C'est un honneur de recevoir ce matin M. Alaa Youssef, ambassadeur d'Égypte en France, et M. Stéphane Crouzat, ambassadeur de France chargé des négociations sur le changement climatique.
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, monsieur Youssef, pour votre présence parmi nous. Je sais votre attachement au dialogue avec le Parlement français et la disponibilité dont vous avez fait preuve, ces dernières années, pour répondre aux sollicitations du groupe d'amitié France-Égypte, présidé par notre collègue Catherine Morin-Desailly. Nous nous réjouissons naturellement de ce dialogue régulier, signe de l'étroite collaboration entre nos deux pays.
La présidence égyptienne de la Conférence des parties (COP) a récemment détaillé ses priorités, en rappelant sa volonté de faire de la COP27 la conférence « de la mise en oeuvre » de l'accord de Paris. Vous aurez l'occasion de nous présenter les principaux axes de travail de votre pays.
Je salue également M. Stéphane Crouzat, que notre commission avait eu le plaisir d'entendre l'an passé, en amont de la COP26, et qui avait également accordé un entretien à notre délégation présente à Glasgow. Nous nous réjouissons de votre volonté de rendre des comptes devant la représentation nationale sur l'avancée des négociations climatiques.
Les enjeux de la COP27, un an après la conférence de Glasgow nous intéressent à cet égard particulièrement.
Dans son rapport de l'an dernier sur la COP26, notre commission avait dressé un bilan pour le moins contrasté des négociations. D'un côté, Glasgow a maintenu en vie l'accord de Paris en parachevant ses règles d'application et en offrant aux États un cadre propice à un relèvement de leur ambition climatique. Les États se sont notamment entendus sur les règles d'application de l'article 6 de l'accord de Paris, relatif aux dispositifs de marché qui doivent contribuer à donner un prix suffisant au carbone pour accélérer la transition. L'accord sur les règles de transparence devrait également permettre de mieux comparer les contributions de chaque État, et de contrôler la réalité et l'efficacité des actions entreprises pour respecter ces contributions. Quant à la demande faite aux États de revoir et de renforcer leur feuille de route - les fameuses « contributions déterminées au niveau national » (CDN) - d'ici à la COP27, elle vise à renforcer l'ambition collective dès cette année 2022.
Plusieurs mois après Glasgow, quel bilan faites-vous de ces avancées ? En particulier, constate-t-on un relèvement de l'ambition par le dépôt de nouvelles contributions nationales, comme le prévoyait le pacte de Glasgow ? Ce relèvement de l'ambition collective est indispensable : rappelons que la somme des engagements pris à Glasgow plaçait la planète sur une trajectoire d'augmentation des températures de 2,3° C, dans le scénario le plus optimiste...
Notre rapport sur la COP26 publié l'année dernière constatait par ailleurs des avancées largement insuffisantes en matière de finance climatique, qui nous faisaient craindre un accroissement des tensions entre pays développés et pays en développement, au risque de paralyser durablement la négociation climatique. En particulier, la COP26 n'a pas permis de trouver de solutions de financement pour les « pertes et préjudices » correspondant aux dommages résiduels inévitables du changement climatique, en dépit des nombreuses demandes des pays vulnérables. L'instauration du « mécanisme de Glasgow », enjoignant l'ensemble des parties à avancer en deux ans sur ce sujet de financement, avait toutefois été perçue comme une issue positive.
Où en est-on dans la mise en oeuvre de ce « mécanisme de Glasgow » ? Quel rôle la France et l'Union européenne, d'une part, et la présidence égyptienne, d'autre part, peuvent-elles jouer pour faire avancer cet aspect crucial des négociations ?
C'est également un honneur de partager avec vous notre vision de la COP27. À cet égard, nous évoquons régulièrement, avec nos collègues du Quai d'Orsay, les sujets qui seront abordés au cours de cette conférence. Les relations bilatérales entre Le Caire et Paris sont stratégiques à tous les niveaux. Ainsi, voilà quinze jours, j'accompagnais le président du Sénat égyptien lors de sa rencontre avec le président Gérard Larcher et avec les membres du groupe sénatorial d'amitié France-Égypte.
Nous faisons face à des enjeux mondiaux sans précédent : la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, qui a entraîné une crise alimentaire ; les changements climatiques ; les répercussions de l'épidémie de covid-19 ; le ralentissement économique et les vagues d'inflation qui en résultent. La COP27 nous offre l'opportunité de faire converger au niveau mondial les efforts en termes d'action climatique, d'assumer notre responsabilité à l'égard des générations futures et de garantir leur droit de vivre dans un environnement sain.
Les rapports et les estimations émanant des différents centres de recherche et organisations internationales ont mis l'accent sur l'importance majeure de la lutte immédiate contre les changements climatiques, et la nécessité de la mise en oeuvre, sans retard, de l'ensemble des engagements internationaux. C'est pourquoi l'Égypte a choisi d'intituler la COP27 qui se tiendra à Charm el-Cheikh « le sommet de la mise en oeuvre » (Implementation Summit). Il est en effet temps de réagir.
L'Égypte attache une importance particulière aux modalités de passage des engagements aux actes, lesquelles font l'objet de discussions avec nos partenaires - gouvernements, organisations internationales, société civile, secteur privé, etc. -, l'action climatique relevant de la responsabilité commune de tous les acteurs internationaux.
Les trois axes majeurs que l'Égypte souhaite aborder en priorité pendant la prochaine COP sont : le financement, l'adaptation, l'atténuation.
Premier point : le financement, pierre angulaire de la coopération internationale pour l'action climatique. En 2009, les pays développés se sont engagés à porter à 100 milliards de dollars par an l'aide aux pays en voie de développement (PVD) en faveur du climat. Pourtant, treize ans plus tard, le bilan final ne reflète pas ces bonnes intentions. Selon les estimations les plus optimistes, seulement 79 % de ces engagements ont été honorés. Même si l'objectif des 100 milliards de dollars par an consacrés à ce problème est atteint, les experts estiment que cette somme ne représente que 3 % des fonds qui seraient nécessaires pour relever ce défi, soit au total entre 2,2 et 3,5 trillions de dollars.
À cet égard, je tiens à saluer les efforts inlassables de la France, qui est devenue l'un des principaux bailleurs internationaux finançant la lutte contre les changements climatiques, en y consacrant 26,4 milliards d'euros depuis 2017 et 6 milliards d'euros pour l'année 2021 dans les PVD, selon les données de l'Agence française de développement (AFD).
L'Égypte souhaite que soient mises en oeuvre des initiatives pour le financement innovant de l'action climatique, via des instruments n'alourdissant pas trop le fardeau des PVD - les échanges de dettes, par exemple -, en coopération avec les institutions financières internationales, les bailleurs de fonds et le secteur privé.
Ainsi l'Égypte a-t-elle organisé, en septembre dernier, une conférence pour la coopération internationale dont les principaux objectifs étaient d'assurer la cohérence des positions en matière de financement climatique, de présenter les bonnes pratiques de développement et de promouvoir de nouvelles actions favorisant l'adaptation et l'atténuation. En outre, une des journées thématiques organisées à l'occasion de la COP27 réunira des ministres des finances, des représentants d'institutions financières internationales et régionales ainsi que du secteur privé en vue d'aborder les questions globales liées au financement, surtout dans les PVD, et le rôle important du secteur privé dans l'action climatique.
Deuxième point : l'atténuation. L'Égypte souhaite unifier les efforts internationaux en vue de limiter le réchauffement climatique bien en deçà de 2° C et elle ne s'épargne aucun effort pour maintenir l'objectif de 1,5° C.
Lors de la dernière Assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU), en septembre dernier, le Secrétaire général a indiqué que l'objectif de 1,5° était « sous respirateur artificiel et faiblissait rapidement ». Cette situation exige des actions immédiates, audacieuses, et une ambition accrue de la part de toutes les parties. La COP27 sera donc l'occasion de tenir les engagements pris en vue d'atteindre les objectifs de l'accord de Paris, et de stimuler la mise en oeuvre dudit accord.
Conformément au pacte de Glasgow, tous les pays sont invités, lors de la COP27, à revoir et à renforcer leurs contributions déterminées au niveau national (CDN). Le rapport présenté par l'Égypte en juin dernier sur ce sujet reflète l'ampleur de ses ambitions, au travers de mesures que l'État s'engage à mettre en oeuvre d'ici à 2030 dans les domaines des énergies renouvelables, des transports, du financement vert, etc.
Troisième point : l'adaptation. Les événements météorologiques que sont les vagues de chaleur, les inondations et les incendies de forêt sont devenus une réalité quotidienne. Lors de la COP26, les chefs d'État et de gouvernement ont réitéré leur engagement pour une action mondiale renforcée en faveur de l'adaptation. Les parties à la COP27 seront donc encouragées à faire preuve de volonté politique pour renforcer la capacité des communautés les plus fragiles à s'adapter aux changements climatiques. Cette conférence devrait également être l'occasion d'adopter un programme d'action mondiale renforcée pour l'adaptation, conforme aux termes de l'accord de Paris et du pacte de Glasgow.
Le dossier épineux des pertes et des préjudices est toujours sur la table des négociations de la COP27. Les pays en voie de développement subissant les conséquences économiques très lourdes des changements climatiques, la présidence de la COP27 s'est engagée à mettre en oeuvre les engagements pris lors de la conférence de Glasgow pour accélérer les actions destinées à contenir les pertes et les préjudices ainsi qu'à financer les transferts de technologies, notamment. Les réunions « pré-COP » qui se sont tenues la semaine dernière à Kinshasa ont mis l'accent sur plusieurs priorités de l'action climatique, parmi lesquelles la nécessité de trouver de nouveaux outils de financement pour les pays les plus vulnérables, tout en prenant en considération la particularité et les besoins de chaque pays.
L'Égypte souhaite faire entendre la voix de l'Afrique et ses préoccupations légitimes.
L'Afrique, bien que responsable de 3 % seulement des émissions mondiales est le continent le plus touché par les changements climatiques : augmentation continue des températures, accélération de l'élévation du niveau de la mer, phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes - inondations, glissements de terrain, sécheresses et leurs impacts dévastateurs sur la paix et la sécurité. Les Africains sont 500 millions à ne disposer d'aucune source d'énergie et 900 millions à ne pas avoir accès à des combustibles de cuisson propres. Le coût de l'adaptation s'élève à 2 % du PIB des pays africains. Et je ne mentionne pas le fardeau de la dette... L'Égypte va donc lancer lors de la COP27 une initiative visant à garantir l'accès rapide de 300 millions d'Africains aux sources d'énergie d'ici à 2027.
