procédures sont trop complexes. Nous devons donc simplifier le dispositif. Plusieurs pistes sont à l'étude : sur les frontières administratives, les attaques multiples, etc. L'indemnisation est une autre question : les agriculteurs se plaignent qu'une bête disparue ne soit pas indemnisée si la carcasse n'est pas retrouvée. Les procédures sont aussi chronophages pour les agents de l'OFB. On doit s'interroger sur le cas des multiprédations, sur les équipements, sur le soutien aux louvetiers, etc. Une deuxième brigade spécialisée de l'OFB va être mise en place. Les sujets sont nombreux, et nous y travaillons avec Bérangère Couillard, en lien avec nos partenaires européens. Nous espérons aboutir l'an prochain.

En ce qui concerne les agences de l'eau, ce qui valait pour 2022 pourrait être aussi valable en 2023, avec d'éventuels compléments de crédits en cours d'année. On évaluera les besoins financiers et on verra comment compléter éventuellement les 2,2 milliards de recettes prévues dans le projet de loi de finances. Je rappelle que les agences de l'eau ont une trésorerie de 500 ou 600 millions d'euros, aisément mobilisables.

En ce qui concerne le cuivre, ma réponse est la même que pour le lithium : nous avons besoin de nous doter d'une stratégie d'accès à ces métaux précieux pour garantir notre indépendance. Mais on voit bien que le développement de gisements pose des questions en termes d'acceptabilité, de sécurité, etc. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur la sobriété énergétique, sur la réduction du poids et de l'empreinte énergétique des véhicules.

Le Parlement européen a voté, dans le prolongement de la présidence française de l'Union européenne, un texte très ambitieux pour lutter contre la déforestation importée. Les importations de l'Union européenne représentent en effet 16 % de la déforestation liée au commerce mondial. Il s'agit d'interdire les produits dont les importateurs ne pourront pas prouver qu'ils n'ont pas entraîné de déforestation. Les discussions se poursuivent pour parvenir à un accord en trilogue entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne. Des points sont en discussion : faut-il inclure les tourbières et les savanes ? Faut-il inclure les activités financières ? Quels sont les produits concernés ? Etc. Nous espérons qu'un compromis ambitieux sera trouvé. Nous ne devons pas contribuer à alimenter dans d'autres pays les phénomènes dont nous ne voulons plus en Europe. Et cela vaut aussi pour la prolifération du plastique. La France est en avance sur ce point. Nous espérons qu'un accord contraignant pour mettre fin à la pollution plastique, avec des interdictions à l'horizon 2040, pourra être conclu au niveau international, mais les objectifs ne sont pas partagés par tous les pays et les avancées restent timides.

La question des pesticides ou des traces de produits chimiques relève du règlement sur les produits chimiques Reach. La Commission européenne a envoyé un mauvais signal en annonçant qu'elle souhaitait repousser sa révision à la fin de l'année 2023. Avec l'Allemagne, la Finlande, la Suède, la Norvège, nous avons souligné la nécessité d'adopter un cadre plus contraignant avant les élections européennes. Il est d'autant plus urgent de durcir nos règles que les modifications ne prendraient effet que cinq ans après la révision. Cela permettrait aussi à l'industrie de se préparer.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je voudrais revenir sur les ZRR. Nous avons entendu Mme Cayeux la semaine dernière et elle a assuré être favorable au dispositif et à son amélioration. Quel est votre sentiment sur le sujet ? On observe beaucoup d'inquiétude sur le terrain quant à une possible volonté de les supprimer. En effet, Bercy semble y être plutôt défavorable, alors que le coût s'élève à 300 millions d'euros, ce qui ne représente pas grand-chose comparé à tout ce que l'on verse dans d'autres domaines.

Par ailleurs, certains députés trouvent que les ZRR ne provoquent pas suffisamment de retombées et que ce dispositif ne représenterait pas forcément la bonne solution.

J'ai participé avec Bernard Delcros et Frédérique Espagnac à la préparation du rapport sur le sujet, dans lequel nous faisons une dizaine de préconisations. Par ailleurs, au sein de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, nous avons lancé une étude d'impact et d'évaluation pour préserver et renforcer les ZRR. Êtes-vous certain de l'avenir de ces ZRR ? Tiendrez-vous compte du travail accompli par le Sénat en invitant par exemple ceux qui ont étudié le sujet ? Cela semblerait logique et important.

J'en viens à ma deuxième question, qui concerne la petite hydroélectricité, qui ne relève pas tout à fait de votre domaine. Cependant, l'administration y est assez défavorable sur le terrain au nom de la continuité écologique. Quel est votre sentiment sur ce sujet ?

Ma dernière question concerne la politique de l'eau. Nous avons évoqué plus tôt les problèmes de canalisations fuyantes, qui représentent aujourd'hui une perte de 1 milliard de mètres cubes d'eau, soit l'équivalent de 450 000 hectares irrigués. Je voudrais que l'on relativise ce à quoi nous avons assisté dimanche dernier autour des réserves de substitution. En effet, celles-ci sont indispensables si l'on veut préserver notre agriculture dans certains secteurs. Vous engagez-vous à ne pas céder à la pression de ces activistes ? Tout comme les activistes antinucléaires nous ont fait perdre notre indépendance énergétique, ceux qui manifestent contre les bassines risquent de mettre à mal notre indépendance alimentaire. Nous avons besoin d'eau pour la conserver et ne pas avoir à importer des produits qui ont pu être traités au glyphosate ou être génétiquement modifiés.

