Intervention de Guillaume Gontard

Réunion du 15 novembre 2022 à 14h30
Établissement d'une paix durable entre l'arménie et l'azerbaïdjan — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Guillaume GontardGuillaume Gontard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui sur l’initiative de Bruno Retailleau s’inscrit dans le contexte de la rupture par l’Azerbaïdjan du cessez-le-feu signé le 10 novembre 2020 en vue de mettre fin aux opérations militaires dans le Haut-Karabagh.

De même que nous avons dénoncé l’invasion du Haut-Karabagh par l’armée azérie, de même nous condamnons les affrontements frontaliers déclenchés aux mois d’août et septembre derniers par les forces militaires azéries, qui ont fait 286 victimes.

En outre, l’Azerbaïdjan devra vraisemblablement répondre devant les tribunaux internationaux de probables crimes de guerre commis contre les soldats arméniens. Une enquête internationale doit être diligentée sans délai pour qualifier ces exactions.

Nous réitérons notre soutien inconditionnel au peuple arménien dont la nation, le territoire et la culture doivent impérativement être préservés. Le peuple arménien doit être garanti dans son droit à vivre en paix et en sécurité. Dans cette perspective, nous partageons les mots forts du Président de la République, qui a rappelé que la France ne lâcherait jamais l’Arménie.

La reprise de ce conflit territorial, vieux de trois décennies, moins de deux ans après la fin de la guerre de 2020, est une nouvelle conséquence des déstabilisations géopolitiques provoquées par l’invasion russe en Ukraine. Ainsi, comme à leur habitude, l’Azerbaïdjan et la Turquie tentent, par tous les moyens, de profiter de la guerre en Europe pour pousser leurs avantages.

Ainsi, l’Azerbaïdjan a profité de la rupture de fourniture de gaz russe aux pays européens pour proposer ses services, ce qui a conduit à la signature, le 18 juillet dernier, d’un accord, entre Bruxelles et Bakou, visant à doubler les importations de gaz azéri dans l’Union. Cet accord a été dénoncé par des parlementaires français de tous bords politiques, dont les écologistes, mais l’Union européenne, toute à la question de l’approvisionnement en hydrocarbures, transfère sa dépendance d’une dictature impérialiste à l’autre… Tant que nous ne nous serons pas engagés massivement pour sortir des hydrocarbures, l’autonomie stratégique du continent demeurera une chimère.

Pourtant, dans le contexte géopolitique actuel, la Russie, fragilisée militairement et isolée diplomatiquement, ne peut demeurer le seul garant de la paix dans le Sud-Caucase. Il faut que la communauté internationale, par le biais des Nations unies plutôt que par celui du groupe de Minsk – dévitalisé – prenne les dispositions nécessaires pour garantir l’effectivité du cessez-le-feu et la construction d’une paix durable dans le Haut-Karabagh. Si la nécessité l’impose et si la cohabitation avec la force d’interposition russe est possible, alors il faudra déployer une force de maintien de la paix internationale sous égide onusienne.

Il n’est pas imaginable – et c’est toute la difficulté de la période – d’envisager une quelconque intervention dans la région sans composer avec la Russie de Vladimir Poutine. Si une première médiation, entreprise par les États-Unis et l’Union européenne le 2 octobre dernier, a permis la libération de dix-sept prisonniers arméniens, c’est un sommet tripartite, organisé par la Russie, qui a débouché sur un engagement de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie à « ne pas recourir à la force », avant que les États-Unis ne tentent de reprendre la main au moyen d’une réunion des ministres des affaires étrangères, le 7 novembre 2022.

Cette construction d’un traité de paix, encore fragile, comme l’illustrent les échanges de tirs la semaine dernière, intervenant, qui plus est, dans un contexte international extrêmement troublé, doit être encouragée par tous les moyens. La pacification de la région est une nécessité vitale pour l’Arménie, qui ne paraît pas en mesure de faire face à un regain des tensions militaires.

Cela étant, si le groupe écologiste partage de nombreuses demandes de la présente proposition, il ne juge pas opportun d’inviter le gouvernement français à renforcer « les capacités de défense de l’Arménie ». Il juge même paradoxal de faire figurer une telle demande dans une résolution « visant à établir une paix durable ». Comment la France, membre du groupe de Minsk, pourrait-elle jouer un quelconque rôle de médiateur dans la région, si elle devenait ainsi partie prenante au conflit ?

Si la France doit jouer aux Nations unies un rôle moteur – ce que nous appelons de nos vœux sur toutes les travées –, pour que la communauté internationale tout entière garantisse la paix dans le Sud-Caucase – et ainsi la préservation de la République d’Arménie –, alors elle ne peut pas jouer une autre partition que celle de la diplomatie.

Pour permettre à la France de revenir dans le jeu diplomatique, il nous a semblé pertinent que le Gouvernement reconnaisse la République d’Artsakh afin qu’il s’en serve comme un levier de négociation pour obtenir rapidement un statut juridique reconnu à l’échelle internationale, pérenne et protecteur pour le Haut-Karabagh.

Aussi, nous avions signé et voté la précédente proposition de résolution sénatoriale de 2020. Pour ces mêmes raisons précisément, nous nous abstiendrons de voter la présente proposition de résolution, qui ne nous semble pas compatible avec le rôle que doit jouer la France dans l’effort de construction d’une paix durable, seule à même de protéger durablement et effectivement l’Arménie et son peuple.

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