L'action climatique est une priorité sur l'agenda du gouvernement égyptien. Il s'agit de lutter contre les changements climatiques au plan local en favorisant le développement vert, en diversifiant les sources d'énergie et en renforçant les énergies renouvelables. Parmi ces actions figure la Stratégie énergétique durable intégrée (Ises) 2035 qui vise à produire, dans notre pays, 42 % d'électricité d'origine renouvelable d'ici à 2035.
Par ailleurs, le gouvernement égyptien lance des projets de transports verts, dont nombre en collaboration avec des compagnies françaises, afin de diminuer les émissions carboniques. Il prévoit aussi l'exonération totale des droits de douane pour l'importation de véhicules électriques et la baisse des prix des véhicules hybrides. Et dans la perspective de localiser cette branche de l'industrie automobile en Égypte, un mémorandum d'entente a été signé avec un groupe français bien connu.
La réussite de la COP27 est de la responsabilité de tous. L'Égypte ne s'épargne aucun effort pour que cette conférence réponde aux ambitions des peuples, qui comptent sur nous - gouvernements, organisations internationales, parlements, secteur privé, société civile - pour assurer aux générations futures un avenir de paix et de prospérité.
C'est un plaisir de prendre la parole devant vous en présence de M. Alaa Youssef, avec qui, hier encore, j'évoquai la participation du Président de la République au sommet des leaders qui se déroulera lundi 7 et mardi 8 novembre dans le cadre de la COP27 - la « COP de la mise en oeuvre ».
Les quatre piliers de la négociation seront l'atténuation, l'adaptation, les pertes et préjudices et naturellement les finances, toile de fond de l'ensemble des discussions.
En 2021, nous avions collectivement émis plus de 52 gigatonnes de gaz à effet de serre, contre 45 gigatonnes en 2015. Les émissions ont donc augmenté depuis l'accord de Paris, et elles continueront à le faire en 2022, alors même que selon le Giec, cette décennie est notre dernière chance pour rester dans le bas de la fourchette fixée par l'accord, c'est-à-dire un réchauffement de 1,5°C à l'horizon 2050. Pour cela, il faudra réduire nos émissions de 45 % d'ici à 2030 par rapport à 2019. Beaucoup d'efforts restent à fournir.
À Glasgow, les participants de la COP26 ont pris la mesure de l'urgence, avec des décisions fortes. Ainsi les parties qui n'auraient pas soumis de contributions déterminées au niveau national (CDN) en ligne avec la trajectoire devront présenter des contributions revues et renforcées avant la fin 2022 ; le rapport de synthèse faisant le bilan des CDN sera désormais annuel, tout comme la table ronde ministérielle, afin de maintenir une pression collective ; toutes les parties ont été encouragées à soumettre des stratégies de long terme ; enfin un programme de travail sur l'atténuation est attendu à la COP27.
Les parties ont-elle écouté ces exhortations ? À ce jour, 23 d'entre elles ont soumis une CDN renforcée, dont l'Égypte ainsi que l'Inde, mais d'autres très grands émetteurs comme la Chine n'ont pas revisité leur contribution nationale. Les regards se tournent vers les pays du G20, à l'origine de 80 % des émissions mondiales.
La réunion ministérielle du G20 à Bali, fin août, n'a pas débouché sur un communiqué commun. Les discussions ont d'abord achoppé sur la qualification de la guerre d'agression russe en Ukraine, la Russie étant directement concernée. Ensuite, la présidence indonésienne a été débordée par un texte beaucoup trop long. Mais surtout, certains pays du G20 résistaient fortement à reconnaître les acquis du pacte de Glasgow sur le climat : alors que nous voulions conserver la boussole d'une augmentation des températures contenue à 1,5°C, ils nous renvoyaient vers la fourchette de l'accord de Paris, soit 1,5 à 2°C. On nous a également objecté que le mot de « leadership » du G20 était inapproprié, alors qu'il avait été adopté lors de la réunion des ministres de l'énergie et du climat des pays du groupe G20 à Naples, en juillet 2021. La réunion de Bali a donc débouché sur un simple résumé de la présidence, qui n'engage pas les membres du G20.
Les conversations ont été plus constructives lors de la pré-COP27 de Kinshasa, où j'ai accompagné le Président de la République. Une soixantaine de délégations ont permis d'avancer sur les quatre piliers, même de façon non décisive. Cela augure d'une COP27 plus apaisée que la conférence de Bonn où les négociations ont été tendues.
Nous ferons en sorte que les acquis de Glasgow soient confortés et renforcés. L'Union européenne est au rendez-vous. Voici deux ans, elle a porté de 40 à 55 % son engagement de réduction nette des émissions entre 1990 et 2030. Sachant que l'Union européenne a réduit ses émissions de 20 % entre 1990 et 2020, cela implique une réduction supplémentaire de 35 % d'ici à 2030. Le défi est considérable, mais nous nous donnons les moyens de le relever avec le paquet Fit for 55 que nous espérons conclure dans les prochains mois dans le cadre du trilogue.
Le pacte de Glasgow exhortait également les pays développés à doubler les financements pour l'adaptation au changement climatique en 2025 par rapport à 2019. C'est une réponse à une demande pressante des pays en voie de développement. Le Président de la République a annoncé 6 milliards d'euros par jusqu'en 2025, dont 2 milliards pour l'adaptation. Nous sommes au rendez-vous, puisque l'objectif de 6 milliards pour 2021 a été dépassé, avec 2,2 milliards réservés pour l'adaptation. Au niveau mondial, les pays développés avaient apporté une aide de 83,3 milliards d'euros aux pays en voie de développement en 2020 dont 28 milliards pour l'adaptation - contre 79,6 milliards et 20 milliards respectivement en 2019. Les 2,2 milliards de la France représentent par conséquent pas moins de 10 % de l'effort mondial.
