Intervention de Daniel Breuiller

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 10 novembre 2022 à 9h35
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « travail et emploi » et article 47 - examen du rapport spécial

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi » :

Je vais plus particulièrement présenter les aspects de la mission relatifs à la politique de l'emploi.

Tout d'abord, sur un plan strictement financier, l'amélioration de la situation de l'emploi se répercute sur les crédits de la mission. Les dépenses d'allocations chômage prises en charge par l'État diminuent de 500 millions d'euros. Inversement, la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales s'alourdit de près de 700 millions d'euros, passant à 5 milliards d'euros, soit un quart du budget total de la mission.

S'agissant des actions en faveur de publics spécifiques, le budget destiné aux entreprises adaptées poursuit sa progression (+ 8,7 %). Mais comme l'a souligné Emmanuel Capus dans le contrôle présenté à la commission le mois dernier, plusieurs freins subsistent au développement de ce type d'emploi, tenant notamment à l'implication du service public de l'emploi. Par ailleurs, le démarrage de plusieurs expérimentations a été perturbé par la crise sanitaire. L'article 47 rattaché à la mission propose de les prolonger d'un an, comme le proposait Emmanuel Capus.

L'insertion par l'activité économique (IAE) a aussi bénéficié ces dernières années d'un fort soutien, passant de 900 millions d'euros en 2019 à 1,3 milliard d'euros en 2022. Ce secteur apporte une contribution efficace à l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi. Fin juin dernier, il employait près de 152 000 salariés, contre 134 000 fin 2019. En 2023, les moyens seront stabilisés, ce qui suscite une certaine inquiétude des acteurs. En raison de la hausse du Smic, sur lequel les rémunérations des bénéficiaires de l'IAE sont indexées, on peut craindre qu'à enveloppe constante, le nombre de postes finançables soit moindre, ce qui remettrait en cause l'élan constaté ces dernières années. Le secteur regroupe par ailleurs des structures de statuts différents - entreprises intermédiaires, associations intermédiaires, ateliers et chantiers d'insertion - avec de forts écarts d'aide au poste. Les acteurs de l'IAE soulignent un certain manque de visibilité pour 2023, dû aux incertitudes sur la répartition territoriale de l'enveloppe entre les différents types de structures alors que le coût des contrats sera plus élevé qu'en 2022.

La dotation destinée aux contrats aidés est en repli d'environ 10 % pour 2023. Ces contrats ont été relancés au moment de la crise sanitaire, avec une forte augmentation en 2021. Leur nombre devrait légèrement diminuer en 2022. En 2023 les emplois aidés dans le secteur non marchand - parcours emploi compétences - seraient maintenus au niveau de 2022, la réduction de l'enveloppe affectant les contrats dans le secteur marchand, les contrats initiative emploi (CIE). Cela va plutôt dans le sens, me semble-t-il, de la position qu'avait soutenue dans sa majorité la commission des finances, position qui fait bien sûr l'objet de choix politiques différents par ailleurs.

Les actions en faveur de l'accompagnement renforcé des jeunes vers l'emploi ont quant à elles été marquées par la mise en place, depuis le 1er mars dernier, du contrat d'engagement jeunes (CEJ).

Il s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans n'étant ni en étude, ni en formation et présentant des difficultés d'accès à l'emploi durable. Le contrat peut durer jusqu'à 12 mois, voire 18 mois pour certains jeunes, et comporte 15 à 20 heures d'activités par semaine. L'allocation est conditionnée à l'assiduité du jeune dans son parcours.

Ce dispositif prend le relais de la « garantie jeunes », avec un accompagnement plus intensif et une meilleure articulation avec des structures comme les écoles de la 2e chance, l'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide), le service civique ou la possibilité de mise en situation en milieu professionnel.

Il a été introduit dans des conditions critiquables, sans évaluation préalable, en cours de discussion budgétaire du PLF 2022.

Le recul manque pour effectuer une évaluation approfondie du CEJ, mais les premiers éléments que nous avons recueillis sont plutôt encourageants.

Ce dispositif étant mis en oeuvre tant par Pôle emploi que par les missions locales, on pouvait craindre un effet de concurrence ou de confusion.

Les conditions d'orientation des jeunes ont été clarifiées. Les mineurs et les jeunes présentant des besoins périphériques importants (logement, santé, contraintes familiales, maîtrise du français) relèvent de manière privilégiée des missions locales, les autres de Pôle emploi. La montée en charge du dispositif devrait essentiellement concerner les missions locales, puisque sur un objectif de 300 000 entrées en 2023, 200 000 relèveraient des missions locales et 100 000, comme en 2022, de Pôle emploi. Il semble également que la mise en place du CEJ ait amélioré les échanges entre deux opérateurs agissant jusqu'à présent de manière trop cloisonnée.

Par ailleurs, le soutien de l'État aux missions locales, sur lesquelles repose en majorité cet accompagnement intensif, est conforté. Il sera de 633 millions d'euros en 2023 alors qu'il variait entre 300 et 400 millions d'euros dans les années 2018 à 2020. Pôle emploi conserve pour sa part les moyens qui lui ont été attribués en 2022 pour la mise en place du CEJ.

La condition d'activité hebdomadaire minimale semble également avoir pu être satisfaite, mais exige évidemment un temps d'investissement plus important de la part des conseillers. De ce point de vue, la gestion du dispositif induit une charge administrative assez lourde, au détriment des tâches d'accompagnement. Il y a sans doute matière à simplifier dans ce domaine.

La dotation pour le CEJ atteint 1 milliard d'euros en 2023, dont 88 % consacrés à l'allocation, le restant à des actions d'accompagnement.

Comme je l'indiquais, il est trop tôt pour évaluer les résultats du CEJ en matière d'insertion dans l'emploi. Nous pensons en tous cas que le dispositif améliore celui de la « garantie jeunes », déjà intéressant, et mérite d'être consolidé.

J'ai mentionné Pôle emploi. La subvention de l'État inscrite au budget de la mission avait baissé jusqu'en 2021. Elle a été stabilisée en 2022 avec les moyens supplémentaires alloués pour le CEJ. Elle augmente de 136 millions d'euros en 2023, mais dans le même temps, des crédits attribués au titre de la mission « Plan de relance » ne sont pas reconduits.

Le plafond d'emplois de Pôle emploi, en très légère baisse (-31 équivalents temps plein travaillé, ETPT), sera globalement maintenu en 2023 au niveau de ces deux dernières années. Il avait diminué jusqu'en 2019, mais depuis, les moyens ont été renforcés pour le CEJ, l'accompagnement des chômeurs de très longue durée et le plan de réduction des tensions de recrutement.

La convention tripartite liant Pôle emploi, l'État et l'Unédic arrive à expiration fin 2022. Elle sera provisoirement reconduite pour un an, en l'attente des résultats des travaux lancés sur France travail.

Nous ne pourrons pas vous donner beaucoup de détails sur ce point. Actuellement, France travail est davantage définie par ce qu'elle ne serait pas - une fusion ou réorganisation administrative des acteurs du service public de l'emploi - que par ce qu'elle serait. S'il s'agit, comme plusieurs de nos interlocuteurs nous l'ont dit, d'une meilleure coordination des acteurs sur le terrain, pour mieux identifier les personnes nécessitant un accompagnement, mieux orienter, mieux partager les données, mieux assurer le suivi, cela pourrait constituer un progrès. Mais le Gouvernement est resté très discret sur ses intentions et il est vraiment trop tôt pour émettre un jugement.

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