Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 8 février 2005 à 16h00
Conseil des prélèvements obligatoires — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui effectue en quelque sorte un retour devant notre assemblée puisque, comme chacun s'en souvient ici, nous avions adopté, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, une disposition tendant à créer un conseil des prélèvements obligatoires, le CPO, en remplacement du Conseil des impôts.

Cette création avait été proposée par la commission des finances, sur l'initiative de son président et de son rapporteur général. Le Gouvernement avait fait part de son plein et entier accord sur cette proposition, qui comportait deux innovations principales, à savoir l'élargissement du champ d'analyse et de la composition de ce conseil, huit personnalités qualifiées désignées en fonction de leur expérience étant adjointes aux huit magistrats et hauts fonctionnaires siégeant au Conseil des impôts.

Le texte proposé par le Sénat a été approuvé par la commission mixte paritaire, celle-ci n'ayant apporté que des aménagements de caractère purement formel.

La disposition en cause a été déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme, au motif que le conseil des prélèvements obligatoires ne contribuerait pas de façon exclusive à l'information et au contrôle du Parlement sur les finances publiques.

Votre président et votre rapporteur général ont donc déposé une proposition de loi reprenant intégralement le texte adopté par le Parlement, dans sa rédaction issue de la commission mixte paritaire.

La commission des finances vous propose par conséquent, mes chers collègues, d'adopter à nouveau ce texte dans sa rédaction retenue par la commission mixte paritaire, sous réserve de modifications de caractère purement rédactionnel, comme j'aurai l'occasion de le préciser.

Sur un plan formel, la proposition de loi est constituée d'un article unique créant un nouveau titre, le titre V, dans le livre III du code des juridictions financières, composé des articles L. 351-1 à L. 351-13.

L'objectif est d'avoir une vision complète du niveau des prélèvements obligatoires, c'est-à-dire, d'une part, des impôts et taxes perçus par l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale, et, d'autre part, de l'ensemble des cotisations obligatoires collectées au profit des institutions de protection sociale. Le niveau global de l'ensemble de ces prélèvements devrait atteindre 43, 7 % du produit intérieur brut en 2005, si l'on en croit vos prévisions, monsieur le ministre.

La proposition de loi aurait donc pour objet de créer une seule institution chargée d'apprécier l'évolution des prélèvements, qu'il s'agisse des impôts nationaux ou des prélèvements obligatoires.

A cet effet, le Conseil des impôts, qui pourra poursuivre ses travaux en cours, serait remplacé, à compter du 1er octobre 2005, par un conseil des prélèvements obligatoires dont la composition serait étoffée et diversifiée au lieu de se limiter à la seule fonction publique. Notez bien, mes chers collègues, qu'une nouvelle institution ne vient pas s'ajouter à une institution existante : le conseil des prélèvements obligatoires se substituera au Conseil des impôts.

Cette nouvelle institution, présidée, comme l'actuel Conseil des impôts, par le Premier président de la Cour des comptes, serait composée de huit magistrats et fonctionnaires et de huit personnalités qualifiées, choisies pour leur expérience professionnelle.

Les magistrats et fonctionnaires seraient un membre du Conseil d'Etat, un magistrat de l'ordre judiciaire, un magistrat de la Cour des comptes, un inspecteur général des finances, un inspecteur général des affaires sociales, un inspecteur général de l'INSEE et deux professeurs d'université.

Les personnalités qualifiées, choisies pour leur expérience professionnelle hors de la sphère publique, seraient nommées à raison de deux par le président de l'Assemblée nationale, après avis, respectivement des commissions des finances et des affaires sociales, deux par le président du Sénat, après avis respectivement des commissions des finances et des affaires sociales, une par le président du Conseil économique et social, une par le ministre chargé des finances, et une par le ministre chargé des affaires sociales.

En outre, par rapport au texte initial, la commission des finances vous propose d'adjoindre une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de l'intérieur afin de bien souligner que le conseil des prélèvements obligatoires devra aussi se préoccuper des impôts locaux.

Si ce Conseil devait être créé, mes chers collègues, je serais amené à vous proposer que la commission des finances du Sénat soit consultée sur le choix du représentant désigné par le président du Sénat ; elle se prononcerait alors après avoir entendu la ou les personnalités pressenties pour siéger au Conseil. C'est une façon de marquer le rôle du Parlement et de ses commissions.

Les personnalités qualifiées désignées par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat ou celui du Conseil économique et social ne pourraient pas appartenir à l'une de ces assemblées.

Le mandat des membres du conseil des prélèvements obligatoires serait fixé à deux ans, renouvelable une fois. Ceux-ci, ainsi que les rapporteurs et les membres du secrétariat seraient soumis au secret professionnel.

Au rapport annuel du conseil des prélèvements obligatoires, rendant compte de l'exécution de ses travaux et remis au Président de la République et au Parlement, pourraient être joints le compte rendu des débats ainsi que les éventuelles contributions de ses membres.

Le conseil des prélèvements obligatoires pourrait être saisi soit par le Premier ministre, soit par les commissions des finances ou des affaires sociales de l'une ou l'autre des deux assemblées, afin de contribuer à leur information.

Le conseil des prélèvements obligatoires pourrait faire appel à toute compétence extérieure de son choix et désigner des rapporteurs pour recueillir les informations nécessaires à l'exercice de ses missions.

Les membres et les rapporteurs du conseil des prélèvements obligatoires disposeraient d'un droit d'accès à l'information comparable à celui qui est reconnu par les textes aux grands corps d'inspection. Ils auraient donc libre accès aux services, établissements, institutions et organismes entrant dans leur champ de compétences.

Ceux-ci seraient tenus de leur prêter leur concours, de leur fournir toutes justifications et tous renseignements utiles à l'accomplissement de leurs missions.

En définitive, le conseil des prélèvements obligatoires contribuerait incontestablement à l'information et au contrôle du Parlement en favorisant une appréhension d'ensemble de l'évolution des prélèvements obligatoires, ce qui est - nous en sommes persuadés - plus que jamais indispensable : si nous voulons nous interroger sur l'attractivité, la compétitivité du territoire, il importe que nous ayons une vision globale de l'ensemble des prélèvements obligatoires.

Sous le bénéfice des observations que je viens de formuler, la commission des finances vous propose, mes chers collègues, de confirmer les votes du Sénat et de l'Assemblée nationale intervenus dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2005 et d'adopter sous la forme de conclusions, dans sa rédaction modifiée par la commission, le texte de la proposition de loi tendant à créer un conseil des prélèvements obligatoires.

Mes chers collègues, la décision du Conseil constitutionnel nous a quelque peu étonnés, puisque tout dispositif visant à éclairer le Parlement pour la discussion des projets de loi de finances a bien sa place dans une loi de finances initiale. Cette censure nous donne probablement une bonne occasion de prolonger notre débat et de confirmer notre volonté de lucidité en matière de prélèvements obligatoires !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion