C'est un plaisir de prendre la parole devant vous en présence de M. Alaa Youssef, avec qui, hier encore, j'évoquai la participation du Président de la République au sommet des leaders qui se déroulera lundi 7 et mardi 8 novembre dans le cadre de la COP27 - la « COP de la mise en oeuvre ».
Les quatre piliers de la négociation seront l'atténuation, l'adaptation, les pertes et préjudices et naturellement les finances, toile de fond de l'ensemble des discussions.
En 2021, nous avions collectivement émis plus de 52 gigatonnes de gaz à effet de serre, contre 45 gigatonnes en 2015. Les émissions ont donc augmenté depuis l'accord de Paris, et elles continueront à le faire en 2022, alors même que selon le Giec, cette décennie est notre dernière chance pour rester dans le bas de la fourchette fixée par l'accord, c'est-à-dire un réchauffement de 1,5°C à l'horizon 2050. Pour cela, il faudra réduire nos émissions de 45 % d'ici à 2030 par rapport à 2019. Beaucoup d'efforts restent à fournir.
À Glasgow, les participants de la COP26 ont pris la mesure de l'urgence, avec des décisions fortes. Ainsi les parties qui n'auraient pas soumis de contributions déterminées au niveau national (CDN) en ligne avec la trajectoire devront présenter des contributions revues et renforcées avant la fin 2022 ; le rapport de synthèse faisant le bilan des CDN sera désormais annuel, tout comme la table ronde ministérielle, afin de maintenir une pression collective ; toutes les parties ont été encouragées à soumettre des stratégies de long terme ; enfin un programme de travail sur l'atténuation est attendu à la COP27.
Les parties ont-elle écouté ces exhortations ? À ce jour, 23 d'entre elles ont soumis une CDN renforcée, dont l'Égypte ainsi que l'Inde, mais d'autres très grands émetteurs comme la Chine n'ont pas revisité leur contribution nationale. Les regards se tournent vers les pays du G20, à l'origine de 80 % des émissions mondiales.
La réunion ministérielle du G20 à Bali, fin août, n'a pas débouché sur un communiqué commun. Les discussions ont d'abord achoppé sur la qualification de la guerre d'agression russe en Ukraine, la Russie étant directement concernée. Ensuite, la présidence indonésienne a été débordée par un texte beaucoup trop long. Mais surtout, certains pays du G20 résistaient fortement à reconnaître les acquis du pacte de Glasgow sur le climat : alors que nous voulions conserver la boussole d'une augmentation des températures contenue à 1,5°C, ils nous renvoyaient vers la fourchette de l'accord de Paris, soit 1,5 à 2°C. On nous a également objecté que le mot de « leadership » du G20 était inapproprié, alors qu'il avait été adopté lors de la réunion des ministres de l'énergie et du climat des pays du groupe G20 à Naples, en juillet 2021. La réunion de Bali a donc débouché sur un simple résumé de la présidence, qui n'engage pas les membres du G20.
Les conversations ont été plus constructives lors de la pré-COP27 de Kinshasa, où j'ai accompagné le Président de la République. Une soixantaine de délégations ont permis d'avancer sur les quatre piliers, même de façon non décisive. Cela augure d'une COP27 plus apaisée que la conférence de Bonn où les négociations ont été tendues.
Nous ferons en sorte que les acquis de Glasgow soient confortés et renforcés. L'Union européenne est au rendez-vous. Voici deux ans, elle a porté de 40 à 55 % son engagement de réduction nette des émissions entre 1990 et 2030. Sachant que l'Union européenne a réduit ses émissions de 20 % entre 1990 et 2020, cela implique une réduction supplémentaire de 35 % d'ici à 2030. Le défi est considérable, mais nous nous donnons les moyens de le relever avec le paquet Fit for 55 que nous espérons conclure dans les prochains mois dans le cadre du trilogue.
Le pacte de Glasgow exhortait également les pays développés à doubler les financements pour l'adaptation au changement climatique en 2025 par rapport à 2019. C'est une réponse à une demande pressante des pays en voie de développement. Le Président de la République a annoncé 6 milliards d'euros par jusqu'en 2025, dont 2 milliards pour l'adaptation. Nous sommes au rendez-vous, puisque l'objectif de 6 milliards pour 2021 a été dépassé, avec 2,2 milliards réservés pour l'adaptation. Au niveau mondial, les pays développés avaient apporté une aide de 83,3 milliards d'euros aux pays en voie de développement en 2020 dont 28 milliards pour l'adaptation - contre 79,6 milliards et 20 milliards respectivement en 2019. Les 2,2 milliards de la France représentent par conséquent pas moins de 10 % de l'effort mondial.
Ce sujet sera certainement à l'ordre du jour de la COP27, car les pays en voie de développement nous demanderont des comptes sur le respect de la trajectoire et nos engagements. Nous avons bon espoir d'atteindre l'objectif de 100 milliards d'euros en 2023.
Il convient également de mobiliser les investissements du secteur privé et des banques multilatérales de développement, qui peuvent créer des effets de levier très importants.
Concernant les pertes et préjudices, sujet très sensible monté en puissance à la COP26, nous avons enregistré des avancées sur la mise en oeuvre du réseau de Santiago. Il faut maintenant transformer l'essai. Environ 25 millions d'euros ont été promis par plusieurs États membres. Nous y serons attentifs.
Le dialogue de Glasgow sur le financement des pertes et préjudice doit se poursuivre jusqu'en 2024. Les petites îles et les territoires les plus vulnérables sont très attachés à la création d'un fonds spécifique. La question sera à l'ordre du jour. La France estime que créer un nouveau fonds n'est peut-être pas la solution, alors qu'existent déjà le Fonds pour l'adaptation, le Fonds vert pour le climat, le fonds pour l'environnement mondial et le Fonds pour les pays les moins avancés.
Le Secrétaire général des Nations Unies souhaite que d'ici à 2027, l'ensemble des populations vulnérables soient couvertes par un mécanisme d'alerte précoce. Lors de la COP21, la France a été à l'origine de l'initiative Climate Risk and Early Warning Systems (Crews), qui vise à fournir ces systèmes d'alerte aux pays les plus vulnérables. Nous allons doubler notre contribution pour la porter à 8 millions d'euros par an. Citons également le Global Shield, initiative de la présidence allemande du G7, qui développe des systèmes assurantiels pour les populations soumises à des aléas climatiques. Ce sont des réponses partielles, mais concrètes, et nous espérons de nouvelles avancées à Kinshasa.
Il conviendra également de suivre les initiatives de la COP26 comme la Global Methane Pledge, un engagement à réduire les émissions de méthane de 30 % d'ici à 2030 par rapport à 2020. Un financement de 12 milliards d'euros a également été annoncé en faveur de la préservation de la forêt tropicale.
La France a adhéré à la déclaration sur le soutien public international à la transition énergétique propre, qui prévoit la fin du crédit export aux énergies fossiles avant la fin 2022. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une mise en oeuvre dès la fin 2022, et non en 2025 comme initialement prévu.
Mais d'autres initiatives seront également lancées à la COP27, et la présidence égyptienne nous communique de très nombreuses notes de concept en ce sens, notamment sur l'accès à l'énergie en Afrique où 600 millions de personnes sont privées d'électricité.
Nos autorités ont manifesté tout l'intérêt qu'elles éprouvent pour cette COP. Le Président de la République a annoncé sa volonté de participer au segment des leaders les 7 et 8 novembre prochain. De nombreux ministres feront également le déplacement.