Intervention de Philippe Marini

Réunion du 21 juin 2011 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2011 — Article 6

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Nous abordons l’article 6, relatif au traitement fiscal des trusts. C’est un sujet techniquement et juridiquement très complexe, car les trusts, qui sont très nombreux de par le monde, et plus spécifiquement dans les pays anglo-saxons, n’existent pas en droit français. Il existe, depuis 2007, une fiducie que nous avons créée mais qui est loin de pouvoir être utilisée pour toutes les finalités auxquelles correspondent les trusts.

Si ces derniers sont désignés à l’article 120 du code général des impôts, dans le domaine de l’impôt sur le revenu, rien n’est prévu actuellement en matière de taxation de la détention ou de la transmission du patrimoine.

Or il arrive que des résidents fiscaux français constituent des trusts ou en soient bénéficiaires. Dès lors, en cas de litige, le juge en est aujourd’hui réduit à extraire du contrat de chaque trust le modèle à lui appliquer, en fonction du droit français de la propriété qui, souvent, s’adapte mal à ces montages relevant de concepts et d’un esprit différents.

De plus, des contribuables ont pu être tentés de tirer parti de l’opacité de certaines formes de trusts pour pratiquer une évasion fiscale pure et simple. On peut le supputer ou le supposer.

Il en résulte une grande incertitude juridique aussi bien pour l’État que pour les constituants ou les bénéficiaires de trusts, et ce n’est satisfaisant pour personne. D’où l’initiative du Gouvernement de nous soumettre cet article 6. Il fait preuve d’audace, fait œuvre utile en insérant dans le collectif budgétaire un article destiné à régler la situation des trusts.

Pour aller droit au but, rappelons que cet article définit les trusts en droit français, qu’il instaure des obligations déclaratives à la charge des administrateurs des trusts dont le constituant ou l’un au moins des bénéficiaires est un résident fiscal français. En cas de manquement, il est précisé que l’amende sera due solidairement – ce qui pose des problèmes – par l’administrateur, le constituant ou les bénéficiaires.

Dès lors, le texte définit un régime fiscal des mutations réalisées au sein des trusts à partir du droit ordinaire en matière de mutations à titre gratuit.

Rappelons en dernier lieu que, selon ce texte, les règles relatives à l’ISF s’appliquent aux biens ou droits détenus par des résidents français dans des trusts, ainsi qu’aux biens ou droits français détenus par des non-résidents.

En cas de défaut de déclaration au titre de l’ISF, l’article crée un prélèvement sui generis sur les trusts au taux le plus élevé de l’ISF, soit 0, 5 %.

Il s’agit de bons principes, destinés à régler de nombreuses situations concrètes et à éclaircir la situation fiscale des uns et des autres. La commission soutient donc l’adoption de cet article, même si quelques aménagements nous paraissent nécessaires.

Cependant, et sans doute en raison du caractère nouveau de la démarche, l’article suscite des interrogations nombreuses chez les professionnels du droit versés dans ces affaires.

Ainsi, certains se demandent si la lettre du texte, en particulier les obligations solidaires créées entre plusieurs personnes afin d’assurer qu’au moins un résident fiscal français a acquitté l’ISF, n’aboutit pas à ce que chaque bénéficiaire d’un trust se trouve personnellement redevable d’une imposition au titre de l’ensemble des biens ou droits logés dans ce trust, quelle que soit sa quote-part.

D’autres s’interrogent sur le point de savoir s’il ne pourrait pas advenir que les biens d’un trust comptant vingt bénéficiaires français soient taxés vingt fois par l’État.

Monsieur le ministre, il convient donc d’apporter certaines clarifications à ces professionnels.

Pouvez-vous nous rassurer quant à certaines interprétations, et nous indiquer comment votre administration traitera des situations du type de celles que j’ai évoquées ? Pouvez-vous nous dire quels seront les moyens effectifs de contrôle dont l’administration pourra faire usage afin de rechercher, au sein de ces structures, les bénéficiaires ou les ayants droit qui devraient être soumis à cette nouvelle fiscalité que vous proposez d’établir au taux de 0, 5 % ? Quelle est l’effectivité de ces dispositions, quels sont les moyens concrets dont on disposera pour la mise en œuvre de l’article 6 ?

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