Intervention de Jacques-Bernard Magner

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 novembre 2022 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2023 — Crédits « jeunesse et vie associative » - examen du rapport pour avis

Photo de Jacques-Bernard MagnerJacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis sur les crédits Jeunesse et vie associative :

Le programme 163 est doté, dans le projet de loi de finances pour 2023, de 837,08 millions d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de 65 millions d'euros, soit de plus de 8 % par rapport à l'année dernière.

Mais une fois encore, l'augmentation de ce budget pour l'année à venir demeure en grande partie absorbée par la montée en charge du service national universel. Les crédits qui y sont consacrés augmentent de 30 millions d'euros, alors même que la mise en oeuvre et la pérennisation de ce dispositif suscitent encore de nombreuses questions. J'y reviendrai.

Les crédits en faveur du service civique inscrits dans le programme 163 sont également en augmentation. Une enveloppe complémentaire de 20 millions d'euros doit permettre à l'Agence du service civique de poursuivre ses activités en 2023.

Toutefois, cette évolution favorable du budget doit être nuancée ; il ne faut pas oublier que le service civique bénéficiait également l'année dernière de 201 millions d'euros supplémentaires issus du Plan de relance. Si l'Agence du service civique assure pouvoir continuer de mener à bien ses missions en 2023 dans ces conditions, je regrette tout de même que ces crédits ne soient pas pérennisés. Le service civique est pourtant un dispositif pertinent, qui démontre chaque année son efficacité en termes d'accompagnement des jeunes, d'insertion et d'engagement.

Ce budget pour 2023 appelle également deux autres remarques générales :

- Tout d'abord, l'effort en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire doit être souligné. En 2023, une enveloppe complémentaire de 6,8 millions d'euros permettra, d'une part, de financer les mesures relatives aux Assises de l'animation annoncées par la secrétaire d'Etat Sarah El Haïry en février dernier. Ces mesures ont notamment pour ambition de renforcer l'accès à la formation et d'améliorer la qualité de l'emploi pour les animateurs professionnels. Ces crédits permettront aussi, d'autre part, de financer le « plan mercredi ». Ce plan, pour rappel, vise à permettre à tous les enfants d'accéder à des activités éducatives organisées en lien avec le temps scolaire.

J'attire un instant votre attention sur la pérennisation des postes créés pendant la crise sanitaire pour le dispositif « Fonjep Jeunes ». Je vous rappelle qu'en 2021 et 2022, un soutien renforcé avait été apporté aux associations intervenant dans les champs de la jeunesse et de l'éducation populaire avec le subventionnement de 2 000 « postes Fonjep » supplémentaires sur le Plan de relance. Leur financement est désormais intégré au sein du programme 163. Ces postes Fonjep sont particulièrement importants : ils sont attribués pour trois ans, ce qui offre une certaine visibilité à long terme pour l'association bénéficiaire.

- Toutefois, les crédits en faveur du développement de la vie associative sont en baisse pour 2023, sous l'effet notamment de la diminution des crédits consacrés au compte d'engagement citoyen. En effet, le dispositif a été moins sollicité que prévu par les bénévoles éligibles.

Cette baisse du budget alloué au monde associatif est particulièrement préoccupante. Plus que jamais, il m'apparait au contraire essentiel de renforcer davantage le soutien aux associations, qui peinent à retrouver leur dynamisme d'avant-crise. Le secteur associatif a perdu environ 15 % de ses bénévoles entre 2019 et 2022 !

Par ailleurs, l'activité bénévole est souvent trop peu valorisée en dehors de la sphère associative. Le bénévolat doit être davantage reconnu et encouragé.

Si des dispositifs à destination des bénévoles existent, à l'instar du CEC, du passeport bénévole ou encore du congé engagement, ils demeurent trop faiblement utilisés par les bénévoles éligibles, car peu connus par ces derniers.

Au lendemain d'une crise sanitaire qui les a durement éprouvées, les associations se heurtent désormais à une véritable crise du bénévolat, à laquelle vient s'ajouter la crise énergétique. Le tissu associatif local en est fortement fragilisé et doit plus que jamais être soutenu.

Aussi, face aux besoins croissants, je regrette que le montant alloué au FDVA soit à nouveau en stagnation. Le FDVA est pourtant un outil financier majeur pour la promotion et le développement de la vie associative.

En 2021, le « FDVA 1 » a permis de former près de 240 000 personnes. Toutefois, les possibilités de formation offertes restent en deçà des demandes des bénévoles puisque seulement 66% du nombre de bénévoles demandeurs a pu accéder aux formations proposées durant l'année.

Depuis 2018, vous le savez, le FDVA s'est vu confier la responsabilité d'attribuer aux associations les fonds anciennement versés au titre de la réserve parlementaire.

Ainsi, les crédits du « FDVA 2 » - destinés au soutien aux projets et à l'innovation - permettent aux petites associations de tous les territoires d'effectuer des demandes de subventions.

Mais ce dispositif est très lourd pour les petites associations et manque de lisibilité. Son efficacité n'est pas satisfaisante : en 2021, 46,85 millions d'euros ont été accordés et versés, représentant seulement 38 % du montant total demandé. Plus d'une association sur 5 ayant présenté une demande s'est vu refuser un financement.

