Intervention de Éric Dupond-Moretti

Réunion du 15 novembre 2022 à 21h30
Modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Éric Dupond-Moretti :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, la procédure de jugement des crimes par la cour d’assises présente – nous le savons tous – une importance toute particulière en raison non seulement de la gravité des faits sur lesquels la cour doit se prononcer, mais également des conséquences de cette décision pour les justiciables, qu’ils soient accusés ou victimes.

Cette procédure doit donc être aussi satisfaisante et juste que possible.

C’est la raison pour laquelle la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, que j’ai eu l’honneur de porter dans un esprit de coconstruction avec le Sénat et votre commission des lois, monsieur le président François-Noël Buffet, a modifié en profondeur les règles relatives au jugement des crimes par la cour d’assises.

L’objectif était de rendre ces règles plus cohérentes, d’assouplir les modalités de composition de la cour d’assises, de simplifier le déroulement des audiences, de renforcer le rôle du jury populaire et d’accroître les possibilités d’individualisation des sanctions prononcées.

Par ma profession, mon expérience et mes convictions – vous le savez –, je suis extrêmement attaché au respect de la souveraineté populaire du jury.

C’est également grâce à cette loi que le président de la cour d’assises, à l’occasion de son rapport introductif à l’ouverture des débats, expose désormais les éléments à charge et à décharge, non pas tels qu’ils sont mentionnés dans la décision de renvoi, mais tels qu’ils résultent de l’information.

C’est enfin grâce à cette loi qu’ont été modifiées les règles relatives à l’incarcération à l’audience de l’accusé condamné, prévues par l’article 367 du code de procédure pénale, afin de renforcer l’individualisation des décisions rendues par la cour.

Auparavant, l’incarcération d’une personne qui comparaissait libre était automatique, y compris lorsqu’elle était condamnée à une peine inférieure à dix années d’emprisonnement, et alors même que l’accusé pouvait faire appel de la décision, ou, en appel, former un pourvoi en cassation.

Désormais, si l’accusé est libre au moment où l’arrêt est rendu et qu’il est condamné à une peine d’emprisonnement, par exemple, pour une durée d’un ou deux ans, la cour doit, par décision spéciale et motivée, décider ou non – c’est là tout l’intérêt de cette évolution – de décerner un mandat de dépôt.

La cour doit donc se pencher spécifiquement sur la question de savoir si l’incarcération automatique de l’accusé, alors qu’il comparaît libre à l’audience, laquelle se tient souvent plusieurs années après les faits, est nécessaire. Cela peut être, par exemple, dans le cas où l’accusé a respecté à la lettre son contrôle judiciaire.

Cette évolution renforce l’œuvre de justice, en donnant les moyens à la cour d’apprécier au cas par cas si l’incarcération immédiate du condamné est nécessaire, si elle permet de le sanctionner à la juste hauteur et si elle permet de favoriser sa réinsertion, car – je le rappelle – la peine doit impérativement répondre à ces objectifs.

Toutefois, à la suite de modifications apportées lors de la discussion parlementaire, le texte définitivement adopté comportait une ambiguïté puisqu’il ne traitait pas de la question des accusés détenus, condamnés pour crime ou délit à une peine d’emprisonnement.

J’ai complété la partie réglementaire du code de procédure pénale par un décret du 25 février 2022, qui a levé cette ambiguïté en indiquant que pour les accusés détenus, il n’était pas nécessaire de décerner un titre de détention. Ainsi, si l’accusé comparaissant détenu devant la cour est condamné à une peine d’emprisonnement, l’arrêt de la cour d’assises vaut titre de détention.

Toutefois, il est pertinent que cette ambiguïté soit aussi levée par la loi, comme le prévoit le présent texte du président Requier – je supposais qu’il avait été alerté du problème par des praticiens de la cour d’assises, mais en réalité il l’a été grâce à un hebdomadaire que nous sommes très nombreux à lire.

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