Ce sujet sera certainement à l'ordre du jour de la COP27, car les pays en voie de développement nous demanderont des comptes sur le respect de la trajectoire et nos engagements. Nous avons bon espoir d'atteindre l'objectif de 100 milliards d'euros en 2023.
Il convient également de mobiliser les investissements du secteur privé et des banques multilatérales de développement, qui peuvent créer des effets de levier très importants.
Concernant les pertes et préjudices, sujet très sensible monté en puissance à la COP26, nous avons enregistré des avancées sur la mise en oeuvre du réseau de Santiago. Il faut maintenant transformer l'essai. Environ 25 millions d'euros ont été promis par plusieurs États membres. Nous y serons attentifs.
Le dialogue de Glasgow sur le financement des pertes et préjudice doit se poursuivre jusqu'en 2024. Les petites îles et les territoires les plus vulnérables sont très attachés à la création d'un fonds spécifique. La question sera à l'ordre du jour. La France estime que créer un nouveau fonds n'est peut-être pas la solution, alors qu'existent déjà le Fonds pour l'adaptation, le Fonds vert pour le climat, le fonds pour l'environnement mondial et le Fonds pour les pays les moins avancés.
Le Secrétaire général des Nations Unies souhaite que d'ici à 2027, l'ensemble des populations vulnérables soient couvertes par un mécanisme d'alerte précoce. Lors de la COP21, la France a été à l'origine de l'initiative Climate Risk and Early Warning Systems (Crews), qui vise à fournir ces systèmes d'alerte aux pays les plus vulnérables. Nous allons doubler notre contribution pour la porter à 8 millions d'euros par an. Citons également le Global Shield, initiative de la présidence allemande du G7, qui développe des systèmes assurantiels pour les populations soumises à des aléas climatiques. Ce sont des réponses partielles, mais concrètes, et nous espérons de nouvelles avancées à Kinshasa.
Il conviendra également de suivre les initiatives de la COP26 comme la Global Methane Pledge, un engagement à réduire les émissions de méthane de 30 % d'ici à 2030 par rapport à 2020. Un financement de 12 milliards d'euros a également été annoncé en faveur de la préservation de la forêt tropicale.
La France a adhéré à la déclaration sur le soutien public international à la transition énergétique propre, qui prévoit la fin du crédit export aux énergies fossiles avant la fin 2022. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une mise en oeuvre dès la fin 2022, et non en 2025 comme initialement prévu.
Mais d'autres initiatives seront également lancées à la COP27, et la présidence égyptienne nous communique de très nombreuses notes de concept en ce sens, notamment sur l'accès à l'énergie en Afrique où 600 millions de personnes sont privées d'électricité.
Nos autorités ont manifesté tout l'intérêt qu'elles éprouvent pour cette COP. Le Président de la République a annoncé sa volonté de participer au segment des leaders les 7 et 8 novembre prochain. De nombreux ministres feront également le déplacement.
Le changement climatique est un sujet de préoccupation majeure, pour nos concitoyens comme pour les collectivités territoriales. La COP26 a été jalonnée d'accords sectoriels, qui, malgré leurs limites, ont été l'une de ses forces.
Monsieur l'ambassadeur d'Égypte, la présidence égyptienne entend-elle poursuivre cette pratique ? Peut-on s'attendre à de nouvelles avancées des coalitions forgées l'an dernier, notamment pour la sortie du charbon ?
Un autre engagement sectoriel vise à réduire les émissions globales de méthane d'au moins 30 % d'ici à 2030 par rapport à 2020. Or trois des cinq plus grands émetteurs de méthane au monde, la Chine, l'Inde et la Russie, manquaient à l'appel de cette coalition l'année dernière. Peut-on espérer une évolution de leur part ? Quel sera l'impact de la guerre en Ukraine sur la COP27 ?
Enfin, nous nous étions félicités l'an dernier du partenariat de 8,5 milliards de dollars conclu en faveur de l'Afrique du Sud, pour accompagner sa transition du charbon vers l'énergie propre dans les cinq prochaines années. Des partenariats comparables pourront-ils être conclus, particulièrement avec les pays africains ?
Vous avez évoqué la situation des pays les plus vulnérables. Parmi eux, le Pakistan a été victime cet été d'inondations dévastatrices que les experts attribuent au réchauffement climatique. Les pluies diluviennes y ont causé 1 600 morts depuis juin dernier et plus de 7 millions de personnes y vivent aujourd'hui des camps de fortune, sans eau potable.
Ces calamités vont toucher d'autres pays, ceux-là mêmes qui polluent le moins. Le Pakistan ne représente que 0,8 % des émissions mondiales de CO2. La question écologique appelle inéluctablement celle du modèle économique mondial dominant. Le Giec confirme que le capitalisme menace la survie de la planète.
Les compensations prévues dans les plans de neutralité carbone n'entraînent aucune réduction des émissions. Qu'en pensez-vous ? Quelles sont vos ambitions concrètes au titre de la COP27 ? Quels objectifs audacieux, mais tenables, souhaitez-vous faire adopter pour que les plus grands pollueurs respectent leurs engagements, qui, pour l'heure, ne sont pas des obligations ?
