Maurice Duverger a résumé cette politique par cette formule : « Dans les sociétés industrielles, le malthusianisme universitaire est une absurdité. »
Alors que nous sommes présentement confrontés à des défis technologiques bien plus considérables, cette planification réussie, qui lia l’augmentation de l’offre de formation à l’accroissement des moyens de la recherche, doit être prise pour exemple. Il est inconséquent de prétendre porter l’effort de recherche et de développement de la France à 3 % de son PIB sans investir massivement dans ses universités.
La difficulté, je le conçois, est d’organiser cet effort de formation en sorte qu’il participe au développement de nos capacités de recherche tout en préservant la nécessaire autonomie pédagogique des universités, et ce sans amoindrir les ressources d’une recherche fondamentale, dont les apports ne seront effectifs que dans plusieurs décennies. Cette équation très difficile à résoudre oblige l’État à réfléchir – préalable nécessaire – à une programmation, à en discuter les termes avec les scientifiques et à faire in fine des choix politiques, autant de perspectives singulièrement ignorées par la mal nommée loi de programmation de la recherche.
Pour être plus concret, je prendrai l’exemple de la formation des médecins. Afin de réduire les dépenses de santé, il a été décidé, voilà plusieurs dizaines d’années, de diminuer le nombre de médecins formés. La réussite de cette politique est telle qu’il faut maintenant en renverser la logique pour réduire le manque de médecins.
Si chaque université organise en totale autonomie son recrutement, il est douteux que la somme des choix de ces établissements fasse une politique nationale. Dans son rapport sur la mise en œuvre de la réforme de l’accès aux études de santé, notre collègue Sonia de La Provôté a proposé, en vue de mieux satisfaire les besoins des territoires, que le recrutement des étudiants en médecine obéisse à des objectifs infrarégionaux définis nationalement.
La logique qui sous-tend la procédure Parcoursup est radicalement inverse. Sa seule finalité est de donner aux établissements les moyens techniques d’ajuster leur recrutement à leurs ressources budgétaires. En d’autres termes, Parcoursup leur permet de gérer la pénurie en conformant les demandes aux moyens. Parcoursup est le lit de Procuste de l’enseignement supérieur !
Les termes du débat que nous vous proposons dépassent donc la comparaison comptable des mérites respectifs de feu le portail Admission post-bac (APB) et de Parcoursup, ou encore la simple revendication de l’abrogation de cette dernière procédure.
Si notre but est toujours de défendre le principe d’une université républicaine au service de la Nation apprenante, si nous continuons de vouloir « rendre la raison populaire », comme le souhaitait Condorcet, si nous estimons que l’université peut être un outil efficace de l’aménagement du territoire et de la satisfaction d’objectifs scientifiques à long terme, alors il convient de réfléchir ardemment aux conditions d’un dialogue renouvelé entre l’État, garant d’une planification ambitieuse, et les universités, qui la mettent en œuvre dans le respect de l’autonomie des équipes pédagogiques.