Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 novembre 2022 à 10h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Mission « justice » - programmes « justice judiciaire » et « accès au droit et à la justice » - examen du rapport pour avis

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Les crédits des programmes concernés au sein de la mission « Justice » augmentent de manière sensible ; il est donc difficile de ne pas y être favorable. Mais je suis frappée de voir que deux points aveugles subsistent dans cette programmation budgétaire et que le garde des Sceaux n'y a pas apporté de réponse satisfaisante. En premier lieu, l'impact de l'inflation n'est pas abordé : l'augmentation des crédits de la mission, de l'ordre de 8 %, est moins impressionnante dans un contexte où l'inflation s'élève à 6,1 %. La question de l'exécution est aussi passée sous silence. Le garde des Sceaux a indiqué, lors de son audition, que le taux d'exécution était excellent mais j'ai compris que la réalité était plus contrastée. Il est aisé de présenter des budgets chatoyants mais, au final, seule l'exécution compte.

Mon groupe regrette que la méthodologie des États généraux de la justice, qui consistait à clarifier le rôle de la justice avant d'y allouer des moyens supplémentaires, n'ait pas été suivie. Néanmoins, l'effort budgétaire est conséquent et soutenu depuis plusieurs années. Malgré cette augmentation des ressources, la justice reste insuffisamment dotée. Les créations d'emplois, qu'il s'agisse de postes de magistrats ou de greffiers, ne sont pas suffisantes. L'augmentation de la rémunération des magistrats ne résout pas la question de l'attractivité de la fonction qui est liée aux conditions de travail.

Je partage également la position du rapporteur sur la question de l'allongement des délais de jugement. L'extension du recours au juge unique a entraîné un accroissement considérable du recours en appel qui concerne désormais 25 % des jugements contre 16 % en 2008. Il est intéressant de constater que de plus en plus de justiciables considèrent qu'ils n'ont pas été « bien » jugés en première instance. Le délai de jugement des crimes a augmenté de deux mois. Les cours criminelles départementales ont été généralisées avant d'être évaluées, ce qui est un problème. Nous ne sommes donc pas au bout du chemin.

Deux points me semblent mériter notre attention. Sur la question des violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes, les crédits alloués au bracelet anti-rapprochement sont en augmentation. Le fonctionnement de ce dispositif est chaotique. Cette augmentation est-elle liée à l'accroissement du recours au bracelet anti-rapprochement ou au changement de prestataire ? Par ailleurs, le projet de loi de finances ne mentionne pas la création d'une juridiction spécialisée dans ce domaine. Le garde des Sceaux m'a indiqué que la création de cette juridiction ne représentait pas un enjeu budgétaire majeur. Je suis satisfaite d'apprendre que cette mesure sera peu coûteuse à mettre en oeuvre, mais je trouve cet argument peu pertinent, d'autant que la commission des lois a déclaré que mon amendement sur le sujet irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.

Je salue l'augmentation des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle, mais j'observe qu'elle n'est toujours pas suffisante pour opérer le rattrapage nécessaire.

J'ajouterai qu'il ne faut pas passer sous silence les difficultés rencontrées dans le cadre de la transformation numérique du ministère.

Malgré ces regrets et ces motifs d'inquiétude, notre groupe donnera un avis favorable aux crédits des programmes concernés. Il déposera des amendements sur l'aide juridictionnelle, le numérique et l'aide aux victimes de violences intrafamiliales et la création d'une juridiction spécialisée.

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