Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour mettre en perspective et conclure notre débat du jour, vous me permettrez de faire un petit rappel historique.
Comme chacun sait, le baccalauréat est à la fois le premier diplôme de l’enseignement supérieur et le sésame pour accéder à ce niveau. Chaque année, plus de 600 000 jeunes bacheliers aspirent à poursuivre des études qui correspondent à leurs ambitions et, si possible, à leurs capacités. Tout le monde peut le comprendre, cette grosse machine nécessite un minimum d’organisation pour être efficace.
Pour relativiser les griefs, qui peuvent être légitimes, contre le système actuel, j’évoquerai un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître. §Beaucoup d’entre nous ont connu une procédure d’affectation, avant l’ère du numérique, qui consistait, pour les filières dites sélectives, à envoyer son dossier par la poste à l’établissement de formation souhaité, puis en cas de réponse négative, toujours par courrier, à répéter la procédure pour chacun des vœux suivants. Rigoureusement, cela s’appelle, cher Pierre Ouzoulias, un algorithme, et vous conviendrez qu’il n’était pas optimal, y compris sur le fond, puisqu’aucune justification n’était exigible.
Depuis, la massification de l’accès au baccalauréat, la croissance quasi ininterrompue du taux de réussite et la multiplication des cursus post-bac ont considérablement alourdi la tâche de ceux qui sont chargés d’examiner les dossiers et de faire, en toute conscience professionnelle, les choix d’affectation. Un système entièrement manuel n’était plus tenable. APB est alors apparu et a su répondre, globalement, quoi qu’on en dise, à cette situation.
La difficulté porte sur le problème théorique des mariages stables, consistant à trouver par exemple, étant donné n hommes, n femmes et leurs listes de préférences, une façon stable de les mettre en couple. Le problème fut résolu en 1962 par l’algorithme de Gale et Shapley, lequel servira à l’élaboration de la plateforme APB. Mais il y a un biais majeur : la fonction de préférence qui privilégie un groupe plutôt que l’autre. Le parti pris pour APB, comme d’ailleurs pour Parcoursup, qui présente les mêmes caractéristiques techniques, c’est de donner la priorité aux préférences de l’établissement.
Qu’est-ce qui nécessitait une refonte de cette procédure ? Essentiellement, la hiérarchisation des vœux et leur grand nombre, compte tenu de la multiplicité des combinaisons possibles.
Les grandes nouveautés de Parcoursup, institué avec la loi ORE en 2018, sont l’extension de la procédure aux universités et à plus de 15 000 formations et la publication d’attendus pour mieux informer chaque candidat et le diriger vers les choix les plus pertinents. Mais beaucoup reste à faire en termes d’orientation, et c’est sur ce point que j’insisterai.
Comme l’avait pointé la Cour des comptes en 2020, l’orientation des élèves est identifiée comme une priorité par les pouvoirs publics, mais la mise en œuvre de cette politique se heurte à des obstacles majeurs.
La stratégie d’orientation dans le supérieur commence sans doute plus tôt aujourd’hui qu’il y a plusieurs années, et le fait même d’évoquer une « stratégie » laisse entrevoir toutes les difficultés auxquelles peuvent être confrontés certains jeunes et leurs familles. Les inégalités sociales se creusent donc au niveau bac-3, puisque les milieux les moins favorisés se reposent quasi intégralement sur les équipes éducatives pour prendre en charge l’orientation de leurs enfants.
Pour répondre à ce problème, la Cour des comptes et l’inspection générale de l’éducation pointent un besoin croissant en matière d’information et de professionnalisation des différents acteurs du processus d’orientation. Cela vaut pour les établissements scolaires, mais également pour les formations de l’enseignement supérieur dans leur processus de recrutement.
Nous espérons, madame la ministre, que des actions concrètes seront entreprises dans ce domaine pour permettre à Parcoursup d’atteindre l’un de ses objectifs essentiels mis en avant en 2018.