- Présidence de M. Guillaume Chevrollier, vice-président - 

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Corbisez

En évoquant la loi ZAN devant notre commission la semaine dernière, Mme Cayeux a annoncé que les compensations de surfaces liées aux projets nationaux et supranationaux ne seraient pas impactées sur les collectivités. Ainsi, la compensation de 2 200 hectares liée au canal Seine-Nord ne serait pas reportée sur les communes environnantes. Confirmez-vous ? Quand comptez-vous l'annoncer officiellement ?

Par ailleurs, les communes rurales qui voudraient faire du développement urbain peuvent avoir recours aux biens en état d'abandon manifeste, selon l'article 98 de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Les communes peuvent récupérer ces biens, mais leur démolition coûte cher. Pourriez-vous imaginer une DETR spécifique de façon à ce que ces communes rurales puissent continuer leur développement urbain sans préempter les terrains agricoles ?

Enfin, j'en viens à la question de l'eau. Les hydrogéologues prévoient une baisse de 30 % du niveau de l'eau potable dans les nappes des Hauts-de-France d'ici 2040. De plus, cette diminution entraînerait une augmentation de 50 % des polluants présents. Or mon territoire est déjà bien pollué, notamment par le perchlorate d'ammonium, qui a des conséquences sur les femmes enceintes et les nourrissons, et qui provient de la poudre à canon allemande. Envisagez-vous de lancer une mission sur cette thématique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Nous discutons cette semaine au Sénat un texte sur l'accélération des énergies renouvelables. En ce sens, les collectivités territoriales ont un rôle majeur à jouer dans la promotion de la maîtrise de l'énergie et le développement des énergies renouvelables.

De plus, elles disposent généralement d'un important patrimoine bâti dont certaines toitures peuvent être équipées de panneaux photovoltaïques. Ainsi, dans le département du Puy-de-Dôme, de nombreux élus se sont lancés dans l'installation de panneaux, sur des salles des fêtes ou des écoles. Cependant, les services de l'État imposent la création d'un budget annexe pour les mouvements financiers qui en découlent, quel que soit le montant des sommes perçues. Cette disposition semble d'autant moins compréhensible que l'État a accepté beaucoup de simplifications dans la gestion communale, comme le toilettage des régies de recettes, la suppression de l'obligation des centres communaux d'action sociale dans les communes de moins de 1 500 habitants ou la possibilité de déroger au budget annexe pour la vente de bois. La direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des collectivités locales (DGCL), saisies sur cette obligation de budget annexe, ne se sont pas encore prononcées ; avez-vous des éléments de réponse à apporter aux collectivités qui s'engagent pleinement dans cette accélération et sont souvent les plus modestes ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Médevielle

Pendant la discussion de la loi climat et résilience, nous avons eu de nombreux débats sur les zones à faibles émissions (ZFE) ; leur mise en place a été rapide et une dizaine d'agglomérations concernées par ce dispositif l'ont déjà mise en oeuvre, à l'instar de Toulouse. Quelles conclusions tirez-vous du premier comité interministériel qui s'est tenu la semaine dernière sur ce sujet ?

Mon interrogation sur le fonds vert ayant déjà été soulevée, je me contenterai de lancer une invitation. Dans le cadre des travaux de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, je vais co-produire en janvier 2023, avec un député de la Haute-Garonne, un rapport sur la décarbonation de l'aviation. Je vous invite à venir visiter à Toulouse d'une part, la start-up Aura Aero qui a déjà enregistré 130 précommandes d'avions hybrides et électriques et d'autre part, Airbus qui met au point l'avion à hydrogène.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Je voudrais reformuler la question posée par mon collègue Jean-Pierre Corbisez pour en souligner l'importance. Confirmez-vous que les 2 500 hectares du canal Seine-Nord Europe n'entreront pas dans le calcul du ZAN ? Une réponse composée de trois voyelles nous suffirait...

Ma deuxième question s'adresse plus particulièrement à madame la ministre Dominique Faure. En zone rurale, un généraliste couvre en moyenne un territoire de 30 km², contre 5 km² dans les bassins de vie urbains. Cette différence est loin de s'expliquer par la seule densité de population et les conséquences sont sans appel : une étude récente de l'Association des maires ruraux de France nous alerte sur le « constat alarmant » d'une aggravation des écarts d'espérance de vie dans les territoires ruraux. Il est urgent d'associer l'ordre des médecins aux réflexions pour repenser la démocratie sanitaire de notre pays car je crains l'émergence, un jour, de « gilets jaunes de la santé ». Madame la ministre, la lutte contre l'abandon médical de nos territoires ruraux est-elle bien une vos priorités majeures ?

