Commission des affaires européennes

Réunion du 25 octobre 2022 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • défense
  • etats
  • gaz
  • moldavie
  • patrimoine
  • roumanie

La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Mes chers collègues, nous tenons aujourd'hui une réunion commune avec la commission des affaires européennes du Sénat roumain dont nous avons la joie et l'honneur d'accueillir une délégation, depuis hier sur le sol français.

Il y a un an, la commission des affaires européennes du Sénat roumain avait admirablement reçu une délégation de notre commission. Nos collègues roumains nous avaient accueillis à Bucarest avant de nous conduire dans le delta du Danube, classé au patrimoine mondial de l'Unesco et situé au point le plus oriental de l'Union européenne, juste à la frontière ukrainienne : nous en sommes revenus sensibilisés aux enjeux stratégiques et de biodiversité que présente cette zone unique, et convaincus de la nécessité d'une protection européenne pour assurer la qualité des eaux en amont, tout le long du Danube qui traverse de multiples Etats membres, et préserver ainsi la richesse du delta en aval, là où il débouche dans la mer Noire.

C'est pourquoi nous sommes particulièrement heureux de les recevoir à notre tour en France. Nous avons débuté hier par une visite conjointe de la Baie de Somme à laquelle a participé aussi Marta de Cidrac, j'y reviendrai. Nous avons poursuivi avec une petite dizaine d'entre vous nos échanges lors du déjeuner aujourd'hui au Sénat et nous nous réunissons à présent entre commissions homologues pour débattre ensemble de plusieurs sujets européens d'importance.

Avant d'ouvrir la discussion, je tiens à nouveau, au nom de notre commission, à souhaiter la bienvenue à cette délégation, composée de :

- Angel Tîlvãr, président de la commission des affaires européennes du Sénat roumain ;

- Robert Marius Cazanciuc, vice-président du Sénat roumain ;

- Anca Dragu, présidente de la commission des droits de l'homme, de l'égalité des chances, des cultes et des minorités du Sénat roumain, et ancienne présidente du Sénat ;

- Vlad-Mircea Pufu, secrétaire de la commission des affaires européennes du Sénat roumain.

D'un commun accord, nous avons arrêté les thèmes suivants pour notre réunion : 1. le rapport de la Commission européenne sur la situation dans l'espace Schengen ; 2. la crise en Ukraine et ses conséquences dans l'Union européenne, à commencer par la Roumanie qui est en première ligne ; 3. l'énergie et le Green Deal, l'économie verte et l'enjeu climatique ; 4. la coopération bilatérale entre la Roumanie et la France.

Debut de section - Permalien
Angel Tîlvãr, président de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

Chers amis, chers représentants du Sénat français. L'organisation de cette visite s'est faite naturellement dans le but de partager nos préoccupations et nos projets d'intérêt communs. Lors de la conférence de presse organisée en commun avec Jean-François Rapin hier au Touquet, nous avons pu nous exprimer sur les préoccupations que nous partageons avec la France concernant la biodiversité, l'énergie verte et le climat. Nous étions ravis de la proposition que vous nous avez faite de visiter le point quasiment le plus occidental d'Europe, après nous être déplacés avec vous au point le plus oriental d'Europe. Ce déplacement qui nous a donné l'occasion de rencontrer des maires et des concitoyens a confirmé le lien important qu'entretiennent ici parlementaires et électeurs . Nous avons également pu approfondir nos préoccupations communes concernant l'environnement. La France s'y attelle depuis longtemps, et nous souhaitons mettre en pratique tout ce qui a été discuté durant ce séjour.

Nous avons également accordé une importance particulière dans nos discussions à la perspective d'adhésion de la Roumanie à l'espace Schengen. Je laisse la parole à Jean-François Rapin, il a été un hôte exceptionnel et je suis certain que nous pourrons continuer à avoir des discussions constructives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Concernant l'espace Schengen, depuis le 1er janvier 2007, voici quinze ans, la Roumanie a rejoint l'Union européenne, mais sa capacité de surveillance de ses frontières n'avait pas été jugée suffisante à ce moment-là pour lui permettre d'intégrer en même temps l'espace Schengen.

La Commission européenne et les Etats membres ont conditionné l'entrée de la Roumanie dans l'espace Schengen à ses progrès pour garantir l'indépendance de la justice et la lutte contre la corruption et la criminalité organisée ; un mécanisme de coopération et de vérification a été instauré pour s'assurer de ces progrès. La Commission européenne évalue les réformes menées à ce titre dans un rapport qu'elle publie chaque année.

Dès 2011, la capacité de la Roumanie à remplir les critères techniques lui permettant de mettre en oeuvre l'acquis Schengen a été reconnue. Malgré des hauts et des bas, votre pays a en effet consenti des efforts substantiels et, particulièrement durant ces toutes dernières années, il a incontestablement accompli de réels progrès dans la lutte anticorruption et dans l'amélioration de son organisation judiciaire. Il a su convaincre ses pairs de sa fiabilité, confirmée à l'épreuve de la crise migratoire de 2015, puis du covid-19 et enfin de la guerre en Ukraine.

Je tiens à saluer ici ces progrès publiquement. Ils méritent assurément d'être poursuivis : nous encourageons la Roumanie à persévérer dans l'effort, notamment s'agissant du statut et de l'indépendance des magistrats. En tout cas, le chemin déjà parcouru me paraît pleinement justifier que, comme l'exécutif français et la Commission européenne, notre commission apporte elle aussi son soutien à l'entrée de la Roumanie dans l'espace Schengen. Mais une telle décision requiert l'unanimité au Conseil et quelques Etats membres restent récalcitrants. Il me semble toutefois que le déclenchement de la guerre en Ukraine doit conduire l'Union européenne et les Etats membres à « jouer groupés » : j'ai la conviction que le contexte s'annonce désormais favorable pour une entrée prochaine de la Roumanie, comme de la Bulgarie et de la Croatie, dans l'espace Schengen. Cette avancée décisive devrait naturellement s'accompagner d'un renforcement de la coopération opérationnelle en la matière.

