Marie-Pierre de La Gontrie, nous sommes dans une période particulière post-États généraux de la justice, qui prônaient une vision de l'institution à 360°. Pour le moment, le budget est entre deux eaux parce qu'il est difficile de faire de la planification budgétaire tant qu'on ne connaît pas les réformes qui seront engagées. Le projet de loi de finances se contente d'essayer de rattraper les conséquences de plusieurs années de décrochage budgétaire.
Dany Wattebled, vous pointez une difficulté essentielle : l'embauche de contractuels qui appartiennent à des statuts très variés peut poser des difficultés en juridiction. À titre d'exemple, en audition, l'association des juristes assistants de magistrats nous a ainsi indiqué qu'il était très difficile, pour ces personnels, de trouver leur place parmi les professionnels qui travaillent avec les magistrats, alors qu'aucune doctrine sur une véritable « équipe du magistrat » n'existe encore. Pour répondre à votre question, les juristes assistants sont titulaires d'un master ou d'un doctorat avec deux ans d'expérience professionnelle dans le domaine juridique.
Aujourd'hui, ce qui importe, c'est de structurer les équipes autour du juge. Il est donc nécessaire de procéder à une réorganisation structurelle au-delà de la hausse ponctuelle des moyens humains. Les embauches doivent être pérennes. Le recours systématique aux agents contractuels n'est pas la solution, même si les postes sont pérennisés. On constate que certains des agents contractuels ont été recrutés sur des postes de communicants ou pour servir de relais avec les élus locaux. Or, ces postes ne sont pas au coeur de l'action de la justice judiciaire, ce qui peut interroger.
Je ne peux malheureusement pas répondre de manière précise à la question d'Alain Marc sur l'évolution des délais de paiement de l'aide juridictionnelle. Ces délais ont toutefois vocation à s'améliorer avec la mise en place du nouveau système d'information de l'aide juridictionnelle (SIAJ).
Muriel Jourda, vous parlez du paradoxe entre l'allongement des délais de jugement et la diminution des stocks. Vous avez raison : les deux vont de pair. L'allongement des délais de jugement a pour corollaire le vieillissement du stock d'affaires à traiter. Je vous ai donné l'exemple du civil, où le stock a « vieilli » en dix ans, en passant de 13 à 18 mois. Ce que le garde des Sceaux nous a indiqué, c'est que grâce notamment au recrutement de contractuels ces dernières années, ce stock avait commencé à diminuer entre 2021 et 2022, de 13 %. Les dossiers qui restent en stock sont d'ailleurs souvent les plus complexes. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la procédure pénale a tendance à se complexifier d'année en année.
Philippe Bas, il est effectivement nécessaire d'améliorer l'évaluation des besoins de l'institution. Le garde des Sceaux nous a indiqué que le travail sur l'évaluation de la charge de travail des magistrats devrait être achevé avant la fin de l'année. Les magistrats que nous avons entendus sont associés à ce travail et plutôt satisfaits de cette démarche qu'ils appelaient de leurs voeux depuis longtemps. Nous attendons toutefois d'en voir le résultat. En ce qui concerne les greffiers, l'évaluation se fait par le biais d'Outilgreffe, une application qui ne permet qu'une appréciation quantitative et non pas qualitative. Si cet outil a le mérite d'exister, il faudrait aussi pouvoir le faire évoluer.
Comme vous, nous déplorons chaque année la sous-consommation des crédits d'investissement. Cette situation est liée à la structure même de l'ingénierie du ministère de la justice qui est mauvais gestionnaire de patrimoine et mauvais conducteur de travaux. C'est aussi le cas pour les investissements en informatique, par exemple. Les effectifs des fonctions support sont progressivement renforcés pour disposer de réelles compétences en matière de gestion de projets immobiliers ou informatiques. On nous explique aussi souvent que les projets de construction d'établissements pénitentiaires sont freinés par la résistance des élus locaux mais il s'agit plutôt, à mon sens, d'une incapacité du ministère à prendre en main ces sujets.
Sur la question de la prise en charge des personnes radicalisées dans les établissements pénitentiaires, je laisserai Alain Marc vous répondre car ce sujet relève du budget de l'administration pénitentiaire.
Concernant la formation des étudiants, je partage l'avis de Brigitte Lherbier : il convient de multiplier les liens entre l'institution judiciaire et la formation initiale et continue. Il me semble également indispensable de favoriser l'apprentissage en milieu judiciaire qui en est aujourd'hui complètement absent.