La COP27 s'inscrit dans un contexte tout à fait spécifique, après le bilan en demi-teinte de la COP26 et la publication du sixième rapport du Giec, dont la conclusion est sans appel.
Monsieur Crouzat, ce rapport sera-t-il au coeur des négociations, avec des pistes pragmatiques d'action ? Faut-il être pessimiste, à l'instar de François Hollande, pour qui la Chine, la Russie et les États-Unis ont aujourd'hui d'autres préoccupations ? « Il n'y a pas grand-chose à attendre de cette COP », a déclaré l'ancien Président de la République. Votre optimisme est-il réel ou diplomatique ?
Monsieur Chevrollier, certains accords sectoriels relèvent de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), d'autres sont négociés en dehors. Tous les accords conclus l'an passé feront l'objet d'un suivi. La présidence britannique est très soucieuse que les annonces faites à la COP26 soient mises en oeuvre, notamment pour ce qui concerne le méthane.
La Russie, l'Inde et la Chine ne sont effectivement pas signataires du Global Methane Pledge. La Chine avait toutefois annoncé des efforts particuliers et la publication d'un plan méthane. De plus, les États-Unis, qui sont l'un des plus gros émetteurs de méthane, comptent parmi les initiateurs de cet accord. Nous espérons les voir prendre ce problème à bras-le-corps. Le méthane sera également au coeur du programme de travail relatif à l'atténuation, prévu à Glasgow, qui doit courir jusqu'en 2030.
La Russie est un partenaire très important des négociations climatiques. Elle représente 4 % à 5 % des émissions mondiales et a ratifié l'accord de Paris en 2019, ce qui était un très bon signal. Comment réagira-t-elle lors des prochaines négociations ? Dans le cadre du G20, elle n'était pas la plus virulente ; elle s'est même révélée assez atone. Quelles conclusions doit-on en tirer pour la COP ? C'est à voir.
Le partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), conclu avec l'Afrique du Sud, est en soi assez novateur. À ce titre, nous avons avancé et nous aurons différents éléments à faire valoir. La France et l'Allemagne travaillent main dans la main pour un prêt de politique publique au gouvernement sud-africain, lequel fera l'objet d'une annonce à la COP27. Nous travaillons en outre à des partenariats comparables avec d'autres pays - l'Indonésie, le Vietnam, l'Inde et le Sénégal -, dans l'espoir d'une déclaration politique à la COP27 soulignant la volonté commune des bailleurs membres du G7 et de ces pays d'avancer vers leur décarbonation.
Madame Varaillas, vous insistez avec raison sur la tragédie que vit le Pakistan. Nous devons absolument venir en aide aux pays qui subissent de tels désastres. Des fonds ont été débloqués via l'United Nations Office for Disaster Risk Reduction (UNDRR). La France a envoyé des avions humanitaires au Pakistan. Il y aura encore fort à faire dans les mois et les années qui viennent.
Certes, l'accord de Paris n'est pas contraignant, contrairement au protocole de Kyoto. C'est son originalité, sa force et sa faiblesse : il est très inclusif, mais les pays décident eux-mêmes de l'effort qu'ils vont fournir. En tout cas, sans l'accord de Paris, les schémas d'augmentation de température ne seraient pas compris entre 1,8 et 3 degrés, mais entre 4 et 5 degrés à l'horizon 2100, ce qui est inimaginable.
Monsieur Demilly, depuis la fin des années quatre-vingt, c'est bien la science qui guide les négociations. Elle nous alerte de manière de plus en plus pressante sur les risques que nous encourons et nous indique les efforts à accomplir pour rester dans la trajectoire. Depuis le début de l'ère industrielle, nous avons émis 2 500 gigatonnes de CO2 : il nous en reste au maximum 500 à « dépenser ». La science doit être notre boussole.
La Chine représente aujourd'hui 30 % des émissions mondiales : sans elle, il n'y aura pas de solution. Elle continue certes d'augmenter sa consommation de charbon ; mais elle présente aussi le plus fort taux d'augmentation des énergies renouvelables. Nous espérons qu'elle tiendra son objectif d'atteindre le pic des émissions avant 2030. Nous pensons d'ailleurs qu'elle peut l'atteindre dès 2025, pour réduire ensuite ses émissions très rapidement. Elle a aussi annoncé qu'elle atteindrait la neutralité carbone à horizon 2060, soit en trente ans. L'Union européenne se donne, elle, soixante ans pour suivre cette trajectoire, de 1990 à 2050.
L'Inde, qui représente 7 % des émissions mondiales, joue le jeu, alors qu'il y a peu elle refusait encore de réduire les émissions. Elle a annoncé la neutralité carbone pour 2070 et un pic d'émissions pour 2040. C'est un défi énorme pour ce pays.
Viennent enfin les États-Unis. Les midterms auront lieu le premier mardi de la COP : du résultat de ces élections dépendra, en partie, la saveur de cette rencontre. Le plan de 369 milliards de dollars consacré à la lutte contre le changement climatique a finalement été voté par le Congrès. Grâce à lui, les États-Unis entendent réduire leurs émissions de 40 % à l'horizon 2030 par rapport à 2005. Ils sont déterminés à agir le plus vite possible et recrutent des agents par milliers pour mettre en oeuvre ce plan dans les deux années qui viennent.
