Intervention de Alaa Youssef

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 12 octobre 2022 à 9h30
Audition de Mm. Stéphane Crouzat ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique pour les énergies renouvelables et la prévention des risques climatiques et alaa youssef ambassadeur d'égypte en france sur les enjeux de la cop27

Alaa Youssef, ambassadeur d'Égypte en France :

C'est également un honneur de partager avec vous notre vision de la COP27. À cet égard, nous évoquons régulièrement, avec nos collègues du Quai d'Orsay, les sujets qui seront abordés au cours de cette conférence. Les relations bilatérales entre Le Caire et Paris sont stratégiques à tous les niveaux. Ainsi, voilà quinze jours, j'accompagnais le président du Sénat égyptien lors de sa rencontre avec le président Gérard Larcher et avec les membres du groupe sénatorial d'amitié France-Égypte.

Nous faisons face à des enjeux mondiaux sans précédent : la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, qui a entraîné une crise alimentaire ; les changements climatiques ; les répercussions de l'épidémie de covid-19 ; le ralentissement économique et les vagues d'inflation qui en résultent. La COP27 nous offre l'opportunité de faire converger au niveau mondial les efforts en termes d'action climatique, d'assumer notre responsabilité à l'égard des générations futures et de garantir leur droit de vivre dans un environnement sain.

Les rapports et les estimations émanant des différents centres de recherche et organisations internationales ont mis l'accent sur l'importance majeure de la lutte immédiate contre les changements climatiques, et la nécessité de la mise en oeuvre, sans retard, de l'ensemble des engagements internationaux. C'est pourquoi l'Égypte a choisi d'intituler la COP27 qui se tiendra à Charm el-Cheikh « le sommet de la mise en oeuvre » (Implementation Summit). Il est en effet temps de réagir.

L'Égypte attache une importance particulière aux modalités de passage des engagements aux actes, lesquelles font l'objet de discussions avec nos partenaires - gouvernements, organisations internationales, société civile, secteur privé, etc. -, l'action climatique relevant de la responsabilité commune de tous les acteurs internationaux.

Les trois axes majeurs que l'Égypte souhaite aborder en priorité pendant la prochaine COP sont : le financement, l'adaptation, l'atténuation.

Premier point : le financement, pierre angulaire de la coopération internationale pour l'action climatique. En 2009, les pays développés se sont engagés à porter à 100 milliards de dollars par an l'aide aux pays en voie de développement (PVD) en faveur du climat. Pourtant, treize ans plus tard, le bilan final ne reflète pas ces bonnes intentions. Selon les estimations les plus optimistes, seulement 79 % de ces engagements ont été honorés. Même si l'objectif des 100 milliards de dollars par an consacrés à ce problème est atteint, les experts estiment que cette somme ne représente que 3 % des fonds qui seraient nécessaires pour relever ce défi, soit au total entre 2,2 et 3,5 trillions de dollars.

À cet égard, je tiens à saluer les efforts inlassables de la France, qui est devenue l'un des principaux bailleurs internationaux finançant la lutte contre les changements climatiques, en y consacrant 26,4 milliards d'euros depuis 2017 et 6 milliards d'euros pour l'année 2021 dans les PVD, selon les données de l'Agence française de développement (AFD).

L'Égypte souhaite que soient mises en oeuvre des initiatives pour le financement innovant de l'action climatique, via des instruments n'alourdissant pas trop le fardeau des PVD - les échanges de dettes, par exemple -, en coopération avec les institutions financières internationales, les bailleurs de fonds et le secteur privé.

Ainsi l'Égypte a-t-elle organisé, en septembre dernier, une conférence pour la coopération internationale dont les principaux objectifs étaient d'assurer la cohérence des positions en matière de financement climatique, de présenter les bonnes pratiques de développement et de promouvoir de nouvelles actions favorisant l'adaptation et l'atténuation. En outre, une des journées thématiques organisées à l'occasion de la COP27 réunira des ministres des finances, des représentants d'institutions financières internationales et régionales ainsi que du secteur privé en vue d'aborder les questions globales liées au financement, surtout dans les PVD, et le rôle important du secteur privé dans l'action climatique.

Deuxième point : l'atténuation. L'Égypte souhaite unifier les efforts internationaux en vue de limiter le réchauffement climatique bien en deçà de 2° C et elle ne s'épargne aucun effort pour maintenir l'objectif de 1,5° C.