Pourriez-vous nous dire comment vous envisagez l'hypothèse d'un espace Schengen qui, s'il intègre la Roumanie, irait jusqu'aux portes de la Russie : faudra-t-il renforcer encore la surveillance de votre frontière ? N'y a-t-il pas un risque de porosité accrue de la Roumanie aux tentatives de déstabilisation politique par la puissance russe ?

Debut de section - Permalien
Angel Tîlvãr, président de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

Je vous remercie de vous être exprimé sans équivoque et ce d'autant plus que je connais la précaution avec laquelle vous vous exprimez. J'aimerais croire que ces avancées se basent non seulement sur l'amitié entre nos deux pays mais aussi sur les efforts que la Roumanie a entrepris en ce qui concerne son adhésion à l'espace Schengen. C'est un sentiment de réconfort crucial, particulièrement en ces temps de menace concernant la sécurité venant de la Russie. La Roumanie est aux premières loges de cette invasion armée aux portes de l'Europe, menaçant non seulement l'Ukraine mais aussi nos valeurs occidentales. Vous avez notamment pu vous rendre compte lors de votre dernière visite en Roumanie de la proximité de notre pays par rapport à ce conflit dont le bruit des bombardements se fait entendre jusque sur nos côtes.

Vous avez mentionné la réaction de la Roumanie à cette agression aux portes de l'Europe par la Russie, et la façon dont la Roumanie a apporté son soutien à l'Ukraine. A ce jour, plus de 2,5 millions d'Ukrainiens ont transité par la Roumanie ; parmi ceux-ci, 80 000 ont déposé une demande de résidence en Roumanie et 7 000 ont demandé l'asile. Si l'on ajoute à cela les 5 milliards de tonnes de céréales mobilisées pour le nord de l'Afrique et pour les zones initialement approvisionnées par l'Ukraine, on peut avoir un aperçu de l'ampleur du soutien que la Roumanie a apporté pour soutenir ce peuple rudement éprouvé. Le peuple ukrainien mérite toute notre aide, et le peuple roumain, aux côtés de nos amis français, ne s'est pas dérobé pour lui fournir.

Le gouvernement de la Roumanie ainsi que les citoyens roumains ont participé à aider les réfugiés, des citoyens se sont proposés pour les héberger et nous avons vu naître d'intenses relations humaines avec les Ukrainiens. Je suis convaincu que cette solidarité est le reflet de ce que sont les Roumains véritablement. Plusieurs officiels européens se sont rendus en Roumanie et j'apprécie les encouragements que nous avons reçus vis-à-vis de notre candidature à l'espace Schengen : la Roumanie n'aide pas seulement l'Ukraine mais aussi l'Union Européenne. Le contexte de sécurité à l'Est implique une mobilisation massive de notre part.

Par ailleurs, d'un point de vue technique, la Roumanie remplit les critères d'adhésion à l'espace Schengen depuis déjà dix ans. Je ne nie pas que nous n'avons toujours pas réussi à présenter la situation intérieure de la meilleure des manières et comme nous l'aurions souhaité. Néanmoins, une visite d'évaluation a récemment été menée dont les résultats devraient bientôt être rendu publics. Nous sommes confiants dans l'avis favorable que cette visite devrait encourager en ce qui concerne notre adhésion, ce qui laisserait ainsi le champ libre à la décision politique. Il s'agirait d'un message, comme votre soutien aujourd'hui, qui a une signification, teintée d'amitié.

Pour répondre à la question de Jean-François Rapin, notre expérience consistant à assurer la sécurité de la frontière Est de l'OTAN et de l'UE représente pour nous une base qui peut nous rendre confiants pour la période à venir. En augmentant les ressources et le personnel, ainsi que la coopération avec les États européens soucieux d'avoir des frontières sûres, nous pourrions renforcer encore plus efficacement la surveillance de nos frontières.

La Roumanie a assuré de nombreux engagements avec succès : les institutions de l'État roumain sont fonctionnelles, et l'importance de la Roumanie pour l'Union Européenne n'a plus être affirmée. Je vous remercie ainsi pour cette visite et pour la sincérité de votre soutien, et à mon tour je voudrais vous demander : pensez-vous que l'adhésion de la Roumanie à l'espace Schengen contribuerait à rendre l'Union européenne plus vulnérable ou plus forte ?

Debut de section - Permalien
Robert Marius Cazanciuc, vice-président du Sénat roumain

Chers amis, je me réjouis que nous nous retrouvions et puissions nous entretenir ensemble sur ces sujets d'actualité. Le premier point à l'ordre du jour est l'adhésion de la Roumanie à l'espace Schengen. Il s'agit désormais de prendre une décision. Nous avons adopté un nouveau paquet de lois concernant la réforme du système de la justice. En tant qu'ancien ministre de la Justice, je me suis impliqué personnellement dans cette nouvelle législation. Trois lois sont en cours d'analyse par la cour constitutionnelle. La Roumanie a des pratiques juridiques qui relèvent des meilleures au niveau européen. Sur le volet technique et politique, je ne crois pas qu'il y ait matière à inquiétude en ce qui concerne l'indépendance de la justice roumaine. Elle dispose de toutes les ressources pour redonner au public de la confiance et aux magistrats des garanties d'indépendance.

