Monsieur le Président, votre première question portait sur la diplomatie environnementale, alors que nous préparons la COP 27 sur le climat et la COP 15 sur la biodiversité. Ces rendez-vous sont cruciaux et, si la diplomatie est indispensable dans tous les domaines, elle l'est d'autant plus quand nos choix et nos actions ont des conséquences directes sur nos voisins.
Le monde continue à augmenter ses émissions de gaz à effet de serre (GES). De plus, tous les rapports montrent qu'en l'absence d'un sursaut, l'Accord de Paris comme les décisions prises à Glasgow appartiendront bientôt au passé. Le covid avait offert un répit en termes d'émissions, mais celles-ci ont repris et dépassent, à l'échelle mondiale, leur niveau d'avant la pandémie.
Dans ce contexte, un seul continent a commencé à baisser ses émissions : le nôtre. Nous nous rendons à Charm el-Cheikh forts de cette avancée, mais pas dans l'intention de donner des leçons. En effet, nous appartenons à un club de pays ayant grandement contribué au réchauffement au cours de notre histoire. De plus, nous n'avons pas atteint le rythme qui devrait être le nôtre pour atteindre l'objectif de 55 % de réduction de nos émissions d'ici 2030 - sans parler de la neutralité carbone à l'horizon 2050.
La France suit cette ligne : l'objectif de + 1,5 degré doit être maintenu. Cette ligne nous oblige à agir, à être ambitieux et à crédibiliser les stratégies de décarbonation. J'attire par exemple votre attention sur le fait que les mesures prises sur les moteurs thermiques à l'horizon 2035 constituent l'un des éléments de crédibilité de la feuille de route de l'Union européenne quant à la diminution de notre dépendance aux énergies fossiles.
Je voudrais également mentionner une mesure, qui ne coûte rien, mais dont l'impact est considérable : la suppression de la garantie que la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) pouvait apporter, dans le cadre d'opérations visant à trouver de nouveaux gisements d'énergies fossiles. Désormais, le Gouvernement n'aura plus de lien avec les opérations liées à la recherche d'énergies fossiles.
À Charm el-Cheikh, nous profiterons de la journée du 16 ou du 17 novembre pour travailler sur la question de la biodiversité et renforcer nos chances de parvenir à un accord en vue de la COP 15, qui ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
En ce qui concerne la COP 27, un certain nombre d'acteurs pensent qu'après Paris et Glasgow et dans le contexte actuel, au moment de la reprise et avec la guerre, il s'agira plutôt d'une COP de transition que d'une COP d'engagement.
Cela ne peut être le cas de la COP 15 qui sera cruciale, et que nous avons en ligne de mire depuis des années. Notre ambition est de parvenir à établir des objectifs mesurables et quantifiables, ainsi qu'un calendrier. Avec le Costa Rica, la France anime une coalition à la ligne ambitieuse. Nous sommes 105 pays et défendons l'objectif « 30x30 », soit 30 % des terres et 30 % des mers faisant l'objet d'une préservation à l'horizon 2030. Nous nous heurtons à l'hostilité de certains pays dont la Chine, qui présidera cette COP - déplacée au Canada pour des raisons liées au covid. La Chine a déjà affirmé qu'il était hors de question pour elle de s'engager à la protection de ses eaux maritimes, compte tenu de ses besoins stratégiques. Je donne cet exemple, mais le reste est à l'avenant.
Néanmoins, jusqu'au début de cette COP en décembre, nous devons maintenir la pression afin d'obtenir des avancées sur ce sujet essentiel. Je ne vais pas revenir sur la sixième extinction, mais je me permets de rappeler que même dans notre pays, 18 % des 14 000 espèces avec lesquelles nous vivons sont menacées.
J'en viens à l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Je veux remercier le Sénat, sans ironie, parce que la toute première question au Gouvernement qui m'a été posée portait ici sur ce sujet. J'ai pu mesurer sur ce sujet à quel point le relais dont vous disposez sur les territoires est fin et vous permet d'être précurseurs.
Nous avons déjà accompli un certain nombre de choses. D'abord, dès le début du mois d'août, j'ai demandé aux préfets d'arrêter d'appliquer par anticipation les décrets du 29 avril, dont j'avais souligné la nécessaire réécriture dès le milieu du mois de juillet.
Comme prévu, les conférences des schémas de cohérence territoriale (SCoT), dont nous ne pouvions déplacer la date fixée au 22 octobre en raison de son inscription dans la loi, ont permis de constater qu'il n'y avait nulle part le moindre accord et que, dans ces conditions, il fallait définir la territorialisation du ZAN dans le cadre des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).
Dans l'intervalle, la consultation a commencé au Sénat. J'ai rencontré fin août des membres de la commission des affaires économiques et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et j'ai pu échanger avec les membres du groupe de travail rassemblant des sénateurs de quatre commissions. Par ailleurs, j'ai rencontré les députés et reçu les principales associations d'élus locaux. Lors de ces entretiens, j'ai affirmé que nous ne remettions pas en cause l'ambition du ZAN, mais que certains éléments devaient être revus en matière de méthode. Le décret sur la nomenclature est acté et j'attends pour le mois de novembre le retour des agences d'urbanisme qui ont travaillé avec des villes pour reprendre toutes les caractéristiques du décret, en conserver les bons éléments tout en se montrant attentives à ce qui pourrait se décider dans le cadre de la loi d'accélération des énergies renouvelables.
Par ailleurs, un consensus émerge sur la nécessité pour les collectivités d'avoir un compté à part pour les projets d'importance nationale comme le canal Seine-Nord Europe ou le grand projet ferroviaire du Sud-Ouest. On ne peut ajouter un handicap en termes de surface aux retards liés à de grandes opérations de désenclavement ou à des opérations majeures qui doivent permettre de décarboner une partie de nos transports. Cela viendrait menacer les objectifs que nous poursuivons.
En outre, il nous faut corriger dès maintenant un certain nombre d'éléments, notamment en ce qui concerne l'application du solde.
Enfin, quelques questions périphériques se posent. Ainsi, les régions se disent prêtes à la discussion, mais le temps dont elles disposent sera court. En effet, nous n'avons pas encore stabilisé les textes et la période prévue entre le 22 octobre et le 22 février pourrait donc commencer plus tard et durer moins longtemps.
D'autres sujets devront être pris en compte, comme la manière d'assurer que le ZAN ne se fasse pas sur le dos des plus petites communes et que la répartition de l'effort soit juste.
Enfin, j'en viens à la question du financement et de l'accompagnement des collectivités. Je dois revoir Jean-Baptiste Blanc, rapporteur du groupe de travail du Sénat, sur la question des évolutions de la fiscalité. Nous réfléchissons beaucoup aux façons d'aider les maires à rendre moins onéreuse la dépollution des friches, mais pas assez aux manières de rendre plus chère l'artificialisation des terres. Si l'on s'oppose à l'étalement urbain, on peut se poser la question d'une forme de fiscalité qui augmenterait le coût de cette artificialisation et fournirait des moyens aux collectivités pour financer des opérations de renaturation et de dépollution.