Debut de section - Permalien
Dominique Faure, secrétaire d'État

S'agissant des ZRR, nous ne prenons pas, à ce stade, d'engagements. La Première ministre nous a mandatés pour travailler sur ce sujet : je suis convaincue de leur utilité et pleinement motivée pour les faire aboutir. Je suis déterminée à conduire, avec la DGCL, des travaux qui nous amèneront au printemps à des propositions et, pourquoi pas, des ZRR à deux vitesses comme le propose le rapport du Sénat de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau...

La proposition à deux vitesses m'a particulièrement intéressée. Nous avons déjà effectué un certain nombre de simulations. Notre calendrier, dans l'hypothèse où les ZRR ne seraient pas renouvelées mais remplacées par un nouveau dispositif - peut-être à deux vitesses car je trouve cela pertinent - ce dernier démarrerait en janvier 2024, avec nécessairement un projet de loi au printemps, ce qui nous permettrait de prévoir les crédits nécessaires dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 et devrait donner lieu à des articles dédiés dans les PLF et PLFSS discutés fin 2023 pour la période 2024 et dans les années suivantes. Voilà la façon dont nous travaillons dès aujourd'hui.

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre.- Nous avons été saisis

d'une demande de Frédérique Espagnac et Bernard Delcros pour une remise officielle de leur rapport, qui a eu lieu il y a quelques jours. Il s'agissait du rapport au Gouvernement demandé par la lettre de mission de Jean Castex et qui a été rédigé en concertation avec des députés. Il n'y a pas de meilleure preuve de notre volonté de travailler avec le Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Il faut aussi tenir compte du rapport du Sénat !

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

Nous avons examiné les très nombreux rapports publiés sur le sujet et l'engagement que nous prenons est de travailler avec le Sénat ainsi que d'offrir une visibilité à distance raisonnable des élections sénatoriales pour éviter des craintes injustifiées partout sur le territoire.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure, secrétaire d'État

Les déserts médicaux sont au coeur de mes trois ou quatre priorités et les ZRR en font également partie. Nous avons plusieurs axes de travail : vous connaissez le premier, qui consiste à instituer une quatrième année d'internat. L'ordre des médecins est associé à cette concertation par l'intermédiaire du Professeur Stéphane Oustric et un groupe de travail a été lancé le 23 septembre dernier par le ministre François Braun. Je suis optimiste à l'égard de cette hypothèse même si les étudiants en médecine générale ne sont pas enthousiastes à l'idée d'effectuer une année d'études supplémentaire, qui porterait de neuf à dix ans la durée de leur formation. Je fais cependant observer que cela les placerait sur un pied d'égalité avec tous les autres spécialistes médicaux et ces derniers estiment souhaitable de créer cette quatrième année de médecine générale.

Le second axe est l'action, prioritairement conduite par le ministre de la santé, sur les hôpitaux de proximité : la prise de conscience est totale et le travail est quotidien sur ce sujet. Je travaille particulièrement sur les bonnes pratiques que je rencontre sur le terrain et que je partage régulièrement avec la ministre Agnès Firmin Le Bodo. À ce titre, j'estime que le cumul d'une activité médicale salariée et libérale doit être rendu possible plutôt que de faire l'objet de spéculations sur les préférences des uns et des autres. Par exemple, à Vic-en-Bigorre une expérimentation se développe : le président de l'intercommunalité a rénové des murs grâce à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui accueillent deux médecins salariés et deux médecins libéraux ; un pôle néo-natal s'est créé dans ces mêmes locaux ainsi qu'un cabinet de radiologie. Nous avons donc là, au coeur de trois départements en zone très rurale, ce que l'on fait de mieux dans ces trois secteurs de la médecine. Ce modèle a tendance à se généraliser car le déficit généré par les médecins salariés est remboursé par l'ARS : personne ne le sait et je vous en informe pour que vous puissiez le relayer auprès des présidents d'intercommunalités et conseiller aux maires de porter un « business plan » médical sur la base des murs dont ils disposent, avant même que le lancement de la plateforme de partage d'expérience dans tous les domaines. Il n'est pas nécessaire que l'ARS intervienne dès l'origine des projets mais ces initiatives fonctionnent.

Autre bonne pratique locale que j'observe, pour les maires qui disposent également d'un local à proximité d'une maison France Services ou du CCAS : ils vont voir des spécialistes dont le cabinet est situé à 50 ou 70 km en leur proposant une douzaine de rendez-vous pendant une demi-journée par mois. Nous avons des exemples très intéressants où neuf spécialistes ont répondu à l'appel dans des petits villages ruraux. Mon rôle est de faciliter le partage de toutes les bonnes pratiques. La télémédecine est également au centre de nos réflexions : nous avons aujourd'hui de vrais équipements produits en France qui permettent réellement au médecin de voir son patient à distance - alors que les procédés de téléconsultation actuels se limitent à l'audio - et aussi de transmettre toutes les constantes médicales. Cela peut se traduire par une infirmière et un chariot pour le transport des dossiers ou une cabine dont la porte se ferme quand le patient parle à son médecin pendant vingt minutes. Mon souci est de partager ces expériences réussies en attendant que le desserrement du numerus clausus permette de renforcer les effectifs de médecins et que la loi permette aux infirmières, aux kinésithérapeutes et aux sages-femmes d'exercer un certain nombre d'actes médicaux.