Comme le disait le président Rapin, la Roumanie est soumise au mécanisme de coopération et de vérification depuis 14 ans. Nous avons vu les avantages et les limites de ce mécanisme qui dure dans le temps. Nous redoutons que s'appliquent des doubles standards à l'égard d'autres États depuis la crise en Ukraine. Les standards et les procédures peuvent évoluer, mais s'agissant de l'indépendance de la justice, il ne peut plus planer selon moi la moindre inquiétude en ce qui concerne la Roumaine. Nous avons fait beaucoup d'efforts. De nombreux pays se sont d'ailleurs déjà prononcés en faveur de l'intégration de la Roumanie à l'espace Schengen. Il ne reste plus à la France et à nos autres pays amis que de réussir à convaincre les États membres réticents dont nous pouvons comprendre les craintes.

Je voudrais remercier Jean-François Rapin qui nous apporte une nouvelle preuve de l'amitié franco-roumaine. À ce sujet, j'ai commencé à rédiger un livre sur les rapports entre la France et la Roumanie, dont l'intensité des relations au cours de l'histoire est à la fois passionnante et riche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Ce sera un plaisir de le lire. J'ajoute, sur le volet justice, que la procureure en chef du parquet européen est roumaine : cela peut aussi se lire comme un signe avant-gardiste de la situation de la justice en Roumanie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Jourda

Chers collègues roumains, nous n'oublions pas que nous avons pu compter sur vous pour la mise en place d'un fonds européen de défense. Nous connaissons votre attachement au partenariat oriental et, dans ce cadre, je voudrais évoquer la Moldavie. Vous soutenez la Moldavie dans son processus d'adhésion à l'UE, et y consacrez avec d'autres un large budget - plusieurs centaines de millions d'euros. S'agissant de l'initiative de votre pays, conjointement avec la France et l'Allemagne, d'une plateforme internationale de soutien à la Moldavie afin de l'aider financièrement face aux effets de la crise en Ukraine, j'aimerais que vous puissiez nous présenter vos priorités.

Ensuite, plus globalement, sur les conflits gelés qui sont extrêmement importants, notamment en Transnistrie, autour de la mer Noire mais également en Géorgie même si on en parle moins, nous aimerions connaitre votre appréciation des risques inhérents à ces conflits, qui nous inquiètent puisqu'ils contribuent à un arc d'instabilité dans la région.

Acte fondateur de la communauté politique européenne (CPE), le sommet de Prague a démontré l'unité de l'Europe face à l'agression de l'Ukraine par la Russie. Je souhaiterais connaitre votre appréciation de la proposition faite par la Moldavie de tenir un prochain sommet de la CPE à Chi?inãu.

Enfin, sur les questions de « défense », je souhaiterais connaître votre point de vue sur la Mission Aigle et sur l'évolution, à long terme, de cette coopération de défense.

Debut de section - Permalien
Angel Tîlvãr, président de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

La Roumanie a toujours soutenu le parcours européen de la Moldavie, qui n'a pas été exempt d'obstacles, jusqu'à mener à la présidence une femme comme Maia Sandu. J'aimerais croire que le soutien de la Roumanie a permis à la Moldavie de surmonter ces obstacles. Comme l'indiquait mon collègue Robert Marius Cazanciuc, la Moldavie a besoin de soutien pour maintenir une confiance citoyenne envers l'Union Européenne.

La Moldavie n'est pas dans une excellente situation économique en ce moment. La Roumanie est venue à son aide, notamment en lui livrant de l'électricité en raison de l'incapacité de l'Ukraine à lui en fournir. Par ailleurs, il y a une inflation élevée en Moldavie. Ces phénomènes peuvent se transformer en tendances politiques, qui ne conviendraient ni à la France, ni à la Roumanie. C'est pourquoi je crois importante cette plateforme internationale qui a permis de lever 633 millions d'euros et qui devrait bientôt se réunir de nouveau. Cette plateforme constituera un lieu de coopération où la Roumanie et la France en tant que co-initiateurs pourront montrer à nouveau leur vision commune de l'Europe. Il s'agit d'une vision qui produit des effets car il s'agit de fournir une aide concrète, dont la Moldavie, petit pays avec peu d'habitants, a réellement besoin. J'ai à mes côtés une excellente économiste et ministre des Finances, Anca Dragu, qui pourrait sans doute aller plus en détails sur le sujet de cette aide.

La Moldavie ne partage pas seulement avec nous une communion de langue et d'histoire, c'est aussi une pièce dans le puzzle de l'Europe que nous aimerions voir à sa juste place. Je me réjouis par ailleurs que vous ayez mentionné la Géorgie, non seulement en raison des conflits gelés, mais parce qu'elle pourrait aussi être un atout pour l'Union Européenne. Récemment, mes collègues et moi-même avons eu des rencontres avec la présidente de la Géorgie et d'autres représentants géorgiens. Il y a aussi en Géorgie un désir de rejoindre la famille européenne. La Roumanie est l'exemple d'une belle réussite de l'intégration européenne : grâce à la France et aux autres États membres, elle est aujourd'hui bien loin de ce qu'elle était et de ce qu'elle serait aujourd'hui en dehors de l'Union. C'est aussi pour cela que l'élargissement de l'Europe vers les Balkans occidentaux, comme nous en avons tant parlé avec Jean-François Rapin, est fondamental. Je salue encore une fois votre disponibilité pour rejoindre l'accord de soutien à la Moldavie.

