Dernièrement, le Conseil national de l’ordre des médecins a rappelé au ministère du travail que l’indépendance des médecins du travail ne devait pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail.
Il faut croire que le Gouvernement n’a pas entendu ces recommandations. Nous avions déjà expliqué, par nos différentes interventions sur l’article 25 quater, que ce dernier aliénait la médecine du travail en la transformant en outil d’évaluation de la pénibilité au service des employeurs et au détriment de la santé des travailleurs.
Encore une fois, la dimension humaine est chassée au profit d’une gestion comptable des corps et des esprits. En l’état actuel, la médecine du travail connaît un certain nombre de failles. Notamment, les médecins du travail déplorent depuis plusieurs années les difficultés à assurer leur indépendance médicale. Cette indépendance passe par la fixation personnelle de leur programme de travail, l’administration de leurs moyens de production, la liberté d’expression de leur avis et de la mise en œuvre de leur décision.
Or, force est de le constater, on est loin du compte en ce qui concerne la médecine du travail. Rappelons simplement, à titre d’exemple, que le coût de fonctionnement du service médical restant à la charge de l’employeur, les dépenses de santé ne sont pas forcément une priorité pour ce dernier.
De plus, aujourd’hui, contrairement aux préconisations du Conseil de l’ordre des médecins, qui a déclaré qu’il ne peut appartenir au directeur des services de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service, la définition des objectifs de santé échappe au médecin du travail.
Cette réalité risque de se renforcer encore avec la réforme introduite ici par le Gouvernement. En effet, le texte prévoit que désormais les missions du médecin du travail sont exercées sous l’autorité de l’employeur, lequel doit également désigner la ou les personnes compétentes dans l’entreprise pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
Ainsi donc, le salarié remettrait entièrement la santé entre les mains de son patron. Voilà qui n’est pas pour nous rassurer !
Comme le dénoncent d’ailleurs les syndicats de médecins, le Gouvernement n’a tiré aucune leçon de l’affaire de l’amiante, et s’apprête à supprimer l’un des contre-pouvoirs qui pouvait, dans l’entreprise, faire valoir des arguments médicaux et de santé publique pour éviter l’altération de la santé des salariés, du fait de mauvaises conditions de travail.
Pour toutes ces raisons, même si nous sommes conscients des difficultés actuelles pour les médecins du travail d’exercer leur activité en toute indépendance, même si nous sommes fermement opposés à la dénaturation de la médecine du travail à laquelle le Gouvernement procède, nous vous demandons, par cet amendement de repli, de préciser que les médecins agissent en toute indépendance.