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

Le canal Seine-Nord Europe ne fera pas partie du décompte territorial de la région Hauts-de-France.

Il reste cependant un débat : le président des Hauts-de-France plaide pour que l'opération soit sortie du compteur d'artificialisation des sols du pays mais ce n'est pas la ligne du ministère de la transition écologique. Ma position est de compter à part les projets nationaux et de diviser la superficie entre tous les territoires pour qu'un territoire ne porte pas seul l'effort. Prétendre que le canal Seine-Nord ou la ligne à grande vitesse Toulouse Bordeaux ne seraient pas de l'artificialisation reviendrait à modifier la trajectoire qui a été fixée il y a un an et demi. L'idée est bien que ces 2200 hectares soient partagés et divisés entre toutes les régions françaises en recalculant les enveloppes régionales : c'est ce que je proposerai et j'attire votre attention sur le fait que cela nécessitera modification législative, car ce n'est pas conforme à la loi en vigueur.

Un mot rapide sur les retenues de substitution : tous les projets ne sont pas équivalents. Le premier sujet est de savoir comment notre agriculture peut consommer moins d'eau. En vérité, qu'une retenue soit collinaire ou utilise des pompes, il faut de la ressource. Si on s'illusionne sur le fait qu'on aura demain autant d'eau qu'aujourd'hui, on risque de faire de mauvais investissements : l'évolution des pratiques est donc nécessaire. Ceci dit, les retenues restent une partie de la solution et, en l'espèce, quand on dispose des études scientifiques nécessaires ainsi que des accords approuvés par des associations environnementales et que par la suite, des radicaux ou des jusqu'au-boutistes interviennent, c'est la cause qui est menacée. Franchement ce qui s'est passé est d'autant plus grave que le territoire concerné abrite de la polyculture et de l'élevage et que la canalisation coupée dessert une exploitation familiale à proximité : l'image que ces actions renvoient est déplorable. Si ces gens-là considèrent que M. Jadot n'est pas écologiste, cela donne une petite idée du prisme avec lequel ils regardent la société. On ne fera pas la transition écologique contre les citoyens. Nous devons nous méfier d'une forme d'extrémisme, quel que soit son domaine, qui aurait les yeux uniquement tournés vers ce que nous faisons chez nous. En se focalisant uniquement sur nos émissions, on en viendrait à fermer toutes nos usines et on serait alors excellents en décarbonation ; mais si, en parallèle, on continue à importer des produits, on aggravera notre situation. Il faut donc un double système dans lequel nous soyons vertueux sur notre territoire avec, en complément, des mécanismes carbone à nos frontières : c'est indispensable pour réussir la transition. N'acceptons pas d'importer des produits moins vertueux que ceux que nous fabriquons : c'est une forme de protectionnisme climatique, certes, mais légitime s'il permet d'éviter la déforestation ainsi que l'arrivée de produits contenant des perturbateurs endocriniens. Je rappelle que quarante pièces de textile sont achetées par français et par an : indépendamment des conditions de fabrication, quand on connaît l'énorme quantité d'eau nécessaire pour produire des vêtements, on mesure là aussi l'intérêt de la sobriété.

Sur les panneaux photovoltaïques, je ne suis pas en mesure de répondre précisément à votre question. En revanche, j'indique que l'élaboration d'un budget annexe sur les énergies renouvelables est le meilleur moyen d'accélérer leur déploiement, sans être encadré par des ratios contrôlés par la Cour des comptes. Le montage de sociétés publiques locales (SPL), quand j'étais président du département, a permis aux communes de solvabiliser leurs investissements dans les énergies renouvelables avec une mise de départ très faible. Cela nous a permis d'accompagner de très nombreux projets photovoltaïques et même éoliens à plusieurs endroits du territoire, en faisant également appel à des cotisations de citoyens. Nous avons également mis en place, avec Joël Bigot, la plus grande ferme photovoltaïque de France en utilisant cette société qui, sans dégrader nos ratios financiers, a permis de recourir à l'emprunt de façon efficace. Inversement, nous avons financé de très petits projets photovoltaïques : 63 mètres carrés, par exemple, sur le toit d'un vestiaire de sport - cela n'aurait pas été possible sans moyenner les tarifs d'achat grâce à notre SPL.

S'agissant des annonces portant sur les ZFE, je rappelle que nous avons mis en place : un comité interministériel qui se réunit tous les six mois, un référent interministériel rattaché au ministère de l'Intérieur mais aussi à la Santé et à Bercy pour faciliter le travail des artisans et veiller à la cohérence de la logistique urbaine. S'ajoutent deux groupes de travail, l'un sur l'harmonisation logistique et l'autre sur l'accessibilité sociale ainsi que plusieurs annonces très concrètes : les allocations du Fonds vert, les mille euros de surprime qui ne sont plus soumis à des conditions de réciprocité et l'ouverture de l'État pour garantir des prêts à taux zéro. J'ajoute que le retrofit fera bien partie des opérations finançables.