En ce qui concerne le sommet de Prague, ce fut un évènement important qui a pris place dans le cadre de la présidence tchèque du Conseil de l'UE. Le format de ce sommet à Prague permet une coopération au service des priorités et des besoins de solidarité dans l'Union européenne. En ce sens, nous soutenons cette initiative et y participons.

Debut de section - Permalien
Teodora Simion, ministre conseiller, coordinatrice de la section politique de l'ambassade de Roumanie à Paris

Très brièvement, pour renforcer le propos du président sur la Moldavie, je voulais vous annoncer que dans moins d'un mois, nous aurons ici à Paris la troisième édition de cette conférence pour la plateforme de soutien pour la Moldavie. Comme le président le disait, il est fondamental pour la Roumanie comme pour toute l'Europe d'exprimer notre soutien à ce pays qui, après l'Ukraine, est le pays le plus affecté par cette guerre. Les domaines prioritaires sont bien sûr l'énergie, pour laquelle la Roumanie a déjà fourni des efforts visibles mais qui demeure un défi sur le long terme. 633 millions peuvent paraître déjà beaucoup mais ce n'est pas encore assez pour la Moldavie sur le moyen et long terme : il y a des réformes nécessaires pour lesquelles la Moldavie a besoin de l'aide notamment de la France et particulièrement de l'Agence française de développement. Sur la question des droits de l'homme, il y a des problèmes qui - à l'ombre de la guerre - paraissent secondaires mais qui nécessitent un important soutien européen. Des efforts sont encore également à fournir concernant l'administration et la lutte contre la corruption. Je remercie l'implication de la France aux cotés de l'Allemagne et de la Roumanie sur cette plateforme de soutien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Nous savons effectivement la nouvelle présidente moldave engagée pour réformer son pays, malgré des difficultés économiques importantes.

Le deuxième point de notre ordre du jour concerne la guerre en Ukraine et la communauté politique européenne, je pense qu'il a été largement abordé. Je propose que nous y revenions brièvement.

Comme je le rappelais toute à l'heure, vous nous avez conduits au port de Sulina, d'où je me souviens bien que nous pouvions voir le commencement du territoire ukrainien, puisque le delta du Danube est partagé entre l'Ukraine et la Roumanie. Les tensions avec la Russie étaient déjà croissantes mais nous ne savions pas encore que, cinq mois plus tard, l'Ukraine serait victime d'une agression russe caractérisée, violant clairement les règles qui fondent l'ordre international, à commencer par le respect des frontières et de la souveraineté des Etats.

Il s'agit d'une rupture historique dans l'histoire de notre continent, qui voit resurgir la guerre sur son sol. Ce séisme continue d'ébranler l'Europe sur tous les plans : en matière de défense bien sûr, mais aussi en matière humanitaire avec l'arrivée massive d'Ukrainiens fuyant la guerre, en matière énergétique avec la fin des exportations russes d'énergie fossile vers l'Europe et en matière économique, du fait de l'inflation qu'entraîne la flambée des prix de l'énergie et du fait des sommes colossales mobilisées pour soutenir l'Ukraine... Notre pays comme le vôtre sont profondément déstabilisés par les conséquences du conflit ukrainien. Depuis son déclenchement, la Roumanie a manifestement été exemplaire : en tant que pays de première entrée, elle a accueilli un flux abondant de ressortissants ukrainiens venant trouver refuge dans l'Union européenne, soit 2,5 millions de personnes depuis février, même si la plupart ne font que transiter en Roumanie, où moins de 100 000 Ukrainiens seraient restés ; elle a soutenu les sanctions contre la Russie et accepté l'envoi sur son sol des troupes de l'OTAN, sous commandement français, pour renforcer la sécurité de l'Union ; elle coopère avec l'Ukraine pour faciliter le transit continental de ses produits agricoles... Nous savons pourtant combien votre pays est bousculé par le choc de la guerre : nous évoquions notamment hier ensemble l'inflation qui y est deux à trois fois plus forte qu'en France.

Vous avez également répondu sur la question de la Communauté politique européenne et le ressenti de la Roumanie. Au-delà de la réussite du sommet de Prague, à travers une présence de tous les pays invités qui pourrait représenter une force, il faut voir maintenant le contenu de la Communauté politique européenne et la façon dont elle abordera les sujets. Il s'agit également de savoir quels moyens elle aura pour financer d'éventuels projets en dehors de l'Union. Toutes ces questions restent ouvertes et le prochain sommet sera important pour déterminer les orientations qu'elle prendra. Je ne souhaite pas qu'elle prenne la forme d'une seconde Europe, une seconde union, ni d'une nasse pour les pays en attente. Nous ne pouvons pas laisser ces pays dans une situation d'espérance ad vitam aeternam.

Je vous propose que l'on passe au troisième point, qui concerne l'énergie et le Green Deal, l'économie verte et l'enjeu climatique.

Au travers du Pacte vert pour l'Europe, l'Union européenne s'est engagée dans la lutte contre le changement climatique et la transition vers la neutralité carbone. Le paquet législatif « Ajustement à l'objectif 55 », en cours de négociations, doit avoir des conséquences très concrètes sur la vie des Européens et des entreprises, sur nos modèles énergétiques et nos mobilités. A ce titre, la décarbonation du secteur de l'énergie est essentielle pour atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2050. Or la flambée des prix de l'énergie et les difficultés d'approvisionnement énergétique ont montré la vulnérabilité énergétique de l'Europe et sa forte dépendance aux énergies fossiles, en particulier russes, ainsi que l'urgence absolue d'une réflexion sur notre avenir énergétique.