Lors de la dernière Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU), en septembre dernier, le Secrétaire général a indiqué que l'objectif de 1,5° était « sous respirateur artificiel et faiblissait rapidement ». Cette situation exige des actions immédiates, audacieuses, et une ambition accrue de la part de toutes les parties. La COP27 sera donc l'occasion de tenir les engagements pris en vue d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris, et de stimuler la mise en oeuvre dudit accord.

Conformément au pacte de Glasgow, tous les pays sont invités, lors de la COP27, à revoir et à renforcer leurs contributions déterminées au niveau national (CDN). Le rapport présenté par l'Égypte en juin dernier sur ce sujet reflète l'ampleur de ses ambitions, au travers de mesures que l'État s'engage à mettre en oeuvre d'ici à 2030 dans les domaines des énergies renouvelables, des transports, du financement vert, etc.

Troisième point : l'adaptation. Les événements météorologiques que sont les vagues de chaleur, les inondations et les incendies de forêt sont devenus une réalité quotidienne. Lors de la COP26, les chefs d'État et de gouvernement ont réitéré leur engagement pour une action mondiale renforcée en faveur de l'adaptation. Les parties à la COP27 seront donc encouragées à faire preuve de volonté politique pour renforcer la capacité des communautés les plus fragiles à s'adapter aux changements climatiques. Cette conférence devrait également être l'occasion d'adopter un programme d'action mondiale renforcée pour l'adaptation, conforme aux termes de l'accord de Paris et du pacte de Glasgow.

Le dossier épineux des pertes et des préjudices est toujours sur la table des négociations de la COP27. Les pays en voie de développement subissant les conséquences économiques très lourdes des changements climatiques, la présidence de la COP27 s'est engagée à mettre en oeuvre les engagements pris lors de la conférence de Glasgow pour accélérer les actions destinées à contenir les pertes et les préjudices ainsi qu'à financer les transferts de technologies, notamment. Les réunions « pré-COP » qui se sont tenues la semaine dernière à Kinshasa ont mis l'accent sur plusieurs priorités de l'action climatique, parmi lesquelles la nécessité de trouver de nouveaux outils de financement pour les pays les plus vulnérables, tout en prenant en considération la particularité et les besoins de chaque pays.

L'Égypte souhaite faire entendre la voix de l'Afrique et ses préoccupations légitimes.

L'Afrique, bien que responsable de 3 % seulement des émissions mondiales est le continent le plus touché par les changements climatiques : augmentation continue des températures, accélération de l'élévation du niveau de la mer, phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes - inondations, glissements de terrain, sécheresses et leurs impacts dévastateurs sur la paix et la sécurité. Les Africains sont 500 millions à ne disposer d'aucune source d'énergie et 900 millions à ne pas avoir accès à des combustibles de cuisson propres. Le coût de l'adaptation s'élève à 2 % du PIB des pays africains. Et je ne mentionne pas le fardeau de la dette... L'Égypte va donc lancer lors de la COP27 une initiative visant à garantir l'accès rapide de 300 millions d'Africains aux sources d'énergie d'ici à 2027.

L'action climatique est une priorité sur l'agenda du gouvernement égyptien. Il s'agit de lutter contre les changements climatiques au plan local en favorisant le développement vert, en diversifiant les sources d'énergie et en renforçant les énergies renouvelables. Parmi ces actions figure la Stratégie énergétique durable intégrée (Ises) 2035 qui vise à produire, dans notre pays, 42 % d'électricité d'origine renouvelable d'ici à 2035.

Par ailleurs, le gouvernement égyptien lance des projets de transports verts, dont nombre en collaboration avec des compagnies françaises, afin de diminuer les émissions carboniques. Il prévoit aussi l'exonération totale des droits de douane pour l'importation de véhicules électriques et la baisse des prix des véhicules hybrides. Et dans la perspective de localiser cette branche de l'industrie automobile en Égypte, un mémorandum d'entente a été signé avec un groupe français bien connu.

La réussite de la COP27 est de la responsabilité de tous. L'Égypte ne s'épargne aucun effort pour que cette conférence réponde aux ambitions des peuples, qui comptent sur nous - gouvernements, organisations internationales, parlements, secteur privé, société civile - pour assurer aux générations futures un avenir de paix et de prospérité.

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