S'agissant des petites installations d'hydroélectricité, je me permets de m'abstenir sur ce sujet car j'ai lu des arguments contradictoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert-Luc Devinaz

Vous avez rappelé les deux piliers que sont les transports et le logement. Sur ce deuxième point, depuis 2021, il y a une augmentation très importante des installations de chaudière à granulés, d'ailleurs soutenue par le dispositif « MaPrimeRénov' ». La production de ces granulés a elle aussi considérablement progressé et la filière prévoit une poursuite de cette croissance d'ici quatre ans, avec des importations qui occupent une place importante à côté de la production nationale, président. Or depuis le début de l'année, le prix des granulés a subi une hausse sans précédent de 150 % ce qui suscite trois interrogations. Si l'augmentation des coûts de production de ces granulés et la hausse des importations peuvent en être la cause, il faut aussi prendre en compte la marge qu'ajoutent les distributeurs et qui me semble excessive, même dans un contexte de forte tension entre l'offre et la demande : quelle intervention directe de l'État auprès des revendeurs et des producteurs pensez-vous mettre en oeuvre pour calmer la situation qui semble s'emballer ? N'y a-t-il pas un besoin de libérer les stocks constatés chez les fabricants en France et dont on ne comprend pas la signification ? Les chèques énergie constituent une réponse insuffisante tant sur leur montant que sur les bénéficiaires : quelles autres solutions sont envisagées en faveur d'énergies plus respectueuses de l'environnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

La semaine dernière j'ai interrogé Mme la ministre Cayeux sans succès sur la gouvernance de l'Ademe et je réitère donc ici ma question. Depuis le départ d'Arnaud Leroy, la présidence de l'Ademe est vacante : la réponse est-elle de votre ressort ? Il ne s'agit pas seulement d'une question de « casting » mais aussi de la volonté politique sous-jacente. Est-ce la volonté du Gouvernement de ne pas renouveler le président d'une agence d'accompagnement à la transition et à l'adaptation à laquelle les territoires sont très attachés ? Je suis membre du conseil d'administration de l'Ademe et je peux vous assurer que cette situation jette une certaine confusion dans les services de cette instance sur la ligne défendue par le Gouvernement en matière de projets.

Par ailleurs, s'agissant du projet de loi de finances, dans le dernier texte budgétaire de cet été j'avais porté un amendement visant à conditionner les aides publiques à nos engagements climatiques : je pense que les temps sont mûrs pour instaurer une telle éco- conditionnalité et pour que l'État puisse inciter puissamment le secteur privé à suivre une démarche de planification écologique. Un arrêté allant dans ce sens a déjà été pris fin 2021 pour les entreprises dont l'État est actionnaire : cette dimension chère à la Convention citoyenne pour le climat sera-t-elle incluse dans la feuille de route environnementale du Gouvernement pour faire ainsi de la France une « Nation verte » selon l'expression de la Première ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

En 2019, avec notre collègue Michel Vaspart, nous avons remis un rapport traitant des conséquences du réchauffement sur le nombre et l'intensité croissants des aléas climatiques. J'ai ensuite déposé une proposition de loi pour réformer le régime des catastrophes naturelles ; celle-ci a été examinée au Senat et intègre la problématique de la sécheresse et plus particulièrement du retrait/gonflement des sols argileux.

L'année dernière, nous avons examiné une pâle copie de cette initiative en provenance de l'Assemblée nationale mais le problème reste entier puisque la problématique des sols argileux n'a pas été incluse dans ce texte. Or selon certains experts, cette problématique concerne la moitié de la population et représente une véritable « bombe sociale », dans la mesure où plus de 60 % du sol métropolitain a une composition argileuse. Dans mon département, à la suite de la sécheresse de cet été, de nombreux dossiers de maisons fissurées - qui sont le désespoir de nombreux citoyens - remontent en procédure de catastrophe naturelle. Comment comptez-vous vous impliquer dans ce dossier pour apporter les vraies réponses qui font défaut aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Anglars

Je me réjouis tout d'abord des précisions que vous avez apportées sur les modalités d'attribution du fonds vert : celles-ci relèvent du bon sens.

S'agissant des petites communes : là aussi nous vous aiderons à dégager des solutions de bon sens. Vous avez évoqué des réserves qui ne seraient pas ciblées sur des parcelles mais maintenues à la disposition des territoires : c'est également, à mon avis, la bonne solution car on a affolé inutilement les populations en prononçant la formule « ZAN » pour zéro artificialisation nette alors qu'il aurait été préférable de parler simplement de sobriété foncière.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Tout d'abord, au plan institutionnel, on a bien compris que sur les grandes politiques de transition, le secrétariat général de Matignon assure la coordination entre le pilier de la transition écologique et celui de la transition énergétique.

S'agissant des diverses COP consacrées au climat, à la biodiversité et à la désertification, on constate une convergence de manière générale, mais au niveau français, les chefs de file sont différents d'une COP à l'autre, avec Mme la ministre Pannier-Runacher pour le climat et vous-même pour la biodiversité - et je ne me souviens plus qui est en charge de la désertification. Alors que l'ONU préconise une unification des discours, la France a éclaté les suivis ministériels : je vous interroge donc sur la coordination dans ce domaine.