Certes, la Roumanie est dans une situation de moindre dépendance aux hydrocarbures russes que la plupart de nos partenaires européens. Elle produit 80% de l'énergie qu'elle consomme : votre pays produit du gaz, qui couvre très largement l'ensemble de ses besoins, mais également du pétrole. La Roumanie souffre néanmoins de la vétusté de son réseau électrique et d'interconnexions insuffisantes avec ses voisins. Votre pays a également engagé, depuis une dizaine d'années, une politique de développement actif des énergies durables, qui représentent désormais plus de 40% de son mix électrique et 24% de sa consommation finale d'énergie. Pouvez-vous nous dire comment vous appréhendez les enjeux énergétiques auxquels doit faire face actuellement l'Union européenne et comment la Roumanie mène sa transition énergétique en vue de la neutralité climatique ?

Nous étions ensemble en Baie de Somme hier. Nous avons pu y apprécier les actions menées pour la protection du littoral : nous nous sommes rendus au parc de Marquenterre qui s'évertue à concilier tourisme et préservation de la biodiversité, même si c'est à une échelle beaucoup plus réduite que dans le delta du Danube (2 km² contre 4000 km² pour le delta du Danube). Nous avons également pu constater les difficultés que nous rencontrons à lutter contre l'érosion du trait de côte en baie d'Autie et évoquer les risques de submersion marine du littoral. Nous avons aussi partagé ensemble la menace que le réchauffement climatique fait peser sur la faune marine : ainsi, les phoques que nous avons pu admirer pourraient bien devenir la proie des orques qui, à la faveur de l'eau plus chaude, remontent de plus en plus vers le Nord... Sur tous ces défis aussi, nous serions heureux de vous entendre présenter votre stratégie.

Debut de section - Permalien
Anca Dragu, de l'égalité des chances, des cultes et des minorités du Sénat roumain

présidente de la commission des droits de l'homme, de l'égalité des chances, des cultes et des minorités du Sénat roumain- Merci Monsieur le Président. En matière d'énergie, nous avons vu les décisions du Conseil européen et les mesures proposées par la Commission. Ces mesures doivent être mises en oeuvre immédiatement en diversifiant nos sources d'approvisionnement et en améliorant notre efficacité énergétique. Aussi, le modèle du marché de l'électricité devrait être reconsidéré. Les prix du gaz ne peuvent continuer à jouer autant sur - ceux de l'électricité- dans une économie.

Toutes ces mesures nécessitent des engagements politiques et des ressources y compris financières. Il est temps de faire preuve de détermination politique et je crois que le futur prouvera que nous avions raison : solidarité et sécurité restent les mots clés.

Du point de vue de l'économie en général, l'Europe a traversé des moments difficiles. De la pandémie à la guerre, d'une faible demande à une demande excédentaire, ces évènements ont vu grimper les prix des matières premières et engendré des déficits budgétaires élevés dans tous les pays ainsi qu'une consommation différée, avec une incidence sur les prix, en hausse dans tous les États membres. Les prix de la nourriture sont particulièrement préoccupants car ils affectent les personnes les plus vulnérables. Le mécanisme de facilité pour la reprise et la résilience a été conçu avec succès, c'est un projet en cours de déploiement par le biais de plans nationaux dans tous les Etats membres. Cela nous permettra d'être mieux préparés à faire face aux crises de l'avenir.

Néanmoins, tous les États membres ne bénéficient pas des mêmes conditions et du même traitement économique. Ainsi, la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie ne bénéficient pas pleinement du principe fondamental de libre circulation des biens, des services et des personnes. Cela affecte l'économie roumaine qui supporte des coûts plus élevés pour ses échanges à l'export et fait face à une concurrence déloyale dans l'Union. La Roumanie mérite désormais son adhésion à l'espace Schengen puisqu'elle remplit tous les critères techniques pour y être intégrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Tout d'abord, merci beaucoup. J'ai bien noté que vous étiez sur la même position que la France en ce qui concerne le découplage du prix du gaz et de l'électricité. Pour le moment, ce n'est pas encore acté et nous espérons que le prochain Conseil européen permettra d'avancer sur le sujet. En tout état de cause, les répercussions sont considérables sur les consommateurs primaires et sur nos concitoyens. J'aurais une question sur le mix énergétique de la Roumanie : vous avez déjà développé les énergies renouvelables mais la Commission considère que vous rencontrerez des difficultés à atteindre d'ici 2030 le niveau de production d'énergies renouvelables souhaité. Quels efforts ont été engagés par votre pays ? Comment se compose le mix énergétique roumain aujourd'hui ? Quels efforts fournissez-vous à l'égard du nucléaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ludovic Haye

La Roumanie fait modèle d'exemple en matière de consommation énergétique. On dit que la meilleure énergie est celle que nous n'utilisons pas et le ratio de l'énergie consommé par habitant est plutôt bon chez vous. Auriez-vous des conseils particuliers, un message à passer au reste des États membres qui commencent à mettre en place des restrictions et actions pour économiser l'énergie ?

Par ailleurs, aujourd'hui, l'exploitation du gaz par fracture hydraulique vous permet un faible niveau de dépendance. Est-ce que les explorations actuelles en mer Noire ont pour but de venir remplacer cette exploitation de gaz de schiste ou de venir pérenniser la ressource une fois que la première sera épuisée ?

Debut de section - Permalien
Vlad-Mircea Pufu, secrétaire de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

Comme vous venez de le dire dans votre présentation, Monsieur le Président, la Roumanie a une moindre dépendance à l'égard des énergies russes. Concrètement, avant la crise énergétique, notre taux de dépendance aux importations était de 20% pour le gaz et de 70% pour le pétrole. Ce n'est pas une situation simple mais nous avons réussi à compenser cela avec des mesures de plafonnement qui ont été considérées comme un vrai exemple par la Commission et le Conseil. L'Autriche a également pris en considération l'exemple roumain.

