Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la diplomatie parlementaire est précieuse. Elle permet à des élus de discuter en toute bienveillance et de partager leurs espoirs, leurs doutes et leurs angoisses.
Le groupe d’amitié France-Arménie du Sénat, que j’ai l’honneur de présider, et qui est l’un des plus actifs de la Haute Assemblée, grâce à l’engagement de tous ses membres, entretient avec son homologue de l’Assemblée nationale arménienne des relations suivies et empreintes d’une profonde et réciproque fraternité.
Nos amis députés arméniens nous ont livré avec une grande franchise leurs réflexions sur la situation de leurs pays, parce qu’ils ont confiance en nous. À plusieurs reprises par le passé – et notamment en 2019 –, ils nous ont alertés sur les risques d’une agression militaire. Leurs craintes étaient fondées, nous les avons relayées auprès des autorités françaises, mais elles n’ont pas été entendues.
Lors de notre dernière rencontre à Erevan, en septembre dernier – je remercie ici Brigitte Devésa, Étienne Blanc et Pierre Ouzoulias de leur présence et de leur engagement – nous avons, tous les quatre, été bouleversés par leur désespoir et leur désespérance. Abandonnée par la Russie, oubliée par l’Union européenne et meurtrie par le voyage de la présidente de la Commission européenne à Bakou, l’Arménie leur semblait perdue.
J’évoquerai trois de nos échanges. Dans le premier, ils ont demandé d’imposer à l’Azerbaïdjan de retourner à ses positions du 9 novembre 2020. Dans le deuxième, ils ont souhaité qu’une force d’interposition sécurise la frontière de l’Arménie avec l’Azerbaïdjan. Dans le troisième, ils ont réclamé que l’on donne les moyens à l’Arménie d’assurer la sécurisation de ses frontières.
La proposition de résolution qui nous réunit aujourd’hui n’est pas un pamphlet contre l’Azerbaïdjan ou un éloge de l’Arménie. Il s’agit de défendre la paix et nos valeurs démocratiques. Nous participons à des groupes d’amitié, non pas pour le plaisir de découvrir de nouveaux pays ou de les visiter, mais pour œuvrer au renforcement des liens qui nous unissent et attester des difficultés qu’ils traversent.
C’est donc avec une certaine solennité et le devoir moral de témoigner du sentiment d’urgence absolue qui occupe les esprits de nos collègues parlementaires que je m’adresse aux trente-neuf membres du groupe d’amitié France-Arménie, à l’ensemble de notre assemblée et, bien sûr, au gouvernement français. L’Arménie a besoin de nous, de notre attention et de notre soutien !
Mes chers collègues, sachez que même dans le plus petit village d’Arménie, notre dernière résolution a été entendue et reçue avec espoir. Dans les décombres d’une petite maison de la campagne de l’Artsakh en décembre 2020, où j’ai été accueilli avec ce qu’il restait – quelques pommes et du pain –, un homme m’a dit à propos de la résolution du Sénat : « La France pense encore à nous, nous vivons encore ! »
Non, jamais une résolution parlementaire ne consolera la souffrance des familles des disparus ! Jamais elle ne fera oublier la désolation des cimetières où les visages de soldats – si jeunes – sont gravés sur les tombes. Jamais elle ne ramènera l’allégresse dans ces vignes et ces vergers ravagés par la guerre. Jamais elle ne séchera les larmes de ces populations chassées des terres de leurs ancêtres. Jamais elle ne ramènera dans son foyer le jeune qui a donné sa vie pour que triomphe dans cette partie du monde la démocratie !
Mes chers collègues, soyons certains que dans toute l’Arménie le vote de notre Sénat est attendu comme un message d’espoir par un peuple tant de fois meurtri par les catastrophes de l’histoire et qui aspire – encore plus aujourd’hui – à vivre en paix pour poursuivre son destin sur et dans ses terres.