En second lieu, on comprend bien qu'un ministre doive gérer des injonctions contradictoires, comme par exemple en matière de chasse. Je souligne ici que, du point de vue financier, les injonctions contradictoires sont encore bien plus importantes. En termes de transition énergétique, les besoins de financement ne rentrent pas dans le cadre budgétaire classique. Or nous sommes un peu en « économie de guerre » et, dans cette situation on a coutume d'accepter des déficits pour combler les retards accumulés. La petite musique de Bercy, pour sa part, n'a pas changé et exprime un souhait de retour à l'orthodoxie financière. Il est néanmoins absolument impossible de tenir nos objectifs climatiques et environnementaux sur nos territoires sans déficit : par exemple, la ville de Nantes a besoin d'un milliard d'euros pour rénover bâtiments publics. Le travail avec des réseaux de collectivités sur le « budget vert » - que vous avez évoqué - pourrait-il ouvrir sur des normes d'endettement réaménagées pour permettre de remplir plus vite les objectifs de transition sans susciter de critiques de laisser-aller budgétaire ? C'est une question centrale qui porte à la fois sur l'investissement et sur le fonctionnement. Il m'a d'ailleurs semblé que l'ouverture du fonds vert à des crédits d'ingénierie et donc de fonctionnement était opportunément envisagée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Si nous sommes bien entendu d'accord sur les objectifs de parts modales de transport de voyageurs ou de fret, avec un doublement du ferroviaire à l'horizon 2030, je n'arrive pas à comprendre comment cette évolution est compatible avec la trajectoire que vous envisagez pour les péages ferroviaires. En effet, le contrat de performance prévoit entre 2021 et 2030 une trajectoire d'augmentation globale de 55 % de ces derniers. Nous avons évoqué les montants d'investissements nécessaires pour ce « New Deal ferroviaire » mais n'oublions pas que les 2,8 milliards d'euros par an que doit y consacrer SNCF réseau proviennent de ses fonds propres, c'est-à-dire, en grande partie des recettes de ces péages. N'y a-t-il pas, dès lors, une contradiction car comment peut-on réussir le développement de nos réseaux express métropolitains ou des TER avec des perspectives d'augmentation des péages de cet ordre ? J'espère que la loi de programmation ferroviaire qui est envisagée reposera sur des bases autres que la hausse contre-productive des péages ferroviaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Denise Saint-Pé

Je formule deux interrogations qui, à mon sens, devraient constituer des points de vigilance pour l'État.

S'agissant de la desserte du numérique, vous avez eu raison de rappeler que le développement des technologies satellitaires fait office de dernier recours dans le monde rural. J'appelle cependant à la vigilance : pour avoir utilisé moi-même cette technologie, il faut savoir qu'elles sont très sensibles aux coupures d'électricité, entraînant un risque de déprogrammation des appareils connectés, ce qui entraîne des pertes de temps quand on doit tout remettre en ordre. Or, soyons réalistes, nous subirons sans doute des coupures d'électricité cet hiver et je crains que le monde rural ne soit particulièrement touché avec des distributeurs qui, en s'efforçant de limiter le nombre de contestations des usagers, auraient peut-être tendance à localiser les coupures dans les zones rurales de moindre densité plutôt qu'en plein coeur de ville. Il faudra donc que l'État fasse très attention à ce risque et veille à ce que les distributeurs d'énergie ne défavorisent pas systématiquement le monde très rural.

Le second point d'alerte porte sur la fin du réseau cuivre programmé par Orange en 2024. Il faudrait absolument que l'État soit très attentif au conventionnement avec cette entreprise et aux exigences de celles-ci. En effet, Orange a des difficultés financières et pourrait avoir tendance à délaisser le monde très rural.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Lahellec

Au début de l'audition vous avez évoqué les raisons d'espérer et je ne voudrais pas contrarier cet objectif. Je souhaite aborder la question des transports car ce secteur est le plus émetteur de gaz à effet de serre et la problématique de la mobilité est au coeur des territoires. C'est également le secteur dans lequel les pouvoirs publics ont la possibilité d'intervenir.

Je me méfie de l'affirmation selon laquelle les transports sont le premier secteur émetteur car si nos politiques publiques étaient plus ambitieuses il est vraisemblable que ses émissions seraient moindres. Nous devrions, de ce point de vue, conforter plus encore et mieux toutes nos autorités organisatrices de mobilité, sans oublier les régions. En effet, on a privilégié la prise de compétence mobilité par les collectivités territoriales de base et certaines d'entre elles ont décidé de l'assumer mais, quand ce n'est pas le cas, cette compétence mobilité revient à la région. Ainsi l'échelon institutionnel chargé de bâtir la stratégie transports est également celle à qui on demande de « boucher les trous » : ce n'est pas simple du tout comme en témoignent de nombreuses illustrations de la crise que traversent nos transports et que nous vivons tous. Par exemple, le transport scolaire fonctionne souvent avec des retraités payés environ 450 euros par mois et on comprend, dans ces conditions, la difficulté d'atteindre des objectifs ambitieux dans ce domaine.

Je pense donc qu'il faut conforter les autorités organisatrices : c'est la condition pour mieux développer les transports urbains collectifs et aussi pour enclencher un processus de croissance du covoiturage dans les zones ou bassins d'emploi où cela est nécessaire.