Concernant le mix énergétique, la Roumanie parie sur l'avenir et sur le lancement de deux nouveaux réacteurs nucléaires 3 et 4 de Cernavodã. En parallèle, nous prévoyons la construction de petits réacteurs modulaires (SMR), qui constituent une innovation en matière nucléaire. En mer Noire, nous avons déjà commencé l'exploitation - du gaz et nous allons développer avant 2027 les projets d'extraction offshore. Nous avons également relancé la zone onshore puisque nous avons découvert une nouvelle réserve qui pourrait satisfaire les besoins de la Roumanie en gaz pour une dizaine d'années.

En parallèle, nous lançons des micros centrales énergétiques, fonctionnant à l'énergie éolienne ; ce secteur a connu un développement important ces dernières années en Roumanie. Nous avons, il est vrai, quelques problèmes en ce qui concerne le transport de l'électricité puisqu'il n'y a pas eu beaucoup d'investissements récents en ce domaine mais tous les prémices sont là et les principaux acteurs du secteur se concentrent sur cette problématique.

Debut de section - Permalien
Robert Marius Cazanciuc, vice-président du Sénat roumain

Je vous remercie et je voudrais ajouter une précision. Comme vous le savez, en Roumanie, il y a une coalition assez large en ce moment au pouvoir. L'un des objectifs majeurs que nous assumons pour notre pays, après l'adhésion à l'OTAN et à l'UE, est que la Roumanie soit indépendante sur le plan énergétique. Avec les différentes mesures que mon collègue M. Pufu a mentionnées, et à travers des investissements dans divers secteurs, la Roumanie se propose de devenir complètement indépendante du point de vue énergétique d'ici cinq ans.

Debut de section - Permalien
Vlad-Mircea Pufu, secrétaire de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

Je veux également relever que, pour la première fois, nous parlons de solidarité énergétique à l'échelle de toute l'Union européenne. Le premier projet de marché commun de l'Union européenne concernait l'acier et le charbon. Aujourd'hui, la situation est similaire. Nous sommes intervenus trop tard : nous devrions déjà avoir une politique et une plateforme commune, depuis le printemps. Nous aurions dû anticiper cet hiver qui sera lourd. Les mécanismes qui doivent fonctionner devraient être mis en route au plus vite : il importe que les décisions prises au niveau de l'Union soient rapides et efficaces.

Debut de section - Permalien
Anca Dragu, de l'égalité des chances, des cultes et des minorités du Sénat roumain

présidente de la commission des droits de l'homme, de l'égalité des chances, des cultes et des minorités du Sénat roumain - Concernant le gaz de schiste, il n'a pas été retenu par la Roumanie comme une option pour se fournir en gaz. Nous avons des gisements de gaz dont nous lançons l'exploitation offshore et de nombreux projets d'investissement privé au niveau de la production d'énergie solaire et éolienne.

Debut de section - Permalien
Vlad-Mircea Pufu, secrétaire de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

Il est vrai qu'une exploration de gaz de schiste a eu lieu il y a quelques années en Roumanie à laquelle l'opérateur énergétique impliqué a finalement renoncé. Cette initiative n'a pas été bien reçue par l'opinion publique, et le volume estimé des réserves espérées n'a pas été concluant. Pour toutes ces raisons, la Roumanie n'a pas retenu l'option du gaz de schiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Merci pour ces éclaircissements, nous allons passer au quatrième point de notre ordre du jour qui concerne la coopération bilatérale entre la France et la Roumanie.

La France et la Roumanie entretiennent des relations d'amitié fortes, profondes et anciennes, qui s'enracinent dans le soutien que Napoléon III a apporté à la création de l'État roumain, puis dans la fraternité d'armes durable née pendant la Première Guerre mondiale. Les relations entre la France et la Roumanie s'inscrivent dans le cadre d'un Partenariat stratégique, conclu en février 2008 et dont la feuille de route a été renouvelée dans le cadre de la visite à Paris du Premier ministre roumain, Ludovic Orban, le 26 octobre 2020. En juin dernier, le Président de la République française s'est rendu en Roumanie. Ce déplacement a été l'occasion d'une visite aux troupes françaises déployées en Roumanie au titre du renforcement de la présence de l'OTAN et d'un entretien avec son homologue roumain, Klaus Iohannis.

Ces relations se déploient aussi au plan parlementaire : en juin dernier également, les membres du groupe d'amitié France-Roumanie du Sénat, emmenés par le président du groupe, Bernard Fournier, ont échangé avec de nombreux élus roumains. Les relations bilatérales et les conséquences de la guerre en Ukraine ont été au coeur des discussions. La présidente par intérim du Sénat roumain, Alina Gheorgiu, vient d'être reçue mardi dernier par le président du Sénat Gérard Larcher ; notre collègue vice-président de la commission André Reichardt a participé à cet entretien, alors que j'étais en déplacement en Irlande et au Royaume Uni pour examiner les suites du Brexit, avec mes collègues de la commission des affaires étrangères. C'est dire si notre coopération parlementaire est chaleureuse, intense et suivie, comme le démontrent au surplus votre visite d'hier et notre rencontre d'aujourd'hui.

Il en va de même de notre coopération décentralisée. En effet, à la veille des sixièmes assises de la coopération décentralisée franco-roumaines qui se tiendront à Brasov, en Roumanie, du 3 au 5 novembre, il importe de rappeler ici, dans cette chambre qui assure la représentation constitutionnelle des collectivités territoriales, la vitalité de cette coopération, qui s'inscrit dans le cadre du « partenariat stratégique » entre nos deux pays.

