Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 19 octobre 2022 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2023 — Audition du général d'armée thierry burkhard chef d'état-major des armées

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Qui est responsable de cette situation ?

Général Thierry Burkhard. - Les moyens de formation de nos Armées ont été redimensionnés en ne prenant en compte que nos besoins propres. On a fait la chasse à tout ce qui semblait surdimensionné, y compris les infrastructures, et on a donc réduit l'outil de formation, sans prendre en compte l'accueil de stagiaires étrangers.

Nous allons pourtant former 2 000 Ukrainiens.

Général Thierry Burkhard. - C'est différent : nous consacrons des moyens spécifiques à cette mission à durée déterminée ; pour mettre en oeuvre une stratégie d'influence de long terme, les budgets doivent être prévus dès l'origine.

Concernant le renseignement, notamment cyber, les éléments nécessaires ont été identifiés et sont en cours de réalisation.

L'avion léger de surveillance et de renseignement (ALSR) n'est pas conçu pour prendre la place du Transall Gabriel. Son remplacement est prévu (capacité unique de guerre électronique), et nous suivons avec attention ce projet pour qu'il soit le plus adapté au besoin. Je suis d'accord avec vous : c'est urgent, même si l'emploi de l'ALSR permet d'atténuer les conséquences du retrait du Transall Gabriel, sans toutefois le compenser entièrement.

Le recrutement de cyber-combattants est essentiel et nous progressons dans ce domaine. Le vivier est toutefois toujours en tension et nous sommes encore en phase de montée en puissance.

Vous m'interrogez sur la guerre hybride. En Afrique, nous faisons face à un adversaire installé, puissant et qui donne l'apparence de jouer dans le sens de l'histoire. Le combat n'est pas perdu pour autant, nous devons être présents dans la guerre des narratifs et dans le champ des perceptions. De l'autre côté, toute une galaxie d'acteurs est conduite par des proxys russes disposant de moyens que nous n'atteindrons jamais : des dizaines de milliers d'individus, dont au moins un millier d'opérateurs entièrement consacrés à l'Afrique. Nous sommes cependant en train de compenser notre retard, pour faire en sorte que nos adversaires ne soient pas seuls présents sur ce champ de bataille.

Dans le champ des perceptions, il n'existe pas de victoire définitive.

Nous sommes présents dans le champ informationnel et nous y travaillons. À ce titre, « la bataille de Gossi » (Tentative déjouée de désinformation orchestrée par le groupe Wagner, visant à faire porter à l'armée française la responsabilité d'un faux charnier autour de la base de Gossi au lendemain de sa restitution à l'armée malienne) est un cas d'école. Le succès obtenu contre Wagner est de niveau tactique mais a aussi eu des conséquences stratégiques.

Il s'agit d'un changement de doctrine. Nous devons être présents, actifs et offensifs dans le champ des perceptions et ne pas nous contenter d'attendre que les choses se produisent.

Vous m'interrogez sur l'EPM, les munitions et le statut des Opex.

Vous avez raison, le statut « d'opérations extérieures » vise souvent à fixer un cadre budgétaire et administratif à une mission, et il est vrai que Aigle et Lynx n'en sont pas, alors même qu'elles font tout autant l'objet d'une validation au niveau politique. « Gagner la guerre avant la guerre » nous impose des engagements dès le stade de la compétition. Cela nécessitera probablement de réinterroger les règles actuelles pour qu'ils restent soutenables pour les Armées.

Les munitions sont indispensables, c'est une priorité pour la construction du projet de loi de finances pour 2023, avec des efforts marqués sur le sujet. Jusqu'en 2016, les ressources humaines du SIMu, civiles comme militaires, ont connu une baisse importante. A compter de l'actuelle LPM, une trajectoire de remontée en puissance a été amorcée, avec un effort marqué sur les personnels militaires. La numérisation permettra aussi des gains en efficacité. En tout état de cause, ce service n'a pas été oublié et bénéficiera d'une ouverture de 26 postes en 2023.

Les crédits consacrés à l'Entretien Programmé du Matériel sont-ils suffisants ? La montée est progressive, car une partie de l'effort relève des industriels, mais il s'agit d'un saut significatif et nous avançons vers une augmentation de la préparation opérationnelle.

En matière d'entrainement, nous souhaitions atteindre les normes OTAN à la fin de la loi de programmation militaire en cours, il n'est pas étonnant que nous n'y soyons pas encore tout à fait. Cela concerne aussi les soutiens ; à ce titre, l'exercice majeur Orion, prévu en 2023, est un point de rendez-vous, même si ceux-ci ne seront pas complètement prêts pour la haute intensité dès l'année prochaine. Ils y participeront, avec leurs moyens, le retour d'expérience de cet exercice sera essentiel, mais notre ambition opérationnelle est fixée à 2030.

Le coût des facteurs a bien un impact, et il est aujourd'hui défavorable.

Le SSA est indispensable à l'efficacité opérationnelle des armées ; il soigne et prend en charge ce que nous avons de plus précieux, les hommes et les femmes qui défendent la France. Le SSA n'est pas dans une situation facile. Nous devons insister sur ce qui fait sa singularité : le Service de santé est celui « des Armées » - les personnels ont décidé d'être à la fois militaires et soignants - cet ADN militaire ne doit pas être vu comme une contrainte, mais comme une force.

Le recrutement cyber est une priorité. Nous capitalisons et investissons sur les nouveaux champs de conflictualité.

Attractivité et fidélisation répondent aux mêmes logiques. Dans le civil, les personnels n'ont pas accès à des missions aussi porteuses de sens et d'engagement. Insistons sur cet aspect. Nous devons aussi favoriser les passerelles entre les mondes civils et militaires dans une logique de flux et de maintien du niveau d'expertise, dans un domaine où les technologies évoluent très rapidement.

S'agissant de la NPRM : elle consiste en une simplification du volet indemnitaire de la solde des militaires, et un élargissement des assiettes des ayants droit. A l'issue de l'année 2023, troisième et dernière année de la mise en place de cette réforme, c'est bien le besoin de la dotation supplémentaire de 480 millions d'euros prévue dans la LPM. Simplifier des primes, par exemple, exige d'agir par grandes masses, pour éviter des mesures au fil de l'eau qui ne feront que des mécontents. De plus, il est important de considérer l'évolution des rémunérations sur l'ensemble de la carrière.

Les liens avec le système de retraite et les réformes à venir sont aussi évidents. A ce titre, la clause de revoyure est essentielle pour affiner le dispositif et l'adapter aux évolutions du contexte.

Enfin, la solde, dans les Armées dépend de beaucoup de facteurs directement liés à la situation personnelle de chaque militaire (nombre d'enfants, type et lieu de résidence, emploi du conjoint, nombre d'opérations extérieures, etc.). Une fois le 3ème volet déployé et stabilisé, nous pourrons identifier les marges de progression du dispositif de la NPRM et l'ajuster en fonction des effets RH à produire. La question indiciaire relève du cadre plus général du modèle RH des Armées dans la LPM.

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