Il faut également une ambition publique pour développer les infrastructures ferroviaires. Un risque nous guette : on ne peut pas envisager le désendettement en interdisant aux entreprises ferroviaires de se développer, sans quoi on se heurtera à un mur. Le contrat de performance en est une tragique illustration : appliqué à ma région, ce contrat donne l'impression que la Bretagne commencerait à Rennes et s'arrêterait à Rennes, ce qui n'est pas tout à fait le cas...

Debut de section - Permalien
Christophe Béchu, ministre

En premier lieu, la Première ministre s'est engagée à faire en sorte que les chèques énergie puissent couvrir les achats de pellets (ou granulés de bois). La mesure sera intégrée dans le projet de loi de finances rectificative présenté ce matin en conseil des ministres et perfectionnée par voie d'amendements. Il ne faut pas qu'on ait des « oubliés des pellets » alors même qu'on les a incités à abandonner les chaudières au fioul. J'avoue que les mécanismes de fixation des marges des fabricants et importateurs de pellets, vous avez atteint les limites de mes connaissances. Je vais me renseigner sur d'éventuelles marges excessives ou rentes.

Sur l'Ademe, la problématique de la gouvernance ne m'avait pas échappé. Je signale l'élément de complexité suivant : nous cherchons à la fois un président et un directeur, avec plusieurs combinaisons ou nuances possibles - directeur général ou directeur général délégué, par exemple : en tous cas, nous approchons de la « fumée blanche ». S'agissant du PLF et de votre question sur les aides publiques assorties de conditions environnementales : à court terme nous soutenons, dans le cadre de la directive européenne « due to diligence » (directive sur le devoir de diligence), la capacité de lier la performance environnementale avec le niveau de bonus auquel les dirigeants pourraient prétendre à l'échelle européenne. Autant sur les entreprises publiques nous pensons avoir des outils d'action, autant, s'agissant des entreprises privées, il nous faut porter le sujet à l'échelle européenne car c'est le niveau opérationnel où elles sollicitent des aides.

Sur le retrait / gonflement d'argiles, je vous indique que le conseil des ministres du 12 octobre a pris une ordonnance qui précise un certain nombre de règles : cela tient compte des événements de l'été et simplifie un certain nombre de procédures. Olivier Klein porte, dans son pôle ministériel, ces sujets. Votre réflexion sur le régime des catastrophes naturelles est juste et le niveau des dépenses ne cesse d'augmenter : c'est une incitation à agir, non pas en modifiant la prise en charge par l'État, ce qui reviendrait à « casser le thermomètre », mais en assumant les coûts de l'adaptation.

En ce qui concerne la participation aux COP, vous avez parfaitement résumé la situation pour les COP15 et 27. Pour les autres, qui traitent par exemple des zones humides ou du commerce international d'espèces, le ministère de la transition écologique y participe de façon systématique et la coordination est toujours effectuée par le ministère des affaires étrangères, y compris pour la COP27 ; seule la question du chef de filât peut parfois se poser.

S'agissant de l'endettement, j'arrive à la même conclusion que vous, mais par un cheminement différent. Je pense qu'il faut qu'on s'autorise à sortir du cadre du classicisme budgétaire pour régler une partie du problème de l'ampleur des investissements climatiques. La rénovation est sans doute le meilleur exemple illustratif : certains domaines nécessitent des financements publics sans pouvoir générer de retours sur investissement monétaires ; en revanche, ils apportent des bénéfices climatiques considérables et cela justifie des allocations publiques - tel est le cas pour le ferroviaire sur lequel je reviendrai plus tard.

Dans d'autres domaines, il y a déjà des équations budgétaires en place : utiliser l'argent du contribuable, si des modèles existent déjà pour leur permettre d'échapper à la logique financière classique, me paraît une bonne politique. Nous devons nous inspirer des bonnes pratiques appliquées chez nos voisins : certains pays utilisent, par exemple, leur établissement financier similaire à notre Caisse des dépôts pour financer des dépenses qui font l'objet en France d'allocations budgétaires. Ainsi, en Allemagne, la nationalisation d'un énergéticien passe par la KfW - homologue allemand de la Caisse des Dépôts - et pas par le budget fédéral, ce qui permet de ne pas activer les critères de convergence dits de Maastricht et de conserver des marges de manoeuvre budgétaires. Je crois au modèle de l'économie mixte pour prendre le relais d'une partie des investissements qui sortent de la logique financière classique. Nous travaillons, dans ce sens, à une modification de la commande publique pour que les collectivités locales et l'État puissent bénéficier du dispositif de tiers-financement en matière de rénovation - dans lequel le montant des économies d'énergies réalisées permet de financer les travaux - ce qui autorise de s'abstraire d'évaluations complexes sur le nombre de milliards à investir. Nous avons, en France, entre 400 et 500 millions de mètres carrés publics, ce qui signifie que, pour un coût de rénovation de 1 000 euros par mètre carré, il faut se donner l'ambition de changer le mode de financement quand cela est souhaitable, sans quoi les calculs classiques donnent le tournis pour évaluer le nombre d'années nécessaires pour aboutir à la décarbonation du parc. Il faut également explorer des modes opératoires moins invasifs et moins coûteux : en particulier, on n'a pas suffisamment exploité les mécanismes de géostockage et de géothermie. Je m'apprête, dans cet esprit, à lancer un appel d'offres pour décarboner l'hôtel de Roquelaure qui concentre toutes les difficultés qu'un architecte des bâtiments de France pourrait imaginer et, ici encore, la géothermie a un potentiel inexploité. La modification du code de la commande publique permettant de faire appel au financement précompté en se remboursant sur les factures me semble prometteuse. Pour éviter des scandales dans le cadre des partenariats publics privés, on peut imaginer, pour accélérer la réalisation des travaux, de mettre en place des opérateurs publics capables de porter ces investissements comme des SPL (sociétés publiques locales) ou des SEM (société d'économie mixte) ; on peut également mobiliser la galaxie financière de la Caisse des dépôts. Au niveau local, je prends l'exemple que je connais bien des 50 millions d'euros investis dans le changement des 30 000 lampadaires de la collectivité angevine permettant d'économiser 70 % du montant des factures : on ne peut pas attendre des collectivités locales qui manquent de moyens d'apporter la mise initiale alors même qu'il s'agit d'un investissement rentable et bon pour le climat. Je plaide pour élargir la question des moyens en dehors du cadre argent public / taxe / interdiction / sanction : il faut réorienter les financements privés, utiliser les leviers - comme les green bonds - que nous n'utilisons pas et utiliser des mécanismes permettant de ne pas augmenter la dette publique ainsi que de sortir des contraintes maastrichtiennes.