En effet, les actions menées dans ce cadre peuvent s'appuyer sur cette coopération très dense : avec plus de 211 partenariats de coopération dont 85 projets de coopération décentralisée, 126 jumelages et 4 partenariats dans le cadre d'autres actions extérieures, la Roumanie est un partenaire majeur des collectivités territoriales françaises.

Quels sont, pour vous, les domaines prioritaires et les pistes d'amélioration que vous attendez de cette coopération ?

Il est enfin un point de vigilance et d'attention particulière que je veux évoquer in fine, parce qu'il me tient particulièrement à coeur : c'est celui de la coopération culturelle et linguistique. La Roumanie a des liens culturels anciens et étroits avec la France. Membre de l'Organisation internationale de la francophonie depuis 1993, la Roumanie, pays de langue et de racines latines, se distingue par une francophonie particulièrement dynamique. L'enseignement du français y est vivace : notre langue y est la deuxième langue étrangère la plus apprise après l'anglais. Et je considère qu'il est de notre responsabilité de parlementaires de stimuler et d'encourager ce dynamisme, notamment au niveau des usages des institutions européennes. Nous, Roumains et Français, savons par notre riche patrimoine linguistique, mais aussi, naturel, culturel, historique et monumental, que la première richesse et l'atout décisif de l'Europe résident dans cette diversité culturelle et linguistique dont nous connaissons et promouvons sans cesse la valeur : l'Europe unie, certes, mais dans la diversité ! Telle est la force de notre Union. Je serais donc heureux d'échanger avec vous sur les moyens que nous pourrions mobiliser ensemble pour défendre le multilinguisme en Europe.

Debut de section - Permalien
Angel Tîlvãr, président de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

Merci pour ce que je pourrais appeler une déclaration de clôture, synthèse de notre relation d'amitié. Si je devais parler de l'héritage culturel commun qui lie la Roumanie à la France, je pourrais vous partager autant de choses que ce que mon collègue Robert Marius Cazanciuc prévoit d'écrire dans son livre, mais je m'abstiendrai.

En revanche, mers chers amis, nous sommes en tant que parlementaires les maillons d'une chaine de coopération et nous possédons des atouts par rapport à d'autres interlocuteurs pour couvrir tous les sujets de coopération. Nous sommes au contact direct de nos concitoyens, et nous pouvons prendre la parole au nom et pour les citoyens. Je crois que jamais les commissions parlementaires n'ont eu un rythme de travail aussi important. Je suis fier de prendre part à ce processus. Le fait que, lors de ce déplacement, nous ayons pu rencontrer des maires et des citoyens sur leur territoire est un élément clé de notre mandat et un progrès dans la diplomatie parlementaire. J'aimerais que nous puissions continuer sur cette voie, à condition que nous soyons réélus évidemment. Je suis convaincu que cette approche peut contribuer à notre rapprochement.

S'agissant de nos débats d'aujourd'hui, nous pouvons voir que nous n'avons pas de points de contentieux. Peut-être s'agit-il là d'une forme de politesse française, mais c'est sans doute aussi grâce au fait que nous travaillons ensemble. Nous avons découvert que nous partageons beaucoup de points de vue et nous pouvons en être fiers. La saison culturelle franco-roumaine à laquelle notre collègue a apporté une grande contribution fut un succès. Toute personnalité marquante de la culture roumaine du 20ème siècle a d'une manière ou d'une autre un lien avec la culture française, soit par sa formation, soit par la tribune qu'il a pu trouver en France depuis laquelle s'exprimer.

Concernant la question du multilinguisme, Ferdinand de Saussure disait « qui communique, se communique ». Je crois qu'il y a peu de Roumains qui, sans nécessairement avoir étudié le français, ne puissent saisir le thème d'une conversation. Être francophone en Roumanie semble être une donnée initiale. Ce n'est pas quelque chose d'imposé, il s'agit d'un choix fait en confiance et un élément d'appartenance pour le peuple roumain. C'est sans doute comme cela que nous pouvons expliquer le soutien dont nous avons bénéficié de votre part depuis le début de nos démarches au niveau de l'Union Européenne. Grâce aussi à votre aide, le roumain est aujourd'hui une des langues de l'Union européenne. Je crois que c'est une victoire que l'Union européenne dispose d'une telle diversité linguistique, nous ne devons pas en avoir peur et, en tant que parlementaires, nous devons encourager les citoyens à s'intéresser à chaque culture. J'ai pu par exemple constater que des Roumains ayant émigré dans votre pays et désireux de s'y intégrer négligent d'enseigner le roumain à leurs enfants et se retrouvent dans une situation regrettable pour un éventuel retour au pays. Malgré le prestige de la culture française, la richesse des langues européennes ne doit pas être perdue, d'autant plus que la Roumanie n'est pas en reste du point de vue culturel. Pouvoir consulter des textes dans leur langue originale restera toujours la meilleure voie d'accès. Voilà ce que je pouvais dire sur ce sujet, et, pour conclure, je réitère mon appel à faire usage de notre statut de parlementaire pour faire la promotion du multilinguisme et de la diversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Messieurs les Présidents, mes chers collègues, je n'oublierai pas que c'est sous la présidence roumaine du Conseil de l'Union européenne en 2019 qu'ont abouti les travaux législatifs concernant la protection des droits d'auteurs. C'est bien le droit d'auteur qui fonde le principe de défense culturelle et linguistique. Merci à la Roumanie d'avoir mené à son terme un texte qui est essentiel pour la défense de l'exception culturelle.