Par ailleurs, le FDVA bénéficie également depuis 2021 d'un abondement annuel venant des comptes inactifs des associations en déshérence. La quote-part est aujourd'hui fixée à 20 %. Cela représente 17,5 millions d'euros pour 2023, comme en 2022. Une hausse de cette quote-part me parait indispensable pour répondre à l'ensemble des demandes et prévenir les difficultés à venir, face à l'inflation et aux coûts supplémentaires auxquels les associations vont devoir faire face dans les prochains mois.

J'aimerais maintenant revenir au service national universel. Eu égard aux modalités de déploiement du dispositif cette année, je suis particulièrement sceptique quant à sa montée en charge.

Premier constat : trois ans après sa première expérimentation, le dispositif peine encore à décoller. Concernant la phase 1 et pour la première fois cette année, trois sessions ont été organisées en février, juin et juillet. Pourtant, seulement 32 000 volontaires ont effectué un séjour de cohésion en 2022, loin de l'objectif de 50 000 volontaires fixé initialement. Le gouvernement vise pour 2023 le nombre de 60 000 volontaires effectuant la phase 1 du SNU. Au vu du peu d'engouement suscité depuis sa mise en place, cet objectif me parait une nouvelle fois bien trop ambitieux.

Je m'inquiète également du recours massif au Contrat d'engagement éducatif pour recruter les encadrants du séjour de cohésion. Ce type de contrats permet à ceux qui en bénéficient de participer occasionnellement à des fonctions d'animation ou de direction d'un accueil collectif de mineurs à caractère éducatif, à l'occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs. Il est mobilisable pour une période maximum de 80 jours sur une période de 12 mois. Il n'est en aucun cas adapté aux particularités et aux exigences du SNU.

Quant à la phase 2, c'est-à-dire, la mission d'intérêt général pendant 15 jours ou 84 heures, trop de peu de jeunes encore la réalisent. À ce jour, seulement 3,5 % des volontaires ayant effectué l'un des trois séjours de cohésion en 2022 ont réalisé leur MIG et 40 % sont en cours de recherche ou de réalisation !

Parmi les principaux freins, les jeunes ne repèrent pas toujours les structures susceptibles de les accueillir, ou font face à une offre limitée sur leur territoire et à des problèmes de mobilité.

Dans ces conditions, la montée en charge du dispositif interroge. Je l'avais déjà indiqué l'année dernière : il est urgent d'avoir une réflexion de fond sur les objectifs du SNU et sur son déploiement à long terme.

Il pourrait par exemple être opportun de réformer le contenu des séjours de cohésion pour le rapprocher de celui de la session de formation générale au BAFA. Cela pourrait permettre aux volontaires d'obtenir, à l'issue de la phase 1 du SNU, la qualité d'animateur stagiaire. Un tel rapprochement permettrait d'encourager fortement les participants au SNU à poursuivre ensuite la formation pour obtenir le BAFA et permettrait ainsi d'enclencher une nouvelle dynamique au sein des deux dispositifs.

Je terminerais d'ailleurs en évoquant la situation inquiétante du BAFA, qui connait depuis plusieurs années une baisse drastique du nombre de candidats.

Si l'année 2021 a vu une hausse de 8 % du nombre de brevets délivrés, le niveau d'avant la crise est loin d'avoir été retrouvé, sachant que le nombre de brevets délivrés avait déjà fortement baissé entre 2016 et 2019.

Comme je l'indiquais, des aides ont déjà été mises en place dans le cadre des assises de l'animation. Parmi elles, une aide exceptionnelle a été accordée en 2022 à 20 000 jeunes qui terminent leur formation BAFA et l'âge minimum d'entrée en formation a été abaissé à 16 ans. Ces initiatives doivent être saluées.

Mais face à l'ampleur des besoins, il est essentiel de redonner encore davantage aux jeunes l'envie de s'investir dans ces secteurs en crise.

La rentrée scolaire 2021 a été marquée par de grandes difficultés de recrutement dans le secteur des accueils collectifs de mineurs - 80 % des opérateurs ayant éprouvé des difficultés pour recruter de la main-d'oeuvre.

C'est notamment le cas des colonies de vacances. Or, la diminution du nombre de départs en colonie de vacances a également des conséquences, à moyen terme, sur le nombre de candidats en BAFA, la plupart des candidats ayant déjà participé à des séjours collectifs. Il m'apparait donc important de soutenir également la dynamique des colonies de vacances pour élargir le vivier de candidats potentiels au BAFA. C'est pourquoi je tenais à réitérer mon appel à la création d'un « pass colo » à destination des enfants de 9 à 11 ans, soit de CM1/CM2, afin d'inciter et soutenir financièrement le départ des enfants en séjours collectifs.

Je conclurais donc en rappelant que les crédits du programme 163 sont en augmentation pour 2023. Néanmoins, je suis sceptique sur l'utilisation de ces millions d'euros supplémentaires, dont une majorité pourrait à mon sens être mieux utilisée en faveur d'autres dispositifs du programme. C'est la raison pour laquelle je propose que notre commission s'en remette à la sagesse du Sénat.

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