Intervention de Étienne Blanc

Réunion du 15 novembre 2022 à 14h30
Établissement d'une paix durable entre l'arménie et l'azerbaïdjan — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Étienne BlancÉtienne Blanc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par cette proposition de résolution, le Sénat honore un engagement ancien de la France en faveur de la protection des pays et des communautés chrétiennes du monde, qui aujourd’hui font, hélas ! l’objet de persécutions.

Les rapports entre la France et l’Arménie s’inscrivent dans cette longue histoire que Charles de Gaulle résumait par ces mots simples : « Il y a un pacte vingt fois séculaire entre la grandeur de la France et la liberté du monde. »

Pourquoi donc protéger l’Arménie ? D’abord parce que c’est une démocratie dans un océan de dictatures violentes : la Turquie, l’Azerbaïdjan, l’Iran – pays frontaliers de l’Arménie – violent les droits humains fondamentaux, qui sont le socle même de notre civilisation. Épuration ethnique, génocide, instrumentalisation de la justice, violence, voilà leurs outils quotidiens d’exercice du pouvoir ! Mais l’Arménie, elle, n’est pas dans ce camp-là, il s’en faut. C’est la raison pour laquelle il faut protéger cette si petite démocratie dans cette région du Caucase.

Ensuite, il faut protéger l’Arménie parce qu’elle est une victime. Protéger une victime, c’est d’abord et avant tout désigner son agresseur, l’Azerbaïdjan, qui s’en prend aujourd’hui à l’Arménie et ne fait pas dans la demi-mesure : massacres, exécutions sommaires, démembrements de cadavres, viols, rétentions et tortures de prisonniers. Tout cela nous a été décrit lorsque nous étions à Erevan, voilà quelques semaines : ce sont des méthodes communes aux dictateurs !

Rien de tout cela n’a été épargné ni au petit peuple arménien ni à son armée, qui n’a du reste pas été protégée par les lois de la guerre inscrites dans la convention de Genève. L’inhumanité du président Aliyev l’a conduit à exposer dans un parc de Bakou les trophées sanglants, les casques et les vêtements de ces jeunes Arméniens, des gamins de 20 ans massacrés par l’armée d’Azerbaïdjan – victorieuse parce que dotée, par la Turquie, de drones, d’artilleries et d’armes modernes. On peut être un simple supplétif et se prendre pour un héros.

Enfin, il nous faut protéger l’Arménie, car elle est devenue le jouet d’une rivalité géopolitique qui se dessine dans la région entre la Russie et la Turquie, la seconde considérant que l’Arménie contrarie un panturquisme assumé, quand la première tente de conserver, au sein d’une ancienne république soviétique, une influence qui s’évanouit.

Mais protéger l’Arménie, c’est aussi nous protéger nous-mêmes face au fondamentalisme d’un islam politique totalitaire qui nie l’altérité, élimine ce qui ne lui est pas semblable. La France doit alors être du côté de l’altérité, du respect des différences, de la protection des minorités, tout cela sous couvert de la défense de la liberté de penser, de croire ou, tout simplement, de la liberté de vivre.

Oui, ce que vit aujourd’hui l’Arménie, c’est ce que nous pourrions être appelés, demain, à connaître, si nous ne défendons pas ces valeurs universelles auxquelles nous croyons.

Cette proposition de résolution contient trois réponses à une question que j’ai posée au Gouvernement le 5 octobre dernier.

Elle propose, d’abord, de désavouer la Commission européenne, qui, sous le nom de Mme von der Leyen, a signé un accord indigne, honteux, avec l’Azerbaïdjan pour s’assurer de livraisons de gaz et de pétrole. La France ne peut pas accepter que soit sacrifiée la liberté du peuple arménien pour préserver son confort hivernal. En cela, la proposition d’embargo sur le gaz et le pétrole est sans doute une réponse à la hauteur des crimes qui ont été commis par l’Azerbaïdjan.

Cette résolution vous exhorte, ensuite, monsieur le ministre, à renforcer les capacités défensives de l’Arménie en lui fournissant les armes nécessaires à sa protection. Il est temps, sur ce sujet, de passer de la parole aux actes pour protéger ce territoire, que l’on sait si fragile.

Enfin, et c’est la demande la plus pressante de l’Arménie, de son président et de son premier ministre, que nous avons rencontrés à Erevan, avec le président du groupe interparlementaire d’amitié France-Arménie, Gilbert-Luc Devinaz, à la fin du mois de septembre : il faut que la France profite de la présidence française du Conseil de sécurité pour mettre en place la force d’interposition tant attendue. Elle garantira la souveraineté de l’Arménie sur son territoire et ses frontières, la liberté de son peuple et l’intégrité des Arméniens du Haut-Karabakh, une République que le Gouvernement français serait bien inspiré de reconnaître enfin.

Alors, oui, en votant cette proposition de résolution, la France s’honorera en protégeant le peuple arménien, qui n’attend d’elle qu’une chose : une œuvre de paix.

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