Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le conflit qui oppose la République d’Arménie et la République d’Azerbaïdjan s’inscrit dans la durée, puisque plusieurs épisodes de violences ont eu lieu depuis la proclamation de l’indépendance du Haut-Karabagh en 1991.
La présente proposition de résolution vise, à son alinéa 17, à pousser le Gouvernement à agir pour faire respecter le cessez-le-feu du 9 novembre 2020. Plus largement, elle vise, à l’alinéa 22, à faire appliquer « les réponses les plus fermes » contre l’Azerbaïdjan. Enfin – et ce dernier point doit requérir toute notre attention –, elle réaffirme, à l’alinéa 27, la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh. Cette proposition de résolution fait plus que demander le simple retrait des troupes azéries, car elle soulève également les sujets du rapatriement des prisonniers de guerre, à l’alinéa 19, et de l’élimination des discriminations raciales, à l’alinéa 20.
Le Président de la République a eu samedi dernier un échange téléphonique avec son homologue azerbaïdjanais, à l’issue duquel les deux dirigeants ont souhaité « maintenir une étroite coordination ». Il s’entretiendra également avec le premier ministre arménien en marge du sommet de la francophonie à Djerba le 19 novembre prochain. La voie du dialogue permet d’avancer de façon concrète avec les deux parties. Il faut rappeler cette échéance et privilégier le dialogue entre dirigeants.
La France souhaite s’inscrire dans une position de conciliation des intérêts et permettre le dialogue constructif entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Les deux États ont discuté à Washington, le lundi 7 novembre dernier, sous l’égide des États-Unis, quelques heures après de nouveaux bombardements frontaliers, dans un conflit qui a fait des centaines de morts ces derniers mois. La France a « souhaité maintenir une étroite coordination dans le sillage du sommet de Prague », qui avait réuni le 6 octobre dernier, en marge de la première réunion de la Communauté politique européenne, le président Aliyev et le premier ministre Pachinian.
Le Président de la République a « salué l’effet stabilisateur de la mission civile de l’Union européenne le long de la frontière avec l’Azerbaïdjan ». Le déploiement de cette mission avait été décidé lors du sommet de Prague. Le Président de la République a également réaffirmé « la pleine disposition de la France à accompagner le processus de normalisation des relations entre les deux pays, et à œuvrer pour une solution politique dans la région qui puisse permettre à la paix de s’installer durablement ».
Il est vrai que l’Azerbaïdjan a rompu le cessez-le-feu conclu le 9 novembre 2020 avec l’Arménie à deux reprises – une première fois au début du mois d’août et, plus récemment, dans la nuit du 12 au 13 septembre 2022. Ce faisant, l’Azerbaïdjan a fait le choix de l’emploi de la force plutôt que de la voie diplomatique pour négocier avec l’Arménie les conditions d’une paix durable au Haut-Karabagh.
Il est faux de dire que la France demeure inactive, puisque, à la suite de cette nouvelle offensive, elle a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU, qu’elle présidait alors, de se réunir. Avec le soutien de la Turquie, l’Azerbaïdjan a contraint l’Arménie à abandonner la route existante par le couloir de Latchin – étroite bande de cinq kilomètres qui relie le Haut-Karabagh à l’Arménie.
Le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, a appelé à la retenue. Il faut veiller à ne pas mettre en échec les négociations engagées à Bruxelles entre les deux parties, sous l’égide de l’Union européenne, depuis quelques mois.
S’il est vrai que nous importons beaucoup de gaz d’Azerbaïdjan depuis le début de la guerre en Ukraine, cet intérêt économique ne doit pas être retenu comme le déterminant majeur de l’action de la France, pays des droits de l’homme, qui a toujours su prendre et tenir des engagements courageux. Une résolution réglera-t-elle plus efficacement le conflit que la diplomatie entre nos représentants ? La question est ouverte.
Le groupe RDPI n’a pas cosigné cette proposition de résolution. Avec mes collègues, nous sommes hautement préoccupés par la situation dans le Haut-Karabagh et nous condamnons fermement les graves incidents survenus dernièrement dans le secteur du couloir de Latchin.
Nous partageons nombre des constats de cette proposition de résolution, dans laquelle est réaffirmée « la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh ». Toutefois, le groupe RDPI estime qu’une telle reconnaissance ôterait à la France la possibilité de jouer un rôle de médiation en vue de l’établissement d’une paix durable. Bien entendu, notre groupe appelle au cessez-le-feu, au repli des forces azéries et au respect de l’intégrité territoriale de l’Arménie.
Au vu de ces éléments factuels, mais aussi stratégiques, la majorité du groupe RDPI a décidé d’opter pour une abstention constructive. Elle ne nie pas l’urgence, mais elle émet de sérieux et profonds doutes sur l’opportunité d’une telle proposition de résolution. C’est sa position constante – c’est également celle du Quai d’Orsay – et elle s’inscrit dans la continuité de celle de novembre 2020 sur la proposition de résolution portant sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh.
Néanmoins, certains collègues de notre groupe – en toute liberté et en fonction de l’appréciation de chacun – voteront en faveur de cette proposition de résolution.