S'agissant des accords sectoriels, tous les sujets évoqués durant la COP de Glasgow, seront discutés à Charm el-Cheikh. La présidence égyptienne de la COP organisera des journées thématiques portant aussi bien sur la décarbonisation, les financements, les sciences, les jeunes et les futures générations, le genre, l'adaptation de l'agriculture, l'eau, la biodiversité, la société civile.
L'Égypte va également lancer plusieurs initiatives durant cette COP, qui proposera des solutions afin de répondre à plusieurs défis auxquels est confrontée la communauté internationale. On peut citer, par exemple, l'initiative en faveur d'une vie décente afin d'améliorer la qualité de vie dans les espaces ruraux en Afrique, celle portant sur les systèmes d'alerte précoce dans le cadre du soutien à une initiative du secrétaire général de l'ONU, celle portant sur l'alimentation et les changements climatiques, sur l'eau, sur la transition énergétique en Afrique, sur le Moyen-Orient, pour faire face à la dégradation des prairies...
Vous avez raison au sujet des inondations au Pakistan. Il s'agit d'un des phénomènes qui, comme la sécheresse ou les feux de forêt, affectent certains pays en voie de développement, surtout en Afrique. Il est donc temps de réagir, alors que de nombreux peuples en souffrent.
Je reste optimiste. Néanmoins, la volonté politique dépend des décisions des grandes puissances. C'est pourquoi, depuis le début de l'année, l'Égypte a pris contact avec la Chine, les États-Unis et quelques pays asiatiques afin de préparer cette COP. Nous estimons qu'il est temps de réaliser des compromis, d'essayer d'accommoder les inquiétudes et les engagements. Aucun pays ne sera dispensé de faire des efforts et il est particulièrement nécessaire de demander aux grandes puissances de respecter leurs engagements en matière de lutte contre le changement climatique.
Ma question fait suite à la pré-COP 27, organisée à Kinshasa la semaine dernière. Parmi les sujets qui y ont été soulevés par les pays en voie de développement, figure celui des efforts demandés à ces pays, notamment africains, peu émetteurs de gaz à effet de serre à l'échelle mondiale, mais qui ont besoin des énergies fossiles et de leur exploitation pour accélérer leur développement.
Il est difficile d'allier lutte contre le changement climatique et lutte contre la pauvreté. Les besoins à court terme de ces pays peuvent être en contradiction avec les objectifs internationaux de réduction d'émissions de gaz à effet de serre.
Comment le discours des pays industrialisés est-il perçu dans les négociations internationales ? Comment adapter ce discours afin de rendre acceptables - et même audibles - les efforts demandés à ces pays moins favorisés ?
En tant que membre du groupe d'amitié France-Égypte, je salue votre présence, Excellence. Je vous remercie également pour votre implication et vos réponses à nos sollicitations dans le cadre de ce groupe d'amitié.
L'Égypte peut s'enorgueillir d'accueillir cette COP 27 ; elle avait déjà reçu, en 2018, la quatorzième Conférence des parties à la convention sur la biodiversité. Cette COP sera l'occasion de mettre l'accent sur les priorités des pays en développement, plus particulièrement sur les besoins de l'Afrique. En effet, il s'agit d'un des continents les plus affectés par le changement climatique, alors qu'il est celui qui émet le moins de gaz à effet de serre et qui est le moins responsable du réchauffement. Le rapport sur les inégalités mondiales souligne ainsi que 10 % des plus riches sont responsables de 48 % des émissions. En raisonnant par zones géographiques, l'Afrique ne représente que 3 % de ces émissions.
La Conférence ministérielle africaine sur l'environnement, réunie à Dakar, a unanimement souligné la nécessité de reconnaître les besoins, notamment de financement. Une déclaration sur l'abandon des modèles de développement à forte intensité de combustibles fossiles a eu lieu.
Néanmoins, un certain nombre de pays ont déclaré ne pas vouloir renoncer à l'exploitation de leurs ressources pétrolières et gazières : le Sénégal prévoit d'exploiter, dès 2023, ses réserves de gaz et de pétrole dans l'Atlantique, la République démocratique du Congo a lancé un appel d'offres pour l'exploitation de vingt-sept blocs pétroliers et de trois gaziers.
Les porte-parole de ces États jugent inconcevable que les pays occidentaux leur demandent de renoncer aux énergies fossiles, alors qu'ils ont construit leur industrie grâce à ces énergies et qu'ils représentent l'écrasante majorité des émissions de gaz à effet de serre.
Comment alors concilier ces injonctions contradictoires : la nécessité de disposer de ressources pour se développer et celle de lutter contre le réchauffement climatique ?
Cette COP 27 est présentée comme celle de la mise en oeuvre, ce qui est très ambitieux. Pouvez-vous nous donner davantage d'explications sur la diplomatie que vous allez mener auprès des pays qui ne s'engagent pas suffisamment ?
Les gaz à effet de serre n'ont pas cessé d'augmenter. Or, depuis des années, nous inscrivons des objectifs de diminution. Ne faut-il pas pousser un grand cri d'alarme pour réellement avancer sur ce sujet ? Rappelons que des boucles rétroactives se mettent en place. En effet, les calculs concernant le captage du carbone par les forêts et les océans sont effectués à l'aide de modèles fondés sur les conditions actuelles. Cependant, sous l'effet du réchauffement climatique, le puits de carbone que représentent les océans ne sera plus aussi efficace, tout comme les forêts abîmées par les sécheresses. Cette situation doit nous alarmer. Il en est de même s'agissant des dégagements de méthane issus de la fonte du pergélisol sous l'effet du réchauffement climatique.
