Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de dire quelques mots d’introduction à l’article 17 et, ainsi, d’anticiper sur la présentation des amendements n° 47 et 48 de la commission afin de gagner un peu de temps dans le débat.
L’article 17 met en œuvre la mesure phare du Gouvernement en matière de prévention, à savoir la création d’un parcours composé de trois rendez-vous de prévention prévus à différents moments de la vie adulte et pris en charge par l’assurance maladie.
C’est une idée intéressante et utile compte tenu de la prévalence des comportements à risque et de leurs conséquences dans notre pays.
Pour autant, que sait-on de ce qu’il faudrait faire en la matière ? Les bilans de santé en population générale ne sont pas très efficaces pour améliorer les indicateurs de santé publique. Ils touchent peu les personnes éloignées des soins, qui sont celles qui en ont le plus besoin, et peuvent même conduire à du surtraitement.
C’est du moins ce que concluent les analystes de la rubrique « Repères » de la revue Prescrire du mois dernier. C’est aussi ce que disait le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) en 2009, et ce que semble indiquer l’expérience du bilan de santé en milieu de vie conduite par nos voisins anglais depuis 2008.
Un autre exemple étranger, parfois cité à ce sujet, est celui du programme du comté de Västerbotten. Dans ces petits villages du nord de la Suède, si les consultations à caractère général portent leurs fruits depuis des décennies, c’est, semble-t-il, parce que dans ces communautés rurales à forte cohésion sociale, la continuité du suivi médical est grande et que l’éloignement des soins est faible.
D’une manière générale, mais surtout à défaut d’une parfaite couverture de la population en médecins traitants, la prévention gagne à être efficacement ciblée, soit sur la recherche de pathologies précises – c’est l’objet des programmes spécifiques, tels que le dépistage organisé du cancer colorectal, du sein ou du col de l’utérus –, soit sur des populations à risque, par exemple les personnes éloignées des soins ou traversant un moment de fragilité, par exemple à l’occasion d’une période de chômage ou d’un départ à la retraite.
C’est pourquoi la commission a accueilli le dispositif gouvernemental avec bienveillance dans ses grandes lignes, mais à la condition de préciser deux points.
Premièrement, la nature du service proposé aux assurés. Sur ce point, l’article 17 est flou. J’en veux pour preuve le nombre d’amendements en discussion commune que nous allons examiner. Si son contenu était clair, vous ne seriez pas aussi nombreux à vouloir le préciser, mes chers collègues.
En effet, pour trois rendez-vous promis, nous n’avons qu’une consultation effectivement nouvelle, entre 20 ans et 25 ans, un rendez-vous entre 40 ans et 45 ans qui pourra donner lieu à une consultation, mais pas nécessairement, et un examen entre 60 ans et 65 ans, qui est déjà en cours de déploiement depuis le quinquennat précédent. On ne sait pas très bien par ailleurs ce que seront ces rendez-vous ou ces séances de prévention.
La commission propose donc de préciser le dispositif, tout d’abord en garantissant la sincérité de la promesse faite aux assurés, ce qui commande d’appeler « consultation » le service qui leur serait rendu, lequel ne pourrait se tenir à distance. Car si l’on prétend faire un bilan personnalisé de santé, en vue notamment de mettre à jour des vaccinations, mieux vaut que le patient soit physiquement présent.
Deuxièmement, il faut lever une ambiguïté sur l’objet de ces consultations. En cette matière aussi, le mieux est l’ennemi du bien : mieux l’on précise à quoi serviront les rendez-vous, plus on les fait ressembler à des bilans globaux en population générale, lesquels sont peu efficaces.
C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur les amendements tendant à préciser l’objet des rendez-vous. En effet, ces propositions aboutiraient soit à élargir à l’excès les mailles du filet préventif, soit à prescrire au professionnel du soin ce qu’il doit faire dans l’exercice de son métier. Dans ce dernier cas, ces amendements sont satisfaits par l’appellation de « consultation ».
La commission ne prétend pas savoir mieux que la littérature scientifique ce qu’il convient de faire à ces occasions et comment cibler les assurés auxquels ces rendez-vous bénéficieront le plus. L’amendement n° 47 que je présente en son nom vise simplement à objectiver un minimum les choses, en prévoyant que les occurrences des consultations sont fixées par voie réglementaire, après avis du HCSP.
Ces occurrences pourraient d’ailleurs très bien être des bornes d’âge – mais tous les scientifiques ne s’accordent pas forcément sur ce point – autant que des situations de fragilité, telles que le bénéfice d’allocations chômage ou l’absence de médecin traitant déclaré depuis une certaine durée.
Quoi qu’il en soit, le succès des examens de prévention dépendra étroitement des efforts effectués en matière « d’aller vers » les populations qui auront le plus besoin de ces examens.
C’est pourquoi je présenterai l’amendement n° 49, qui vise à améliorer la capacité de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) d’informer utilement les assurés.
Si nous voulons que notre pays prenne enfin le virage préventif, l’important, mes chers collègues, n’est pas de préciser dans la loi l’objet des rendez-vous, mais de s’assurer que les personnes dont la situation les conduit à laisser leur état de santé se dégrader se retrouvent au moment adéquat face à un professionnel du soin qui leur accordera la considération qu’elles méritent.
La commission ne pouvait guère promettre davantage – article 40 de la Constitution oblige –, mais elle tient à ce que l’article 17 suscite autant que possible la confiance des Français.