Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dignité d’un peuple réside avant tout dans sa souveraineté et le respect de l’intangibilité de ses frontières. Le peuple arménien en est la parfaite illustration.
Ce peuple, d’un courage exemplaire, se bat seul, isolé du reste du monde, dans une forme d’indifférence, contre une coalition azérie-turque et ses mercenaires djihadistes, qui bombardent des civils et massacrent des soldats désarmés.
Oui, l’Arménie est en danger de mort. Il est de notre responsabilité première de la secourir, de la protéger, et notre inaction dans ce domaine est purement inacceptable et suicidaire.
L’histoire des hommes, c’est d’abord et avant tout l’histoire des civilisations, et celles-ci, par essence, peuvent être mortelles. Or le peuple arménien, premier État chrétien du monde, appartient plus qu’aucun autre à notre civilisation et partage nos racines judéo-chrétiennes.
Nous avons aujourd’hui, comme Bruno Retailleau l’a clairement dit, la désagréable impression qu’est appliqué le fameux « deux poids, deux mesures », insupportable dans le cadre de la politique étrangère de l’Europe, mais également de la part de la France.
Nous avons infligé d’énormes sanctions à la Russie après son agression de l’Ukraine – il fallait bien évidemment le faire –, jusqu’à renoncer à nous alimenter en gaz russe. Mais, mes chers collègues, qu’avons-nous fait concrètement pour nos amis arméniens ? En réalité, disons-le, assumons-le : pas grand-chose !
Nous nous sommes contentés, jusqu’à présent, de simples communiqués de protestation, de badge à la boutonnière, qui, malheureusement, n’ont eu aucun effet chez les agresseurs, qui sont véritablement dans une logique non pas d’apaisement, mais d’épuration ethnique, entamée avec le génocide de 1915.
Pis encore, Mme von der Leyen s’est rendue en personne à Bakou pour célébrer en grande pompe un nouvel accord gazier prévoyant le doublement des importations de gaz en provenance de l’Azerbaïdjan. C’est purement immoral et abject !
Y aurait-il une hiérarchie dans les conflits ? Bruno Retailleau nous a interrogés sur le sujet : le sang et les larmes des Arméniens valent-ils moins que ceux des Ukrainiens ?
Notre politique étrangère ne peut être à géométrie variable. Il y va de la crédibilité de la France, ce vieux pays dont la voix singulière vient du fond des âges.
Choisir comme fournisseur de gaz l’Azerbaïdjan pour pallier le manque d’approvisionnement russe est non seulement une preuve de renoncement à nos valeurs, mais aussi, et surtout, une immense faute géopolitique, car cet accord renforce de facto le régime autocratique, dictatorial d’Aliyev.
De surcroît, cette décision européenne alimente l’ambition impérialiste de M. Erdogan, qu’il déploie depuis plusieurs années, à travers notamment une stratégie de déstabilisation internationale.
Pour conclure, mes chers collègues, la question qui se pose, en fait, à travers cette proposition de résolution, est de savoir si l’Europe et la France sont prêtes à accepter, à leurs portes, un nouvel empire ottoman, plus islamique que jamais, un nouveau tyran qui, du Caucase à la Méditerranée, imposerait ses visions.
En quelque sorte, est-on prêt à accepter pour quelques mégawattheures la disparition d’un peuple qui nous supplie à genoux de l’aider ? Qui oserait répondre par l’affirmative à cette interrogation ?
Nous vous proposons, par cette proposition de résolution, d’envoyer un message clair et fort, de répondre non à cette question, avec la plus grande fermeté, et de défendre l’identité et la souveraineté d’un État. Il y va de notre civilisation, de notre culture et de nos racines.