Enfin, s'agissant de la juste répartition de la responsabilité, les pays en voie de développement n'ont pas contribué à cette situation contrairement aux pays occidentaux. Nous avons donc une responsabilité accrue, concernant aussi bien les émissions actuelles que passées, que nous devrions reconnaître et matérialiser dans nos engagements.
Ma question porte sur les grands événements écocides. En 2010, la décision d'organiser la Coupe du monde de football au Qatar a suscité des protestations, mais pas à la hauteur de la gravité de la situation. En effet, le réchauffement climatique s'est depuis accéléré et, à l'époque, on ne soupçonnait pas les milliers de morts que l'organisation de cet événement susciterait.
A posteriori, les réactions se multiplient. Ainsi, la Première ministre a déclaré qu'elle ne se rendrait pas au Qatar et à Lille, dans ma ville, la maire a décidé qu'aucune retransmission sur écrans géants n'aurait lieu. Cependant, de manière incompréhensible, d'autres grands événements du même ordre sont annoncés, comme celui qui se déroulera en Arabie saoudite.
La COP pourrait-elle être l'occasion d'adopter une initiative demandant que ce genre d'événements ne soit plus organisé, alors que le réchauffement climatique s'accélère ?
La crise actuelle rattrape la France. Alors que nous recherchons des ressources d'énergie coûte que coûte, y compris du gaz et du charbon, ne craignez-vous pas que la France soit dans une position qui serait en contradiction avec les annonces de la COP 27 ? Et ne pensez-vous pas qu'elle risque de perdre en crédibilité auprès des pays en voie de développement concernant les questions climatiques ? Quel sera le langage de la France ?
Dans un monde en guerre, il est difficile de trouver un accord global sur le climat. Cette COP se déroule pendant une sorte de parenthèse, en attendant de savoir dans quel monde nous serons d'ici deux ou trois ans. Aussi ne faut-il pas demander l'impossible à la présidence égyptienne et nous lui souhaitons un bon courage. Néanmoins, toutes les COP sont utiles et permettent d'avancer dans plusieurs secteurs.
Comme la présidence égyptienne le souhaitait, la COP 27 est une COP développement et climat, qui traitera du développement de l'Afrique et de la question récurrente des financements.
Derrière ce sujet, figure toujours celui d'une forme de contrat passé entre l'Afrique et le reste du monde, ou entre l'Afrique et les pays développés. Au-delà du discours - juste - soulignant que l'Afrique n'est pas historiquement responsable de la situation, il s'agit d'examiner ses propositions en termes de captation de carbone - sujet assez présent lors de la pré-COP à Kinshasa -, mais aussi en termes d'efficience de ses propres actions. Les difficultés d'accès aux financements pour de nombreux projets sont connues, de même que celles liées à une décentralisation trop faible, à un accès aux réseaux pour les énergies renouvelables dans des systèmes très centralisés et qui ne sont pas efficients. Il existe également des blocages africains à ce développement.
Que peut mettre l'Afrique sur la table des négociations ? Vers quel contrat peut-on aller ? Ce qui n'enlève rien à la nécessité d'augmenter les financements en provenance des pays les plus développés.
La deuxième question porte sur la convergence des trois COP qui se tiennent, pour la première fois depuis longtemps, la même année. En effet, la COP 15 sur la lutte contre la désertification s'est déroulée à Abidjan, la COP 27 sur les changements climatiques va se tenir à Charm el-Cheikh avant la COP 15 sur la biodiversité à Montréal. L'idée d'une nécessaire convergence entre ces trois COP, nées des trois conventions signées lors du Sommet de la Terre de Rio, était présente ces dernières années, mais on tarde à en voir la réalisation.
Lors de la COP 27, quels seront les actes concrets afin de parvenir à cette convergence et d'intégrer davantage les enjeux de biodiversité dans les stratégies climat ?
Enfin, ma dernière question s'adresse à l'ambassadeur français. En dépit du contexte de crise économique, les pays occidentaux ont-ils conscience qu'ils devront mettre plus d'argent sur la table ou se montrent-ils très prudents en termes d'engagements financiers ?
L'ONU ainsi que la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge appellent à se préparer aux vagues de chaleur à venir pour éviter un nombre important de morts et gérer l'exode de régions entières. Dans cette perspective, que peuvent apporter les mécanismes techniques des accords internationaux ?
Les tensions sur les approvisionnements en énergie mettent en évidence la responsabilité climatique des pays en guerre, car cette situation nous pousse à prendre des décisions politiques qui ont des impacts sur le climat. Nous construisons un central méthanier au large du Havre afin d'importer du gaz de schiste, et nous allons remettre en fonctionnement des centrales à charbon. La COP27 soulignera-t-elle que les conflits causent des régressions, y compris sur le plan climatique ?
Par ailleurs, lorsqu'on leur parle d'atténuation, les pays en voie de développement, qui sont peu émetteurs de gaz à effet de serre et ont parfois besoin des énergies fossiles pour se financer, interprètent souvent cela comme une provocation. Le Congo dispose par exemple des nappes pétrolières importantes.
Pensez-vous que la COP pourra faire avancer les choses, ne serait-ce qu'en pointant les responsabilités et les clivages ?
