Intervention de Stéphane Crouzat

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 12 octobre 2022 à 9h30
Audition de Mm. Stéphane Crouzat ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique pour les énergies renouvelables et la prévention des risques climatiques et alaa youssef ambassadeur d'égypte en france sur les enjeux de la cop27

Stéphane Crouzat, ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique, pour les énergies renouvelables et la prévention des risques climatiques :

Monsieur Chevrollier, certains accords sectoriels relèvent de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), d'autres sont négociés en dehors. Tous les accords conclus l'an passé feront l'objet d'un suivi. La présidence britannique est très soucieuse que les annonces faites à la COP26 soient mises en oeuvre, notamment pour ce qui concerne le méthane.

La Russie, l'Inde et la Chine ne sont effectivement pas signataires du Global Methane Pledge. La Chine avait toutefois annoncé des efforts particuliers et la publication d'un plan méthane. De plus, les États-Unis, qui sont l'un des plus gros émetteurs de méthane, comptent parmi les initiateurs de cet accord. Nous espérons les voir prendre ce problème à bras-le-corps. Le méthane sera également au coeur du programme de travail relatif à l'atténuation, prévu à Glasgow, qui doit courir jusqu'en 2030.

La Russie est un partenaire très important des négociations climatiques. Elle représente 4 % à 5 % des émissions mondiales et a ratifié l'accord de Paris en 2019, ce qui était un très bon signal. Comment réagira-t-elle lors des prochaines négociations ? Dans le cadre du G20, elle n'était pas la plus virulente ; elle s'est même révélée assez atone. Quelles conclusions doit-on en tirer pour la COP ? C'est à voir.

Le partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), conclu avec l'Afrique du Sud, est en soi assez novateur. À ce titre, nous avons avancé et nous aurons différents éléments à faire valoir. La France et l'Allemagne travaillent main dans la main pour un prêt de politique publique au gouvernement sud-africain, lequel fera l'objet d'une annonce à la COP27. Nous travaillons en outre à des partenariats comparables avec d'autres pays - l'Indonésie, le Vietnam, l'Inde et le Sénégal -, dans l'espoir d'une déclaration politique à la COP27 soulignant la volonté commune des bailleurs membres du G7 et de ces pays d'avancer vers leur décarbonation.

Madame Varaillas, vous insistez avec raison sur la tragédie que vit le Pakistan. Nous devons absolument venir en aide aux pays qui subissent de tels désastres. Des fonds ont été débloqués via l'United Nations Office for Disaster Risk Reduction (UNDRR). La France a envoyé des avions humanitaires au Pakistan. Il y aura encore fort à faire dans les mois et les années qui viennent.

Certes, l'accord de Paris n'est pas contraignant, contrairement au protocole de Kyoto. C'est son originalité, sa force et sa faiblesse : il est très inclusif, mais les pays décident eux-mêmes de l'effort qu'ils vont fournir. En tout cas, sans l'accord de Paris, les schémas d'augmentation de température ne seraient pas compris entre 1,8 et 3 degrés, mais entre 4 et 5 degrés à l'horizon 2100, ce qui est inimaginable.

Monsieur Demilly, depuis la fin des années quatre-vingt, c'est bien la science qui guide les négociations. Elle nous alerte de manière de plus en plus pressante sur les risques que nous encourons et nous indique les efforts à accomplir pour rester dans la trajectoire. Depuis le début de l'ère industrielle, nous avons émis 2 500 gigatonnes de CO2 : il nous en reste au maximum 500 à « dépenser ». La science doit être notre boussole.

La Chine représente aujourd'hui 30 % des émissions mondiales : sans elle, il n'y aura pas de solution. Elle continue certes d'augmenter sa consommation de charbon ; mais elle présente aussi le plus fort taux d'augmentation des énergies renouvelables. Nous espérons qu'elle tiendra son objectif d'atteindre le pic des émissions avant 2030. Nous pensons d'ailleurs qu'elle peut l'atteindre dès 2025, pour réduire ensuite ses émissions très rapidement. Elle a aussi annoncé qu'elle atteindrait la neutralité carbone à horizon 2060, soit en trente ans. L'Union européenne se donne, elle, soixante ans pour suivre cette trajectoire, de 1990 à 2050.

L'Inde, qui représente 7 % des émissions mondiales, joue le jeu, alors qu'il y a peu elle refusait encore de réduire les émissions. Elle a annoncé la neutralité carbone pour 2070 et un pic d'émissions pour 2040. C'est un défi énorme pour ce pays.

Viennent enfin les États-Unis. Les midterms auront lieu le premier mardi de la COP : du résultat de ces élections dépendra, en partie, la saveur de cette rencontre. Le plan de 369 milliards de dollars consacré à la lutte contre le changement climatique a finalement été voté par le Congrès. Grâce à lui, les États-Unis entendent réduire leurs émissions de 40 % à l'horizon 2030 par rapport à 2005. Ils sont déterminés à agir le plus vite possible et recrutent des agents par milliers pour mettre en oeuvre ce plan dans les deux années qui viennent.

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