Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, ce budget de la sécurité sociale, que nous qualifiions de « peu ambitieux » lors de la discussion générale, est resté plutôt fidèle à cette appréciation.
Je rappelle que c’est la première fois qu’un PLFSS arrive au Sénat après une procédure de 49.3. Notre chambre sera donc la seule à débattre de ce texte de bout en bout. Mais le 49.3 rend nos délibérations incertaines, puisque le Gouvernement aura à lui seul la charge d’écrire le texte définitif. Le rôle du Parlement en est de facto réduit.
Par ailleurs, le régime des irrecevabilités a encore restreint le débat, dans des proportions que nous jugeons excessives. Nous ne pourrons continuer dans cette voie à l’avenir.
Enfin, la semaine a produit des débats parfois éloignés de la réalité légistique. En introduisant des articles sans lien direct avec une loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a contribué à égarer le sens du texte ; nous le déplorons.
Il devient urgent de présenter un projet de loi de santé, qui tire les leçons de la pandémie et fixe l’engagement des collectivités territoriales dans ce domaine.
Sur le fond, concernant la trajectoire financière, les inquiétudes que nous avions exprimées face à vos choix n’ont pas reçu de réponse claire. Vous présentez un budget social largement en déficit malgré nos propositions en matière de recettes, tout en n’investissant pas suffisamment dans notre système de soins, du moins pas à la hauteur des besoins.
Concernant les exonérations fiscales, nous continuerons de faire des propositions utiles, appuyées sur des études telles que celle du Conseil d’analyse économique, pour supprimer les exonérations coûteuses et inutiles pour l’emploi. L’amendement que nous avons débattu dans cet hémicycle a suscité de riches débats. Nous espérons qu’à l’avenir nous parviendrons à un consensus sur la question dans cette chambre. Il y va de la pérennisation du financement de notre sécurité sociale.
Pis – les professionnels de santé ont du mal à le croire –, l’Ondam est au-dessous de l’inflation. Que les choses soient dites : en cette année de régression de l’épidémie, mais pas de fin de l’épidémie de covid-19, vous faites des économies sur le système de santé.
Le Gouvernement a, certes, porté la progression de l’Ondam à 5, 5 % en 2022 par voie d’amendement, et celle du budget des hôpitaux à 3, 7 % en 2023. Bien que ces augmentations soient louables, elles sont inférieures à l’inflation, dont je rappelle qu’elle est évaluée entre 6, 2 % et 6, 5 % cette année, et autour de 5 % en 2023.
Certaines mesures sont positives, bien sûr, comme dans tout PLFSS.
Je pense, par exemple, au dispositif d’exonération lié à l’emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO-DE), qui serait pérennisé grâce à l’adoption de nos amendements.
Je pense aussi aux deux heures de soutien dédié à l’accompagnement et au lien social pour les personnes éligibles à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Je pense enfin au remboursement sans ordonnance du dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST) et à la mise en place de consultations de prévention à différents âges de la vie.
Mais le texte ne prévoit rien pour répondre à l’urgence de l’affaissement de notre système hospitalier. Il ne comporte aucune réflexion sur l’Ondam, dont la construction doit être revue en profondeur.
En dépit des propos du ministre de la santé et de la prévention, le Gouvernement s’en tient à une stricte politique de l’offre, au lieu d’entamer la conversion vers une politique des besoins en santé du pays. Le rendez-vous avec la prévention reste ainsi largement esquivé.
Les prédécesseures de M. Braun, Marisol Touraine et Agnès Buzyn, avaient trouvé un consensus sur le tabac pour en réduire la consommation. Alors que son portefeuille s’étend désormais à la prévention, qu’attend M. Braun pour agir plus fortement ?
Nous nous réjouissons que ce soit le Sénat qui ait rétabli la version initiale du texte concernant le tabac à chauffer. Celle-ci n’est certes pas révolutionnaire, mais elle a le mérite d’avoir un impact.
À l’avenir, il serait préférable que le ministre chargé des comptes publics évite de se rendre au congrès des buralistes avant de défendre le PLFSS dans cet hémicycle…
Nous avons le devoir de protéger la jeunesse. C’est pourquoi nous accueillons avec bienveillance les propositions du Gouvernement pour interdire les cigarettes électroniques jetables, ou puffs.
Nous souhaitons que les produits mêlant des arômes à l’alcool ou au tabac soient, eux aussi, progressivement interdits.
Bien que notre amendement visant à aligner la fiscalité de l’alcool sur l’inflation n’ait pas été adopté, je me réjouis de l’avis courageux qu’il a reçu de la rapporteure générale et de la commission.
De même, je salue l’adoption par le Sénat de la taxe sur les prémix à base de bière et de sucre.
Ces votes sont d’autant plus importants que le Gouvernement n’a pas proposé grand-chose en la matière. Même constat sur la santé environnementale, dont les conséquences sur notre système de soins font pourtant consensus.
Concernant la branche autonomie, je note un manque de cadre, d’objectifs et de dispositifs, qui démontre malheureusement une volonté politique trop faible.
Il n’y a toujours pas de loi relative à l’autonomie et au grand âge. C’est un renoncement. Devons-nous nous satisfaire de cette branche à déficit ? Le Gouvernement renonce-t-il à toute ambition forte en la matière ?
Enfin, ce PLFSS a bien failli contenir une réforme des retraites. Celle-ci est en discussion et nous aurons bientôt, semble-t-il, l’occasion d’en débattre.
Comment approuver un budget de la sécurité sociale en décalage avec l’état de notre système de soins et qui poursuit l’esquive sur l’autonomie et le grand âge ? Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain le rejettera.
Depuis six ans, le chef de l’État n’a toujours pas donné de réelle impulsion à notre système social. L’an dernier, j’avais dédié notre vote à l’hôpital public. Cette année, à cette tribune, c’est au personnel soignant que je le dédie.
En 2020, les soignants étaient épuisés, mais fiers d’avoir accompli leur devoir face à la violente épidémie qui nous avait frappés. En 2022, ils sont épuisés et lassés des conditions de travail ou d’exercice qui se dégradent sans cesse. Ils sont au cœur d’un service public essentiel et précieux : nous leur confions l’état de santé de nos concitoyens.
Madame, monsieur les ministres, vous entamez votre première année au sein de grands ministères. Je vous souhaite de porter les thématiques de santé publique, d’accès et de qualité des soins.
Démarquez-vous de cette logique comptable et de la mainmise de Bercy sur nos politiques de santé. À défaut, vos propos volontaires resteront des mots, et nos soignants, eux, renonceront de plus en plus.