À travers la langue, c'est le patrimoine immatériel dont on parle. Je voulais concentrer mon propos sur le patrimoine matériel pour lequel notre commission à la faveur de la présidence française du Conseil de l'Union européenne a fait un important travail dressant un état des lieux des politiques européennes de soutien au patrimoine des États membres. Il s'agit d'une compétence des États membres, mais nous avons considéré, dans notre rapport, que notre patrimoine commun méritait un accompagnement plus stratégique, plus lisible, plus coordonné et renforcé, à l'heure où l'on constate qu'il constitue une des richesses de l'Union européenne et où il est menacé. La guerre en Ukraine est aux portes de l'Europe, mettant ce pays en première ligne de défense de l'Europe, de ses valeurs et de ses cultures. Cela nous rappelle à quel point l'équilibre est fragile. Nous avons voulu, en transmettant les propositions de notre rapport à la présidence française puis tchèque, plaider pour une politique plus affirmée de soutien au patrimoine européen. Rien ne s'y oppose dans les textes fondateurs de l'Europe, où les mots culture et patrimoine apparaissent d'emblée. Nous voulions savoir si la Roumanie partage cet objectif de défense du patrimoine comme un axe fort, revendiqué comme tel, et si nous pouvons porter ensemble ce sujet auprès de la Commission européenne afin d'obtenir une compétence stratégique et des moyens renforcés.

Debut de section - Permalien
Vlad-Mircea Pufu, secrétaire de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

J'ai la chance de faire partie de la commission de la culture du Sénat roumain dont je suis un membre actif. Journaliste de formation, je me suis longuement préoccupé des questions culturelles. La Roumanie détient un vaste patrimoine culturel que nous essayons de mettre en valeur dans le cadre du plan national de relance et de résilience. Avec les déplacements effectués en France, en Italie et en Autriche, nous avons découvert des trajets culturels et touristiques très intéressants, tels quel celui proposé dans la vallée de la Loire. Nous avons essayé, pour la première fois, de mettre en place dix parcours touristiques en Roumanie, promouvant par exemple la richesse gastronomique autour de visites de monastères et d'anciens palais. Avec les fonds reçus, nous avons lancé des campagnes de restauration des monuments afin de mettre en valeur notre patrimoine. Au niveau européen, le patrimoine et le tourisme culturel sont très bien valorisés. Nous essayons de rattraper notre retard en la matière. Nous travaillons notamment à la conservation et la préservation du delta du Danube qui représente un chapitre à part entière parmi les parcours touristiques que nous mettons en place.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Quelle est la part du secteur touristique et du tourisme culturel en Roumanie ?

Debut de section - Permalien
Vlad-Mircea Pufu, secrétaire de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

Le tourisme culturel est en développement en Roumanie, nous n'en sommes qu'au début. Nous essayons de lui donner une identité, d'en dessiner les contours et de le formaliser comme programme. Le tourisme en Roumanie est une composante non négligeable pour le PIB dont il représente 5%. Durant la pandémie, le tourisme interne a augmenté mais le marché reste encore inexploité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Je vous remercie vivement pour cet échange. Depuis que je suis président de cette commission, c'est à dire depuis octobre 2020, c'est le troisième échange fourni que nous avons avec la commission des affaires européennes du Sénat roumain. Nous nous enrichissons à chaque fois de nouvelles perspectives et de nouvelles opportunités. Je vous remercie encore d'être venus jusqu'en France pour nous rencontrer. C'était un moment de partage très agréable, avec beaucoup de points convergents. Il est important de pouvoir travailler ensemble au préalable afin d'avancer dans le futur.

Nous pourrions revenir en Roumanie sur une thématique axée sur l'éducation. J'avais regretté de ne pouvoir me rendre à une rencontre organisée avec 3000 étudiants français en Roumanie, et également au lycée français. Cette nouvelle visite permettrait également, si c'est encore d'actualité malheureusement, de rencontrer nos soldats sur place. Elle pourrait également être l'occasion de se rendre sur la côte pour faire un état des lieux des problèmes que vous rencontrez sur la mer Noire, dus à l'érosion et à une pollution assez fortes.

Je me félicite que les commissions des affaires européennes de nos deux chambres entretiennent ainsi un dialogue régulier qui contribue à nourrir l'amitié précieuse qui unit nos deux pays. Vive l'Europe et vive l'amitié franco-roumaine !

Debut de section - Permalien
Angel Tîlvãr, président de la commission des affaires européennes du Sénat roumain

Merci. Je commencerai par la fin : vive la France, vive l'Europe et vive l'amitié franco-roumaine ! Je dirais aussi que ce fut une rencontre aisément organisée : il est facile de discuter lorsque nous sommes entre amis et d'aller au coeur des sujets.

Il est vrai qu'après le delta du Danube, la mer Noire est un lieu de grand intérêt en tant que zone géostratégique en raison de la guerre en Ukraine. La zone du Danube est également très intéressante du point de vue de la biodiversité et du climat. Je me réjouis, par ailleurs, de l'intérêt que vous manifestez pour rencontrer ceux qui aident à la défense de la frontière orientale de la Roumanie.

Soyez les bienvenus en Roumanie à chaque fois que vous pouvez y venir. Pour nous, cette visite a été particulière, et nous en garderons un très bon souvenir.

Debut de section - Permalien
Robert Marius Cazanciuc, vice-président du Sénat roumain

Je pense que la proposition d'une prochaine rencontre axée sur l'éducation est très intéressante. Au-delà des projets économiques ou politiques, dans la relation bilatérale entre la Roumanie et la France, il me semble que l'histoire commune nécessite un projet d'une certaine magnitude dans le domaine de l'éducation.

La réunion est close à 16 h 25.