Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 8 février 2005 à 16h00
Conseil des prélèvements obligatoires — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, rapporteur :

... a cru devoir manifester son scepticisme. Je garde néanmoins l'espoir de pouvoir la convaincre.

Elle s'est interrogée, notamment, sur le périmètre d'intervention du Conseil des prélèvements obligatoires et sur le niveau que celui-ci pourrait atteindre. Tout cela, en définitive, n'est pas très important. Nous connaîtrons le niveau effectif au moment de l'exécution budgétaire, lorsque les chiffres de la production intérieure brute seront connus.

Mais le débat ne porte pas sur ces données statistiques puisque, au-delà du Conseil des prélèvements obligatoires, l'INSEE et la direction de la prévision sont tout à fait compétents pour nous apporter des informations. Là n'est pas véritablement la mission du Conseil des prélèvements obligatoires.

Sur les comparaisons internationales, il y a certainement urgence, monsieur le ministre, à mettre de l'ordre et à assurer une plus grande homogénéité dans les méthodes comptables, budgétaires, ainsi que dans les circuits d'information financière. Il est vrai que la lecture des conclusions d'Eurostat nous laisse perplexes et circonspects. On peut d'ailleurs s'étonner que certaines procédures soient agréées. Et, lorsque l'on apprend que le déficit d'un pays était bien supérieur à ce que semblait le reconnaître Eurostat, cela pose un problème !

Il faudra donc s'interroger, au sein de l'Union européenne, sur les méthodes mises en oeuvre pour présenter les comptes publics, afin de permettre la comparaison et de garantir la fiabilité des documents qui nous sont soumis. En effet, il existe certainement des marges de progression concernant les méthodes, les concepts, les principes. Et cela ne nous interdit pas de nous doter de moyens d'expertise pour donner de la consistance aux débats et éclairer le Parlement.

Je me réjouis que vous ayez bien voulu reconnaître que notre préoccupation était de disposer des instruments de lisibilité, de compréhension et d'instruction d'un débat qui, en dépit des efforts du Gouvernement en matière de fiscalité, est tout de même très sommaire.

La loi organique relative aux lois de finances nous permet certes de discuter des prélèvements obligatoires, mais les députés n'ont pas le temps de faire vivre ce débat parce que le Gouvernement arrête ses options fin septembre, lors de la présentation du projet de loi de finances en conseil des ministres. Or, dès le 10 octobre, les députés se saisissent de la première partie du texte, c'est-à-dire des dispositions fiscales.

S'il est vrai que les procédures budgétaires commencent dès maintenant - je veux, à ce propos, rendre hommage au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin et au ministre délégué au budget -, les dispositions fiscales ne seront abordées qu'au mois d'août par des indiscrétions dans la presse, et le débat fiscal sera vite « bouclé ». Ce que le Gouvernement a annoncé ce matin est un début de contribution à ce débat fiscal, mais il conviendrait que nous puissions discuter sur l'ensemble des prélèvements obligatoires.

Convenez que, jusqu'à maintenant, tout ce que nous pouvons accomplir est assez sommaire et que, bien souvent, nous prenons connaissance d'une réforme « le dos au mur » parce qu'il est impossible de faire autrement. C'est précisément de cela que nous souhaitons nous libérer.

Il ne s'agit pas d'une remise en cause des prélèvements obligatoires. Nous ne voulons pas non plus nous doter d'un instrument pour remettre en cause le niveau des dépenses publiques - c'est une autre problématique - mais nous voulons y voir clair s'agissant des prélèvements obligatoires.

Cette proposition de loi ne constitue donc en aucune façon, je le répète, un règlement de comptes. Nous faisons confiance au Conseil des impôts : c'est le modèle que nous retenons pour constituer le Conseil des prélèvements obligatoires.

S'agissant de sa composition, madame Bricq, je vous répondrai que nous sommes, nous, parlementaires, les représentants des contribuables ! Nous avons été élus pour consentir à l'impôt, il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.

Les personnalités qualifiées, je le rappelle, seront choisies en fonction de leur expérience professionnelle, hors de la sphère publique. Et il est tout à fait possible que des hauts magistrats de la Cour des comptes - ou d'autres juridictions -, des professeurs d'universités ou des membres des prestigieuses inspections générales des finances ou des affaires sociales n'aient pas tout à fait le même point de vue que ceux qui sont amenés à verser l'impôt.

Il ne s'agit pas ici de retenir comme candidats des personnes qui viendraient contester sommairement l'impôt, mais nous pensons que ceux qui, professionnellement, au quotidien, sont impliqués dans les processus de prélèvements obligatoires peuvent avoir une contribution à apporter ; c'est en cela que la publication d'opinions dissonantes dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires peut être une contribution aux débats.

Et il n'est pas dit que ce Conseil aura le dernier mot : il n'est là que pour éclairer, le Parlement prendra ses arbitrages en matière de prélèvements obligatoires. Ne donnons pas à ce Conseil plus d'autorité qu'il n'en a ! L'essentiel est qu'il ait prévu des méthodes et des procédures, qu'elles soient transparentes, et que nous puissions nourrir nos propres débats ici même, au Parlement.

Madame Bricq, aucune méfiance n'est manifestée à l'égard d'une institution, en l'occurrence le Conseil des impôts. Au contraire, nous ne faisons que le consacrer. Il avait jusqu'à présent une légitimité réglementaire ; voilà que nous allons lui donner une légitimité législative.

Nous faisons totalement confiance à la loi organique relative aux lois de finances, qui nous donne des instruments de maîtrise de la dépense publique, l'objectif premier étant de vérifier constamment l'efficacité de cette dernière. Convenez que, si la loi organique relative aux lois de finances nous donne de bons instruments pour mieux maîtriser la dépense publique et prendre des arbitrages en pleine connaissance de cause, en revanche, s'agissant des prélèvements obligatoires, elle nous laisse dans l'attente : elle ouvre une fenêtre en prévoyant un rapport du Gouvernement sur l'ensemble des prélèvements obligatoires, et un débat lorsque la chambre concernée en exprime le souhait.

Madame Bricq, j'espère avoir dissipé votre perplexité, voire votre scepticisme et, ainsi, vous avoir convaincue.

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