La question des péages ferroviaires est à considérer de manière globale. Le plus important pour favoriser le report modal est de prendre en compte l'offre avant le prix. Le meilleur transport en commun est celui où il est le plus dense et non pas celui où il est le moins cher, comme à Lyon et Strasbourg qui fournissent l'exemple d'un réseau de qualité dont les recettes permettent d'investir en permanence. Le vrai sujet, sur le ferroviaire, est donc d'abord celui de l'offre, de la ponctualité, des infrastructures et de dispositifs de signalisation comme l'ERTMS qui permet d'optimiser et d'internationaliser le trafic - nous sommes, dans ce domaine, très en retard et des milliards d'euros seront nécessaires pour une remise à niveau. S'agissant du fret, il faudra également financer le coût d'adaptation permettant d'avoir un dispositif européen, avec des wagons qui communiquent entre eux et évitent des opérations de manutention ; c'est un levier de doublement de la part du fret ferroviaire et vous avez publié au Sénat un excellent rapport sur ce thème qui mérite d'être appliqué dans un certain nombre de ses recommandations. Le sujet des plateformes concerne surtout l'aménagement du territoire : elles doivent atteindre une taille suffisante pour pouvoir stocker un nombre suffisant de conteneurs et utiliser les sillons disponibles. La question des péages n'est qu'un élément au sein de cette problématique générale : il s'agit de déterminer le niveau d'investissement que nous demanderons à la SNCF ainsi qu'à Réseau ferré de France d'assumer et la partie qui sera financée par l'État.

Par ailleurs, vous avez très justement souligné la nécessité de soutenir les autorités organisatrices de transport, sans alimenter les unes en déshabillant les autres. Je pense que le versement mobilité à l'échelle des intercommunalités est nécessaire et je pense même, à titre personnel, que le fait de mettre en place une ZFE représente une strate et un niveau d'engagement complémentaire qui peut dégager des moyens pour développer des transports en commun.

Le mot de la fin : notre pays ne pèse que 0,9 % des émissions mondiales, mais nous devons agir au quotidien comme si 100 % du réchauffement climatique dépendait de nous. Il faut aussi se rappeler que la diplomatie environnementale est essentielle car plus on conduira des ruptures, plus il faudra pouvoir répondre aux interrogations de nos concitoyens qui se demanderont pourquoi leurs efforts - par exemple d'électrification de leurs véhicules - ne se traduisent pas par une amélioration de la situation climatique globale. Cela suppose de tenir un discours responsable : il ne faut pas parler d'inaction climatique alors que la France fait partie des seuls 20 pays au monde qui ont commencé à baisser leurs émissions ; certes, notre rythme de décarbonation est encore insuffisant, mais il ne faut pas faire croire aux Français que nous ne faisons rien. Il faut également encourager les efforts réalisés par ceux-ci sans quoi nous risquons d'affaiblir notre « équipe de l'écologie ». L'adhésion de la population est un sujet important, sans quoi on perd du temps : cela a été le cas avec la trajectoire carbone car on a oublié de se demander si elle était socialement supportable et territorialement juste. Il faut donc du dialogue et l'union des énergies de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Merci monsieur le ministre et merci à vous, madame la secrétaire d'État.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

- Présidence de M. Guillaume Chevrollier, vice-président -

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Mes chers collègues, par coordination avec les travaux de nos collègues de la commission des affaires économiques, je vous propose de déclarer irrecevable l'amendement n° 541 de M. Sebastien Pla au titre de l'article 45 de la Constitution.

La liste des amendements déclarés comme cavaliers législatifs que nous avons approuvée au début de notre audition sera donc ainsi complétée.

La réunion est close à 19 h 20.