Intervention de Christophe Béchu

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 2 novembre 2022 à 16h30
Audition de M. Christophe Béchu ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et de Mme Dominique Faure secrétaire d'état chargée de la ruralité

Christophe Béchu, ministre :

Sur les refuges, nous attendons une étude sur un refuge marin, pour lequel nous disposerons d'éléments fin mars. La pérennisation des espèces est aussi au coeur de nos discussions avec les gens du cirque, car une partie de ces refuges accueillera les animaux sauvages. Nous les avons rencontrés à Bercy, avec Olivia Grégoire, pour discuter des barèmes d'indemnisation et de la cessation d'activité. Il en est question dans la stratégie nationale biodiversité 2030 (SNB), mais pas dans le PLF pour 2023 proprement dit. Les crédits seront abondés de manière marginale, par exemple par le loto de la biodiversité.

Le fonds vert est doté de 2 milliards d'euros. Plutôt que des appels à projets, nous préférons déconcentrer les fonds à l'échelle des préfectures pour que l'utilisation des sommes soit la plus rapide possible. C'est un nouveau dispositif, même s'il prend la suite du plan friches, qui était doté de 300 millions et qui avait été déployé dans le cadre du plan de relance. Ce fonds vise à soutenir l'action des élus en faveur du climat : mesures d'atténuation au changement climatique ou d'adaptation à ses conséquences, mesures en faveur du maintien de la biodiversité. Les enveloppes de crédits sont prévisionnelles : compte tenu des besoins, on estime que 150 millions d'euros pour les territoires en ZFE devraient être à la hauteur des enjeux. Nous souhaitons que ce fonds puisse être aussi mobilisé pour lutter contre l'érosion du trait de côte dans les littoraux, pour rénover les éclairages publics, déminéraliser des cours d'école, planter des arbres pour réaliser des îlots de fraîcheur, etc. Je pense que les demandes seront suffisamment nombreuses pour démontrer l'utilité du fonds.

Une autre question est de savoir comment les collectivités vont réorienter leurs crédits vers des priorités climatiques. C'est pourquoi nous mettons en place des budgets verts, afin de disposer d'un outil de discussion avec les collectivités : nous voulons aboutir en 2023 ; nous sommes engagés dans une démarche de coconstruction. Les associations d'élus nous feront remonter des propositions de maquettes par niveau de collectivité. Cet outil ne doit pas être à la main de Bercy, mais doit constituer un outil de discussion sur l'environnement pour mieux agir ensemble.

L'objectif de décarbonation des transports en 2035 est-il crédible ? Le but de la politique n'est pas de se demander ce qui est possible, mais de rendre possible ce qui est nécessaire ! Si l'on veut endiguer le réchauffement climatique, il faut lutter contre les énergies fossiles. Oui, ce sera difficile, nous aurons besoin de métaux rares, nous devrons répondre à des enjeux en termes d'équipement du territoire. Mais le coût de l'inaction est considérable. On commence à le voir avec la guerre en Ukraine. La souveraineté énergétique est essentielle. Il importe de ne pas dépendre d'énergies que nous ne produisons pas. Nous devons donc commencer par lutter contre le gaspillage - c'est la sobriété énergétique -, et développer des sources d'énergies alternatives. Heureusement d'ailleurs que la France a son parc nucléaire qui lui permet de produire une énergie décarbonée et constante, tandis que les énergies renouvelables sont intermittentes, ce qui contraint les pays qui ont refusé le nucléaire à rouvrir des centrales à charbon ! Les générations futures ne seront pas tendres pour ceux qui ont fait la guerre au nucléaire et nous ont détournés d'un moyen efficace de lutter contre le dérèglement climatique...

La question du loup est particulièrement complexe. Nous devons réviser le plan loup en 2023. Dans sa précédente version, il fixait un objectif de 500 loups présents sur le territoire français pour garantir la protection de l'espèce. Mais aucun maximum n'était fixé. Or on compte aujourd'hui plus de 900 loups sur le territoire ; leur population s'accroît d'une centaine d'individus chaque année et de nouveaux territoires se retrouvent ainsi confrontés à leur présence. La confrontation n'est pas simple, mais avec l'expérience on apprend à vivre avec le loup. Avec le ministère de l'agriculture, on travaille dans plusieurs directions. On a constaté que nous ne réalisions pas le nombre de tirs de prélèvements autorisé par les textes - jusqu'à 19 % de l'effectif estimé - parce que les procédures sont trop complexes. Nous devons donc simplifier le dispositif. Plusieurs pistes sont à l'étude : sur les frontières administratives, les attaques multiples, etc. L'indemnisation est une autre question : les agriculteurs se plaignent qu'une bête disparue ne soit pas indemnisée si la carcasse n'est pas retrouvée. Les procédures sont aussi chronophages pour les agents de l'OFB. On doit s'interroger sur le cas des multiprédations, sur les équipements, sur le soutien aux louvetiers, etc. Une deuxième brigade spécialisée de l'OFB va être mise en place. Les sujets sont nombreux, et nous y travaillons avec Bérangère Couillard, en lien avec nos partenaires européens. Nous espérons aboutir l'an prochain.

En ce qui concerne les agences de l'eau, ce qui valait pour 2022 pourrait être aussi valable en 2023, avec d'éventuels compléments de crédits en cours d'année. On évaluera les besoins financiers et on verra comment compléter éventuellement les 2,2 milliards de recettes prévues dans le projet de loi de finances. Je rappelle que les agences de l'eau ont une trésorerie de 500 ou 600 millions d'euros, aisément mobilisables.

En ce qui concerne le cuivre, ma réponse est la même que pour le lithium : nous avons besoin de nous doter d'une stratégie d'accès à ces métaux précieux pour garantir notre indépendance. Mais on voit bien que le développement de gisements pose des questions en termes d'acceptabilité, de sécurité, etc. C'est pourquoi nous mettons l'accent sur la sobriété énergétique, sur la réduction du poids et de l'empreinte énergétique des véhicules.

Le Parlement européen a voté, dans le prolongement de la présidence française de l'Union européenne, un texte très ambitieux pour lutter contre la déforestation importée. Les importations de l'Union européenne représentent en effet 16 % de la déforestation liée au commerce mondial. Il s'agit d'interdire les produits dont les importateurs ne pourront pas prouver qu'ils n'ont pas entraîné de déforestation. Les discussions se poursuivent pour parvenir à un accord en trilogue entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l'Union européenne. Des points sont en discussion : faut-il inclure les tourbières et les savanes ? Faut-il inclure les activités financières ? Quels sont les produits concernés ? Etc. Nous espérons qu'un compromis ambitieux sera trouvé. Nous ne devons pas contribuer à alimenter dans d'autres pays les phénomènes dont nous ne voulons plus en Europe. Et cela vaut aussi pour la prolifération du plastique. La France est en avance sur ce point. Nous espérons qu'un accord contraignant pour mettre fin à la pollution plastique, avec des interdictions à l'horizon 2040, pourra être conclu au niveau international, mais les objectifs ne sont pas partagés par tous les pays et les avancées restent timides.

La question des pesticides ou des traces de produits chimiques relève du règlement sur les produits chimiques Reach. La Commission européenne a envoyé un mauvais signal en annonçant qu'elle souhaitait repousser sa révision à la fin de l'année 2023. Avec l'Allemagne, la Finlande, la Suède, la Norvège, nous avons souligné la nécessité d'adopter un cadre plus contraignant avant les élections européennes. Il est d'autant plus urgent de durcir nos règles que les modifications ne prendraient effet que cinq ans après la révision. Cela permettrait aussi à l'industrie de se préparer.

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