Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 9 novembre 2022 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2023 — Après l'article 21

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

L’article 51 du PLFSS pour 2018, dont nous parlons régulièrement, a ouvert la possibilité de financements innovants et dérogatoires pour la mise en œuvre d’expérimentations.

Ces dérogations ont vite été vues comme une aubaine par des acteurs privés. Ainsi le groupe Ramsay, s’inspirant du modèle suédois, a-t-il profité de cet article pour lancer une rémunération par « capitation ». Cette tarification spécifique repose sur un forfait versé aux établissements en fonction du nombre de patients qu’ils accueillent et de leur typologie : âge, sexe, comorbidités.

Que le patient vienne consulter une fois, dix fois ou vingt fois dans l’année, le forfait restera identique. L’objectif : inciter les médecins à mettre l’accent sur la prévention et limiter les prescriptions de soins abusives.

Mais la tarification à la capitation porte un défaut intrinsèque : le tri des patients. Ce nouveau mode de rémunération pourrait permettre de fidéliser des patients « rentables » dès leur arrivée dans un centre de soins primaires, tandis que les patients les plus « coûteux » seraient réorientés vers l’hôpital.

Pour rappel, Ramsay est un mastodonte qui engloutit des cliniques privées : en douze ans, Ramsay Santé est devenu le numéro un de l’hospitalisation privée par le nombre d’établissements. Il représente près de 21 % des parts de marché de l’hospitalisation privée en France, pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 4 milliards d’euros en juin 2021, soit le double de celui de 2011 ! Ramsay Health Care est par ailleurs coté en Bourse à Sydney, sa valeur étant estimée à 12, 2 milliards d’euros.

La tentative de racheter les centres de santé détenus par la Croix-Rouge a échoué, mais l’inquiétude demeure quant à l’arrivée et au développement de cet acteur à but lucratif dans le secteur des soins primaires.

Cet exemple est emblématique : quand le service public est mis à mal, faute de financement, quand il est abandonné, cela laisse la place au privé et à toutes les dérives afférentes – je pense aux cabinets de conseil qui pénètrent le secteur de la santé, ou encore à la « licorne » Doctolib.

Parce que, plus de trois ans après son adoption, on voit bien que cet article 51 entraîne des dérives, nous demandons son abrogation.

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