Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, comment commencer cette intervention sans remercier très chaleureusement notre collègue Nathalie Delattre d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi ?
Ce texte s’inscrit dans la continuité de diverses initiatives adoptées dans le passé, notamment par le Sénat, lesquelles ont considérablement renforcé la protection des élus en cas d’agression. Il suffit pour s’en convaincre de rappeler que l’article 2-19 du code de procédure pénale, dont la proposition de loi vise à prévoir une nouvelle rédaction du premier alinéa, est issu d’un amendement sénatorial voté dans le cadre de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.
Toutefois, dans le contexte actuel d’augmentation des agressions contre les maires et plus généralement contre les élus, la proposition de loi de Nathalie Delattre est venue judicieusement « boucher les trous dans la raquette », comme on dit.
Dans sa version initiale, d’une part, elle a étendu la possibilité de se porter partie civile en cas d’agression d’un élu local à trois associations nationales représentant les différents niveaux de collectivités territoriales – l’AMF, l’ADF et Régions de France –, et, d’autre part et surtout, elle a élargi les motifs pour lesquels ces associations pourront désormais se porter partie civile.
Ainsi, aux cas d’injures, d’outrages, de diffamations, de menaces ou de coups et blessures déjà visés par le code de procédure pénale s’ajouteront judicieusement les destructions, dégradations ou détériorations de biens et la divulgation d’informations dans le but de nuire à une personne, exposant cette dernière à un risque.
En outre, ces infractions seraient prises en compte non plus seulement lorsqu’elles visent des élus investis d’une fonction exécutive, mais également lorsqu’elles concernent des membres de conseils municipaux ou de conseils départementaux et régionaux. Elles pourront même concerner non seulement l’élu lui-même, mais également un membre de sa famille, lorsque c’est en fait l’élu qui est visé en raison de son mandat ou de sa fonction.
On le voit, mes chers collègues, ces élargissements paraissaient bienvenus, car ils sont particulièrement circonscrits et cohérents. On aurait d’ailleurs pu s’arrêter là, mais la commission des lois en a décidé autrement, en enrichissant tout d’abord le texte par des amendements de nos collègues Patrick Kanner et Stéphane Le Rudulier.
M. Kanner a en effet souhaité étendre les infractions au titre desquelles la constitution de partie civile est possible, en prenant également en compte les actes d’intimidation et de harcèlement, les violations de domicile et les atteintes volontaires à la vie. Quant à M. Le Rudulier, il a souhaité permettre aux assemblées parlementaires et aux collectivités territoriales de se porter également partie civile en cas d’agression de leurs membres ou de leurs proches. Désormais, les trous dans la raquette paraissent bel et bien bouchés.
Pour autant, nous étions quelques-uns au sein de la commission des lois à nous demander pourquoi cette possibilité de se porter partie civile n’avait été élargie qu’aux seules trois associations nationales citées.
D’autres associations nationales ayant pour objet la défense des intérêts matériels et moraux des élus auraient également pu intervenir légitimement à cet égard. Il n’y avait d’ailleurs aucun risque particulier à élargir de la sorte le champ des parties civiles, aucune procédure ne pouvant être engagée sans l’accord de la victime : le nouvel article 2-19 du code de procédure pénale, pas plus que l’ancien, ne permettra aux associations de contraindre le parquet à engager des poursuites.
Lors de sa réunion d’aujourd’hui, avec l’accord de l’auteur de la proposition de loi et après concertation avec le Gouvernement, la commission a décidé de faire droit à cette sollicitation et de proposer un texte qui, à mon sens, peut largement faire consensus dans cet hémicycle.
Pour ma part, je le voterai avec enthousiasme, en saluant tout particulièrement la coconstruction qui a présidé à son élaboration.