Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 15 novembre 2022 à 21h30
Modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

… si « la loi n’a plus tous les droits », comme le souligne la juriste Mireille Delmas-Marty, elle a néanmoins une utilité et une place certaines au sein du droit, consacrées par l’article 34 de la Constitution.

Le droit a besoin de la loi et surtout d’une loi claire, intelligible et réfléchie. Le législateur a donc une grande responsabilité, celle de faire de bonnes lois. Tel est aussi l’objet de l’examen de ce texte.

La proposition de loi, présentée par le président Jean-Claude Requier et douze de nos collègues, complète les dispositions relatives aux modalités d’incarcération ou de libération à la suite d’une décision de cour d’assises.

Surtout, cette proposition de loi corrige une malfaçon, introduite à l’Assemblée nationale, dans la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, dont mon collègue Philippe Bonnecarrère et moi-même étions les rapporteurs.

En effet, cette loi ne prévoyait pas le cas où un accusé détenu, est condamné par la cour d’assises à une peine inférieure à la réclusion criminelle, soit moins de dix ans d’emprisonnement ; il aurait alors fallu que la cour puisse décerner un mandat de dépôt afin de l’incarcérer immédiatement.

Cette omission dans la loi signifiait qu’un condamné pouvait être remis en liberté immédiatement après le rendu du jugement.

Pour clarifier la situation, le ministère de la justice a comblé cette carence en prenant le décret du 25 février 2022, solution temporaire et fragile.

Si l’on peut saluer cette tentative réglementaire, il fallait une disposition législative, en vertu de l’article 34 de la Constitution, pour réparer cet oubli. En effet, seul le législateur peut jeter des bases solides et apporter une solution pérenne, qui comble cette lacune.

Aussi la proposition de loi que nous examinons reprend-elle l’esprit du décret précédemment cité, mais dans une volonté de simplification, nourrie par une rédaction concise et claire. En effet, la rapporteure de la commission des lois, Mme Maryse Carrère, a tenu à clarifier le texte afin de le rendre plus accessible. C’est ainsi que la proposition de loi modifie le code de procédure pénale.

Si nous pouvons nous féliciter d’être parvenus à résoudre, une fois pour toutes, par la bonne voie législative, cette carence regrettable, il n’en reste pas moins que nous devons aussi nous interroger sur les raisons qui nous conduisent à nous réunir, une fois encore, à une heure tardive, pour combler l’un de ces trous dans la raquette qui résultent de lois établies dans la précipitation.

En effet, l’urgence ne permet pas d’apprécier les conséquences réelles des mesures adoptées, comme on aurait pu le faire en menant au préalable une véritable étude d’impact. C’est uniquement lors de leur application effective qu’apparaissent les erreurs législatives.

L’inadéquation avec la pratique est aussi souvent due – nous le savons – à l’enchevêtrement complexe des règles. La justice pénale en est, en France, une parfaite illustration.

Depuis plusieurs années, le Sénat déplore la complexification des lois, des codes et des procédures, ainsi que l’inflation normative et législative. En effet, lorsque la loi devient bavarde, l’essentiel disparaît au profit de l’accessoire.

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