Intervention de Jean-François Rapin

Commission des affaires européennes — Réunion du 25 octobre 2022 à 15h00
Institutions européennes — Réunion conjointe avec une délégation de sénateurs du sénat roumain

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin, président :

Nous savons effectivement la nouvelle présidente moldave engagée pour réformer son pays, malgré des difficultés économiques importantes.

Le deuxième point de notre ordre du jour concerne la guerre en Ukraine et la communauté politique européenne, je pense qu'il a été largement abordé. Je propose que nous y revenions brièvement.

Comme je le rappelais toute à l'heure, vous nous avez conduits au port de Sulina, d'où je me souviens bien que nous pouvions voir le commencement du territoire ukrainien, puisque le delta du Danube est partagé entre l'Ukraine et la Roumanie. Les tensions avec la Russie étaient déjà croissantes mais nous ne savions pas encore que, cinq mois plus tard, l'Ukraine serait victime d'une agression russe caractérisée, violant clairement les règles qui fondent l'ordre international, à commencer par le respect des frontières et de la souveraineté des Etats.

Il s'agit d'une rupture historique dans l'histoire de notre continent, qui voit resurgir la guerre sur son sol. Ce séisme continue d'ébranler l'Europe sur tous les plans : en matière de défense bien sûr, mais aussi en matière humanitaire avec l'arrivée massive d'Ukrainiens fuyant la guerre, en matière énergétique avec la fin des exportations russes d'énergie fossile vers l'Europe et en matière économique, du fait de l'inflation qu'entraîne la flambée des prix de l'énergie et du fait des sommes colossales mobilisées pour soutenir l'Ukraine... Notre pays comme le vôtre sont profondément déstabilisés par les conséquences du conflit ukrainien. Depuis son déclenchement, la Roumanie a manifestement été exemplaire : en tant que pays de première entrée, elle a accueilli un flux abondant de ressortissants ukrainiens venant trouver refuge dans l'Union européenne, soit 2,5 millions de personnes depuis février, même si la plupart ne font que transiter en Roumanie, où moins de 100 000 Ukrainiens seraient restés ; elle a soutenu les sanctions contre la Russie et accepté l'envoi sur son sol des troupes de l'OTAN, sous commandement français, pour renforcer la sécurité de l'Union ; elle coopère avec l'Ukraine pour faciliter le transit continental de ses produits agricoles... Nous savons pourtant combien votre pays est bousculé par le choc de la guerre : nous évoquions notamment hier ensemble l'inflation qui y est deux à trois fois plus forte qu'en France.

Vous avez également répondu sur la question de la Communauté politique européenne et le ressenti de la Roumanie. Au-delà de la réussite du sommet de Prague, à travers une présence de tous les pays invités qui pourrait représenter une force, il faut voir maintenant le contenu de la Communauté politique européenne et la façon dont elle abordera les sujets. Il s'agit également de savoir quels moyens elle aura pour financer d'éventuels projets en dehors de l'Union. Toutes ces questions restent ouvertes et le prochain sommet sera important pour déterminer les orientations qu'elle prendra. Je ne souhaite pas qu'elle prenne la forme d'une seconde Europe, une seconde union, ni d'une nasse pour les pays en attente. Nous ne pouvons pas laisser ces pays dans une situation d'espérance ad vitam aeternam.

Je vous propose que l'on passe au troisième point, qui concerne l'énergie et le Green Deal, l'économie verte et l'enjeu climatique.

Au travers du Pacte vert pour l'Europe, l'Union européenne s'est engagée dans la lutte contre le changement climatique et la transition vers la neutralité carbone. Le paquet législatif « Ajustement à l'objectif 55 », en cours de négociations, doit avoir des conséquences très concrètes sur la vie des Européens et des entreprises, sur nos modèles énergétiques et nos mobilités. A ce titre, la décarbonation du secteur de l'énergie est essentielle pour atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050. Or la flambée des prix de l'énergie et les difficultés d'approvisionnement énergétique ont montré la vulnérabilité énergétique de l'Europe et sa forte dépendance aux énergies fossiles, en particulier russes, ainsi que l'urgence absolue d'une réflexion sur notre avenir énergétique.

Certes, la Roumanie est dans une situation de moindre dépendance aux hydrocarbures russes que la plupart de nos partenaires européens. Elle produit 80% de l'énergie qu'elle consomme : votre pays produit du gaz, qui couvre très largement l'ensemble de ses besoins, mais également du pétrole. La Roumanie souffre néanmoins de la vétusté de son réseau électrique et d'interconnexions insuffisantes avec ses voisins. Votre pays a également engagé, depuis une dizaine d'années, une politique de développement actif des énergies durables, qui représentent désormais plus de 40% de son mix électrique et 24% de sa consommation finale d'énergie. Pouvez-vous nous dire comment vous appréhendez les enjeux énergétiques auxquels doit faire face actuellement l'Union européenne et comment la Roumanie mène sa transition énergétique en vue de la neutralité climatique ?

Nous étions ensemble en Baie de Somme hier. Nous avons pu y apprécier les actions menées pour la protection du littoral : nous nous sommes rendus au parc de Marquenterre qui s'évertue à concilier tourisme et préservation de la biodiversité, même si c'est à une échelle beaucoup plus réduite que dans le delta du Danube (2 km² contre 4000 km² pour le delta du Danube). Nous avons également pu constater les difficultés que nous rencontrons à lutter contre l'érosion du trait de côte en baie d'Autie et évoquer les risques de submersion marine du littoral. Nous avons aussi partagé ensemble la menace que le réchauffement climatique fait peser sur la faune marine : ainsi, les phoques que nous avons pu admirer pourraient bien devenir la proie des orques qui, à la faveur de l'eau plus chaude, remontent de plus en plus vers le Nord... Sur tous ces défis aussi, nous serions heureux de vous entendre présenter votre stratégie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion