Intervention de Christophe Béchu

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 novembre 2022 à 16h30
Audition de M. Christophe Béchu ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et de Mme Dominique Faure secrétaire d'état chargée de la ruralité

Christophe Béchu, ministre :

J'en viens au sujet de l'eau et de l'air, qui est aussi pertinent dans la ruralité que dans les villes, et sur lequel le sénateur Chevrollier m'a posé deux questions.

D'abord, sur l'eau, je n'envisage pas de loi à ce stade parce que je considère que les dispositifs existants offrent une grande marge d'amélioration. De plus, le temps que nous mettrions à écrire une telle loi nous détournerait de nombreuses mesures que nous devons mettre en place dès maintenant, et pour lesquelles les difficultés peuvent être budgétaires et réglementaires, mais pas législatives.

Notre cadre d'action est fixé par les Assises de l'eau, qui se sont tenues en 2019, et le Varenne agricole de l'eau de 2021. En un an et demi, nous n'avons pas réussi à diminuer le niveau des prélèvements agricoles alors que des feuilles de route sont établies filière par filière. Il ne s'agit pas d'un défaut de diligence de la part des agriculteurs ou des législateurs, mais lorsqu'on fixe une ambition, il faut un minimum de temps pour que les choses adviennent.

Il est vital que notre agriculture puisse consommer moins d'eau, afin de préserver la ressource, de sécuriser notre alimentation et d'éviter d'avoir recours à des importations de produits ayant généré des émissions importantes et pouvant s'avérer mauvais pour la santé. En effet, peu de pays se montrent aussi regardants que le nôtre sur les conditions de production.

Le 29 septembre dernier à Marseille, dans une configuration inédite, avec les ministères de la santé et de l'agriculture, nous avons réuni le Conseil national de l'eau, les acteurs de la gestion de la ressource, les préfets et les élus. Il s'agissait de revenir sur la sécheresse de l'été et d'exposer nos pistes de travail. Ces acteurs doivent rendre à la fin de l'année une liste de propositions concrètes.

La sécheresse de cet été a résulté de dix mois de déficit pluviométrique et d'un mois de juillet ayant battu tous les records, avec 88 % de pluie en moins par rapport à un mois de juillet normal.

Nous avons tiré une première leçon et pris un décret qui permet de surveiller les étiages pendant l'hiver et de prendre les décisions qui s'imposent. Je rappelle que cinquante départements appliquent encore des arrêtés de restriction à l'heure où nous parlons. Par ailleurs, la quasi-totalité des départements n'ont pas retrouvé les niveaux d'eau habituels. Des écarts demeurent particulièrement préoccupants, notamment en ce qui concerne le niveau de la Loire, mais aussi en Bretagne, où la situation est particulièrement complexe.

Face à ce problème, il faut d'abord cibler les pertes qui adviennent sur nos réseaux d'eau potable, et qui représentent 20 % en moyenne. Une réduction totale de ces pertes ne serait pas un objectif réaliste, mais les taux de perte des réseaux variant de 5 à 70 %, des marges d'amélioration existent.

Je ne suis pas certain que les solutions qui s'imposent plairont à tout le monde. Dans un certain nombre de cas, la quasi-totalité des communes privées d'eau potable géraient seules leur eau, sans interconnexion. En outre, les plus menacées, pour lesquelles il aura fallu distribuer des bouteilles d'eau en plastique à grande échelle, souffraient souvent d'un manque d'interconnexion et parfois d'investissement, expliquant l'état des réseaux. On peut se targuer de distribuer l'eau la moins chère de France, mais il faut apprendre à se poser la question de sa disponibilité. En effet, si l'eau la moins chère n'est disponible que neuf mois sur douze, on ne peut s'en réjouir. Et si les syndicats ou la commune doivent ensuite payer l'eau potable pour l'ensemble des habitants, il faut intégrer le coût de ces conséquences.

J'en viens à la réutilisation des eaux. Celle-ci constitue un enjeu majeur, car nous ne réutilisons que 0,8 % de nos eaux usées, dix fois moins qu'en Italie, vingt fois moins qu'en Espagne et cent fois moins qu'en Israël. Nous avons d'importantes marges de progrès pour faire au moins aussi bien que les Italiens : arroser des massifs avec de l'eau potable a de quoi nous interpeller ! Il faut amplifier notre action, métier par métier et en lien avec les professions concernées, pour diminuer la consommation d'eau.

Après l'eau, j'en viens à l'air. Vous avez mentionné la condamnation de la France le 17 octobre 2022. Le 14 octobre, le rapport annuel sur la qualité de l'air faisait état d'une amélioration, raison pour laquelle l'arrêt du Conseil d'État ne conclut pas à une augmentation des astreintes. Nous avions 13 agglomérations en dépassement en 2017, 8 en 2020, 5 en 2021 et seulement 3 en 2022. Les zones à faibles émissions (ZFE) fonctionnent. Ainsi, à l'intérieur du périmètre de l'A86, 50 000 habitants sont passés sous le seuil. La difficulté est de mettre en place ces zones sans octroi et sans barrages qui donneraient l'impression que les gueux roulant au diesel ne sont pas admis dans des villes peuplées de bourgeois à vélo. Une telle lecture dresserait de nouveau les Français les uns contre les autres.

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