Monsieur Youssef, vous avez évoqué l'organisation d'un atelier portant sur le genre. Quel est le lien avec le climat ?
Dans le cadre de la COP26, la République démocratique du Congo (RDC) avait signé un accord de 500 millions d'euros l'engageant à préserver ses forêts. Mais fin juillet, le gouvernement congolais a lancé un appel d'offres pour l'octroi de droits à l'exploitation de 27 champs pétroliers et de 3 champs gaziers, pour un gain potentiel d'un montant total de 640 milliards d'euros.
Au-delà des mots, pensez-vous que la COP27 sera en mesure de résoudre l'équation financière ?
L'Égypte a fait de l'aide à l'Afrique une des priorités de cette COP. Alors que le continent africain n'est responsable que de 3 % des émissions, il est le plus touché par le dérèglement climatique. Au-delà des contributions déterminées au niveau national (CDN) qui ont été annoncées par plusieurs pays, les pays africains ont lancé plusieurs initiatives pour encourager l'adaptation, telles que les « budgets verts ».
S'agissant de l'aspect diplomatique, nous allons effectivement nous efforcer de nous adresser à tous les pays et d'accommoder tout le monde dans le contexte international délicat que nous connaissons. La diplomatie égyptienne est connue pour sa capacité à trouver des compromis. Nous allons essayer de proposer des solutions équilibrées et encourager les grandes puissances à honorer leurs engagements déjà pris.
Comme c'était le cas pour les précédentes COP, une zone sera réservée aux protestataires. Par ailleurs, la société civile sera représentée et participera activement aux travaux.
Enfin, les questions relatives au genre sont toujours débattues durant les COP, comme d'ailleurs dans toutes les instances onusiennes et internationales. Le gouvernement égyptien accordant beaucoup d'importance à la question de l'émancipation des femmes, il a décidé de consacrer une journée entière aux travaux sur le genre.
Les questions d'équité et de juste répartition des responsabilités historiques sont des sujets qui montent dans les négociations climatiques. L'Inde, notamment, est responsable de 7 % des émissions mondiales, mais elle n'émet que 1,6 tonne d'émissions de gaz à effet de serre par habitant, tandis qu'aux États-Unis, les émissions par habitant sont à peu près dix fois supérieures. Alors que les pays développés ont dépensé 2 500 gigatonnes depuis les débuts de l'ère industrielle pour leur développement, l'Inde les appelle à faire un effort pour qu'elle puisse elle aussi bénéficier d'une part de ce gâteau et ainsi, se développer.
Une étude de Climate Action Tracker montre que les États-Unis sont responsables d'environ un quart des émissions historiques mondiales, et que la responsabilité historique de la Chine, qui s'élève à 11 % des émissions historiques mondiales, ne cesse de prendre de l'importance à mesure que les émissions des pays développés diminuent. Le Brésil et l'Inde sont quant à eux respectivement responsables de plus de 4 % des émissions historiques mondiales. Ce sujet n'est donc pas aussi univoque que l'on pourrait croire.
J'en viens aux demandes légitimes de certains pays en développement, en particulier d'Afrique, qui souhaitent développer leurs ressources fossiles. Nous avons entamé des discussions avec le Sénégal pour imaginer un développement reposant à la fois sur le gaz et sur les énergies renouvelables. Les pays en développement ont bien conscience que les énergies fossiles ne sont pas des énergies d'avenir. De fait, il est de plus en plus difficile de financer l'ouverture d'une centrale à charbon, car les investisseurs considèrent qu'il s'agit déjà d'une énergie du passé.
Si certains pays peuvent faire appel à leurs énergies fossiles dans le cadre d'une transition réfléchie et inscrite dans une trajectoire de réduction des émissions à un horizon déterminé, comme c'est le cas du Sénégal, il faut que ces pays développent de manière massive leurs énergies renouvelables, qui sont d'ailleurs les moins chères aujourd'hui. Les coûts de production de l'énergie solaire ont diminué de 89 % au cours de la dernière décennie.
J'ai été interrogé sur la contradiction qui semble exister entre les annonces des pays industrialisés sur la nécessité de décarboner et la réalité. La France a certes rouvert une centrale à charbon dans un contexte très difficile d'approvisionnement énergétique, mais cette réouverture est temporaire et les émissions qui en découleront sont compensées par des actions de compensation.
À moyen et long termes, la France et l'Union européenne sont déterminées à effectuer cette transition énergétique. La crise que nous connaissons ne fait que nous encourager dans ce sens.
Cette année se tiendra également la Conférence de l'ONU sur la biodiversité, qui permet de fixer un cadre stratégique pour les prochaines années. En lien avec cet événement, nous avons lancé avec le Costa Rica la Coalition de la haute ambition pour la nature et les peuples, qui vise à la constitution par chaque pays d'espaces protégés sur les terres et les mers qui sont de son ressort.
Je rappelle enfin que l'Agence française pour le développement (AFD), dont toutes les actions sont alignées sur les objectifs de l'accord de Paris, consacre la moitié de ses financements à des actions pour le climat, que ce soit pour l'adaptation ou pour l'atténuation.
J'évoquerai enfin le projet emblématique de la Grande muraille verte, qui vise à restaurer les sols et à développer les emplois sur toute la bande sahélienne pour stopper la progression du désert. Ce projet porté par le Président de la République est doté d'un financement de 12 milliards d'euros.
Messieurs les ambassadeurs, je vous remercie pour ce moment d'échange fécond et important.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 15.